| Toute surface unie, susceptible d'être imbibée superficiellement par une couche de liquide gras, est propre à recevoir une peinture à l'huile; le marbre, la lave, le cuivre, la tôle, l'ivoire se laissent, en effet, pénétrer par l'huile si l'on prend soin de les recouvrir d'une couche d'encollage; mais le bois, à cause de l'extrême finesse du grain qui permet la finesse de l'exécution, le carton ou le papier très épais, avantageux quand on veut peindre sur place des paysages et des vues, et surtout la toile sont des matières plus commodes et plus fréquemment employées. La toile qu'on préfère généralement est la toile de chanvre, moins ténue et plus solide que la toile de lin : elle subit une préparation, nécessaire pour qu'elle soit imperméable, ou du moins qu'elle ne se laisse pénétrer par l'huile que superficiellement, c'est l'encollage. Quant aux châssis sur lesquels les toiles sont montées, ils doivent être assez solides pour que la toile soit bien tendue : cette tension se règle très aisément au moyen de châssis à clefs. Le peintre, avant de commencer son travail, dispose sa toile sur un chevalet, dont la forme varie suivant les dimensions de l'ouvrage; puis, à l'aide du crayon ou du fusain, il jette les premiers traits de son oeuvre, et il en trace le croquis : ce premier essai n'a pas besoin de correction, ni de fini; il doit être jeté avec une grande légèreté : si le peintre en est satisfait, il le fixe à la mine de plomb; puis il arrête les limites des grandes masses et des détails les plus importants; peu à peu, les traits de fusain font place à une esquisse à la mine de plomb : quelques artistes préfèrent arrêter le trait au pinceau. Ensuite, l'esquisse se transforme en ébauche : l'artiste oppose les clairs et les ombres, en négligeant les nuances, qu'il réserve pour un travail ultérieur. Voilà déjà la composition animée par la lumière; il reste à lui donner la couleur. Prévoyant d'avance les teintes dont il aura besoin, le peintre les dispose sur la palette dans l'ordre qu'il juge le plus convenable pour les nuances : rien de variable, rien de personnel comme la manière de « faire sa palette ». La palette, outre les couleurs, porte souvent deux godets, dont l'un contient de l'huile d'oeillette pour laver les pinceaux chaque fois qu'ils ont cessé de servir pour appliquer une couleur, et l'autre de l'huile grasse, à laquelle on ajoute un peu de vernis, pour rendre les couleurs plus transparentes. Enfin l'opération dernière, la plus délicate, celle qui échappe à toute description comme à toute recette, consiste à poser les couleurs sur la toile : la touche, on l'a dit, c'est l'écriture du peintre, c'est la frappe de son esprit. Histoire. On a longtemps attribué à Van Eyck la découverte de la peinture à l'huile, et l'on affirmait même que c'était en 1410 que cet artiste avait imaginé de dissoudre les couleurs dans de l'huile de noix ou de lin. Bien qu'il soit constant que les Romains se servaient de la peinture à l'huile pour de grossiers ouvrages de décoration, rien n'établit nettement qu'ils l'aient employée à exécuter de véritables tableaux, ainsi que l'a prétendu le comte de Caylus. Ce qui est plus certain, c'est que la peinture à l'huile est décrite dans l'ouvrage Diversarum artium schedula du moine Théophile, qui vivait, selon les uns au Xe ou XIe siècle, selon les autres au XIIIe; cet auteur fait remarquer que l'huile est lente à sécher, et cet inconvénient a peut-être empêché les artistes du Moyen âge d'en faire usage. On a retrouvé, d'ailleurs, plusieurs peintures à l'huile antérieures à Van Eyck, et l'on sait que, dès 1355 Jean Coste peignait à l'huile en France. Van Eyck a seulement imaginé de faire cuire les huiles ordinaires et d'y mêler une substance résineuse afin qu'elles séchassent plus rapidement. Ses procédés furent surpris par Antonello de Messine, portés en Italie, et généralement adoptés par les artistes. La peinture à l'huile est-elle vraiment un progrès? On en a parfois douté quand on voit presque tous les chefs-d'oeuvre peints à l'huile menacés d'une ruine plus ou moins prochaine, alors que les détrempes sont aujourd'hui encore si fraîches si transparentes et si pures. Pourquoi les tableaux de Van Eyck, le prétendu inventeur de la peinture à l'huile, sont-ils encore brillants de jeunesse et comme inaltérables? Ce n'est pas parce qu'il a mêlé ses couleurs avec l'huile de lin, c'est plutôt malgré ce mélange et à cause de l'excellence du vernis qu'il combinait avec son huile. A l'altération continuelle des oeuvres modernes s'ajoute pour les peintres la contrariété produite par la présence des embus, c.-à-d. de ces parties ternes qui çà et là font tache, par suite de l'inégale dessiccation des huiles.
| En bibliothèque - Lessing, Sur l'ancienneté de la peinture à l'huile, Brunswick, 1774 in-8°, Budberg, Essai sur l'époque de la découverte de la peinture à l'huile, Goettingen, 1792, in-4°. | | |