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Héros

Les Héros (Mythologie grecque) ont tenu dans les légendes, les mythes et la religion des peuples de l'antiquité classique, et surtout des Grecs, une place considérable, qui rappelle celle des saints dans le monde chrétien. Le sens précis du mot a changé selon les époques. Son étymologie est inconnue. Si nous remontons aux premiers documents que nous ayons, les poèmes d'Homère, nous constatons que dans l'Iliade le terme héros est appliqué seulement aux guerriers à l'exclusion des chefs qui ne combattent pas (par exemple Priam, Pélée, Calchas); parmi les guerriers, on l'applique surtout aux princes, mais aussi à d'autres. Dans l'Odyssée, au contraire, le terme héros est appliqué aux rois et fils de rois (Ulysse, Ménélas, Alcinoüs, Eurypyle, Télémaque) et à des vieillards vénérables (Laërte, Halitberses, Demodocus); il tend à désigner les personnages illustres du passé, car il est appliqué à des peuples entiers comme les Lapithes et les mythiques Phéaciens; dans les fragments les plus récents de l'évocation des morts cette interprétation est manifeste. Un passage interpolé dans l'Iliade qualifie les héros de demi-dieux. Dans les Travaux et les Jours d'Hésiode, l'appellation de héros est réservée aux guerriers qui ont combattu devant Troie et Thèbes. Le culte des héros apparaît; il semble qu'il se soit développé chez les Eoliens; on sait qu'il eut en Béotie sa plus grande importance. Les écrivains postérieurs désignent par le nom de héros les grands personnages du passé légendaire ou mythologique, mais particulièrement, et bientôt presque exclusivement, ceux qui sont l'objet d'un culte. Ce sens religieux du mot est ostensible dans Pindare, non moins que le sens épique. Il ne faut pas oublier que d'autres désignations analogues ont pris aussi un sens religieux: celles d'anax, de basileus (prince, souverain) et même de korè, parthenos (vierge). Le langage moderne offre des cas semblables; il est donc très naturel d'admettre que le mot héros ait pris un sens religieux qu'il n'avait pas à l'origine.

Les héros grecs se trouvent à la fois dans la légende et dans le culte; celui-ci paraît postérieur, et beaucoup de héros n'ont pas de culte. A côté des grands personnages autour desquels ont été construits des mythes et dont on sollicita la protection et le patronage, il y eut aussi des dieux étrangers qui prirent cette position intermédiaire, furent rapprochés de l'humanité. Par cette double opération le monde divin et le monde humain tendaient à se confondre. Dans les récits de combats héroïques on mélangeait le souvenir légendaire des luttes historiques avec les mythes proprement dits. Ainsi se formèrent vraisemblablement les cycles d'Héraclès, de Persée, de Cadmus, des Argonautes. Les héros restèrent, par excellence, ce qu'ils étaient à l'origine, des guerriers. Le culte des héros répondit au besoin de trouver des protecteurs plus voisins de l'humain que les dieux célestes. Les Ioniens faisaient intervenir ces dieux dans leurs affaires; les poèmes homériques les y impliquent aussi intimement que l'on fit plus tard pour les héros. Mais les autres tribus helléniques se familiarisèrent moins avec leurs dieux et greffèrent sur le culte des morts celui des héros. Dans plusieurs localités on rencontre des personnages divins dont le caractère n'est pas bien défini : à Hermione, Chthonia est à la fois une épithète de Déméter et le nom d'une fille de Phoronée qui aurait fondé le temple de la déesse; Eubule est à la fois le nom d'un héros d'Eleusis et une épithète d'Hadès. L'habitude de désigner les dieux par une épithète eut cette conséquence que l'épithète fut détachée du nom propre et créa une personnalité nouvelle. 

Trophonius et Amphiaraüs auraient été ainsi des épithètes du Zeus chtonien (= souterrain); Agamemnon n'aurait été d'abord qu'une épithète de Zeus adoré à Sparte sous ce nom qu'on appliqua ensuite à un monarque légendaire des Achéens; Callisto, Dictynna, Iphigénie n'auraient été d'abord que des épithètes d'Artémis. On a soutenu la même thèse pour le plus récent des héros : Lycurgue, le mythique législateur spartiate, ne serait qu'un dédoublement de Zeus Lycéen; Timée en disait autant du législateur locrien Zaleucus, qui fut également l'objet d'un culte. La confusion était aisée entre les personnages d'autrefois et les dieux chtoniens, dont le culte se rapprochait de celui des morts; on imaginait aisément le tombeau d'un être divin au voisinage de son sanctuaire; ainsi pour Callisto à Tricolonae (Arcadie), pour Erechthée à Athènes. Le culte des morts s'était complètement développé quand les populations furent devenues sédentaires et que la famille paternelle se fut organisée. La confusion qui se fit alors entre les patrons divins des clans et leurs ancêtres légendaires contribua à fortifier ce culte. Son origine ne paraît pas tellement reculée.

Les cultes chtoniens (des morts, des héros ou des dieux) sont peu développés à l'époque homérique; les Ioniens d'alors s'occupent peu des sombres divinités du monde souterrain - c'est la composante ouranienne (céleste) de la religion grecque qui domine. Il n'est pas question d'un culte des ancêtres, bien qu'on vante volontiers leur généalogie divine; on ne conçoit pas du tout que les morts puissent intervenir dans les affaires de ce monde. C'est dans les parties les plus récentes des épopées homériques qu'apparaît cette idée; encore le principal des sacrifices est-il offert à Hadès et Perséphone, les souverains du royaume des morts, et non pas à ceux-ci. Dans l'Iliade il n'y a pas trace de culte des héros; dans les parties récentes de l'Odyssée, il y est fait allusion. La promesse d'apothéose faite à Ménélas suppose évidemment l'existence du culte de Ménélas et d'Hélène, que nous savons avoir existé très anciennement à Therapné (Laconie); les Dioscures, frères d'Hélène, sont aussi des héros adorés comme dieux; leur culte est chtonien et on ne sait pas encore bien s'ils habitent près de Zeus, comme dieux, ou sous terre, comme morts; même hésitation pour Héraclès; Tirésias, Leucothéa, Erechthée semblent avoir reçu les honneurs divins au cours de la rédaction des épopées homériques.

Il faut admettre qu'à l'origine de celles-ci les Ioniens ignoraient le culte des héros, lequel se sera établi d'abord dans d'autres fractions helléniques : chez les Thessaliens qui vénéraient comme dieu Asclépios (Esculape), dont Homère fait simplement un homme remarquable; chez les Doriens et en Béotie. Ce dernier pays est la terre classique du culte des héros. Les légendes locales de Cadmus, des Spartes nés de la terre, les oracles Amphiaraüs, Trophonius sont parmi les plus anciens témoignages du culte rendu aux héros. Parmi les éléments si divers de la population béotienne, immigrants de Thessalie, Minyens, Thraces, Cadméens, etc., il semble que ce soient les premiers qui aient le plus contribué à cette croyance. Le poème d'Hésiode (la Théogonie) est le premier où soit affirmée la survivance d'humains d'autrefois passés à l'état de puissances supérieures, de démons (daimones); il expose aussi que les héros mènent une vie supérieure dans les îles des Bienheureux. La poésie hésiodique s'intéresse beaucoup plus aux divinités chtoniennes (dont il faut rapprocher les héros) que celle d'Homère; Les Grandes Eées et le catalogue des héroïnes sont des oeuvres béotiennes. Les Doriens ont, de leur côté, accepté ou propagé le culte des héros dans le Péloponnèse et surtout en Laconie et en Argolide, tandis qu'en Achaïe il ne prenait aucune extension.

La première forme du culte des héros paraît avoir été l'hommage rendu par des clans ou des familles à leurs ancêtres légendaires, patrons en qui se confondaient le caractère divin et l'origine généalogique de la lignée. A cet égard il faut mentionner le clan des Aégides qui, de Béotie transplanté à Sparte, y porta le culte d'Apollon Carnéen, celui des Erinyes, de Laïus, d'Oedipe; de là il les porta à l'île de Théra, puis à Cyrène; grossissant la liste de ses héros de Théras, chef mythique de la colonisation de Théra; d'Aristote-Battos, chef de celle de Cyrène; rendant d'ailleurs aux ancêtres, en général, un culte analogue. Le culte des héros prit son grand développement vers le IXe siècle; dans plusieurs cas les dieux de peuples voisins furent humanisés et mis au rang des héros : ce pouvait bien être le cas pour Asclépios (Esculape) et pour Dionysos, comme pour Zalmoxis, dieu des Gètes, dont les Grecs firent un prophète; le rationalisme hellénique eut de bonne heure une tendance à l'évhémérisme (Evhémère). 

Comme les cultes des divinités chtoniennes et les mystères, le culte des héros paraît venir du Nord de la Grèce. Il fut favorisé par la poésie épique qui aviva l'orgueil généalogique des grandes familles et les incita à se donner des ancêtres divins. Le culte d'Achille, de Diomède se répandit dans plusieurs des colonies, depuis le Nord du Pont-Euxin jusqu'en Italie; chacun revendiquait comme ancêtre les grands héros des épopées. A côté de ceux-ci, comme Castor, Pollux (Polydeukès), Agamemnon, Ménélas, Achille, Diomède, auxquels l'influence persistante de la littérature conserve l'attache avec l'humanité, on en voit d'autres qui sont plus près de la divinité, comme Amphiaraüs, Trophonius, Héraclès, Persée. Il est malaisé de dire si, dans ces types composites, le caractère primitif fut celui du héros légendaire ou du dieu. En effet, la poésie les a tous réunis et mis en rapport; dans chaque fête officielle ou privée on chante leurs exploits; les cultes ou légendes locales greffent leurs récits sur l'ample tronc des grands cycles thébain, troyen, etc.

Le héros a un double caractère : il a été un humain mortel des actes duquel la légende conserve le souvenir; il est maintenant un être divin, bien qu'il n'ait pas toute la puissance des dieux proprement dits. On montrait dans chaque cité les reliques du héros local : à Thèbes, la maison de Cadmus, d'Harmonia et Sémélé; à Sparte, celles de Ménélas et des Dioscures; à Elis, celle d'Oenomaos; à Trézène, la hutte d'Oreste; à Aulis, le seuil d'airain de la tente d'Agamemnon; à Salamine, la pierre sur laquelle s'assit Télamon. Les temples conservaient les reliques proprement dites : la Toison d'or, la peau du sanglier de Calydon, ses défenses, une dent du sanglier d'Erymanthe, l'oeuf de Léda, la lance d'Achille, de Méléagre, le bouclier d'Euphorbe, la flûte de Marsyas, le bouclier d'Agamemnon, les ailes de Dédale, le collier d'Harmonia, etc. Les ossements des héros étaient particulièrement recherchés ; on tenait aussi beaucoup à leur tombeau; au cap Sigée, on montrait ceux d'Ajax, d'Achille, de Patrocle, d'Antiloque; au Sipyle, celui de Tantale; à Olympie, celui de Pélops et d'Oenomaos, sans parler du vaste tumulus où étaient censés reposer les prétendants à la main d'Hippodamie.

Un héros a été essentiellement un guerrier et un prince; on se le représente toujours armé de pied en cap; on imagine qu'il vient combattre pour la défense de sa Cité; on a soin de laisser dans son temple, d'apporter dans les banquets qu'on lui offre, une armure complète. Quant au caractère divin, on le motive par l'origine; un héros est fils d'un dieu ou tout au moins compte un dieu parmi ses ancêtres; il est dans la série généalogique intermédiaire entre le dieu et l'humain. Il se range dans le groupe des divinités chtoniennes, car il est censé habiter son tombeau et les profondeurs de la Terre. Dans leurs sanctuaires, on entretient des serpents. Plusieurs d'entre eux paraissent sous la forme de serpents à côté de quelque divinité supérieure : Erichtonius près d'Athéna; Kychreus près de Déméter, Sosipolis près d'Ilithye, les deux derniers sont venus combattre sous cette forme (Kychreus à Salamine, Sosipolis contre les Arcadiens); les héros fondateurs de villes l'ont souvent adoptée (à Sicyone, Epidaure, Liméra, Mantinée); des dieux ou demi-dieux déguisés en serpents ont donné le jour à Aristomène, à Aratus; Alexandre fit propager sur son compte le même récit, qu'on appliqua plus tard à Scipion, à Auguste. Dans certains cas, pour appuyer des prétentions à l'autochtonie, on faisait naître directement de la terre le héros père de la lignée; tels Pelasgus, Erechthée, les Spartes.

A la croyance populaire que les héros vivent sous terre s'opposait celle des poètes, développée par la religion orphique (Poèmes orphiques), par les mystères et par les philosophes, qui les place dans l'Elysée, aux îles Fortunées.

Dans leurs rapports avec les humains, on imagine ordinairement les héros comme des géants; c'est déjà l'idée d'Homère; l'épaule de Pélops, le cercueil d'Oreste avaient des proportions gigantesques; un certain nombre de héros étaient cependant honorés sous la forme d'enfants : Sosipolis à Elis, Opheltes à Némée, Charila à Delphes, les fils de Médée à Corinthe, etc. On admet aussi qu'ils revêtent la forme d'un homme vivant, par exemple pour tromper sa femme; ou bien d'un animal : serpent, loup (Lycaon, l'Arcadien Damarchos, Lycus à Athènes), chien (Hécube), oiseaux (soeurs de Méléagre, compagnons de Diomède).

La puissance d'un héros est bien moindre que celle d'un dieu; elle est limitée à son pays. Chaque canton grec a ses héros, les plus fameux de ceux-ci étant localisés dans plusieurs lieux. En première ligne, il faut citer le héros éponyme, qui est censé avoir donné son nom à la cité, à la montagne (Thessalus, Béotus, Lacédémon, Arcas, Orchoménus, Megarus, Marathon, Parnassus, etc.) ou plus simplement à la famille; l'hérédité des sacerdoces dans certaines familles est justifiée parce que ces familles descendent du dieu ou d'un héros, son compagnon (Boutades à Athènes, Branchides à Milet, Ceryces à Eleusis, Melampodides, lamides, etc.). 

Les associations ou corporations prennent souvent un héros pour patron : les artistes, le mythique Dédale; les médecins, l'historique Hippocrate. Les héros passent pour être des intermédiaires entre les humains et les dieux qu'ils leur concilient; Héraclès, Aristée, Eaque ont joué ce rôle; néanmoins, le plus souvent, les héros agissent pour leur propre compte. Comme toutes les divinités et particulièrement les divinités chtoniennes, ils sont regardés aussi bien comme malfaisants et redoutables que comme des génies bienveillants. Oedipe est l'ennemi des Thébains; Pâris sacrifie à Priam pour détourner sa haine de la lignée d'Achille dont il descend; les filles de Skedasos sont les ennemies des Spartiates; lorsque ceux-ci ont assassiné les ambassadeurs perses, le héros Talthybios, patron des hérauts et ambassadeurs, est irrité contre eux jusqu'à ce qu'ils aient expié. 

La crainte superstitieuse des fantômes attribue aux héros une foule de calamités. En revanche, ils peuvent rendre de grands services; à la guerre, on emmène leurs images; ils y prennent part; le fantôme d'Ajax, fils d'Oïlée, appelé par les Locriens d'Italie, blesse le chef des Crotoniates; les Dioscures appelés de Sparte accomplissent le même exploit; Echeltos (plus tard on dit même Thésée) vint combattre à Marathon; les héros Phylakos et Autonos défendent Delphes contre les soldats de Xerxès, puis contre les Gaulois; avant de commencer la bataille de Salamine, on envoie un navire à Egine chercher les Eacides, et ceux-ci passaient pour avoir porté les premiers coups; Kéraclès assiste les Thébains contre les Spartiates.

Les héros interviennent pour détourner des fléaux : les moustiques d'Aliphera, des démons ou des monstres à Argos, à Temesa, etc.; on les invoque dans les maladies, et, bien que les Asclépiades aient pris ici le premier rang, on trouve d'autres héros guérisseurs : Alcon et Toscans à Athènes sont les plus illustres. 

Les oracles de héros étaient assez nombreux; on connaît ceux d'Amphiaraüs et Trophonius en Béotie, Protéxilas à Elée de Chersonèse, Antolycus à Sinope, Glaucus à Anthédon (Béotie), Ino à Thalamae, Ulysse chez les Eurytanes (Etolie). Nous avons déjà signalé une des formes principales du concours donné par les héros, leur part dans la fondation des villes. Ils sont alors qualifiés d'Archégètes ou Oekistes. Ils conservent ainsi ce rôle de conducteurs de peuples que la légende leur prête de leur vivant.

Le culte des héros est nettement distinct de celui des dieux : exception faite pour Héraclès dont la position est douteuse. Le rituel est différent; il se rapproche de celui des dieux chtoniens auquel il mélange celui du culte des morts. Le vieux fonds des cultes locaux, grossi par les immigrations qui apportent des héros nouveaux, l'est encore dans une foule de circonstances : on institue le culte de héros supposés hostiles à un ennemi; celui d'une victime dont on veut apaiser la haine, par exemple celui des filles de Skedasos à Leuctres; violées par des Lacédémoniens elles se suicident et reçoivent les honneurs héroïques; à Corinthe, on les rendait aux enfants de Médée qui y avaient été lapidés; les sacrifices expiatoires d'un crime pouvaient donc donner lieu à un culte de héros. Dans bien des cas, celui-ci est greffé sur celui d'une divinité principale. 

Quand les choses se furent régularisées, on admit qu'il fallait une autorisation divine pour instituer un nouveau culte. On la demanda à l'oracle de Delphes, centre religieux du monde hellénique. Delphes devint le centre du culte des héros, et l'oracle contribua activement à le propager dans l'Hellade et dans les colonies; c'est lui qui fit établir celui des enfants de Médée à Corinthe, d'Oreste à Sparte, du héros apparu à Marathon (auquel il donna son nom d'Echetlos, etc. Le premier acte était dans ce cas l'apport des ossements du héros : rappelons le transfert des reliques de Thésée, de Scyros à Athènes; de celles d'Hésiode, de Naupacte à Orchomène; d'Oreste, de Tégée à Sparte; d'Arcas, du Ménale à Mantinée; plus tard le roi Philippe ramena de Thèbes en Macédoine celles de Linus, puis les renvoya sur l'invitation du héros qui lui apparut en songe; on pourrait multiplier ces exemples.

Bien entendu ces reliques étaient apportées solennellement; prières, sacrifices, processions, rien ne manquait à leur accueil. Il arrivait aussi que pour des raisons politiques on substituait dans le culte un héros à un autre; ainsi, à Sicyone, Adraste qui avait remplacé Dionysos fut sur l'ordre de Clisthène évincé au profit de Ménalippe; à Athènes, Héraclès remplaça Thésée dans plusieurs sanctuaires. A côté des cités, les particuliers ont fondé maint culte héroïque.

Le centre du culte est le tombeau, auquel on adjoint souvent un bois sacré ou un temple. Les Oekistes ont leur tombeau sur la place centrale de la cité, sur le marché (Battus à Cyrène, Euphron à Sicyone); on y place aussi d'autres tombeaux héroïques, dont parfois le nom est oublié. Ailleurs on les place au prytanée; dans l'enclos ou le temple d'un dieu, ou dans le voisinage; mais on en rencontre un peu partout, entourés d'un enclos sacré plus ou moins vaste; de ceux-ci on connaît plusieurs à Athènes, à Olympie. Habituellement l'entrée était à l'Ouest et l'enclos était planté d'oliviers; le lieu précis de la tombe était parfois secret; d'autres fois un tumulus la surmontait ou un édifice spécial, l'hérôon; nous connaissons plusieurs de ces chapelles; les monuments ont conservé le dessin de plusieurs autres. On sacrifiait sur la tombe (l'arrosant du sang de la victime) ou un des autels adjacents; quelquefois sur celui d'un dieu, protecteur du héros. 

On célèbre des fêtes en l'honneur des héros; on leur adresse des prières; on jure par leur nom; on leur apporte constamment des aliments, de même qu'aux autres morts; on leur prodigue les ex-voto. Leur culte est célébré de préférence le soir et la nuit (tandis qu'aux dieux on sacrifie le matin).

Le culte des héros fut un des plus vivaces en Grèce, et jusqu'à la fin du paganisme il ne cessa de se renforcer par des adjonctions de nouveaux personnages. Timésios, fondateur d'Abdère, fut vénéré par les seconds colons de la ville; Artachaiès, l'ingénieur perse qui perça le mont Athos, étant mort à Acanthe, les gens du pays lui rendirent un culte; de même ceux d'Amphipolis au général spartiate Brasida, tué en les défendant (422); ils le substituèrent au héros athénien Hagnon; Lampsaque vénérait ainsi Anaxagore enterré dans ses murs; Philippe de Crotone, le plus bel homme de son époque, ayant été tué en combattant les citoyens d'Egeste, ceux-ci édifièrent un hérôon sur son tombeau et lui offrirent des sacrifices. 

Les tyrans Gélon de Syracuse, Théron d'Agrigente, furent dès leur mort l'objet d'un culte; l'usage de l'apothéose fut fréquent en Sicile; on le rencontre également dans l'île de Chypre et en d'autres points. Aristomène de Messène devint, à la reconstruction de la cité, en 369, un des héros tutélaires du pays; Euphron de Sicyone, assassiné par ses adversaires, fut au milieu du IVe siècle l'objet d'une apothéose. Les fêtes anniversaires consacrées aux morts de Marathon, des Thermopyles, de Platées, se transformèrent en un véritable culte héroïque. Il en fut de même pour les meurtriers de tyrans, pour les athlètes; parmi ces derniers, Cléomède à Astypalée, Théagène à Thasos, Pulydamas à Scotussa (Thessalie), Oebotas à Dyme, etc., reçurent des honneurs divins; leurs statues faisaient des miracles; les athlètes des âges suivants venaient leur demander protection ou leur apporter des ex-voto après la victoire.

Les poètes tragiques Eschyle et Sophocle devinrent l'objet de cultes semblables. A partir d'Alexandre le Grand, l'invasion des idées orientales qui donnent à l'autorité un caractère divin introduit en Grèce la coutume de l'apothéose héroïque en tant qu'institution officielle. Alexandre la décerne à son ami Héphestion, dont le culte se répandit rapidement. Celui d'Hippocrate eut la même vogue. A Athènes, la première apothéose officielle fut décernée en 229 au gouverneur macédonien Diogène; Sicyone l'accorda à Aratus; Mégalopolis à Philopoemen. Les exemples se multiplient à l'époque romaine.

Dans l'art, les héros sont d'abord figurés surtout à cheval; assez fréquemment sur un trône, ou bien étendus sur un lit et participant au repas funéraire. Leurs attributs préférés sont soit les armes et le cheval qui se réfèrent à leur personnalité légendaire; soit ceux des dieux chtoniens, serpent, canthare, rhyton; on leur prête aussi la physionomie des dieux de ce groupe : Hermès, Dionysos, Asclépios, Hadès, Sérapis. (A.-M. Berthelot).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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