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La découverte de l'atmosphère
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Jalons
La pression de l'air et les usages du baromètre

A partir de l'expérience du Puy-de-Dôme, en septembre 1648, (Premières inspirations), on comprit que le baromètre pourrait servir tout à la fois à mesurer les altitudes au-dessus du niveau de la mer, et à constater les variations que la pression ou le poids de l'atmosphère éprouve sur différents points de la surface du globe. Le premier usage a fait du baromètre un auxiliaire de la géodésie, le second de la météorologie. 

Mesures barométriques d'altitudes.
L'expérience célèbre de Pascal montre que la hauteur barométrique est une fonction de l'altitude du baromètre au-dessus du niveau de la mer; il en résulte que l'on pourra déterminer l'altitude d'un lieu si l'on connaît cette fonction et la hauteur barométrique en ce lieu. Mariotte posa le premier la question de savoir comment décroissent les pressions quand on s'élève dans l'atmosphère, et comment on peut déduire de deux observations faites à des hauteurs différentes, par exemple au pied et au sommet d'une montagne, la différence des niveaux des deux stations. Il admit, d'après des observations fort défectueuses d'ailleurs, que pour chaque 63 pieds (1 pied = 32,4 cm) d'élévation dans les couches atmosphériques, le baromètre s'abaisse d'une ligne (= 2,1166 mm), et il essaya d'en déduire le coefficient du rapport du poids de l'air à celui du mercure.

Voici comment Mariotte procédait, en employant d'abord une observation hypsométrique de D. Cassini

« Cassini prit, dit-il, la hauteur d'une montagne de Provence, qui est sur le bord de la mer, et il la trouva de 1070 pieds. Le mercure dont il se servait était à 28 pouces au plus bas lieu, et au sommet de la montagne il se trouva descendu de 26 lignes et un tiers. Or, si l'on suppose 63 pieds pour une ligne, comme on l'a observé deux fois dans l'Observatoire, et que l'air pesât 28 pouces de mercure au temps de son observation au bas de la montagne, et qu'on divise tout l'air en 336 (nombre de lignes donné par 28 pouces) parties d'égale pesanteur, chaque division pèsera une ligne de mercure, et par conséquent la première sera de 63 pieds de hauteur. »
Raisonnant ensuite dans l'hypothèse que les couches atmosphériques sont d'une température constante et qu'elles diminuent de densité, en allant le bas en haut, suivant la loi énoncée par Mariotte, ce physicien ajoute :
« Pour la facilité du calcul, je prends 60 pieds d'air pour une ligne de mercure, et je divise toute l'atmosphère en 4032 divisions, chacune d'un poids égal ou d'une même quantité de matière, quoique diversement dilatées suivant leurs différentes élévations. Je suppose que dans le lieu où l'on commence l'observation, les baromètres s'élèvent à 28 pouces seulement, qui sont 336 lignes, et multipliant ces 336 lignes par 12, le produit est 4032, qui est le nombre des divisions que je donne à l'air (atmosphère), chacune desquelles sera d'un 12e de ligne, et parce que 60 pieds par supposition tout une ligne au plus bas, 5 pieds feront un 12e de ligne; donc la première division sera de 5 pieds; et parce que depuis la terre jusqu'à la moitié de l'atmosphère il y a 2016 ou 4032/2 divisions, l'air y doit être deux fois plus raréfié, à cause qu'il ne soutient que la moitié du poids de l'atmosphère; cette 2016e partie aura 10 pieds d'étendue, et les divisions vont toujours en croissant proportionnellement (suivant une progression géométrique). On pourra savoir l'augmentation de chacune par les règles dont on se sert pour trouver les logarithmes. Mais comme la somme des progressions géométriques ne diffère guère de la somme qu'on trouverait en prenant ces progressions selon la proportion arithmétique, je fais ici le calcul suivant cette dernière proportion, et pour avoir la somme je prends 7,5 , moyen arithmétique entre 5 et 10, que je multiplie par 2016; le produit, 15 120 pieds sera toute l'étendue de l'air depuis le lieu de l'observation jusqu'à la moitié de l'air en pesanteur (atmosphère), c'est-à-dire jusqu'à la 2016e division, et toute cette étendue pèsera autant de 14 pouces de mercure, ou 168 lignes. Or, 15 120 pieds font un peu plus que les 5 quarts d'une lieue française [1 lieue = 4444 m]. On suppose, pour la facilité du calcul, que chaque division de 5 pieds a toutes ses parties également étendues, quoique celles du cinquième pied soient un peu plus dilatées que celles du premier; mais cette différence est comme insensible et changerait peu le calcul.

La moitié du reste aura 1008 divisions, et comme la première de ces 1008 est de 10 pieds à peu près, et la plus haute de 20, puisqu'elle est moitié moins chargée, il faut prendre 15 pour le nombre moyen qui, multiplié par 1008 divisions, donne encore le même nombre de 15120 pieds ou 5 quarts de lieue. La moitié du reste aura 504 parties, dont la plus haute aura 40 pieds d'épaisseur, et la plus basse 20; et par les mêmes raisons le produit de 30, étendue moyenne, par 504, qui est encore 15120 ou 5 quarts de lieue, sera l'étendue de ces 504 parties; toujours chacune de ces parties pèsera un 12e de ligne; et en continuant de même, on trouvera 5 quarts de, lieue pour les 252 parties suivantes, autant pour les 126, et de même pour les 63, 31 1/2, 15 1/4, 7 1/8, 3 15/16
et 1 31/32, qui auront toutes chacune 5 quarts de lieue; et, donnant encore à la dernière 5 quarts de lieue, on trouvera en tout 12 fois 5 quarts de lieue, c'est-à-dire 15 lieues, ou 184 320 pieds. Que si l'on suppose que l'air, étant raréfié 4032 fois , n'a pas encore son étendue naturelle, qu'on le suppose 8 064 ou 16 128 ou 32 256 fois davantage qu'ici-bas; cette dernière supposition n'ajoutera que 15 quarts de lieue ou 4 lieues au plus, tellement que selon celle hypothèse toute l'étendue de l'air ne pourrait aller qu'à environ 20 lieues; et quand l'air serait huit millions de fois plus raréfié que celui qui est proche de la surface de la terre, toute son étendue, suivant la même progression, n'irait qu'à 30 lieues.»  (Mariotte, Oeuvres, p. 175.)

Suivant Laplace, l'épaisseur de l'atmosphère, en tant que celle-ci fait corps avec le Terre qu'elle enveloppe, ne saurait dépasser le niveau où la force centrifuge s'équilibre avec la pesanteur. Ce niveau, au-delà duquel aucun corps ne retomberait sur la terre, donnerait ainsi pour la hauteur de l'atmosphère environ 6 1/2 rayons terrestres. G. Schmit, supposant les limites de l'atmosphère là où l'élasticité de l'air est en équilibre avec la pesanteur, trouva pour la hauteur de l'atmosphère environ 200 kilomètres. D'autres physiciens ont trouvé, au XIXe siècle, des valeurs moins grandes.

Le passage de Mariotte, que nous avons cru devoir reproduire in extenso, fait très bien connaître l'esprit de la méthode qui depuis lors a présidé à l'hypsométrie barométrique. Ce fut à l'occasion de l'observation de Cassini, citée plus haut, que Mariotte fit l'essai de sa méthode. Voici comment devait, à cet égard, se faire le calcul. Après avoir rappelé que la 168e division, au point où l'atmosphère se divise en deux parties d'un égal poids, doit avoir 126 pieds de hauteur, le double de 63, et que chaque division croît toujours un peu en montant,  le physicien ajoute :
«  Si on prend ces différences en progression arithmétique, et qu'on divise ces 63 pieds par 168, chaque division augmentera de 63/168. Si on multiplie les 16 divisions, dont chacune pèse une ligne, par 63, le produit sera 1008, à quoi ajoutant le tiers de 63 à cause du tiers de ligne, la somme sera 1029, et y ajoutant 51, produit de 63/168 par 136, somme de la progression de chaque augmentation jusqu'à 16, le tout sera 1080 pieds, qui sera la hauteur où le baromètre devait diminuer de 16 lignes un tiers, ce qui approche de fort près les 1070 pieds observés par M. Cassini. »
Les physiciens remarquèrent donc de bonne heure que si les hauteurs croissent comme les termes d'une progression arithmétiques, les pressions décroissent en progression géométrique, et ils virent là un de ces problèmes de la nature où les logarithmes trouvent leur application. Si, en effet, on considère, d'une part, deux couches atmosphériques à des distances x et x + X, on aura X pour la différence de hauteur; si, d'autre part, on appelle il et h les pressions correspondantes, on arrive à

X = M/C log H/h.

Cette formule, qui exprime la hauteur d'un lieu en fonction de la hauteur du baromètre, renferme un coefficient C, que l'expérience peut seule indiquer et qui dépend de la nature du liquide barométrique. C'est la densité de l'air relativement au mercure (le rapport de 1 centimètre cube d'air au poids de 136,596 g d'un égal volume de mercure à 0°), c'est, en un mot, CH, qu'il s'agit de déterminer exactement.

Quand Halley , Horrebow , Bouguer et même Laplace publièrent leurs formules, on ne connaissait pas encore exactement ni le poids spécifique de l'air ni celui du mercure. Il paraissait alors plus simple de calculer le coefficient d'après un ensemble d'observations barométriques faites à des hauteurs connues. C'est ainsi que Horrebow, partant, d'accord avec La Hire, de la donnée qu'à la hauteur de 75 pieds le baromètre tombe de 336 lignes à 335, trouva ce coefficient = 10800 . 2 1/3 . 2,30258 = 58025 pieds (environ 18740 mètres). Des observateurs ultérieurs trouvèrent 18 393 mètres. Ce qui complique la formule, c'est qu'il faut aussi tenir compte de la différence de température aux deux stations, du coefficient de dilatation de l'air, de la latitude du lieu, de la tension de la vapeur aqueuse, enfin de la variation de l'intensité de la pesanteur à mesure que l'on s'élève dans l'atmosphère.

Variations barométriques.
L'usage le plus fréquent du baromètre consiste à lire simplement sur une échelle qui s'y trouve adaptée, les changements de poids que présente l'atmosphère. Déjà Pascal, Beal, Wallis, Garcin, etc., avaient observé que quelque temps avant la pluie le baromètre baisse, tandis qu'il s'élève à l'approche du beau temps. Ce fait, Deluc essaya le premier de l'expliquer par l'action de la vapeur d'eau, mêlée à l'atmosphère d'où elle se précipite. L'hypothèse de Deluc, adoptée par Lampadius et Hube, fut plus tard abandonnée comme inexacte par l'auteur lui-même.

En 1715 , l'Académie de Bordeaux mit au concours la question de déterminer la cause des variations barométriques. Le prix fut remporté par O. de Mairan, de Béziers. Ce physicien en trouva, comme Halley, la cause dans les vents qui agitent l'atmosphère. Pour justifier son opinion, il part de la nécessité de distinguer le poids absolu d'un corps de son poids relatif. Le poids absolu ne peut être augmenté ou diminué que par une addition ou une soustraction de la matière; le poids relatif peut varier à l'infini sans que le poids absolu change. C'est du poids relatif de l'atmosphère que dépend, ajoute de Mairan, la principale cause des variations barométriques. Quand l'atmosphère est au repos, elle presse la terre par son poids absolu; mais dès qu'elle se meut, elle n'y pèse que par son poids relatif. C'est ainsi, dit-il, qu'une boule, qui roule sur une table unie, y pèse moins que lorsqu'elle s'y tient immobile. Le savant physicien cite ici les chars des héros d'Homère, qui, soulevant la poussière, glissent rapidement sur le sol où ils laissent à peine leurs empreintes... L'opinion de Mairan, combattue par Hartsoeker, était au fond la même que celle de Hauksbee, qui fut généralement adoptée.

Des observations barométriques faites simultanément dans les principales villes de l'Europe ont conduit, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à la découverte d'un grand phénomène météorologique, à savoir, qu'une vaste onde condensée, indiquée par le courbe barométrique de pression maximum, traverse, en l'espace de quatre jours, toute l'Europe depuis les côtes de l'Angleterre jusqu'à la mer Noire, ce qui fut constaté pendant la guerre de Crimée (1854-56). A cette onde succède, note-t-on alors, une onde dilatée, qu'indique la courbe de pression minimum; elle s'observe simultanément sur les points que couvrait l'onde comprimée. L'onde dilatée se meut comme la première et la suit dans sa translation, puis arrive une deuxième condensation, à laquelle succède une nouvelle dilatation. Ce sont là, comprend-on, de véritables ondes d'une étendue immense, qui parcourent l'océan aérien, comme les ondes qui se montrent à la surface de la mer. Le passage des ondes dilatées amène des tempêtes : on allait pouvoir en être averti à temps par le télégraphe électrique.

Un fait général, déjà signalé par Halley, c'est que les oscillations barométriques, d'une régularité parfaite sous l'équateur, deviennent de plus en plus irrégulières avec la hauteur du pôle ou la latitude des lieux, et qu'elles sont plus régulières sur mer que sur terre. Leur régularité dans les régions tropicales a été particulièrement démontrée par Alexandre de Humboldt. Ces oscillations y présentent, dans l'espace de vingt-quatre heures, deux maxima et deux minima, véritables marées atmosphériques, coïncidant les premiers avec le moment le plus chaud de la journée et les derniers avec le moment le plus froid : les maxima ont lieu vers neuf heures du matin et à dix heures et demie du soir; les minima vers quatre heures de l'après-midi et à quatre heures du matin. Cette régularité peut, comme une horloge, servir à déterminer l'heure à 15 ou 16 minutes près. L'amplitude des oscillations diverses diminue de 2,98 à 0,41, depuis l'équateur jusqu'au 70e parallèle de latitude boréale, ainsi que l'a observé Bravais. Cette amplitude varie aussi suivant les saisons elle est plus grande en été qu'en hiver. Enfin, les oscillations horaires, si régulières dans la zone tropicale, se compliquent, aux latitudes moyennes, de variations accidentelles qui en masquent les maxima et les minima.

Pour mieux saisir l'ensemble de tous ces phénomènes, Kaemtz , au XIXe siècle, proposa d'établir des lignes isobares, analogues aux lignes isothermes, en réunissant graphiquement, par des courbes, les lieux où les moyennes différences entre les extrêmes hauteurs mensuelles du baromètre sont égales. En même temps on rattacherait aux longitudes et aux latitudes des diverses localités leur hauteur au-dessus du niveau moyen de la mer, comme la troisième des coordonnées qui servent à fixer la position des lieux sur le globe terrestre.

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