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Le nom d'Ethiopie
fut donné par les anciens Grecs aux pays du Sud, c.-à-d. de façon assez
vague à tous ceux de l'Afrique ;
le mot d'Ethiopiens signifiait en grec quelque chose comme hommes brûlés
par le soleil (aithô = brûler, ops = visage). Il se
localisa pour désigner spécialement les populations du Sud de l'Egypte ,
du bassin supérieur du Nil, habitant entre le Sahara (Libye )
et la mer Rouge (golfe Arabique). Tandis qu'Homère
appelle les Ethiopiens les plus éloignés des habitants de la Terre, résidant
depuis l'extrême Orient jusqu'aux régions du couchant, Hérodote
applique ce nom aux gens du haut Nil. II discerne des Ethiopiens orientaux
à cheveux lisses et des Ethiopiens occidentaux à cheveux crépus; cette
division est exacte les premiers sont les Nubiens
et autres peuples bruns que l'on réunit dans le groupe Chamites; les autres,
sont, pour faire court, les Noirs subsahariens. A partir du moment où
les Grecs
entrent en relations régulières avec l'Egypte, leurs connaissances s'étendent.
Pour Homère, les Éthiopiens étaient un peuple largement mythique; Hésiode
parle déjà de leur roi qu'il appelle Memnon.
Démocrite
était, dit-on, venu sur le Nil jusqu'à Méroé ;
Hérodote
nous donne des détails sur les Ethiopiens, particulièrement sur ceux
de l'Orient; il est vrai que ces détails sont en partie fabuleux; il cite
parmi leurs tribus les Macrobiens (= qui vivent longtemps), les Ichtyophages
et les Troglodytes, habitants des cavernes. Il connaît la capitaie du
royaume d'Ethiopie (ou, en l'occurence, de Nubie ),
Méroé. Les écrivains grecs ultérieurs sont de mieux en mieux informés.
Ptolémée
énumère un grand nombre de tribus éthiopiennes; il cite, comme capitale
de l'Ethiopie, Auxumis (Aksoum ).
Pline
affirme que le Nil forme la limite entre l'Ethiopie orientale et l'Ethiopie
occidentale. En somme, ses renseignements sont encore un peu vagues. Mais
les modernes ont précisé le sens du mot Ethiopie et lui ont donné, au
lieu de son acception ethnographique, une acception géographique et politique
plus déterminée. Jusqu'au début du XXe
siècle, on appelle Ethiopie la région du Nil moyen et du Nil
bleu, correspondant à la Nubie et aussi à l'Abyssinie, et le royaume
qui se constitua dans cette région et fut en rapports réguliers avec
l'Égypte. Le centre de ce royaume d'Ethiopie s'est d'ailleurs déplacé,
au cours des siècles, de la Nubie (à laquelle
on se réfère d'abord lorsque ce mot est utilisé à propos de l'Antiquité )
vers l'Abyssinie, mais toujours l'élément prépondérant y fut celui
des populations dites chamitiques. C'est principalement
à l'histoire de la région dont le coeur est Abyssinie 'histoire de l'Ethiopie.
Jalons
chronologiques
Les Premières
civilisations (avant le Ier siècle av.
J.-C.)
L'histoire ancienne
de l'Éthiopie est souvent associée à la légendaire terre de Pount,
mentionnée dans les inscriptions égyptiennes. Il y a aussi en Abyssinie
des traces archéologiques évidentes d'une influence de l'ancien
empire égyptien (IIIe millénaire
avant notre ère). La région nord de l'Éthiopie et l'Érythrée
actuelles furent surtout les lieux d'une civilisation florissante avec
le royaume de D'mt (vers le Xe au Ve
siècle av. JC), centré autour de la ville de Yeha.
• La
Terre de Pount (ou Pwenet) est mentionnée dans les textes égyptiens
anciens comme une région riche en ressources précieuses telles que l'or,
l'encens, l'ébène, l'ivoire, et des animaux exotiques. Les Égyptiens
la considéraient comme une terre mythique, mais aussi comme un partenaire
commercial stratégique. Les expéditions vers Pount, comme celle bien
documentée sous le règne de la reine Hatchepsout au XVe
siècle avant notre ère, montrent des échanges commerciaux intenses entre
l'Égypte et cette région. Pount est généralement localisé dans la
région de la Corne de l'Afrique, avec des théories suggérant qu'il se
trouvait quelque part dans l'actuelle Érythrée, Somalie, ou dans la région
côtière du Soudan.
• Le
royaume de D'mt (ou Da’amat) est un ancien royaume situé dans la
région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie
et en Érythrée. Il a prospéré entre le Xe
et le Ve siècle avant notre ère. D'mt
est considéré comme l'un des premiers royaumes organisés de la région
et précurseur de l'empire aksoumite. Ce royaume était centré autour
de la ville de Yeha, où l'on trouve encore aujourd'hui des vestiges, dont
un temple dédié à la divinité Almaqah. D'mt a tiré parti de sa position
stratégique pour le commerce avec l'Arabie du Sud (notamment le royaume
de Saba) ainsi qu'avec d'autres régions de la Corne de l'Afrique.
Le royaume d'Aksoum.
Le royaume d'Aksoum
(Ier - Xe
siècles) est l'une des civilisations les plus puissantes de l'Afrique
antique. Situé dans le nord de l'Éthiopie et l'Érythrée, ce royaume
devint un acteur important du commerce entre l'Afrique, l'Arabie et l'Empire
romain. Les historiens grecs racontent que Ptolémée
Evergète a fait la conquête d'Aksoum,
ce qui est confirmé par une inscription qu'un voyageur dit avoir vue dans
cette ville. Cette conquête dura peu, mais l'influence grecque se montre
dans les ruines d'Aksoum et par le fait qu'un roi nommé Aizenas ou Ezana
laissa une inscription en grec pour commémorer sa victoire sur une tribu
Bogos révoltée. C'est sous ce prince que Frumentios ou Fromence introduisit
le christianisme, à l'époque de Constantin
(début du IVe siècle). Le terrain, a-t-on
pu dire, avait été préparé par les missionnaires bouddhistes (?) et
la conversion de tout le pays paraît avoir été chose facile. A l'époque
de Justinien, l'impératrice Théodora
envoya des missionnaires qui introduisirent le schisme d'Eutychès, et
dès lors l'Église d'Abyssinie n'a pas cessé d'être monophysite .
Le VIe siècle paraît avoir été une
époque de prospérité : les rois d'Aksoum s'emparèrent d'une grande
partie du Yémen; mais bientôt les Arabes, devenus musulmans, reprirent
l'avantage et portèrent la guerre en Afrique même, sans pouvoir escalader
les montagnes.
Le
déclin d'Aksoum et l'émergence des Zagoué.
Le royaume d'Aksoum
décline progressivement à partir du VIIe
siècle, en partie en raison de l'essor de l'Islam et des changements des
routes commerciales. La dynastie des Zagué ou Zagoué prend le relais
au XIIe siècle. Cette dynastie (vers 1137
- 1270) tire son nom de la région montagneuse d'Agaw, où elle est née.
Les rois Zagoué étaient d'origine Agaw, un groupe ethnique du nord de
l'Éthiopie, distinct des anciens souverains aksoumites. Le premier roi
Zagoué est parfois identifié comme Mara Takla Haymanot, mais l'histoire
de cette dynastie reste en partie légendaire. La dynastie Zagoué est
particulièrement connue pour son attachement au christianisme orthodoxe
éthiopien. L'un des rois les plus célèbres de cette dynastie est
Gebre Mesqel Lalibela (vers 1181-1221), qui a ordonné la construction
des églises de Lalibela. Ces églises, taillées dans la roche, sont conçues
pour symboliser une Nouvelle Jérusalem et ont joué un rôle central
dans la préservation du christianisme en Éthiopie. La dynastie Zagoué
perd progressivement de l'influence à cause de la montée de prétentions
au trône par les descendants de l'ancienne dynastie aksoumite, les Salomonides.
La dynastie Salomonide.
En 1270, la dynastie
des Zagoué est renversée par Yekouno Amlak, qui fonde la dynastie salomonide
(XIIIe - XVIIe
siècles), affirmant descendre du roi Salomon
et de la reine de Saba. Yekuno Amlak
est soutenu par l'Église éthiopienne orthodoxe, renforçant ainsi le
lien entre religion et pouvoir en Éthiopie.
Une
tradition maintenue dans le pays prétend que celui-ci était celui de
la reine de Saba, qui alla visiter le roi Salomon, dont elle aurait eu
un fils, ancêtre de la dynastie royale, et que les Juifs,
qui voulaient échapper aux persécutions de Nabuchodonosor, seraient venus
se réfugier en Abyssinie. Mais il est probable que les Falashas
d'Éthiopie, qui pratiquent à l'époque moderne une religion assimilée
au judaïsme, sont arrivés à une époque moins reculée. Quoi qu'il en
soit, en 925, une juive, nommée Sague, mais qui prit le nom d'Esther,
aidée de ses coreligionnaires, s'empara du trône par un coup de main
et établit une monarchie juive, qui se maintint jusqu'en 1255; le moine
Técla Haimanout, à cette époque, persuada le descendant d'Esther d'abdiquer
en faveur du roi Jean (Johannès) Amlac, qui régnait à Choa,
où s'était réfugiée, en 925, l'ancienne famille royale. Dès lors,
tous les efforts des Abyssins se tournèrent contre les musulmans, toujours
appuyés par les Falashas, qui avaient vu la restauration des rois chrétiens
avec regret.
Les Salomonides unifient
l'Éthiopie et mènent des campagnes pour étendre leur contrôle sur des
régions périphériques.
Le
Moyen Âge Éthiopien.
Du XIVe
au XVIe siècle, l'Éthiopie est
confrontée à des menaces internes et externes.
Sous le règne de
Amda-Siou (1301-1331), les musulmans sont chassés de la côte et presque
exterminés. Les chrétiens ne jouissent pas longtemps de leur victoire;
en 1538, l'Imam Ahmed ibn Ibrāhīm al-Ghazī, dit Gragne (« le Gaucher
»), prince de Zéïla, bat les chrétiens, s'empar d'Aksoum qui est brûlée;
cette ville ne se relevera jamais de cette destruction. La capitale est
transportée à Gondar. La lutte n'en devient
que plus acharnée, mais les chrétiens ne paraissaient plus capables de
résister aux musulmans. En 1402, le roi Isaac accueille les chrétiens
fuyant l'Égypte pour échapper au sabre des musulmans. Parmi ces réfugiés
se trouve un copte, Fakhr-el-Daoulet, personnage d'un rare talent, qui
obtient bientôt la faveur royale; il réforme l'administration, répartit
mieux les impôts et donne un nouvel essor à l'industrie; mais, malgré
ce développement, les Abyssins, comprenant qu'ils ne peuvent plus, seuls,
résister aux musulmans, appellent à leur aide les Portugais
et le sultan de Harrar est battu.
L'influence
européenne et les conflits internes.
L'aide des Portugais
est chèrement achetée; car les missionnaires jésuites
qui les accompagnent, en s'efforçant d'attirer les rois vers l'Église
romaine, sèment la discorde dans le pays. Les rois abyssins se laissèrent
persuader, mais le peuple ne veutt pas les imiter et reste fidèle à l'Église
copte. Enfin, sous le règne de Sertza-Denghel, une révolte éclate
et, en 1632, le roi Socinios abdique, ce qui met fin aux discordes religieuses;
les missionnaires catholiques sont expulsés. La lutte entre les chrétiens
et les musulmans dure toujours; mais ceux-ci, ayant perdu leur enthousiasme,
ne peuvent regagner le terrain perdu. Les Abyssins, de leur côté, toujours
dans l'anarchie, ne peuvent que garder la défensive. Vers la fin du XVIIe
siècle, les rois de Choa se déclarent indépendants; par la suite cette
province va constituer un royaume indépendant beaucoup plus solide que
celui d'Abyssinie, sans doute parce que le pouvoir y estplus centralisé.
Le Zemene Mesafint.
À partir du milieu
du XVIIIe siècle, l'Éthiopie entre dans
une période de décentralisation et de fragmentation connue sous le nom
de Zemene Mesafint ou Ère des Princes. Le négus d'Abyssine
(Negousa-Nagast = roi des rois) voit son autorité
décroître, tandis que des seigneurs de guerre locaux et des chefs régionaux
dominent. Le pays est plongé dans des conflits incessants entre les divers
princes (ras), notamment ceux du Tigré, du Godjam, et de Choa
(Shewa).
Tewodoros et l'expédition
d'Abyssinie.
Telle est la situation
vers 1850, quand Râs-Ali, qui administrait l'Amhara
au nom du négus, est attaqué et renversé par un gouverneur de ville,
du nom de Kâsa. Ce dernier conquiert successivement l'Amhara (1852), le
Tigré et le Choa (1855). Il se fait couronner empereur d'Éthiopie sous
le nom de Tewodoros ou Théodoros II (1855). Il établit sa capitale
à Ankober, occupe Magdala
et vainc les Galla. A l'apogée de sa carrière, Tewodoros forme les plus
vastes projets; il veut refouler les musulmans, créer un grand empire
éthiopien. Il réunit jusqu'à 150 000 soldats. Le consul anglais
Powden lui prêtae un concours efficace; mais il périt assassiné et son
successeur, le capitaine Cameron, ne peut s'entendre
avec l'empereur africain. Aigri contre les Européens par une série de
déconvenues, les accusant d'intelligences avec les Égyptiens, Tewodoros
finit par les emprisonner, y compris le consul d'Angleterre. Il ne tarde
pas à les maltraiter, les fait conduire à Magdala et charger de chaînes.
Le gouvernement anglais, n'ayant pu obtenir la délivrance des prisonniers,
résout d'employer la force. La guerre est décidée en juillet 1867 et
sir Robert Napier chargé du commandement des troupes anglaises.
Abyssins
sur une ancienne photo.
L'expédition
d'Abyssinie.
L'expédition d'Abyssinie
est préparée avec un grand soin. Le colonel Merewether, envoyé pour
reconnaître le terrain, indique comme point de débarquement la baie d'Adulis
ou d'Annesly. On accepte son plan : 16 189 combattants, accompagnés d'un
nombre égal de gens de service, 45 éléphants ,
un bagage et un attirail énormes sont débarqués, en janvier 1868, dans
la baie d'Adulis; choisie comme base d'opérations. Il s'agit, pour arriver
à Magdala, de faire 600 kilomètres dans un pays de hautes montagnes.
L'armée anglaise s'y engage hardiment; Tewodoros, qui a à combattre sur
bien des points des rébellions, résiste cependant avec énergie; il brûle
sa capitale et concentre ses forces à Magdala. Il ne cesse pas de harceler
l'armée anglaise, et fait preuve de qualités militaires et d'une habileté
qui frappe les Anglais d'admiration. Mais, favorisés par un grand nombre
des chefs locaux, ils triomphent des difficultés. L'occupation des villes
d'Addigrat et d'Antalo leur permet de couper par deux étapes cette marche.
Enfin, au bout de trois mois, le 9 avril 1868, 3500 Anglais paraissent
devant le rocher qui porte la forteresse de Magdala. Ils sont assaillis
par 5000 Abyssins, dans la plaine d'Arogié, et les repoussent en leur
infligeant des pertes énormes.
Tewodoros mande alors
deux de ses prisonniers pour offrir de traiter. On exige la délivrance
immédiate des autres captifs et sa soumission à la reine Victoria.
Tewodoros envoie tous les Européens au camp anglais; mais la paix lui
est refusée. Il tenta alors de s'échapper et ne peut y réussir. La ville
de Magdala est prise d'assaut le 13 avril; l'empereur s'est donné la mort.
Sa forteresse est brûlée, ses fortifications détruites; le fils de Tewodoros
est emmené en Angleterre. Le prince du Tigré,
Kâsa, allié dévoué des Anglais, reçoit des armes et des munitions,
et au mois de juin 1868 l'armée anglaise se rembarque.
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L'ère de Ménélik
II.
Après une période
d'instabilité, Yohannes IV, un chef du Tigré, prend le pouvoir en 1872.
Il poursuit les efforts de centralisation et de modernisation de l'État.
Son règne est marqué par des guerres incessantes contre les Mahdistes
soudanais
et les tentatives d'invasions de l'Égypte.
Yohannes meurt au combat lors de la bataille de Metemma en 1889, luttant
contre les forces mahdistes.
Le négus du Choa,
Sahle Maryam, parvient alors à se faire couronner à Aksoum
roi d'Abyssinie, sous le nom de roi Jean Menilek (Ménélik
II) . Il conquiert plusieurs régions du sud, de l'est et de
l'ouest, consolidant ainsi l'État éthiopien moderne. Ménélik modernise
l'armée et établit la capitale à Addis-Abeba.
Attaqué par les Égyptiens, Ménélik leur inflige de sanglantes
défaites; leur armée a été exterminée à Goura (avril 1876). En 1879,
la paix a été signée, et les Égyptiens achètent la tranquille possession
de la province de Keren, moyennant un tribut annuel de 8000 dollars. En
1893, Ménélik, qui avait jusque là reçu l'aide l'Italie,
en échange notamment de son installation en Erythrée, dénonce le traité
qui lie son pays, ce qui suscite, en 1895, l'envoi en Abyssinie d'un
corps expéditionnaire italien. Ce dernier est balayé par l'armée éthiopienne
le 1er mars 1896 à Adoua.
Cette victoire permet à Ménélik d'imposer désormais ses propres conditions
aux puissances européennes, qui en 1906 reconnaissent l'intégrité de
l'Éthiopie, à laquelle le négus a ajouté par ses conquêtes le pays
des Galla et l'Ogaden.
Ménélik II introduit
des réformes pour moderniser le pays : il développe les infrastructures,
notamment la construction du chemin de fer Addis-Abeba - Djibouti, introduit
de nouvelles technologies, et établit des relations diplomatiques avec
les puissances européennes.
-
Un
jour de marché à Addis Abeba au début du XXe
siècle.
L'Éthiopie sous
Hailé Sélassié.
Ménelik vit jusqu'en
1913, mais en 1907, diminué par une hémiplégie, il a déjà cédé la
réalité du pouvoir à un Conseil du trône. Après sa mort, ce pouvoir
est exercé par une régence composée par sa veuve, Zaouditou, un général,
Habta Gyorgis, et son neveu, le ras Tafari Makonnen. Celui-ci s'appropriera
progressivement tout le pouvoir, et à la mort de Zaouditou, en 1930, se
fera couronner négus d'Éthiopie sous le nom d'Haïlé Sélassié. Celui-ci
modernise les institutions politiques, adopte une nouvelle constitution
en 1931 qui limite le pouvoir des nobles et introduit un parlement. Son
règne se caractérise par une tentative de centralisation accrue et l'intégration
des régions semi-autonomes au sein de l'État impérial.
L'invasion
italienne et la Seconde Guerre italo-éthiopienne.
En 1935, l'Italie
fasciste de Mussolini envahit l'Éthiopie, cherchant à venger la défaite
d'Adoua et à établir un empire colonial en Afrique de l'Est. Malgré
une résistance héroïque, l'Éthiopie est occupée en 1936. Hailé Sélassié
s'exile et plaide pour son pays devant la Société des
Nations, mais la communauté internationale reste en grande partie
passive.
Le
retour de Hailé Sélassié.
Pendant la Seconde
Guerre mondiale, avec l'aide des forces britanniques et des résistants
éthiopiens (les arbegnoch), Hailé Sélassié retourne au pouvoir
en 1941. L'Éthiopie recouvre son indépendance et Hailé Sélassié entreprend
de reconstruire le pays. Il s'approprie l'Erythrée ont l'Italie avait
conservé l'administration, consolide son autorité, rétablit l'ordre,
et initie de nouvelles réformes. A partir de ce moment, Hailé Sélassié
renforce les relations diplomatiques de l'Éthiopie, notamment avec les
puissances occidentales. Le pays devient membre fondateur de l'Organisation
des Nations unies en 1945.
Les
réformes et la modernisation.
Hailé Sélassié
met en place plusieurs réformes éducatives et économiques pour moderniser
le pays, notamment en attirant des investissements étrangers. Il joue
un rôle majeur dans la politique panafricaine, contribuant à la fondation
de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) en 1963, avec Addis-Abeba
comme siège.
Malgré ces efforts,
l'Éthiopie reste largement féodale, avec des inégalités sociales criantes.
Les paysans, qui représentent la majorité de la population, vivent dans
des conditions précaires. Les étudiants, les militaires et les intellectuels
critiquent de plus en plus l'immobilisme du régime impérial.
La famine de 1973
dans la province du Wollo, qui tue des centaines de milliers de personnes,
met en lumière l'incapacité du régime à répondre aux crises. Ce désastre
déclenche des protestations massives et affaiblit considérablement le
régime. En 1974, une révolte militaire éclate, soutenue par des mouvements
révolutionnaires marxistes-léninistes. Hailé Sélassié est assassiné
en septembre 1974, marquant la fin de l'empire éthiopien.
La dictature du
Derg et Mengistu Hailé Mariam.
Après la chute
de Hailé Sélassié, le pouvoir est pris par un comité militaire marxiste-léniniste,
et appelé le Derg. Dirigé par Mengistu Hailé Mariam, ce régime impose
un programme de réformes radicales et instaure un État autoritaire.
Le nouveau régime
parvient à se gagner le soutien de l'Union soviétique, un renversement
d'alliance spectaculaire qui a pour corollaire le passage de la Somalie
jusque-là soutenue par Moscou, dans le camp
des États-Unis. La Somalie, qui d'ailleurs a trouvé dans l'agitation
éthiopienne depuis le renversement du négus une occasion en 1977,
de tenter de conquérir par les armes l'Ogaden, province peuplée majoritairement
de Somali. Les troupes de Mengistu repousseront l'invasion.
Le Derg lance une
campagne de répression massive connue sous le nom de Terreur Rouge
(1977-1978) pour éliminer ses opposants politiques. Des milliers de personnes
sont tuées ou emprisonnées. Mengistu devient le chef incontesté du pays
après avoir éliminé ses rivaux au sein du Derg.
Mengistu met en oeuvre
des réformes économiques basées sur le collectivisme, nationalisant
les terres et les industries. Cependant, ces politiques échouent à améliorer
la production agricole et entraînent des pénuries chroniques. La politique
étatique du négus rouge consacre le désastre économique d'un
pays déjà déchiré par mille dissensions. L'Éthiopie est plongée dans
une guerre civile prolongée contre des mouvements de libération dans
différentes régions, notamment en Érythrée et au Tigré. La famine
dévastatrice de 1983-1985, exacerbée par la guerre et les politiques
gouvernementales, cause la mort de près d'un million de personnes. Cet
événement attire l'attention internationale et montre l'incapacité du
régime à répondre à la crise.
L'ère de Meles
Zenawi.
Le régime de Mengistu
ne survit pas à l'effondrement de l'Union soviétique. En 1991, après
des années de guerre civile, le Derg est renversé par une coalition de
forces rebelles menée par le Front de libération des peuples du Tigré
(FLPT), au sein du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien
(FDRPE). Mengistu fuit en exil au Zimbabwe.
Le FDRPE, dirigé par Meles Zenawi, prend le pouvoir et instaure un nouveau
gouvernement.
Meles Zenawi devient
le président, puis le Premier ministre de l'Éthiopie. Sous son leadership,
l'Éthiopie adopte une nouvelle constitution en 1995, créant une république
fédérale basée sur le principe d'autonomie ethnique. Le gouvernement
met en place des réformes économiques libérales qui conduisent à une
croissance rapide. Des investissements massifs sont faits dans les infrastructures,
l'agriculture et l'éducation, transformant l'Éthiopie en l'une des économies
à la croissance la plus rapide d'Afrique.
Malgré les succès
économiques, le système fédéral basé sur les ethnies crée des tensions.
Les groupes ethniques non représentés ou marginalisés par le pouvoir
central expriment leur mécontentement. Le régime est critiqué pour son
autoritarisme, la répression des opposants politiques et le contrôle
des médias.
Une guerre éclate
en 1998 entre l'Éthiopie et l'Érythrée,
principalement à cause de différends frontaliers. Le conflit fait des
dizaines de milliers de morts et conduit à un cessez-le-feu en 2000, mais
les tensions persistent.
L'ère de Abiy
Ahmed.
En août 2012, Meles
Zenawi, est décédé en fonction et a été remplacé par son vice-premier
ministre Hailemariam Desalegn, marquant la première transition pacifique
du pouvoir depuis des décennies. Suite à une vague de dissidence populaire
et de protestation anti-gouvernementale qui a commencé en 2015, Hailemariam
a démissionné en février 2018. Deux mois plus tard Abiy Ahmed Ali prend
ses fonctions en tant que premier premier ministre ethnique oromo
d'Éthiopie. Il lance un programme de réformes politiques et économiques
ambitieux. Il libère des prisonniers politiques, engage des pourparlers
de paix avec l'Érythrée (qui lui valent le prix Nobel de la paix en 2019),
et promeut l'unité nationale. En novembre 2019, près de 30 ans coalition
au pouvoir à base ethnique (le FDRPE) a fusionne en un seul parti d'unité
appelé le Parti de la prospérité, mais l'un des quatre partis constitutifs
(le Front de libération du peuple du Tigré ou FLPT) refuse d'adhérer.
En novembre 2020,
un conflit militaire éclate entre les forces alignées sur le FLPT
et l'armée nationale éthiopienne, la Force de défense nationale éthiopienne.
Le conflit qui se poursuit tout au long de 2021, exacerbe la violence ethnique,
se concentre largement dans les États régionaux du Tigré,
d'Amhara et d'Afar et provoque une crise humanitaire
majeure et mettant en lumière les fragilités de l'État fédéral éthiopien.
La crise ouverte se termine en 2022 par un accord de paix, mais laisse
le pays divisé. Aujourd'hui, l'Éthiopie continue de faire face à des
défis liés à l'instabilité politique, aux tensions ethniques et aux
pressions économiques. Malgré une croissance économique soutenue, les
inégalités régionales et les rivalités ethniques demeurent des obstacles
à la stabilité.
Culture
La numismatique.
Le monnayage de l'Ethiopie dans l'antiquité
prouve dans ce pays l'existence d'une civilisation avancée et des contacts
avec
la civilisation méditerranéenne. Ce monnayage comprend des pièces en
or, en argent et d'autres en cuivre, qui forment deux groupes distincts
: les pièces à légendes grecques que l'on considère comme antérieures
à l'introduction du christianisme
en Ethiopie, vers la fin du IVe siècle
de notre ère; les pièces à légendes en guez, qui sont plus récentes
et descendent peut-être jusqu'au VIIe
et même au VIIIe siècle, Les monnaies
éthiopiennes sont, au point de vue des types, du poids, du module, en
un mot de la forme extérieure, imitées des monnaies romaines et byzantines
contemporaines.
Les noms des rois
qu'on lit sur ces pièces sont très précieux pour l'histoire, car ils
se présentent naturellement sous une forme plus authentique et plus correcte
que dans les chroniques éthiopiennes où les copistes successifs les ont
plus on moins défigurés. Sur les monnaies à légendes grecques, on lit
les noms des rois Aphilas, Bakhasa, Gersem, Ouzas, Nezana ou Aizana, Oulzeba,
Azaël, Okhsas, Esbaël et Aiêb. Nous citerons, à titre de spécimen,
le bel aureus d'Aphilas; d'un côté le buste du roi, la tête couverte
d'une couronne radiée, avec les mots BASILEGS
AFILAS et le croissant emprunté aux
monnaies sassanides, qui indique que le pays
n'était pas encore chrétien. Au revers, un autre buste, la tête ceinte
d'une tiare hémisphérique, et en légende le même croissant suivi de
AXWMITWN
BISIDIMHLH.
Les monnaies à légendes
éthiopiennes sont toutes en cuivre et à une seule effigie; on voit une
grande croix au revers. La lecture des légendes présente les plus grandes
difficultés à cause du mauvais état et du petit nombre des pièces connues.
La plupart des pièces ont, au revers, la même légende en ghez
qui paraît signifier : « Joie au peuple ».
La littérature.
En Ethiopie, les musiciens, comme les
poètes, sont attachés aux seigneurs, suivent les armées et sont
inviolables; la musique est la même que parmi les Coptes, avec addition
de tambours. Il n'y a pas véritablement d'architecture "savante"
proprement abyssine; tous les monuments, dont il
reste beaucoup de ruines, sont l'oeuvre d'étrangers. Les habitations et
même les églises sont construites comme des huttes et couvertes de chaume;
les églises ont une forme circulaire, un autre cercle intérieur contient
le tabôt ou chasse sacrée où les profanes ne pénètrent jamais.
Dans certaines occasions le tabôt est promené en procession.
La littérature éthiopienne
est assez riche, elle est exclusivement chrétienne et ne remonte par conséquent
pas au delà du IVe siècle ap. J.-C. Elle
est écrite en langue éthiopienne ou guez (ghez ou guèze), une
langue couchitique ( Les langues Afrasiennes )
parlée jadis en Abyssynie .
Elle a été d'abord étudiée par Ludolf au XVIIe
siècle et Dillmann au XIXe. Les deux plus
anciens textes connus en guez sont deux inscriptions trouvées à Aksoum ,
qui datent du Ve ou du VIe
siècle. Il en existe aussi à Adulis .
La littérature théologique est abondante; de fort bonne heure la Bible
fut traduite en éthiopien. Les manuscrits nombreux que nous en possédons
ont été répartis par Dillmann en trois classes :
1°) la
traduction originale d'après le texte grec de l'Eglise d'Alexandrie;
2°) la traduction
revisée d'après le texte grec;
3°) la traduction
revisée d'après un texte hébreu.
Ces versions éthiopiennes
renferment à côté des livres canoniques ordinaires et des apocryphes
ordinaires (sauf les livres des Macchabées ),
un certain nombre de livres de la littérature apocalyptique ,
Livre
des Jubilés, Livre d'Enoch, Ascension d'Isaïe. Le Nouveau
Testament
est aussi surchargé d'apocryphes. Ainsi ont été conservés plusieurs
écrits dont l'original grec est perdu. La version éthiopienne de l'Evangile
fut éditée à Rome en 1548 (2 vol.) et depuis, à plusieurs reprises,
principalement par Platt (Londres, 1830). Dillmann a entrepris la publication
de l'Ancien Testament
et fait paraître l'Octateuque (Leipzig, 1853), les Rois
(1864-1874), le Livre d'Enoch (1851), le Livre des Jubilés
(1859); R. Lawrence avait édité l'Ascension d'Isaïe (Oxford,
1819),
l'Apocalypse d'Esdras (Oxford, 1820).
D'Abbadie
a publié et traduit le Pasteur d'Hermas
(Leipzig, 1860).
Il existe encore,
en éthiopien, de nombreux traités ecclésiastiques, dont ceux de Cyrille
d'Alexandrie, le Synode réunissant
les canons des apôtres et des premiers conciles ,
le Testament de Jésus, le Synaxar, collection formée de
vies de saints
abyssins, de martyrologes ,
d'hymnes ,
etc. L'Antiphonaire (Mavaseet) est intéressant surtout par
sa notation musicale.
La littérature profane,
en langues tigré, amharique et agaou, n'a pas la même importance, même
si l'on suppose qu'il a dû exister une grande abondance de poésies, tous
les chefs ayant eu des poètes à leur service. Ses principaux ouvrages
sont : le Keber za Negeste, histoire légendaire du royaume d'Axoum ;
le Tarek Negushti, chronique des rois; un traité de médecine,
Physiologus,
publié par Rommel (Leipzig, 1877); un recueil épistolaire publié par
Praetorius (Leipzig, 1869), etc.
L'imprimerie n'a
pas pénétré en Ethiopie avant le XXe
siècle; jusque là, tout est écrit à la main; les missels sont enluminés
avec art.
Religion et modes
de vie.
La plupart des Abyssins sont Chrétiens
monophysites :
leur évêque appelé abouna ( = notre père), leur est envoyé
par le patriarche copte
d'Alexandrie. C'est le chef suprême de
l'Eglise, mais il est gardé comme un prisonnier à Aksoum
par ses subalternes. Sans doute dans un but politique, a été créé à
une époque incertaine, mais probablement vers 1255, par Técla Haimanout,
le tchégui ou etchagué, qui est choisi par le ras et réside
à Gondar ;
il possède un pouvoir égal à l'abouna. Au-dessous de ces deux
concurrents se trouvent les alikas ou chefs des cités de refuge.
Les cités de refuge ou gueddam sont les villes déclarées inviolables
et que tous les partis respectent dans les guerres civiles. Les alikas
gouvernent les gueddam et administrent la justice. Viennent ensuite les
prêtres et les docteurs ou aspirants, enfin les moines de toutes sortes
qui abondent.
La religion chrétienne
est fortement imprégnée de judaïsme ;
certains de ses traits rappellent aussi le bouddhisme .
Les Falashas ou juifs d'Abyssinie, qui se rencontrent
en plus grand nombre dans les monts Sémèn, professent une espèce de
judaïsme, mais ils parlent un dialecte agaou. Les Kamant sont restés
attachés à un culte particulier; ils n'ont pas de temple et pratiquent
leurs cérémonies
sous les arbres ,
ce qui les a fait appeler, très improprement d'ailleurs, adorateurs
des bois .
Sur les rives du Tacazzé et de l'Abaï on rencontre des (supposés)
adorateurs
des fleuves .
Les Galla et les Changalla ont aussi pour la plupart résisté aux tentatives
des missionnaires chrétiens et musulmans. On rencontre quelques musulmans ,
mais principalement des marchands. Le clergé chrétien donne l'exemple
de l'intempérance et même du libertinage, qui est imité par la plupart
des habitants.
Les prêtres peuvent se marier une fois,
excepté l'abonna et le tchégui qui observent le célibat;
mais les Abyssins prennent autant de femmes qu'ils ont les moyens d'en
entretenir. La prostitution néanmoins est inconnue, excepté à Gondar
et à Adoua ,
où elle a été introduite par les Portugais. Les mariages sont rarement
célébrés à l'église, et semblent être une espèce de concubinage
légal, les deux parties se quittant aisément; à moins d'adultère flagrant,
la femme reprend sa dot. Les femmes sont en général plus fidèles et
plus dévouées que leurs maris; ce sont elles qui ont tous les soins du
ménage et. de la maison, ramassent le bois, tirent l'eau, filent et tissent
toutes les étoffes, etc. Les Abyssins de condition aisée ont, en
outre, à leur suite, une nuée de serviteurs de toutes sortes. Ceux-ci
reçoivent des gages réguliers et peuvent quitter leur maître quand ils
le désirent. (Bertin / A19). |
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