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La langue des Huns
D'une manière générale, il ne nous est resté aucun monument écrit, ni littérature, ni inscription, ni médailles des différents « Huns d'Europe  ». Il est regrettable que les auteurs latins, byzantins, arméniens et musulmans, qui ont été si longtemps en contact avec ces envahisseurs, ne nous aient pas conservé quelques phrases ou même quelques mots qui nous seraient aujourd'hui d'un très grand secours pour établir d'une manière certaine la langue que parlaient les Huns. Nous ne savons même pas quel était le titre que prenait Attila. Les lacunes des auteurs à cet égard sont inexplicables. Tout ce que nous pouvons conjecturer sur ces origines ethnographiques ou linguistiques, c'est par l'examen des noms de personnes et de tribus. Pas de doute en ce qui concerne les Sabires, les Onogoures, Koutrigoures, Akatzires, etc., auxquels se mêleront plus tard les Huns, pour constituer, dans la région de la Volga, le peuple des Bulgares; ce sont tous des Turks; par conséquent ils parlaient des dialectes turks (Les langues Altaïques); mais, en ce qui concerne les Huns, comme ce mot, pas plus que celui de Hioung-nou, duquel on a voulu le faire dériver, ne se retrouve dans les dialectes modernes, nous n'avons aucune preuve matérielle que ces peuples aient parlé le turk. 

Les noms des chefs huns; qui nous ont été conservés sont très défigurés par l'orthographe byzantine; le même mot varie souvent d'un auteur à l'autre; cependant quelques-uns peuvent s'expliquer par des racines turques. Ainsi, le mot Dengisikh, nom d'un des fils d'Attila, est bien certainement le turk dengiz (mod. degnis) qui a le sens de « lac, mer »; Attila est le nom tartare de la Volga, Ettel et Attil; Uldès est le turk youldouz, « étoile »; Ildico, nom d'une des femmes d'Attila, a peut-être la même origine; Bleda rappelle le turk balta, « hache »; Kouridakh renferme le radical takh, dagh, « montagne »; Moundioukh rappelle mundüz, « orage, grêle », de quelques dialectes turcs; Ernakh renferme la racine er, ir, « homme »; Atakain, Ellak se rattachent aux racines ata, « père», el, « vent »; Uto et Basikh peuvent très bien s'expliquer par ut, « feu », et bash, « tête ».

Nous ne pousserons pas plus loin ces comparaisons; ce que nous disons ici suffit pour permettre l'hypothèse que la langue des Huns d'Europe a pu être un dialecte turk. Le dialecte des Huns devait se rapprocher de l'ouïgour et de ce qu'on appelle aujourd'hui le turk oriental et le kirghiz.

Quant à l'écriture, nous en sommes également réduits aux conjectures. Quand les Huns sont venus en Europe, ils ne connaissaient pas l'écriture, mais ils ont dû se servir des caractères employés par les populations avec lesquelles ils se trouvaient en contact. Or, au IVe siècle et surtout au Ve siècle, lors de l'arrivée d'Attila, il est incontestable que, en Gothie, en Pannonie et dans toute l'Europe centrale, il existait, outre l'écriture gréco-latine employée par les fonctionnaires et les soldats romains, deux alphabets que l'on pourrait appeler indigènes : à savoir les Runes et l'alphabet gothique d'Ulfilas. Les frères Grimm, Massmann, Müllenhof, Kirchhoff et autres pensaient que l'évêque Ulfilas, lorsqu'il créa, vers 350 de J.-C., l'alphabet gothique qui porte son nom (et qui servit à écrire le fameux Codex argenteus de l'an 380), se servit d'abord des lettres runiques et ensuite de quelques lettres grecques et latines pour rendre les sons spéciaux au gothique.

L'alphabet runique existait donc déjà au IVe siècle, et, lorsque Attila montre aux ambassadeurs de Théodose le tableau sur lequel étaient écrits les noms des transfuges huns, de même que lorsqu'il fait écrire par ses secrétaires les lettres qu'Edecon est chargé de remettre à Théodose, et que Vigila, l'interprète, traduisit en grec à l'empereur, il est vraisemblable que ces documents étaient écrits en caractères runiques en usage depuis longtemps sur les bords du Danube, plutôt qu'en caractères grecs. (E. Drouin).

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