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Les plus anciens témoignages sur la Lydie et les contrées voisines sont ceux des Egyptiens qui parlent des luttes soutenues par eux, au temps de la XIXe dynastie (Le Nouvel Empire), contre des envahisseurs venus par mer, Dardaniens, Lyciens, Mysiens, Cariens, Pédasiens, Iliens (ou Ioniens ou Méoniens); à plusieurs reprises reparaissent les Shardana, dont le nom paraît s'être conservé dans celui de la ville de Sardes, et les Toursha (Tursènes ou Tyrrhéniens). Ces populations, probablement parentes des Thraces et des populations préhélleniques de la mer Egée, furent ensuite subjuguées par des envahisseurs venus de Syrie et de Cappadoce parlant des langues sémitiques, qui imposèrent leur civilisation et leur religion. La période primitive, dont l'histoire est largement légendaire, est caractérisée par la dynastie des Atyades; la suivante par celle des Héraclides, qui tire son nom du dieu phénicien Héraclès Sandon; elle domina, d'après Hérodote, pendant 505 ans (1192-687), au terme desquels elle fut renversée par la dynastie proprement lydienne des Mermnades. La centre du pays paraît avoir été de très bonne heure à Sardes, qui aurait peut-être porté d'abord le nom d'Asia, transféré ensuite à la plaine voisine, puis à la région et enfin au continent. La ville ou son acropole aurait encore porté, au temps des Héraclides, le nom de Hydé. Enfin, on peut admettre que le nom de Méonie correspond à l'époque sémitique et celui de Lydie à la suivante. La période méonienne Les origines demeurent très obscures, et ce n'est qu'à partir du VIIe siècle qu'on entre dans la période historique; toutefois on peut remonter plus haut et se faire une idée de l'Etat méonien du VIIIe siècle et des derniers rois héraclides, Ardys (786-730), Mélés (730-616), Myrsos (716-701), Candaule (704-687). Plusieurs sont aussi désignés par leur surnom religieux de protégé d'Atys (Adyatte ou Sadyatte). A cette époque, la famille des Mermnades, parente de la dynastie héraclide, et celle des Tylonides exercent une grande influence. Les principaux Mermnades, Gygès l'Ancien, Dascyle l'Ancien, Dascyle le Jeune, Gygès, sont de véritables vice-rois ou maires du palais; on discerne aussi un conseil des « Amis du roi », analogue à ceux que d'autres textes signalent en Cappadoce, qui a une part importante au gouvernement. Le royaume de Méonie était enrichi par le commerce par voie de terre entre l'Ionie et les pays de l'Euphrate. Hérodote attribue aux Lydiens l'invention des auberges ou hôtelleries inconnues aux Grecs homériques. Les grandes routes dont nous avons parlé à la page sur la géographie de la Lydieétaient jalonnées d'hôtelleries (caravansérails) et de postes militaires qui en marquaient les étapes. L'aristocratie militaire et foncière se transforme peu à peu en oligarchie marchande, les seigneurs exploitant méthodiquement les caravansérails bâtis sous la protection de leurs châteaux. D'autre part, ce commerce crée des relations intimes entre les Grecs de la côte et les Grecs de l'intérieur. Les grands centres religieux sont aussi de grands marchés, par exemple l'Artémision d'Ephèse, Hiérapolis, etc. Le rôle financier des temples et corporations sacerdotales a été considérable ici comme à Delphes. Vers la fin du VIIIe siècle et le début du VIIe se produisit l'invasion cimmérienne qui bouleversa l'Asie Mineure. Les Cimmériens, refoulés par les Scythes du Nord de la mer Noire, franchirent le Danube, l'Hémus (Balkans), le Bosphore et se répandirent dans la péninsule. Les Mermnades et les Héraclides alors brouillés (depuis le meurtre de Dascyle l'Ancien) se rapprochèrent. Le jeune Gygès vint à la cour de Candaule; héritier de la principauté de Tyra, il devint majordome ou vice-roi du roi Candaule; il s'allia aux Grecs, à la famille des Mélas qui dominaient à Ephèse, au prince de Mylasa, Arsélis, et, avec l'aide d'une intrigue de harem, renversa Candaule qui périt dans la prise de Sardes. Son mariage avec Tudo, la veuve de Candaule, et la décision de l'oracle de Delphes consolidèrent le trône de Gygès (687). Le retentissement de ce succès fut tel que l'heureux usurpateur, le prince de Tyra, est devenu le prototype des tyrans opposés aux rois légitimes héréditaires. A la basileia ( = royauté) s'opposa la turrania (= tyrannie). C'est d'ailleurs à cette époque que dans les cités grecques d'Asie et d'Europe les vieilles familles royales et sacerdotales de l'âge héroïque sont évincées par les tyrans, à Milet, Erythrée, Chios, Ephèse, Argos, Sicyone, Corinthe, etc. La révolution lydienne de 687 fut une des phases, peut-être la première, de cette grande transforma tion. Gygès fut, comme les tyrans grecs, l'ennemi de l'aristocratie contre laquelle ses successeurs eurent à lutter jusqu'au bout. Il s'efforça d'imiter les despotes orientaux, de se rendre invisible dans son palais. Il s'appuya sur la tribu des Lydiens du bassin du Caystre dont le nom s'étendit au royaume entier, tandis que celui de Méonie était rétréci à la région volcanique dite Katakékaumène ( = bridée). Le commerce fut développé grâce à l'invention de la monnaie qui date de ce moment et dont Hérodote fait honneur aux Lydiens, l'archéologie confirme cette assertion. Le royaume lydien Gygès adopta une politique philhellène, prodiguant les dons à la Pythie de Delphes, qui devint un instrument des rois de Lydie, alternant adroitement les razzias et les négociations vis-à-vis des Ioniens. Il créa sur la Propontide, dans ses domaines héréditaires de l'embouchure du Rhyndacus, le port de Dascylion. Il luttait contre les Cimmériens installés à Antandros, en Troade. Ceux-ci avaient fondé sur la mer Noire, entre l'Halys et le Sangarius, un Etat vivant de brigandage. Arrêtés par le roi d'Assyrie, Assarhaddon, du côté de l'Est, ils se jetèrent sur la Phrygie où ils détruisirent en 676 le royaume de Midas, puis s'emparèrent d'Antandros (670). La grande route commerciale de Sardes vers l'Euphrate était coupée. Gygès envoya une ambassade au roi de Ninive, Assourbanipal (663), lui offrant un tribut. Avec son aide il vainquit les Cimmériens (660). Mais alors il se révolta contre Assourbanipal, aida Psammétique en Egypte à s'affranchir (653) et entra avec l'Elam et la Chaldée dans la coalition soulevée contre les Assyriens. Ceux-ci lui opposèrent les Cimmériens et le prince canon Lygdamis. Gygès fut vaincu et tué (652). Son fils Ardys (652-615) se replaça sous la suzeraineté d'Assourbanipal; les Cimmériens et Lygdamis furent écrasés en Cilicie (vers 650). Ce fut la fin de leur prépotence; successivement leurs bandes furent détruites, la dernière vers 633 par le roi scythe Madyès. Ceux des bords du Pont furent chassés de Sinope en 630, mais c'est seulement en 570 qu'ils furent expulsés d'Antandros, leur dernier repaire. Ardys reconstitua patiemment la fortune détruite par les Cimmériens. Il entreprit la conquête du littoral. Il soumit d'abord Priène, à l'embouchure du Méandre, puis engagea la lutte contre Milet. Après douze années de razzias (616-604) les Milésiens traitèrent. Ce fut sous le règne d'Alyatte, petit-fils d'Ardys et fils de Sadyatte (615-610). Alyatte (610-561), avec l'appui des banquiers ioniens d'Ephèse, renforça son armée de mercenaires; il détruisit Smyrne, imposa son protectorat à Colophon, fonda au pied de la ville d'Adramytte, en Bithynie, le château d'Alyatta (vers 594). Il étendit sa domination jusqu'à la vallée de l'Halys où il se heurta aux Mèdes. La guerre dura six ans (591-585) et, à la suite d'une éclipse de Soleil (28 mars 585) qui sépara les combattants, finit par un traité; on convint de fixer à l'Halys la frontière entre la monarchie lydienne et la monarchie mède; Astyage, fils du roi de Médie, Cyaxare, épousa Aryénis, fille d'Alyatte. Celui-ci acheva son règne par la conquête de la Carie (566). Très populaire, on raconte que son colossal tumulus, qui dominait au Nord de Sardes le lac Gygès, fut bâti spontanément par les gens de Sardes. Le règne de Crésus. Crésus (561-546) est resté légendaire par ses richesses; on en a fait le type de ces souverains orientaux dont le faste ne saurait être dépassé. Il était alimenté par un vaste patrimoine royal, par l'exploitation des mines, faite en régie pour le compte du roi, par les impôts prélevés sur l'industrie, sur le commerce, enfin par le tribut des vassaux indigènes de l'intérieur ou grecs du littoral. Crésus est l'auteur d'une réforme monétaire; aux pièces d'électrum frappées par ses prédécesseurs, il substitua des pièces d'or fin; il combina son étalon de manière à le faire correspondre à celui des Grecs de Phocée, tandis que pour l'argent il adoptait le système babylonien. La monnaie lydienne devint ainsi intermédiaire entre celles de la mer Egée et de la Haute-Asie et put avoir cours partout. L'extraordinaire splendeur de Sardes est attestée par les écrivains. Ce fut vers 550 le plus grand centre d'échanges du monde antique. La ploutocratie lydienne fascinait les Grecs. Cette puissante monarchie fiscale fut détruite par les Perses. Et les Lydiens dans tout ça? Les débuts des peuples de l'Asie Mineure dans l'art de l'architecture, avant l'arrivée des colonies grecques, ne nous sont connus que par des monuments funéraires, notamment par ceux qui furent érigés à la mémoire des rois lydiens. Ils consistaient en tumuli d'une grande hauteur, soutenus à leur base par une maçonnerie grossière de pierres irrégulières : ou bien c'étaient des grottes taillées dans le roc, et offrant en façade une porte assez régulière. Si les peuples de l'Asie Mineure, paraissent avoir été peu avancés dans l'art architectural, en revanche ils semblent avoir eu de l'habileté dans celui de travailler les métaux, de teindre les étoffes; Aristote, nous dit Pline, rapportait la découverte de la fonte et de l'alliage de l'airain à Scythès le Lydien; Platon parle d'un cheval de bronze trouvé par Gygès dans les entrailles de la terre; On connaît le goût des Lydiens pour la musique, et les découvertes qu'ils firent dans cet art. Ils passaient notamment pour les inventeurs de la magade et de la pectis; Étienne de Byzance leur attribue aussi la cithare à trois cordes. « La position géographique du royaume lydien le prédestinait à être pour les Hellènes du littoral, pour les Phrygiens du Sangarius, pour les Sémites des hauts plateaux un lieu de rencontre et de fusion. C'est là que la Grèce d'Asie vint se pourvoir, s'initier aux religions de la Cappadoce, aux arts de l'Assyrie, aux sciences de la Chaldée. Pendant un siècle et demi (687-546), tout part de Sardes ou tout s'y rattache : découvertes économiques et industrielles, invention de la monnaie déterminée par le trafic continental à longue distance, apparition du lyrisme, essor de la philosophie, de l'astronomie et de la géographie, diffusion des cultes orgiastiques, progrès de la métallurgie et de la sculpture.-» (Radet).Malgré une certaine exagération, cette appréciation est assez exacte et rend compte de l'importance exceptionnelle de la Lydie au VIesiècle av. J.-C. Après la catastrophe de 546, l'histoire de la Lydie réduite à son propre territoire entre la Carie (dont la sépare le Méandre), l'lonie, la Mysie (au Nord du Caïque), la Phrygie (qui comprend le bassin supérieur de l'Hermus), n'a plus qu'un intérêt secondaire. Cyrus, pour éviter un retour offensif des Lydiens, leur interdit les exercices militaires et l'usage des armes, leur recommandant le chant et la danse. Leur prospérité agricole, industrielle et commerciale, se maintint. La Lydie forma avec la Mysie une satrapie de l'empire de Darius, taxée à un tribut de 500 talents. Sardes fut la résidence d'un satrape perse qui fut parfois une sorte de vice-roi de l'Asie Mineure. La Lydie suivit le sort du reste de l'Asie Mineure, passa sous la domination d'Alexandre, de Lysimaque, de Séleucus. Achaeus tenta de s'y créer un royaume; elle fut annexée à celui de Pergame après la défaite d'Antiochus et passa, avec leur héritage, aux Romains, formant partie de la province d'Asie. Elle était alors complètement grécisée, et Strabon constate que la langue lydienne a disparu. Le nom persista jusqu'à l'époque byzantine. (A.-M. B.). |
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