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La caduque

La muqueuse utérine subit au cours de la grossesse une transformation particulière et constitue ainsi la membrane la plus externe de l'oeuf; cette membrane se détache au moment de l'accouchement et se trouve expulsée en même temps que les autres enveloppes-foetales, formant avec elles ce qu'on appelle l'arrière-faix ou délivre; c'est de là que lui vient son nom de caduque (decidua, hinfällige Haut). On la trouve désignée encore sous les appellations de nidamencum, de membrane extérieure, adventive, corticale, anhiste, de périone, épione, épichorion, etc. 
Bien que la caduque ait été mentionnée par les anciens anatomistes, c'est W. Hunter (1774) qui en donna la première description détaillée. Reconnaissant qu'il s'agissait d'une partie nouvellement formée, qui faisait défaut dans l'utérus à l'état de vacuité, Hunter, conformément aux idées de l'époque sur la génération des tissus, pensa qu'elle prenait naissance aux dépens d'un exsudat de lymphe plastique fourni par les vaisseaux de la matrice fortement congestionnés sous l'influence de la conception. C'était à ses yeux une sorte de fausse membrane comparable à celles qu'on observe dans les inflammations, revêtant la face interne de l'utérus et constituant un sac fermé rempli d'un liquide auquel Breschet donna plus tard le nom d'hydropérione. L'ovule fécondé passant de la trompe dans la matrice devait refouler devant lui en doigt de gant la paroi de cette poche et s'en faire une enveloppe présentant les dispositions anatomiques d'une séreuse. Depuis lors on a pris l'habitude de décrire à la caduque un feuillet direct (pariétal, utérin, caduque vraie) tapissant la face interne de la matrice, et un feuillet réfléchi (chorial, ovulaire) exactement appliqué sur l'oeuf et séparé du précédent par le liquide décidual. Lorsqu'on vint à constater l'existence d'une caduque inter-utéro-placentaire interposée entre l'oeuf et la paroi de l'utérus au point même ou ces deux parties sont en contact (emplacement du futur placenta), on admit qu'elle se formait postérieurement au reste de la membrane par un exsudat spécial, et on l'appela caduque tardive ou sérotine (Bojanus, 1821).

La perméabilité des orifices tubaires durant la première période de la gestation ne tarda pas à être nettement vérifiée, et l'on put voir également que l'oeuf très jeune était entièrement libre dans la cavité utérine. En dépit de ces constatations, la théorie de Hunter demeura classique en physiologie aussi bien qu'en obstétrique, et Wagner était allé jusqu'à admettre une perforation de la membrane par l'ovule en voie de migration. Cependant, à la suite des recherches microscopiques de Meyer, Seiler, Weber, de Baër, Sharpey, Valentin, Schwann établit nettement en 1838 la structure cellulaire du tissu de la caduque. Les travaux fondamentaux de Coste (1842) et de Ch. Robin (1848) élucidèrent définitivement la question de l'histogénie de la membrane de Hunter; parmi les publications classiques qui sont venues compléter les recherches de ces deux anatomistes, nous citerons particulièrement celles de Friedländer (1870), de Langhans, de Leopold (1877) et de Kölliker.

Le développement de la caduque se faisant parallèlement à celui du germe, il est nécessaire de poursuivre l'évolution de cette membrane à travers les phases successives de la grossesse jusqu'à la délivrance (Foetus). Au moment où l'ovule fécondé sort de la trompe de Fallope pour pénétrer dans la matrice, il rencontre la muqueuse utérine déjà notablement modifiée au cours de la période cataméniale, et prête en quelque sorte à le recevoir. Les autopsies de femmes mortes pendant les règles ont montré en effet que la face interne de l'utérus est rouge et turgescente; la muqueuse, fortement congestionnée et parse mée de petits foyers hémorragiques, est épaissie, inégale et comme villeuse. L'ovule, ayant achevé sa descente, s'arrête dans un repli de la muqueuse molle et vascularisée et aussitôt on voit le tissu de cette membrane s'hypertrophier tout autour de lui, formant nu, bourrelet annulaire de plus en plus élevé. L'oeuf est alors logé dans une sorte de cupule dont les bords s'accroissent rapidement en hauteur (disposition décrite par Coste sur un utérus du vingt-cinquième jour de la gestation); il est comme enchatonné dans la couche superficielle de la muqueuse qui bientôt se referme sur lui, de façon à l'englober de toutes parts. Tel est le véritable mécanisme d'après lequel se font la fixation de l'ovule et son enveloppement par la membrane déciduale. Il est donc facile de voir que les trois portions de celle-ci reconnaissent en réalité la même origine : caduque utérine, caduque ovulaire et sérotine se trouvent dès le début en continuité de tissu et ne représentent en fait que des portions de la muqueuse hypertrophiée. A mesure que le germe grandit, les deux feuillets direct et réfléchi se trouvent plus intimement pressés l'un contre l'autre, si bien qu ils finissent par se souder; à partir du quatrième mois ils sont confondus, de sorte qu'il n'existe plus qu'une caduque unique. D'ailleurs leurs surfaces libres sont en contact dès le commencement, et le soi-disant liquide décidual n'existe en quantité appréciable à aucun moment. L'épaississement de la muqueuse, plus prononcé au pourtour de l'oeuf où se constitue la caduque réfléchie, s'étend, quoique à un degré moindre, à toute la surface interne du corps de la matrice; il atteint son maximum au troisième mois, et la caduque mesure alors 7 à 8 et jusqu'à 10 millimètres vers la partie moyenne de l'organe où elle est la plus épaisse (la muqueuse ne mesurant en ce point que 2 à 3 millimètres dans l'intervalle des menstrues).

Les modifications histologiques auxquelles est due cette hypertrophie sont des plus remarquables. On constate en premier lieu, sitôt après la fixation de l'oeuf, la disparition de l'épithélium prismatique cilié qui se trouve remplacé par un revêtement de cellules pavimenteuses (Robin). Nous avons observé cette couche de petites cellules plates ou cubiques parfaitement conservée sur un eeuf du deuxième mois (embryon de 18 millimètres); sur les oeufs plus âgés il disparaît. Les éléments qui entrent dans la composition du chorion muqueux prennent tous part à l'hypertrophie si accusée de la caduque : la substance amorphe est notablement augmentée; les cellules propres (cellules de la caduque, déciduales, interstitielles) se multiplient et leur volume s'accroît rapidement, surtout dans la couche superficielle de la muqueuse qui bientôt paraît constituée presque exclusivement par ces éléments. Les glandes subissent une dilatation et un allongement des plus marqués, elles deviennent plus larges et flexueuses dans leur partie profonde, vers les culs-de-sac terminaux. Leur épithélium prend la forme pavimenteuse, puis il s'atrophie et disparaît progressivement de haut en bas, dans la partie superficielle d'abord, puis dans la couche moyenne. Il persiste au contraire dans la portion inférieure ou terminale des tubes. Cette hypertrophie est beaucoup moins considérable en ce qui concerne la caduque réfléchie qui s'amincit de bonne heure et se trouve réduite à quelques assises de cellules déciduales se continuant sans interruption avec celles du feuillet utérin une fois que la soudure est effectuée. A partir du troisième mois, la caduque vraie commence à diminuer d'épaisseur à son tour; cet amincissement, qui va s'accentuer de plus en plus, n'est pas dû à une atrophie de la membrane, mais celle-ci se trouve distendue en raison de l'accroissement du volume de l'oeuf, de sorte qu'elle croit en surface et non plus en épaisseur, à l'instar des autres enveloppes foetales.

Au cours du cinquième mois, la caduque unique résultant de la fusion des deux feuillets primitifs ne mesure plus qu'une épaisseur. de 2 à 3 millimètres. Sur une coupe, on peut distinguer une zone profonde avoisinant la musculeuse et à laquelle l'ectasie progressive des follicules donne un aspect aréolaire (couche spongieuse ou glandulaire, Friedländer), et une zone superficielle (couche compacte ou celluleuse, Friedländer), formée presque exclusivement par des cellules déciduales qui présentent à ce moment une grande variété de formes et des dimensions extraordinaires. La plupart sont aplaties parallèlement à la surface; les unes sont arrondies ou ovalaires, les autres prolongées en pointe d'un seul côté, ou fusiformes à corps très renflé, ou encore polyédriques avec ou sans prolongements aux angles. Les plus grandes, qui occupent surtout le feuillet réfléchi, se présentent comme des fuseaux réguliers à pointes allongées; leur longueur va jusqu'à 0,070 ou 0,080 et même 0,100 mm, sans que leur largeur dépasse 0,020 mm. En même temps, elles se remplissent de granulations réfringentes répondant à des gouttelettes graisseuses probablement colorées par une substance analogue à la lutéine des corps jaunes. La distribution vasculaire de la muqueuse étudiée au stade d'hypertrophie se fait sensiblement suivant le même type qu'à l'état de repos. Les minuscules vasculaires émergeant à la face interne de la tunique musculaire, généralement plus volumineux que les capillaires propres de cette tunique, forment, dans la partie profonde de la couche glanduleuse, Une série de replis tortueux très rapprochés constituant des sortes de glomérules ou de pelotons. Les petits vaisseaux issus de ce réseau traversent perpendiculairement la muqueuse, par un trajet élégamment ondulé ou spiralé parallèle à la direction des tubes glandulaires. Arrivés dans la touche superficielle, ils se résolvent en un riche plexus capillaire résultant d'un développement exagéré du réseau sous-épithélial de la muqueuse au repos, et marquant la limite de la caduque vraie une fois que l'épithélium a disparu. La caduque examinée à la loupe présente un aspect finement criblé du aux nombreux orifices glandulaires dont elle est creusée.

Dans la deuxième moitié de la grossesse, elle s'amincit rapidement : son épaisseur n'est plus que d'un millimètre au septième mois, et se réduit à un demi-millimètre à l'approche du terme. Il est du reste à remarquer que l'amincissement est toujours beaucoup plus prononcé au sommet de l'oeuf répondant à l'orifice supérieur du col utérin. Au moment de la chute de la caduque, le décollement ne se fait pas suivant un plan répondant à la ligne de juxtaposition primitive, ni à la couche celluleuse, comme le croyait Friedländer. ou du moins ce sont là des cas exceptionnels; habituellement il y a une véritable déchirure qui s'effectue dans la couche spongieuse, comme l'indique nettement l'aspect aréolaire et déchiqueté de la face externe de la caduque. Dans les grossesses normales, la muqueuse des voies génitales n'est caduque que dans le corps même de l'utérus. Pourtant la genèse du tissu décidual n'est pas due à une excitation directement exercée sur la muqueuse par le germe en voie de développement; la caduque se produit dans l'utérus, même quand l'oeuf occupe une position extra-utérine. La transformation en cellules déciduales n'est pas non plus une propriété exclusivement réservée aux cellules propres de la muqueuse utérine; on voit, en effet, des éléments tout à fait analogues se former dans la trompe lors des grossesses tubaires, et même sur le péritoine dans les cas de grossesse abdominale. Pour la régénération de la muqueuse nous renvoyons à l'article Utérus. Plusieurs auteurs ont soutenu que les membranes de la dysménorrhée ont la même structure que la caduque; il est probable cependant qu'il n'en est pas ainsi dans tous les cas. C'est là une question étroitement liée à celle de l'existence d'une caduque cataméniale. Nous signalerons enfin deux observations de Maier qui a décrit sous le nom de déciduomes des tumeurs offrant une composition histologique analogue à celle du tissu décidual. L'évolution de la muqueuse utérine dans la gestation est moins bien étudiée chez les mammifères que dans l'espèce humaine. Suivant les recherches d'Ercolani et de Turner, une partie notable de la muqueuse maternelle est rejetée avec le placenta chez les mammifères dits déciduates; chez les non déciduates il y a, selon toute apparence, une exfoliation au moins partielle. (G. Herrmann).

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