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Depuis la chute,
en Italie, de Romulus
Augustule, auquel succèdent en quelques années deux barbares,
l'Hérule Odoacre et l'Ostrogoth Théodoric,
l'Empire byzantin, seul reste de la puissance
romaine, s'affaiblit de plus en plus par les intrigues de cour, par les
crimes des factions, par les vices des princes et par les controverses
religieuses.
Justinien doit
sa double gloire de conquérant et de jurisconsulte d'une part, à
Bélisaire, l'époux d'une courtisane
dont les vices égalent ceux de l'impératrice Théodora,
et à l'eunuque perse Narsès; de
l'autre, à Tribonien, qui, pour avoir
été un habile légiste, n'en fut pas moins un magistrat
sans conscience. Mais la Perse oppose à
l'empereur grec un grand prince, Chosroès,
et les Bulgares viennent par le Danube
jusqu'à Constantinople. A l'intérieur
l'empereur accable son peuple d'impôts pour construire des forteresses
que les barbares tournent ou renversent; il bâtit des églises,
raisonne théologie, et devient hérétique. Si l'Afrique,
enlevée aux Vandales ariens, rentre
sous la loi de Constantinople, l'Italie n'est arrachée que pour
quinze ans par les généraux byzantins aux successeurs de
Théodoric le Grand.
Les Lombards
commencent avec Alboin un nouveau royaume d'Italie,
qui se perpétuera iusqu'au temps de Charlemagne.
Rome n'appartient que de nom aux empereurs d'Orient. Par les progrès
du christianisme, par la docilité des barbares qui se font catholiques
en Gaule, en Espagne,
déjà aussi en Grande-Bretagne,
même par les dissensions qui s'élèvent dans le sein
de l'Église, les évêques de Rome agrandissent leur
autorité pastorale, et étendent les prérogatives de
leur primauté ecclésiastique. Le pape Grégoire
le Grand, serviteur des serviteurs de Dieu, qu'un excès de piété
a peut-être poussé à détruire plusieurs monuments
de l'ancienne littérature, réforme la liturgie, fonde une
école de chant, compose des ouvrages
de théologie et reprend énergiquement la tâche de convertir
les barbares.
Les Goths,
qui sont comme anéantis en Italie, sont seuls maîtres de l'Espagne,
depuis l'incorporation des Suèves;
ils la garderont, au milieu de discordes que perpétue le mode de
succession élective, jusqu'à l'invasion des Arabes au VIIIe
siècle.
La Gaule présentait un singulier
mélange d'anciens débris de la population gauloise que vinrent,
marginalement, renforcer des Celtes chassés
de la Bretagne insulaire par les barbares germains, de familles romaines,
de Wisigoths qui vont être refoulés
dans la Septimanie, d'Ostrogoths
et de Bourguignons qui ne gardent pas longtemps leur indépendance,
de Francs enfin à qui restera la
possession du pays.
Clovis a fait
beaucoup de ruines et n'a pas fondé un empire régulier comme
Théodoric l'avait tenté en Italie. Sa conversion, acte d'opportunisme
politique, sert puissamment à ses conquêtes; mais sa culture
reste germanique. Cinquante ans après lui, sur cette terre, morcelée
en plusieurs royaumes suivant l'usage germanique, on ne voit qu'un affreux
chaos de batailles et d'assassinats que dominent les noms de Frédégonde
et de Brunehaut.
La Bretagne, contrairement aux autres pays
de l'Occident, a accepté et gardé en même temps dans
son sein deux peuples venus des terres germaniques, les Saxons,
dont les établissements au commencement du siècle étaient
presque complets dans le sud de l'île, les Angles,
qui fondent trois royaumes au nord-est et au centre. Le principal fait
de l'histoire de l'Heptarchie au VIe
siècle , est l'introduction du christianisme catholique dans le
royaume saxon de Kent par le moine Augustin,
envoyé du pape Grégoire le Grand.
Dans le centre de l'Europe, au nord de
la frontière du Danube, que n'avait pas franchi encore l'empreinte
de la civilisation méditerranéenne, un peuple slave commence
à se fixer : les Polonais reçoivent
quelques institutions de Leck, leur premier duc.
Comme les peuples se transforment et se
mêlent, les langues s'altèrent, évoluent : la beauté
littéraire sera le fait de la naïveté ou de la rudesse
germanique plus que de l'art. La poésie
latine s'honore cependant encore des faibles productions d'Avitus
et de Fortunat. Les règles de la grammaire,
qui seront bientôt oubliées, sont rappelées par Priscien.
Les écrits de Boèce resteront comme
de précieux éléments de philosophie chrétienne
pour le Moyen âge. Le latin est toujours
la langue du droit, de l'histoire, de la théologie
: les collections qu'on doit aux jurisconsultes employés par Justinien;
les récits de Jornandès sur les
Goths; la Chronique ecclésiastique et civile des Francs,
écrite avec une grande richesse de détails par le crédule
Grégoire de Tours, que continue
sèchement Frédégaire;
les travaux théologiques de Grégoire le Grand et de Césaire
d'Arles; les compilations canoniques de Denys
le Petit; les lettres de Cassiodore, secrétaire
de Théodoric en Italie, et ses ouvrages divers, sont les seuls monuments
importants de l'activité des esprits dans ce siècle.
Dans la langue grecque, des poèmes,
des commentaires de philosophie, des traités de médecine,
sont moins célèbres que les livres d'histoire de Procope,
secrétaire de Bélisaire, que continuera Agathias.
Du moins, dans les deux mondes de l'Orient et de l'Occident, quelques-uns
des anciens écrits seront conservés par les moines auxquels
Benoît de Nursia impose le travail
de l'esprit comme celui des mains. (Ch. Dreyss). |
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