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Troie,
ville légendaire de la Troade .
- Troie ou Ilion (Troja, Ilium) doit toute sa célébrité
à la guerre fameuse que les Grecs,
aux dires d'Homère, lui livrèrent,
qui se termina par sa destruction complète et qu'ont chantée
dans l'Iliade .
Elle était située, selon la tradition homérique, à
l'extrémité Nord-Ouest. de l'Asie Mineure ,
dans une presqu'île limitée au Nord par l'Hellespont, au Sud
par le golfe d'Adramyttium. Elle s'élevait, à environ 8 kilomètres
de la mer, sur une éminence qui domine la plaine où se réunissent
deux petits cours d'eau descendus du mont Ida, le Scamandre et le Simoïs.
Vers le Sud-Est, une colline escarpée, contrefort de l'Ida, portail
de la citadelle de la ville, appelée Pergame (Pergamum);
là se trouvaient les principaux temples de la cité, ainsi
que les palais du roi Priam et de ses fils Hector
et Pâris. La ville était entourée
de murailles très puissantes, dont la construction était
attribuée à Apollon et à
Poseïdon.
Ces murailles étaient flanquées de hautes tours et percées
de portes. L'une de ces portes est appelée par Homère les
Portes
Scées. C'est la seule qui soit mentionnée. On a supposé
que Troie était habitée à cette époque reculée,
par une population d'origine thrace qui s'était mêlée
aux anciens possesseurs du sol. Pour de nombreux commentateurs, les récits
de la Guerre de Troie, tout parés qu'ils soient de couleurs
épiques et de détails légendaires, ne sont pas sans
renfermer quelque fond historique. Ces auteurs s'accordent en général
à y retrouver l'écho d'une des luttes que les plus anciens
colons grecs, qui abordèrent sur la côte mysienne ,
eurent à soutenir contre les peuples qui occupaient alors ce pays.
Cette lutte se termina sans doute à l'avantage des assaillants;
car toutes les traditions sont unanimes à rapporter que Troie fut
complètement détruite par le feu. Les écrivains grecs
plaçaient la chute de Troie en 1184 ou 1183 av. J.-C.
La forme sous laquelle se présente
le récit légendaire est la suivante. L'ancêtre mythique
des Troyens est Dardanos, lequel, d'Arcadie
ou de Samothrace ,
serait venu sur le continent asiatique et aurait acquis des Phrygiens le
territoire où il fonda la ville de Dardanos. On ajoutait qu'ayant
épousé, en Arcadie, Chrysé, fille du roi Pallas, il
en aurait reçu le Palladium qu'il emporta
en Asie. Plus tard, on lui fait épouser Bateia, fille de Teucrus
ou Teucer, héros éponyme de la Troade, réputé
fils du fleuve Scamandre et de la nymphe Idaea (du mont Ida); une autre
version fait venir de Crète
Teucer qui aurait apporté en Troade le culte d'Apollon
Smintheus. De Dardanos et Bateia naquit Erichthonios, lequel épousa
Astyoché et fut le plus riche des rois, grâce à son
troupeau de 3 000 juments. Son fils, Tros, régna sur les Phrygiens,
épousa
Callirrhoé et fut père
d'Ilus, Assaracus et Ganymède;
ce dernier fut enlevé par Zeus, qui aurait
indemnisé le père en lui donnant des chevaux divins; cette
seconde légende confirme la réputation de la Troade comme
pays d'élevage hippique.
Ilus bâtit
la Troie homérique; d'après un récit, il y aurait
déterré le Palladium, statue de trois coudées; une
autre version veut qu'Ilus soit venu de Paphlagonie ,
chassé par
Tantale ou
Pélops;
on montrait son tombeau en Troade. D'llus et Adraste
(ou Eurydice) naquit
Laomédon, lequel
fit bâtir l'enceinte de Troie par Poseidon
aidé d'Eaque, et fut tué par Héraclès;
bafoué par le roi, le héros revint avec six navires, tua
Laomédon et de ses fils n'épargna que Priam.
Celui-ci, père de 50 fils, allié des Phrygiens contre les
Amazones,
vit la ruine de Troie. Elle fut provoquée par son fils Alexandre
ou Pâris, qui enleva la belle Hélène,
femme de Ménélas, prince achéen
de Lacédémone, Cet enlèvement fut la cause de la guerre
de Troie. Les héros de la Grèce
achéenne et éolienne s'assemblent à Aulis ,
sous la direction d'Agamemnon, et s'y embarquent
pour la Troade; les plus fameux de ces héros sont Achille,
les deux Ajax, Diomède,
Idoménée,
Nestor,
Ulysse,
Protésilas,
Philoctète.
Troie est défendue par Hector, Énée,
Pâris,
secourue par les Lyciens, les Thraces, et même les Ethiopiens .
L'Iliade
conte comment la dixième année du siège l'abstention
d'Achille faillit amener la défaite des assiégeants achéens;
la mort de Patrocle fait reprendre les armes
au héros phtiote qui tue Hector.
-
Le
jugement de Pâris et la Guerre de Troie, par Matthias Gerung
(1540).
Il abat également la reine des Amazones,
et Memnon l'Éthiopien ,
allié des Troyens, tombé sous la flèche de Pâris,
est vengé par Philoctète. La catastrophe finale est le résultat
de la ruse d'Ulysse et de Calchas: ils décident
les Grecs lassés à un stratagème, la construction
du cheval de Troie, colosse de bois creux
où se cachent les plus fameux héros; leurs compagnons feignent
de se rembarquer et se cachent dans l'île de Ténédos.
Les Troyens se laissent persuader par l'espion Sinon (et malgré
l'avis de Laocoon) d'introduire le cheval dans
leur enceinte pour le consacrer à Athéna;
la nuit venue, les héros grecs sortent des flancs du cheval,
ouvrent les portes aux autres Grecs et s'emparent de Troie qu'ils incendient;
Priam
et sa famille périssent dans le carnage. Les survivants se retirent
avec Enée au Sud de la Troade où
subsista quelque temps une principauté régie par les Enéades.
Plus tard, les auteurs latins admirent qu'Enée avait émigré
en Italie. Le récit de la guerre de Troie se complète par
celui des malheurs qui assaillent les vainqueurs au retour. On trouvera
dans les articles Epopée ,
Homèreet
Poésie Cyclique
les indications relatives à la littérature épique
du cycle troyen; plus tard, on s'attacha surtout à la catastrophe
finale; le récit de Virgile et ceux de
Darès le Phrygien alimentent la littérature du Moyen âge.
Quant aux innombrables détails brodés par l'imagination hellénique
sur ce thème et aux récits intercalés dans la légende
centrale, on en aura l'idée en se reportant aux noms des divers
héros qui y figurent, Achille, Agamemnon,
Ajax,
Enée,
etc. Maintenant, peut-on croire qu'il y eut réellement un siège
de Troie et que les luttes retracées par les poètes épiques
sont au moins aussi anciennes que l'estimaient les auteurs grecs?
A l'époque historique, une ville
existait dans ces mêmes parages. Il est resté longtemps difficile
de déterminer la date, même approximative, de sa fondation.
D'après Strabon, cette ville, qui portait
le nom de Nouvelle-Ilion (Novum Ilium), aurait été
fondée au temps ou la domination lydienne s'étendait sur
toute la partie occidentale de l'Asie Mineure, c.-à-d. vers la fin
du VIIe ou le commencement du VIe
siècle av. J.-C. D'autre part, Hérodote
raconte que
[Xerxès,
avant de franchir l'Hellespont, ] « voulut monter à Pergame,
l'antique citadelle de Priam, pour la contempler;
il y offrit un sacrifice de mille boeufs à
la Minerve [Athéna]
d'Ilion.-»
Mais l'historien grec ne mentionne point de
cité en cet endroit. Au IVe siècle,
Xénophon,
dans ses Helléniques ,
parle de la Nouvelle-Ilion comme d'une ville qui existait de son temps.
Enfin, en 334, Alexandre ( Légende
d'Alexandre )
à peine débarqué sur le sol asiatique, se rendit dans
cette ville pour visiter le tombeau d'Achille;
Ilion était alors habitée par une population éolienne.
Dès lors, on peut suivre certainement l'histoire de cette cité
: protégée et enrichie par Alexandre et ses successeurs,
en particulier par Lysimaque, elle était
une des principales villes de la Mysie, lorsque les Romains occupèrent
l'Asie Mineure. En 85 av. J.-C., pendant la campagne de Sulla contre Mithridate,
elle fut prise par Fimbria et souffrit beaucoup. Mais Sulla lui rendit
tout ce qu'elle avait perdu, et Jules César,
qui prétendait descendre du Troyen Enée,
lui accorda le privilège d'être exempte de tout impôt,
de toute taxe.
Déjà, dès l'Antiquité,
plusieurs écrivains examinèrent la question de savoir si
l'ilion de l'époque historique occupait le même emplacement
que la Troie homérique. En général, on croyait qu'il
en était ainsi. Mais un certain Démétrius de Skepsis
et, après lui, Strabon combattirent cette
opinion. Ils affirmèrent que la Troie homérique était
située plus loin de la côte que la Nouvelle-Ilion, et qu'il
fallait en fixer l'emplacement au Sud-Est. de cette dernière ville,
en un lieu qui portait encore de leur temps le nom de Ilieôn kôme.
Cette opinion ne prévalut pas, et c'est à la Nouvelle-Ilion
que les empereurs Constantin et Julien
allèrent visiter l'emplacement de Troie. Mais elle fut reprise avec
éclat par Le Chevalier à la fin du XVIIIe
siècle, et un vif débat s'est élevé parmi plusieurs
auteurs. Les uns, comme Le Chevalier, Mauduit et Texier, adoptant l'avis
de Strabon, croyaient que la Troie homérique avait été
située sur les hauteurs appelées aujourd'hui le Bounar-Bachi,
tandis que l'emplacement de l'Ilion historique se retrouvait à Hissarlik;
d'autres, en particulier Eckenbrecher, ont repris la thèse de l'identité
des deux emplacements; enfin Ulrichs a proposé une troisième
solution, suivant laquelle la Troie homérique aurait été
placée au Sud-Est d'Hissarlik, au Nord-Est du Bounar-Bachi, en un
point nommé Aktchi-Kivi. Les fouilles et les découvertes
de Schliemann (1871-82 et 1890) ont paru avoir
résolu la question en démontrant que plusieurs villes successives
se sont superposées sur le même emplacement, à Hissarlik.
-
Plaine
d'Hissarlik vers 1900.
Schliemann, en effet, désireux de
retrouver et de faire reparaître au jour les vestiges de la Troie
homérique, entreprit à Hissarlik des recherches considérables.
Ces recherches ont donné des résultats curieux. Il a poussé
les fouilles jusqu'à 16 m. au-dessous du sol actuel. Elles ont amené
la découverte de sept villes superposées, dont les traces
sont nettement visibles. La plus ancienne de ces villes remonte, semble-t-il,
à l'époque préhistorique, ou tout au moins à
la période de transition entre l'âge de pierre et l'âge
de bronze : on a recueilli, dans ses ruines, des ustensiles en pierre dure,
meules, mortiers et pilons, des haches en pierre polie et en jade, quelques
instruments en cuivre et en bronze, et de nombreux fragments de poterie
à ornementation incisée. Au-dessus de la couche profonde
qui renfermait ces objets, s'étendaient les restes d'une cité
très considérable et très riche : on y reconnut surtout
les ruines d'un vaste palais, dans les salles duquel furent découverts
de véritables trésors en métal précieux, diadème
en or décoré de nombreuses pendeloques, bracelets, colliers
et bijoux divers, vases en or et en argent, analogues à ceux qui
furent retirés du sol de Mycènes
et de Tirynthe .
Outre ces trésors, on trouva des armes en bronze, des boucliers
en cuivre, des idoles en marbre d'aspect grossier, de très nombreux
vases en terre cuite reproduisant avec plus ou moins d'exactitude et d'élégance
les formes de plusieurs animaux, beaucoup d'objets usuels ou de toilette
en ivoire ou en os. Une épaisse couche de cendres recouvrait
les ruines de cette ville. Il est légitime d'en conclure qu'elle
périt dans un immense incendie, et que ce fut là possiblement
le modèle de la Troie homérique. Au-dessus de la couche de
cendres, Schliemann a cru distinguer les restes
de trois autres villes, beaucoup moins importantes, qui se succédèrent
en peu de temps sur le même emplacement. Une sixième ville,
dans les ruines de laquelle ont été recueillis de nombreux
vases en poterie semblables à ceux qui ont été retrouvés
dans les nécropoles étrusques les plus anciennes, est considérée
par Schliemann comme une colonie lydienne. Enfin, à la surface du
sol, est apparue l'Ilion historique, colonie éolienne; on y a relevé
les traces de plusieurs monuments, en particulier d'un temple d'Athéna,
décoré de sculptures, et d'un théâtre. Des bas-reliefs,
des inscriptions, des statuettes en terre cuite, des coupes à reliefs,
des monnaies de l'époque hellénistique et de l'époque
romaine y ont été recueillis en très grand nombre.
Les fouilles ont été poursuivies,
après la mort de Schliemann, par Doerpfeld
(1893-1894), qui en a complété et précisé les
résultats. Il a montré qu'il y avait lieu de distinguer au
moins neuf villes successives : la première marque la transition
entre l'âge de pierre et l'âge du métal; la seconde,
couvrant 8 000 m², et dont les vestiges sont entre 13 et 11 m de profondeur,
était entourée d'une enceinte de briques échues, assises
sur fondations de pierre : c'est la ville brûlée que Schliemann
regardait comme la Troie homérique et que Boetticher prétendit
être une nécropole d'incinération (hypothèse
insoutenable). Cette ville, d'où provient le trésor que Schliemann
appelle le « trésor de Priam »(musée
de Berlin), semble antérieure à l'an 2 000 av. J.-C.; en
tout cas, elle est très antérieure à l'époque
mycénienne, et ses vases, ses bijoux, ses ustensiles, ses constructions
appartiennent à une période que l'on s'est pris à
qualifier de troyenne. C'est seulement la sixième ville, vaste de
20 000 m², et de 500 m de tour, enveloppée de puissantes murailles
de 5 à 9 m de haut, qui répond à la période
de civilisation mycénienne et pourrait être identifiée
avec la Troie homérique. II ressort donc nettement des fouilles
de Schliemann et Doerpfeld que les villes, qui ont existé dans cette
partie de la Troade, se sont toutes fondées sur le même emplacement;
et, en particulier, que l'Ilion grecque et romaine occupait exactement
l'endroit où s'était élevée, plusieurs siècles
auparavant, une cité prospère, dont la civilisation correspond
à celle de l'époque dite mycénienne. Les fouilles,
poursuivies au XXe siècle, n'ont
fait qu'apporter des arguments allant dans ce sens. Cependant, la découverte
d'une ville importante dans la région désignée par
Homère ne peut faire mieux que rendre crédible l'hypothèse
selon laquelle le poète aurait pu la prendre pour modèle.
De là à en conclure que les épisodes et les situations
rapportés dans l'Iliade ont un fond historique, il y a un
grand pas. (J. Toutain).
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En
bibliothèque - Le Chevalier.
Voyage
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En
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Petit, L'anachronisme dans les romans antiques du XIIe siècle
(Le roman de Thèbes ,
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