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Alexandre Ier
Alexandre Ier (1801-1825) succéda à Paul Ier, entouré d'une popularité qui, sauf de rares moments d'hésitation, ne fit que croître jusqu'en 1815. D'une part, en effet, les guerres napoléoniennes se terminèrent par la défaite de la France (La campagne de Russie), la conquête de l'ancien grand-duché de Varsovie, et l'acquisition d'une sorte d'hégémonie européenne; entre temps, le rapprochement avec la France, après Tilsit, avait valu aux Russes la Finlande, enlevée aux Suédois (traité de Frederikshamn, 1809), et la Bessarabie, enlevée aux Turcs (traité de Bucarest, 1812). D'autre part, le gouvernement d'Alexandre put sembler à beaucoup de Russes, en ces premières années, la réalisation de l'idéal de réformes que le règne de Catherine II avait fait miroiter devant eux Les proscrits de Paul Ier rentrèrent chez eux; il n'y eut plus, sauf de rares exceptions, des disgrâces violentes : les livres et les journaux jouirent d'une liberté jusqu'alors inconnue : l'instruction publique, reçut ou parut recevoir un grand développement. Un ministère spécial lui fut attribué; des universités nouvelles s'ouvrirent (Kharkov, Kiev, Kazan), le lycée de Tsarskoé-Selo, dont le grand poète Pouchkine devait être un des premiers élèves, fut ouvert en 1811, dans une des anciennes résidences de Catherine II. En même temps, un ministre réformateur, d'origine plébéienne, Speranski, travaillait à refondre les lois sur le modèle des codes français; on agitait le projet de la création d'un Conseil d'empire, destiné à prévenir les abus de l'autocratie: Alexandre Ier ne se disait-il pas, de bonne foi (?), le seul républicain de son empire! En réalité, le Conseil d'empire ne fut qu'une, chambre d'enregistrement : Speranski fut disgracié dès 1810; les universités nouvelles n'existèrent longtemps que sur le papier, sans maîtres et sans élèves. Peu importait du reste, tant que la guerre contre Napoléon étouffait tout sentiment autre que l'exaltation patriotique. Mais après 1815, l'opinion publique - celle du moins de la partie éclairée de la nation - réclama impérieusement les réformes libérales qui devaient être la récompense des épreuves subies par la Russie.

Alexandre Ier, parut disposé un moment à les accorder. Il donna aux Polonais conquis, non seulement l'autonomie, mais encore un gouvernement parlementaire, et l'on put croire, en 1817, qu'il en ferait autant pour la Russie. Mais, à partir de 1817, sous l'influence de Metternich, il devint de plus en plus réactionnaire. Au dehors, il mit les forces russes au service de la contre-révolution; en Russie, il punit durement la sédition du régiment Semenovski, provoquée par les cruautés de son chef, le colonel Schwartz, frappe les sociétés libérales, se livre tout entier à l'influence d'une coterie bigote. Découragé, malade, il voulut, en 1825, se rendre en Crimée, et mourut en route à Taganrog.

Nicolas Ier.
Le règne du plus jeune frère d'Alexandre Ier, Nicolas Ier, débute (décembre 1825) par une tentative de révolutions qu'opèrent, à Saint-Pétersbourg, les officiers de plusieurs régiments, soi-disant pour soutenir les droits au trône de l'aîné de Nicolas, Constantin, en réalité pour conquérir à la Russie des institutions libérales. Vaincue, l'insurrection est sévèrement réprimée, et cette répression imprime au règne de Nicolas le caractère qu'il conservera jusqu'à la fin. A l'extérieur, ce sera la réaction contre toutes les idées libérales, la tyrannie de la Troisième Section (police politique), la surveillance jalouse et tracassière des universités, des journaux, des livres. A l'extérieur enfin, ce sera la continuation de la politique de la Sainte-Alliance.

Ce règne réactionnaire a pourtant son heure libérale. En 1827, la Russie s'unit à l'Angleterre et à la France pour protéger les Grecs révoltés contre les Turcs : après Navarin, elle continue seule la lutte, pour arracher au sultan Mahmoud, en 1829, la paix d'Andrinople qui reconnaît l'indépendance de la Grèce, et, d'autre part, rectifie avantageusement les frontières russes sur le bas Danube et au Caucase. Mais, en 1830, à la nouvelle de la révolution de Juillet, Nicolas rentre dans le rôle qu'il ne quittera plus, de champion des souverains contre les peuples. Il doit abandonner le projet d'intervention en faveur des Bourbons de la branche aînée, partie à raison de la froideur des puissances allemandes, partie à cause de la révolte difficilement vaincue du royaume de Pologne (1830-1832). Le résultat en fut l'incorporation complète du royaume de Pologne dans l'empire russe. 

Cette crise eut pour effet de resserrer l'alliance des puissances continentales : Russie, Autriche, Prusse, affirmée par les entrevues de leurs monarques à Münchengraetz (1833), Teplitz (1831) et Halicz (1835). Le tsar se console de la chute de la dynastie bourbonnienne en accablant d'avanies le gouvernement de Louis-Philippe, au détriment des intérêts russes, et au grand profit de l'Angleterre. Celle-ci entrave les progrès des Russes vers l'Asie; elle secourt Hérat qui repousse l'armée du shah de Perse, protégé de la Russie (1837); elle contribue à l'échec, de l'expédition de Khiva (1839). En 1848 et 1849, Nicolas Ier intervient partout en Europe pour défendre le statu quo territorial et politique; il sauve le Danemark envahi par les Allemands, écrase les Hongrois révoltés contre l'Autriche. En 1852, la crise révolutionnaire terminée, devenu l'arbitre de l'Europe, il croit le moment venu de reprendre en Orient la traditionnelle politique de la Russie. Mais dès ses premières démarches il se heurte au mauvais vouloir de l'Autriche, à l'hostilité déclarée de l'Angleterre que la France appuie. En 1854, après la mission infructueuse du prince Mentchikov à Constantinople, la guerre éclate avec les Turcs, et la destruction de leur flotte, à Sinope, entraîne l'intervention de la France et de l'Angleterre. D'assaillants qu'ils étaient, les Russes passent à la défensive; les alliés débarquent en Crimée, battent les Russes sur les bords de l'Alma, assiègent Sébastopol  (La Guerre de Crimée). Le siège durait déjà depuis cinq mois, quand Nicolas Ier mourut subitement, laissant la Russie déchue de son hégémonie, envahie par l'étranger, et, d'autre part, travaillée par un désir de réformes que les échecs des armées russes allaient rendre irrésistible.

Alexandre II.
Le premier soin du nouvel empereur, Alexandre II  (1855-1881), devait être de terminer une guerre épuisante pour tous, surtout pour les Russes, et dont les vainqueurs, quels qu'ils fussent, ne pourraient tirer un avantage sérieux. Pour arriver à cette paix nécessaire, il  fallut des mois de négociation laborieuse que vinrent bâter, en septembre 1855, la prise de Malakov par les Français et la chute de Sébastopol. En mars 1865, le traité de Paris neutralisa la mer Noire, interdit aux Russes d'y reconstruire une flotte et des ports de guerre, leur enleva quelques districts de Bessarabie, entre le Pruth, le Danube et la mer. La marche des Russes vers l'Inde est enrayée, et la Perse échappe pour un tiers de siècle à leur hégémonie pour subir l'influence anglaise (1857). Néanmoins l'empire sortait à peu près intact de la guerre, et l'on put estimer que c'était gagner à bon compte la fin de la crise et la possibilité de passer aux réformes intérieures.
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Helsinki : statue d'Alexandre II.
La statue du tsar Alexandre II à Helsinki (Finlande).
Source : The World Factbook.

La plus urgente de ces réformes était l'abolition du servage. Trente millions de paysans russes étaient serfs : il fallait leur donner, et la liberté personnelle, et une part des terres qu'ils occupaient et considéraient - non sans motif - comme leur légitime, propriété. D'autre part, l'Etat ne pouvait songer à ruiner la classe des propriétaires nobles, qui lui fournissait la majorité de ses officiers et de ses fonctionnaires. Pendant deux ans, une commission, dont les inspirateurs furent les slavophiles Tcherkaski et Samarine, travailla à concilier ces prétentions rivales. Enfin, le 19 février 1861, jour anniversaire du couronnement de l'empereur, le manifeste fut lancé qui abolissait le servage : les paysans devinrent, sinon libres, du moins indépendants de leurs anciens seigneurs; une part des terres leur fut attribuée, suivant des conditions de rachat qui, jusqu'à la Révolution soviétique, pèseront lourdement sur beaucoup de villages.

A cette réforme en succédèrent d'autres : réforme administrative qui établit dans les provinces des conseils généraux élus (Zemstvo) avec une large autonomie; réforme judiciaire, qui donna aux magistrats des attributions plus définies, avec plus d'indépendance, créa des juges de paix élus, admit le jury, etc.; réforme, dans un sens libéral, des lois sur la presse, sur l'instruction publique, etc. Toutes ces mesures constituent la page glorieuse du règne d'Alexandre Il. Il convient du reste, de remarquer que plusieurs d'entre elles n'ont pas été complètement appliquées; que, pour beaucoup d'autres, des règlements complémentaires en ont restreint de bonne heure l'étendue. Rien n'est plus instructif, à cet égard, que la suppression de la police politique (Ille section); en dépit de cette suppression, les arrestations et les déportations par voie administrative, sans intervention des tribunaux, ont toujours continué et se sont multipliées par milliers, d'abord à la suite des troubles de Pologne (1862, 1863, 1864), puis des complots nihilistes et des attentats contre le tsar, dans les dernières années du règne.

Au dehors, après la guerre de Crimée, la politique d'Alexandre II, conduite par son chancelier, le prince Gortchakov, ne fut marquée que par des succès. En Orient, la soumission définitive du Caucase (1859), l'annexion du territoire de l'Amour (1858-1860), l'ouverture au commerce russe de la Chine (1860) et du Japon (1855), la conquête de Turkestan (1862- 1873), furent une première compensation aux déboires de la guerre de Crimée. En Occident, l'abaissement de l'Autriche en 1859 et 1866, puis la défaite de la France en 1870, fournirent à la Russie le moyen de faire effacer, sans guerre, la plupart des articles du traité de Paris (Conférence de Londres, 1871). Enfin, en 1877, l'insurrection des Bulgares contre la Turquie lui fournit l'occasion de prendre une revanche définitive. La guerre de 1877-1878 aboutit aux traités de San Stefano et de Berlin, à l'affranchissement de la plus grande partie de la Bulgarie, et au démembrement de la Turquie, sans valoir pourtant à la Russie des avantages directs en rapport avec ses sacrifices d'hommes et d'argent (La Question d'Orient).

Les dernières années du règne sont remplies par le duel du gouvernement et des nihilistes. Aux attentats répondent des proscriptions en masse qui entraînent de nouveaux attentats. Alexandre II venait de changer de système (ministère de Loris-Mélikov, 1880-1881), et peut-être allait-il accorder une constitution à la Russie, quand une bombe nihiliste le tua le 1/13 mars 1881.

Alexandre III.
Le règne de son fils, Alexandre III (1881-1894), débuta par une violente réaction. D'une part, toute velléité de concessions libérales fut abandonnée; de l'autre, les réformes accordées jadis par Alexandre II furent révisées pour la plupart dans un sens très conservateur et très aristocratique : la noblesse reconquit, dans les campagnes, une grande partie de l'autorité que l'abolition du servage lui avait fait perdre. Au dehors, le gouvernement d'Alexandre III fut pacifique, mais en faisant opérer à la politique russe une évolution complète. Sous Alexandre II, elle avait été prussophile : avec Alexandre III, elle se dégage des influences de Berlin et de la politique dite de l'alliance des trois empereurs. La Russie se rapproche de la France; la visite des marins français à Kronstadt et à Saint-Pétersbourg (1891), celle des marins russes à Paris (1893), marquèrent le début de la nouvelle alliance franco-russe, confirmée, après la mort prématurée d'Alexandre ll,  par l'échange de visites entre son successeur Nicolas II et le président Félix Faure (1896-1897). 

Devenue désormais un des pivots de la politique européenne, contre-poids à la triple alliance de l'Allemagne, de l'Autriche et de l'Italie, la Russie semble, à l'époque, être devenue un élément de paix et de stabilité pour l'Europe. Deux causes y contribuent, pour ce qui la concerne : d'abord le développement pris depuis les années 1880 par l'industrie et le commerce russes - à cet essor économique, il faut la sécurité du lendemain - ensuite, l'importance nouvelle des questions asiatiques. Il faut aux Russes leur liberté d'action, du côté de la Chine comme du coté de l'Inde, et, pour cela encore, la paix en Europe leur est nécessaire. 

Nivolas II.
Nicolas II succéda, le 30 octobre 1894, à son père Alexandre III. Dans son manifeste d'avènement, il faisait le serment d'appliquer tous ses soins au développement pacifique de la puissance et de la gloire de la Russie, comme au bonheur de ses fidèles sujets. Il exhortait le peuple à ne pas oublier que 

« la force et la stabilité de la sainte Russie résident dans l'union du peuple avec le tsar, dans le dévouement illimité du premier au second. »
Son premier acte fut de déplacer le général Gourko, gouverneur de Pologne, dont une députation polonaise s'était plainte. A l'extérieur, les relations avec l'Angleterre étaient aussi bonnes que possible; avec l'Allemagne, un Traité de commerce venait d'être conclu. Le règne s'ouvrait sous d'heureux auspices. Les années suivantes ont trompé ces espérances de calme au dedans, de paix au dehors, que ce début avait fait naître.

Le 27 novembre 1895, le tsar épousait la princesse Alix de Hesse. En recevant, à cette occasion, des députations de la noblesse des zemstvos et des municialités des principales villes, il leur dit : 
« Il est venu à ma connaissance que récemment, dans quelques réunions des zemstvos, on s'est permis de folles fantaisies quant à la participation des représentants des zemstvos à l'administration intérieure de l'Etat. Sachez tous que je voue toutes mes forces au bien de mon peuple; mais que je maintiendrai le principe d'autocratie aussi fermement, inflexiblement que l'a fait mon père regretté. »
De Giers, qui depuis le traité de Berlin (1875) avait été le directeur de la politique étrangère de la Russie, meurt le 27 janvier, au cours des négociations relatives à la délimitation des sphères d'influence anglaise et russe dans la région du Pamir. Le 11 mars, le prince Lobanof, ambassadeur à Berlin, prend sa succession.

Le 26 mai 1896, Nicolas II était solennellement couronné Moscou; les fêtes durèrent du 18 mai au 7 juin. Suivant l'usage, amnistie et remise de taxes ou de dettes à l'Etat. Le 31 mai, dans la plaine de Khodynskoïé, où des milliers d'échoppes avaient été dressées pour la circonstance, on distribuait au peuple, au nom du tsar, des quantités de victuailles et de boissons; la foule fut telle, et telle la poussée, que près de 3000 personnes furent foulées aux pieds.

Le prince Lobanof avait accompagné à Vienne le tsar et la tsarine, le 25 août. Il retournait, le 30, à Saint-Pétersbourg, et on disait qu'il avait réussi à établir avec le comte Goluchowski un accord austro-russe sur les affaires d'Orient, lorsqu'il mourut subitement en chemin de fer, à Kiev. Le tsar poursuivit néanmoins son tour d'Europe en compagnie de Chichine, adjoint au ministre des affaires étrangères; il rencontra l'empereur allemand à Breslau (Wroclaw). Il arrivait à Balmoral le 27 pour faire visite à la reine Victoria. Le 5 octobre, le couple impérial était reçu à Paris avec un enthousiasme extraordinaire : il présida à la pose de la première pierre du pont Alexandre-III; une revue de 70.000 hommes eut lieu en son honneur au camp de Châlons.

Le prince Mouraviev, ambassadeur à Copenhague, nommé ministre des affaires étrangères (11 janvier 1897), en remplacement du prince Lobanof, se rend aussitôt à Paris, où il est reçu par le président Faure. L'empereur et l'impératrice d'Allemagne, rendant leur visite au tsar et à la tsarine, arrivent à Kronstadt le 7 août 1897; le couple impérial les reçoit et les conduit à Péterhof.

Vingt jours après, à un lunch d'adieu donné à bord du Pothuau, le tsar et le président de la République française déclaraient que " les deux nations amies et alliées " préserveraient autant que possible la paix du monde. D'ailleurs, les manifestations amicales entre la France et la Russie se sont renouvelés périodiquement : en août 1899, Delcassé, ministre des affaires étrangères, va à Saint-Pétersbonrg; en octobre, le comte Mouraviev lui rend sa visite à Paris; Delcassé retourne en avril 1901 dans la capitale russe et, à la fin de septembre, Nicolas II vient assister aux manoeuvres navales et militaires de Dunkerqueet de Reims. Les mots : "les deux nations amies et alliées" se retrouvent dans tous les toasts échangés enture le tsar et le président Loubet. Ce dernier se rend en mai 1902 à Saint-Pétersbourg, où il est accueilli avec enthousiasme. Le roi d'Italie y arrive à son tour deux mois après, en compagnie de son ministre des affaires étrangères, Prinetti. C'était au lendemain du renouvellement de la triple alliance.

L'année 1899 a vu se réunir à La Haye la conférence de la paix, due à l'initiative du tsar. En avril 1900, un emprunt russe de 1200 millions avait été souscrit plusieurs lois en France, en Angleterre et aux Etats-Unis, l'Allemagne n'y avant pas participé. (Haumant / NLI).

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