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La découverte de l'atmosphère
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Les propriétés de l'air L'air et les gaz La température atmosphérique

Jalons
De l'air aux gaz

Les études initiées sur l'air, en particulier, par Boyle et Mariotte, ont conduit d'autres physiciens à tenter d'appliquer les connaissances acquises aux autres gaz. Dans l'Antiquité on avait bien soupçonné qu'il y eût des gaz distincts de l'air, mais on en avait dit peu de chose. On utilisait pour désigner les gaz les termes de spiritus (esprit) ou de flatus (souffle); on parlait d"émanations, etc. On soupçonnait même que l'air lui-même puisse être décomposé en fluides distincts. Du moins y imaginait-on des principes particuliers responsables de certains phénomènes. Galien disait que la flamme est un air enflammé; Pline parlait de localités où l'air s'allume à l'approche d'une flamme. Clément d'Alexandrie (IIIe siècle) faisait mention d'un esprit matériel qui est la nourriture du feu et la base de la combustion. Plus tard, les écrivains du XIVeau XVIIe siècle, qui  parlaient aussi de fluides aériformes ou de vapeurs, reprirent le même vocabulaire et souvent les mêmes conceptions, mais sans songer véritablement à faire des gaz des objets d'étude. Ce ne fut qu'au XVIIe siècle que l'on commença à avoir sur les gaz des notions un peu moins vagues et, d'ailleurs, le terme de gaz, dérivé du mot chaos, ne fut introduit que vers le milieu de ce même siècle par Van Helmont.  à l'occasion d'une étude de la combustion qui lui fit distinguer l'acide carbonique d'avec l'air. Il donna a cet acide les noms de gaz sylvestre et d'esprit-de-bois :

Cet esprit, dit-il, inconnu jusqu'ici qui ne peut être contenu dans des vaisseaux, ni être réduit en un corps visible, je l'appelle d'un nom nouveau, gaz
La question de savoir si ces gaz avait les mêmes propriétés que celles que l'on avait découvertes dans l'air tarda cependant encore quelque temps à être posée. Ainsi, pendant longtemps, la loi de Boyle-Mariotte (Les propriétés de l'air) qui exprimait la relation entre la pression et le volume d'un gaz ne fut pas remise en question; les éventuels écarts que l'on constatait étaient négligés. Il fallut attendre les premières années du XIXe siècle, pour que de nouvelles expériences montrent que la règle admise pour l'air, ne s'appliquait pas exactement aux autres gaz, qui pouvaient aussi avoir des propriétés sensiblement différentes de celles que l'on avait identifiées en étudiant l'air. La différence la plus marquante étant la possibilité qu'offraient la plupart des gaz d'être liquéfiés. Certains semblaient cependant rétifs à cette liquéfaction. L'oxygène, l'hydrogène, l'azote, le dioxyde d'azote et l'oxyde de carbone, par exemple, avaient résisté aux tentatives qu'avaient faites Faraday en 1823, puis en 1845. De là une distinction à laquelle on a cru presque tout le siècle entre gaz permanents et gaz non permanents. Mais ce n'était pas tout : des doutes, exprimés déjà par certains dès le XVIIIe siècle, ont commencé à s'imposer à propos du comportement de l'air lui-même lorsqu'il est placé hors des conditions normales. On comprit même qu'il n'était pas lui non plus un gaz permanent (bien qu'il soit composé de gaz que l'on avait classé parmi les inliquiéfiables). Il fut rendu liquide , au moyen d'une grande pression accompagnée d'un froid intense, par Raoul Pictet, à Genève, en 1877, et par Cailletet, à Paris, quelques mois plus tard.

Gaz parfait et gaz réels.
Oerstedt et Swendsen firent voir, en 1826, que le gaz acide sulfureux, facile à liquéfier, se comprime très sensiblement plus que ne l'indique la loi de Boyle-Mariotte, surtout quand il approche du moment de son passage à l'état liquide. En répétant, en 1842, les expériences de Rudberg sur la dilatation des gaz par la chaleur, Magnus, physicien de Berlin, remarqua des différences qu'il n'était guère possible de faire passer pour de simples erreurs d'observation, et il en conclut que tous les gaz ne suivent pas exactement la loi de Boyle-Mariotte. Cette conclusion fut parfaitement justifiée par les expériences de Despretz. Ce physicien montra que les gaz sont inégalement compressibles, et que chaque gaz est d'autant plus compressible qu'il est plus comprimé. Ce dernier fait contredit l'opinion de Boyle et de Musschenbroek, d'après laquelle la compressibilité (de l'air) diminue, au contraire, avec la pression. Despretz constata, en outre, que l'acide carbonique, l'hydrogène sulfuré, l'ammoniaque et l'azote se compriment plus que l'air, que l'hydrogène éprouve un effet opposé, qu'il se comporte comme l'air jusqu'à 15 atmosphères, mais qu'à des pressions plus élevées il se comprime moins. Les expériences de Pouillet, où la pression fut poussée jusqu'à 100 atmosphères, confirmèrent ces résultats.

Mais la loi de Mariotte est-elle au moins exacte pour l'air atmosphérique? Dès le commencement du XVIIIe siècle on en avait douté. La Hire soutenait que, la hauteur de l'atmosphère devant avoir une limite, la densité de la dernière couche de l'air ne pourrait être proportionnelle à une pression nulle. Jacques Bernoulli fit une objection en sens inverse. Supposant un maximum de densité, où toutes les molécules de l'air devaient se trouver en contact immédiat, il n'admettait pas la possibilité d'une condensation au delà de ce maximum. Il importe de noter que la théorie atomistique, dont Bernoulli était parti, fit plus tard envisager la question sous un point de vue plus élevé : on se demandait si la loi de Boyle-Mariotte n'était qu'une vérité approximative, ou si elle exprimait une relation absolument exacte, en d'autres termes, si 

« dans un gaz quelconque la force répulsive, qui s'exerce entre deux tranches consécutives contenant le même nombre de molécules, est en raison inverse de leur distance. »
Au nombre des savants qui essayèrent de ramener à la loi de Newton sur l'attraction universelle la constitution moléculaire, élastique, des gaz, nous citerons Fries, Robison, Kant, Laplace.

A l'occasion de leurs recherches sur la force élastique de la vapeur d'eau, Dulong et Arago furent, au commencement du XIXe siècle amenés à examiner la loi de Boyle-Mariotte. A cet effet ils firent établir dans la tour du lycée Napoléon des appareils qui dépassaient en étendue et en précision ceux que les physiciens avaient construits jusqu'alors. Dans leurs expériences, où la pression fut portée jusqu'à 27 atmosphères, la condensation observée de l'air diffère très peu de la condensation calculée d'après la loi de Boyle-Mariotte, si toutefois elle en diffère. Mais à cette époque les physiciens étaient dominés par la croyance que tous les phénomènes de la nature obéissent à des règles générales, faciles à rendre par des expressions mathématiques simples.

En jetant un coup d'oeil sur les résultats obtenus par Dulong et Arago, on remarqua que les nombres observés étaient plus petits que les nombres calculés par la loi, ou que la compressibilité vraie paraissait plus grande que la compressibilité théorique. Les différences trouvées pouvaient tenir tout à la fois aux erreurs de mesure et à l'inexactitude possible de la formule de Mariotte. La loi n'était donc pas démontrée.

Ce fut alors que Regnault reprit la question non seulement pour l'air, mais pour les autres gaz. Ses expériences furent faites au Collège de France, dans une tour carrée, haute de 12 mètres et demi, et avec des appareils d'une précision modèle. Il en résulta que l'air, l'azote, l'acide carbonique, l'oxygène, le gaz acide sulfureux, le gaz ammoniac et l'azote s'écartent de la loi de Boyle-Mariotte, pour former une classe de fluides caractérisés par une compressibilité excessive et qui suit une loi de progression croissant avec la pression; que l'hydrogène s'éloigne aussi de la même loi, mais qu'il a une compressibilité moindre, et que celle-ci décroît à mesure qu'on le comprime davantage. 

 « On peut, dit Jamin pour résumer les expériences de Regnault, se représenter un gaz fictif offrant une compressibilité normale exactement conforme à la loi de Mariotte, et ce cas hypothétique étant admis comme limite, on trouve une première classe de gaz comprenant l'air, l'azote, l'oxygène, l'acide carbonique, etc., avec des compressibilités supérieures et croissantes; puis on trouve l'hydrogène formant à lui seul une classe spéciale, caractérisée par une compressibilité moindre et décroissante. La loi de Mariotte est donc une loi limite, un cas particulier qui ne se réalise pas, et dont les divers corps gazeux s'approchent ou s'éloignent, soit en plus, soit en moins, suivant leur nature, suivant les pressions initiales qu'ils possèdent, et probablement aussi suivant les autres circonstances dans lesquelles on les considère, et notamment leur température.-» 
La loi de Boyle-Mariotte (pv = Cte, où p est la pression et v le volume) avait été perfectionnée au fil du temps. On l'avait complétée par celle de Gay-Lussac (1802) selon laquelle, à pression donnée,  tous les gaz varient de volume proportionnellement à la température (v/T = Cte, où T est la température). La combinaison des deux ayant permis à Gay-Lussac de formuler la loi des gaz parfaits : pv/T = Cte. Quelques années plus tard, Amedeo Avogadro avait repris la question dans la perspective de la théorie atomistique, et avait montré en 1811 que, quel que soit le gaz, la dilatation moyenne dépendait seulement de la température, de la pression et du nombre de molécules.Tout cela aboutissait à rééecrire la loi des gaz parfaits sous la forme de l'équation d'état  aujourd'hui bien connue : pv = nRT (où n = définit le nombre de molécules et R est une constante). Cela exprimait la loi d'Avogadro. Restait à rendre compte du comportement des gaz réels. Pour y parvenir il fallait encore perfectionner la théorie atomistique ou (pour utiliser le terme consacré) cinétique des gaz, et étudier le comportement statistique (microscopique) des molécules et sa relation avec les propriétés globales (macroscopiques) du gaz considéré. Les premier travaux dans cette voie remontaient à Bernoulli (1738), mais c'est surtout ceux, au XIXe siècle, de Clausius, Maxwell et Boltzman, dans les années 1870, qui ont abouti à l'édification de la théorie. Celle-ci, lorsqu'on prenait en compte, comme le fit, en 1880, Johannes Van der Waals, les forces électrostatiques qu'exerçaient entre elles les molécules et auxquelles le physicien a donné son nom, ainsi que les effets de la paroi du récipient dans lequel est confiné le gaz, permettait d'écrire une équation d'état  bien plus conforme aux propriétés observées des gaz réels.

La composition de l'air.
Avant de pouvoir étudier la composition de l'air, les physiciens et les chimistes ont dû apprendre à manipuler les gaz. Ainsi, en 1718, un discret physicien de Paris, Moitrel d'Elément, enseignait la manière d'emprisonner l'air dans un vase renversé sur l'eau et de le mesurer. On procéda ensuite par étapes. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Robert Boyle, par exemple, avait constaté l'existence de l'hydrogène, et son disciple John Mayow admettait dans l'air l'existence d'un gaz particulier qu'il appelait esprit nitro-aérien. Toutefois ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle que la chimie des gaz fut véritablement créée notamment par J. Rey, Boyle, Bayen, Scheele, etc. qui soupçonnèrent la composition de l'air atmosphérique, sans toutefois en élucider encore la nature. Celle-ci n'a été connue qu'à partir des expériences de Lavoisier.

Lavoisier chauffa du mercure, au voisinage de son point d'ébullition, pendant douze jours, dans un petit ballon communiquant avec une éprouvette placée sur une cuve à mercure. Après ce laps de temps, il constata que l'air du ballon et de l'éprouvette était réduit aux 5/6 environ de son volume primitif; que cet air était devenu impropre à la combustion et à la respiration; d'autre part, réunissant les petits grains ronges (oxyde mercurique) qui s'étaient formés à la surface du mercure, il vit qu'en les chauffant fortement dans un petit ballon, ils dégageaient un air éminemment propre à entretenir la combustion. 

« Ayant fait passer, dit-il,  une petite quantité de cet air dans un tube de verre, et y ayant plongé une bougie allumée, elle y répandait un éclat éblouissant; le carbone rougi, au lieu de s'y consumer paisiblement, comme dans l'air ordinaire, y brûlait avec flamme et avec une sorte de décrépitation, à la manière du phosphore, et avec une vivacité de lumière que les yeux avaient peine à supporter. Ainsi, le mercure en se calcinant (s'oxydant) avait absorbé la partie salubre et respirable de l'air, la partie restante étant une sorte de mofette, incapable d'entretenir la combustion et la «-respiration. »

Appareil utilisé par Lavoisier pour l'analyse de l'air.
A. Cornue dans laquelle est chauffé le mercure, par le fourneau M,
et dont le bec recourbé B s'engage sous la cloche C,
elle-même placée dans un bain de mercure D.
Lavoisier alla plus loin : réunissant les deux gaz, ainsi séparés par analyse, il reproduisit l'air atmosphérique, avec toutes ses propriétés primitives. Par la suite, on analysera l'air plus facilement et plus exactement, soit dans l'eudiomètre de Volta, soit par le phosphore, soit à l'aide de l'acide pyrogallique et de la potasse, etc.  Tous ces procédés on servi a montrer que l'air est un simple mélange de deux gaz simples, l'oxygène et l'azote, et de divers gaz composés (dioxyde de carbone, vapeur d'eau, etc.), et non une combinaison, comme on l'a souvent soutenu. Les preuves qui viennent confirmer cette proposition sont nombreuses l'absence de tout phénomène thermique, lorsque l'on mêle l'oxygène et l'azote; le pouvoir réfringent de l'air, qui est exactement la moyenne du pouvoir réfringent des deux gaz, eu égard à leurs proportions relatives; l'action de l'eau, qui dissout chacun de ces deux principes, comme s'il était seul, soit 33 % d'oxygène en volume, au lieu de 24, etc. En somme, l'air est formé, en volume, de 20,93. d'oxygène et de 79,07 d'azote; ou, en poids, de 23 parties d'oxygène et de 19 parties d'azote. 

On montra par la suite que la composition de l'air atmosphérique est sensiblement constante sur tous les points du globe, aussi bien dans les vallées que sur le sommet des plus hautes montagnes. Cette circonstance tient à ce que les causes qui tendent à l'altérer, comme la respiration des animaux, les émanations volcaniques, etc., qui versent continuellement dans l'atmosphère d'énormes masses d'acide carbonique, sont contrebalancées par l'action inverse exercée par les végétaux, ceux-ci s'emparant du carbone de l'acide carbonique et rendant libre la majeure partie de l'oxygène. D'ailleurs, la masse d'air qui entoure notre planète, quoique limitée à quelques dizaines d'épaisseur, est considérable.
 « Si nous pouvions, disaient Dumas et Boussingault, mettre l'atmosphère tout entière dans un ballon et suspendre celui-ci au plateau d'une balance, il faudrait, pour faire équilibre dans le plateau opposé, 580 000 cubes de cuivre de 4 kilomètres de côté [...]. Or, en supposant que l'oxygène dégagé par les plantes compense seulement l'effet des causes d'absorption d'oxygène, autres que celles qui sont le résultat de la respiration des êtres vivants, au bout d'un siècle, tout le genre humain et trois fois son équivalent n'auraient absorbé qu'une quantité d'oxygène égale à 15 ou 16 de ces cubes de cuivre, tandis que l'air en renferme près de 134 000. »
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Appareil utilisé par Dumas et Boussingault pour l'analyse de l'air en poids.
 O.tubes en U et tubes de Liebig pour la purification de l'air.
T. tube contenant le cuivre chauffé au rouge sombre.
B. ballon ordinaire.
Aux constituants de l'atmosphère déjà mentionnées, les physiciens et les chimistes ont ajouté une multitude d'autres corps plus ou moins perceptibles. Voici les plus importants : 
1° l'acide carbonique, qui se trouve toujours dans le rapport de 3 litres en moyenne pour 10 000 litres d'air;

2° l'ammoniaque, surtout à l'état de carbonate, une petite quantité étant à l'état d'azotate et peut-être à l'état d'azotite d'ammoniaque (Schoenbein); 

3° la vapeur d'eau, toujours présente, mais en proportion très variable, suivant la température et les saisons;

4° l'ozone, molécule composée de trois atomes d'oxygène, découverte à Bâle dans les années 1840 par Shönbein (Shoenbein), qui, lui constatant une forte réactivité chimique, y vit très tôt un polluant;

5° des substances hydrocarbonés, principalement de petites quantités de gaz des marais; 

6° l'iode, métalloïde qui existe normalement dans l'air, mais en très faibles proportions (Cahtin); 

7° des matières salines, comme le chlorure de sodium, le sulfate de soude. En effet, que l'on ouvre un ballon contenant une dissolution sursaturée de sulfate de soude, le plus souvent la cristallisation sera instantanée; or, cette dernière est déterminée par la présence d'une trace de sulfate de soude (Gernez);

8° des poussières et des germes vivants (pollens,  bactéries, etc.), corps qui sont d'autant plus rares que l'on s'élève davantage dans l'atmosphère (Pasteur). 

Ajoutons, qu'entre 1895 et 1900 ont été mis en évidence, par distillation fractionnée de l'air liquide, d'autres composants de l'air : l'argon, l'hélium, le néon, le krypton et le xénon, surnommés gaz rares, parce qu'ils se trouvent en quantités très faibles dans l'atmosphère. (Hoefer / Bourgoin).
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