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Chantilly

Chantilly (Cantiliacum) est une jolie petite ville du département de l'Oise, à 40 kilomètres au Nord de Paris, sur les bords de la Nonette, affluent de l'Oise; population : 10 900 habitants.

Dès le Xe siècle, il est fait mention de la châtellenie de Chantilly; Rothold, de la maison des comtes de Senlis, en était seigneur en 990. Au commencement du siècle suivant, le domaine appartenait à la famille des Bouteiller de Senlis, dans laquelle il resta jusqu'au milieu du XIVe siècle. A ce moment, Guillaume IV le Bouteiller le céda à son beau-frère, Jean de Clermont, maréchal de France, tué à la bataille de Poitiers, qui le laissa par testament à Jean de Laval, seigneur d'Attichy, d'où il passa au neveu de ce dernier, Guy de Laval. Celui-ci le vendit, en 1386, 8000 tournois d'or à Pierre d'Orgemont, chancelier de France. 

En 1429, sous Pierre III d'Orgemont, la forteresse de Chantilly, alors occupée par les Anglais, fut remise à Charles VII, lorsque ce prince eut repris Compiègne. Pierre III étant mort sans enfants, le domaine passa à Guillaume, son neveu, fils de sa soeur Marguerite, mariée en secondes noces à Jean II de Montmorency, grand chambellan de France, puis au fils de Guillaume, Anne, qui y naquit en 1493. C'est en sa faveur que fut érigé, en 1551, le duché-pairie de Montmorency; Chantilly était alors une châtellenie. 

Le connétable mourut en 1567, Après lui, Chantilly appartint successivement à ses deux fils, François et Henri, et à son petit-fils, Henri, deuxième du nom; ce dernier, ayant été pris en état de rébellion ouverte contre le roi à la bataille de Castelnaudary, et condamné à être décapité (1632), Chantilly fut attribué à Charlotte de Montmorency, soeur du condamné et femme de Henri de Bourbon, prince de Condé. Mais le roi s'en réserva provisoirement la jouissance, sans l'unir à son domaine. A la mort de Louis XIII, le prince et la princesse de Condé en reprirent possession, et la jouissance leur en fut solennellement confirmée par lettres-patentes enregistrées le 24 novembre 1643. Leur fils, Louis de Bourbon, dit le Grand Condé, perdit de nouveau Chantilly pendant son alliance avec les Espagnols, mais il fut remis en possession dès qu'il rentra en grâce à la paix des Pyrénées, en 1659, et depuis il y résida presque constamment. Il y fit des embellissements considérables. 

Son fils Henri-Jules, son petit-fils Louis III, son arrière-petit-fils Louis-Henri, dit Monsieur le Duc, continuèrent ces embellissements. Les derniers Condé, propriétaires de Chantilly, furent Louis-Joseph, mort en 1818, et son fils, Louis-Henri-Joseph (père du malheureux duc d'Enghien), lequel laissa en mourant (1830) le domaine à son petit-neveu et filleul Henri d'Orléans, duc d'Aumale. Un décret du prince Louis-Napoléon ayant obligé, après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, le duc d'Aumale à aliéner Chantilly, il le vendit, le 30 octobre 1852, à deux Anglais, Marjoribanks et Antrobus, aux héritiers desquels il a pu le racheter en 1873, lorsque la République lui eut rouvert les portes de la France. 

Après cette époque, le duc d'Aumale n'a pas cessé de donner tous ses soins à l'embellissement de Chantilly et, comme nous le verrons plus loin, il a reconstruit entièrement le grand château. Enfin, par un testament en date du 3 juin 1884, transformé en un acte de donation le 25 octobre 1886, le duc d'Aumale a donné à l'Institut de France, auquel il appartient encore aujourd'hui, le domaine de Chantilly, d'une superficie de plus de 9000 hectares, les divers châteaux et toutes les collections qu'ils contiennent, à la charge de les conserver à perpétuité dans leur destination actuelle et d'acquitter sur les produits des immeubles donnés, certains legs de bienfaisance et d'encouragement aux lettres, aux sciences et aux arts. Le prince se réserva l'usufruit du domaine et des châteaux, ainsi que le droit de les compléter par tous les travaux qu'il jugerait nécessaires.

Château de Chantilly. 
Un rocher triangulaire isolé au milieu des marécages de la Nonnette, marécages transformés depuis en magnifiques pièces d'eau, telle fut sans doute l'origine de la construction du château de Chantilly. Les Bouteiller y avaient remplacé, dès le XIIe siècle, par un manoir fortifié la tour qui, d'après la tradition, y existait antérieurement. Ce manoir fut reconstruit deux cents ans plus tard, mais conserva son caractère de forteresse féodale. C'est le connétable Anne de Montmorency qui commença à donner sa splendeur à ce château désormais historique. En 1538, il résolut de le rebâtir en le modernisant; il en confia les plans à l'architecte Jean Bullant qui laissa à l'extérieur l'aspect Moyen âge, tandis qu'il donna aux façades intérieures le style de la Renaissance
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Chantilly : le château.
Le Château de Chantilly.

De plus, comme le rocher primitif, même complètement utilisé pour les constructions nouvelles, ne suffisait plus à loger la nombreuse famille du connétable et les deux maisons, civile et militaire, qui composaient une véritable cour, l'architecte jeta sur la face Sud-Est du triangle un pont rejoignant un terre-plein très en contrebas, et y édifia ce charmant palais annexe, heureusement conservé intact, qui se nomma d'abord la Capitainerie, puis le Châtelet. Henri Il de Montmorency, dont nous avons rappelé plus haut la fin lamentable, avait épousé une Orsini, connue en France sous le nom de Marie-Félix des Ursins, célébrée à Chantilly sous celui de Sylvie; c'est elle qui construisit, au commencement du XVIIe siècle, les grands escaliers enrichis de statues et de groupes allégoriques dans le goût italien, qui conduisent de la terrasse du connétable aux jardins.
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Chantilly : le château.
Le Château de Chantilly sous un autre angle.
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A la fin du même siècle, le grand Condé remania Chantilly dans le goût du temps, sous la direction de Mansart; le grand château fut consacré aux réceptions et ses sous-sols au service de bouche; le prince se réserva le châtelet pour sa résidence particulière. Le duc de Bourbon (Louis-Jules-Henri), construisit de 1719 à 1735, sur les dessins de Jean Aubert, les magnifiques écuries, le manège, et leurs vastes dépendances. C'est lui aussi qui modifia encore une fois le grand château en 1718 et qui créa la grande rue du village, lequel, par ses soins, commença à prendre alors de l'importance. Son fils, Louis-Joseph, éleva en quatre mois, en 1772, a l'occasion de la naissance de son petit-fils le duc d'Enghien, le château de ce nom, grand bâtiment qui peut avoir son utilité au point de vue des logements, mais dont la longue façade dépare quelque peu la terrasse du connétable.
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Chantilly : les Grandes Ecuries.
Les Grandes Ecuries et l'hippodrome; ci-dessous, le manège central
et, à droite, un détail de son ornementation.
Chantilly : le manège (grandes écuries).
Chantilly : ornementaion du manège.

A la Révolution et après l'émigration des princes et la formation de l'armée dite de Condé, le château de Chantilly fut dévasté et converti en prison, la statue du connétable fut détruite, les collections dispersées ou pillées; le domaine fut dépecé par la Bande noire et le château, vendu nationalement, fut condamné à disparaître. Déjà le grand château, sauf ses indestructibles soubassements, était démoli, quand on s'avisa que les acquéreurs n'avaient pas rempli toutes les conditions de leur marché avec l'Etat; le ministre de la guerre intervint et réclama les bâtiments restants pour en faire une caserne de cavalerie; c'est ainsi que le châtelet, les écuries et le château d'Enghien furent sauvés de la destruction. En dehors de quelques réparations indispensables et d'une restauration incomplète du châtelet pour le rendre habitable lors du retour des princes, Chantilly ne fut l'objet d'aucun travail important jusqu'au moment où il devint, comme nous l'avons vu, la propriété du duc d'Aumale.

Ce prince avait toujours désiré pouvoir reconstruire le grand château, et dès que l'établissement de la République lui eut permis de se réinstaller en France, il confia les plans de cette reconstruction à Henri Daumet. L'architecte avait tout d'abord à tenir compte des points suivants : obligation de bâtir sur les anciennes fondations assises sur le rocher et faisant masse avec lui; nécessité d'installer les nombreux et inestimables objets d'art recueillis par le prince, dont beaucoup devaient faire corps avec la construction; par contre, les dépendances extérieures du château et notamment le château d'Enghien permettaient de sacrifier presque complètement dans la nouvelle construction la question du logement et de consacrer presque exclusivement l'édifice au musée et aux appartements de réception. En face de la terrasse au milieu de laquelle se dresse de nouveau la statue du grand connétable, l'architecte éleva donc une porte monumentale flanquée de deux galeries à jour latérales qui se terminent, l'une par la tour du connétable, l'autre par la chapelle. Ces grandes galeries donnent de l'air et de la lumière à la cour triangulaire qui, dans les constructions antérieures, était une véritable cour de forteresse. Au fond de cette cour se trouve l'entrée du grand vestibule communiquant, d'une part avec la galerie des Cerfs et par suite avec les autres galeries (peintures, estampes, tribune, galerie de Psyché), la tour du Trésor contenant les pièces de haute curiosité et le logis du prince, d'autre part avec l'étage supérieur du châtelet où se trouvent la bibliothèque, la galerie du prince (tableaux représentant les actions du grand Condé) et divers salons, et enfin, par un escalier monumental en fer à cheval allongé, avec une autre galerie menant à la chapelle.

Il faudrait des volumes pour décrire tous les objets précieux que contient le château de Chantilly devenu, comme nous l'avons dit, par la libéralité du duc d'Aumale, la propriété de l'Institut de la France. Parmi les merveilles du musée Condé, nous citerons seulement les vitraux d'Écouen, représentant le mythe de Psyché (dont Raphaël a dessiné les cartons) et les portraits de Montmorency (1545), les boiseries d'Ecouen, le maître-autel de Jean Bullant et les bas-reliefs de Jean Goujon et de Sarrazin; une série splendide d'anciennes tapisseries; des chefs-d'oeuvre de Raphaël, du Poussin, de Carrache, de Delacroix, d'Ingres, etc.; enfin une magnifique bibliothèque dans laquelle se trouvent les livres les plus rares, les manuscrits les plus précieux, tels celui des Très riches Heures du Duc de Berry, avec ses célèbres miniatures.

Autour du château.
Les jardins de Chantilly, dessinés par Le Nôtre, étaient célèbres dans toute l'Europe. Traversés par le grand canal, long de 3000 m et large de 80, qui s'étend depuis Saint-Firmin jusque près du viaduc de la Canardière (443 m de long sur 23 de haut), ils contiennent encore un grand nombre de sites splendides, parmi lesquels nous citerons seulement les cascades, le hameau et le parc de Sylvie. 

Le parc d'Apremont ou grand parc comprend environ 1000 hectares entourés de murs. 

La forêt de Chantilly, qui fut donnée en jouissance à la reine Hortense pendant le premier Empire, occupe la plus grande partie du domaine actuel. Elle est percée de routes admirables dont les douze principales viennent converger au grandiose carrefour de la Table. Tous les voyageurs qui ont passé en chemin de fer sur le magnifique viaduc, l'oeuvre d'art la plus remarquable de la ligne du Nord, qui franchit à 40 m d'altitude la vallée de la Thève, ont aperçu les étangs de Commelle à l'extrémité desquels s'élève le château de la reine Blanche ou la Loge de Viarmes, joli rendez-vous de chasse restauré dans le style troubadour en 1826, sur l'emplacement présumé d'un petit manoir ayant appartenu à la mère de saint Louis
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Chantilly : les étangs de Commelles.
L'étang de Commelles au bord duquel s'élève le château dit de la Reine Blanche.
Chantilly : le château de la Reine Blanche.

Depuis le XVIe siècle, tous les rois de France sont successivement venus à Chantilly; le connétable de Montmorency y reçut Charles-Quint en 1540; à une époque plus récente, les Condé y donnèrent l'hospitalité à Joseph II, empereur d'Allemagne, à Christian VII du Danemark, à Paul Ier de Russie, à Gustave III de Suède, etc.

Les courses de Chantilly, fondées sous le haut patronage du duc d'Orléans, ont lieu depuis 1834 sur la grande pelouse de plus de 50 hectares de superficie, et située devant les Grandes écuries. Au point de vue du sport, Chantilly a en France une importance comparable à celle de Newmarket en Angleterre. C'est le principal centre d'entraînement des chevaux de course. Le nombreux personnel des diverses écuries établies à Chantilly et aux environs forme une partie importante et tout à fait caractéristique de la population de Chantilly.

La ville.
Chantilly, en tant que lieu habité, se composa uniquement, pendant des siècles, du château et de ses dépendances. A la fin du XVIIe siècle, le village comprenait à peine vingt habitations particulières; on n'y comptait que cent cinquante feux au milieu du XVIIIe siècle, et 1000 à 1200 habitants à l'époque de la Révolution

Chantilly fut en 1790 le chef-lieu d'un canton supprimé en l'an X. Il existait autrefois dans le château une chapelle construite en 1333 par Guillaume III le Bouteiller. Le village ne fut érigé en paroisse qu'en 1692; c'est de cette époque que date l'église actuelle; à la cure étaient annexés les prieurés de Pierrefond et de Nanteuil-le-Haudoin. 

Le grand Condé laissa un fonds pour édifier l'hospice Condé qui fut seulement terminé par son petit-fils Louis-Henri.
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Chantilly : la porte Saint-Denis.
Chantilly : l'église de l'Assomption.
A gauche, la porte Saint-Denis, attenante aux Grandes Ecuries,
et qui sépare la ville proprement dite et le parc paysager où se trouve le château; 
à droite, l'église de l'Assomption. Photos : © Serge Jodra, 2009.

Il y eut, à diverses époques, d'importantes industries à Chantilly, notamment des fabriques de blondes, d'indiennes, de boutons, de toiles peintes, d'aiguilles et de dentelles (qui donnèrent leur nom à la « dentelle de Chantilly »); la fabrique de porcelaines, aujourd'hui disparue, datait de 1735; tous les amateurs connaissent le «-cor de chasse » qui marquait ses produits recherchés. 

En dehors de plusieurs membres des familles princières qui possédèrent le domaine, Chantilly a vu naître Dantan aîné, sculpteur, le peintre Roquet, etc. (Caix de Saint-Aymour).



Collectif, Le Musée Condé à Chantilly, RMN, 2009.
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Dictionnaire Villes et monuments
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