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La justice

La justice (justitia, de justus, de jus = droit) , selon sa définition ordinaire, c'est rendre à chacun ce qui lui est dû. S'oppose à injustice. - La formule des devoirs de justice est : ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même. La justice renvoie à l'idée d'équité, d'équilibre et de respect des droits et des devoirs entre les individus. Elle implique de traiter autrui en respectant ses droits et sa dignité, tout en prenant en compte les contextes et les circonstances. 

Chez les philosophes, la justice a souvent été liée à la recherche du bien commun et de la vertu. Platon, par exemple, voyait la justice comme une harmonie entre les différentes parties de l'âme et de la société. Aristote, de son côté, distinguait la justice distributive (répartition équitable des biens et des ressources), qui est à la base de la justice sociale, et la justice corrective (rectification des torts et des déséquilibres) qui une des dimensisions de la justice juridique ou justice légale.

La justice est un concept philosophique et moral qui vise à établir un ordre équitable dans les relations humaines. Elle transcende les lois écrites en recherchant une vérité et un équilibre universels. Le droit est l'ensemble des règles écrites et codifiées adoptées par une société pour organiser la vie commune et garantir la justice. Il est la traduction pratique des idéaux de justice dans un cadre institutionnel. Le droit vise à concilier les intérêts divergents en fixant des normes applicables et sanctionnables. Une loi juste est une loi qui incarne et promeut les principes de justice. Cependant, il peut y avoir des lois mais perçues comme injustes, ce qui soulève des débats éthiques.

La justice juridique repose sur le droit positif, un ensemble de règles et de lois établies par une société pour réguler les relations entre ses membres. Elle est mise en oeuvre par des institutions, comme les tribunaux, qui veillent à ce que les lois soient respectées et appliquées équitablement. Que le droit positif puis évoluer au cours du temps ou être différent d'un pays à une autre, d'une culture à une autre exprime le fait que la justice, l'action juste, ne sont pas des notions absolues. De plus, l'équilibre entre justice légale, morale et sociale pose souvent des dilemmes complexes.

Les critères de l'action juste

Juger si un acte est juste a préoccupé les philosophes et les penseurs depuis des siècles. Il n'existe pas de critère unique et universellement accepté, mais plusieurs perspectives et critères peuvent être utilisés pour évaluer la justice d'un acte.

Les conséquences de l'acte (conséquentialisme).
La considération des conséquences d'un acte sont la pierre angulaire de l'approche conséquentialiste pour jdécider si un acte est juste. L'idée fondamentale du conséquentialisme est qu'un acte est juste ou injuste est uniquement fonction de ses résultats ou conséquences. L'intention de l'acteur, les règles suivies, ou d'autres facteurs sont considérés comme secondaires ou même irrelevants. Ce qui compte avant tout, c'est l'impact réel de l'action. Un acte bien intentionné mais aux conséquences désastreuses sera jugé injuste selon cette perspective. Inversement, un acte motivé par des raisons égoïstes pourrait être considéré comme juste s'il produit de bons résultats.

Il faut identifier et évaluer les différentes conséquences possibles d'un acte. Cela implique de considérer qui est affecté (individus, groupes, société dans son ensemble, etc.), quel est le type de conséquences visé (bien-être, bonheur, souffrance, liberté, égalité, etc.), les effets à court terme et à long terme (les conséquences immédiates peuvent différer des conséquences futures), les conséquences directes et indirectes (il faut envisager l'ensemble de la chaîne causale. Souvent, le conséquentialisme implique de comparer les conséquences possibles de différentes actions pour choisir celle qui maximise le bien (ou minimise le mal). 

Principales théories conséquentialistes :

• L'utilitarisme  (Bentham, Mill). - La forme la plus connue du conséquentialisme. L'acte juste est celui qui produit le plus grand bonheur pour le plus grand nombre.
+ L'utilitarisme de l'acte. - Chaque acte doit être évalué en fonction de ses conséquences spécifiques.

+ L'utilitarisme de la règle. - On doit suivre les règles qui, de manière générale, produisent les meilleures conséquences.

• Le conséquentialisme des règles. - L'accent est mis sur l'adoption de règles dont l'application générale conduit aux meilleures conséquences globales.

• Autres formes de conséquentialisme. - D'autres théories se concentrent sur la maximisation d'autres valeurs que le bonheur, comme le bien-être, la connaissance, ou la satisfaction des préférences.

Le conséquentialisme se concentre sur les résultats concrets et les impacts réels sur le monde. Il permet de prendre en compte le contexte et les circonstances spécifiques de chaque situation. Et, comme l'objectif est de maximiser le bien pour le plus grand nombre, ile peut aider à promouvoir une certaine forme d'égalité. Mais il est souvent impossible de prédire avec certitude toutes les conséquences d'une action et peut être extrêmement difficile de comparer et de peser les différentes conséquences possibles. De plus, le bien du plus grand nombre (tyrannie de la majorité) peut parfois justifier de sacrifier les intérêts ou les droits d'une minorité. Le conséquentialisme peut aussi ignorer les obligations morales intrinsèques ou les droits fondamentaux, si leur respect n'aboutit pas aux meilleures conséquences possibles. Dans certaines situations hypothétiques, le conséquentialisme pourrait justifier des actes que la plupart des gens considéreraient comme moralement répréhensibles si les conséquences globales étaient positives.

L'intention et la motivation de l'auteur.
Pour juger qu'un acte est juste en se basant sur l'intention et la motivation, on se concentre sur :

• La volonté de faire le bien. - L'auteur agissait-il avec la sincère intention de faire ce qui est juste, moralement bon ? Même si les conséquences ne sont pas idéales, une bonne intention peut être considérée comme atténuante.

• Le respect des devoirs et des règles. - La motivation était-elle de se conformer à un devoir moral, une loi, une règle éthique considérée comme fondamentale? Par exemple, dire la vérité, tenir une promesse, respecter un contrat, etc.

• L'absence de mauvaise foi ou d'arrière-pensée. - L'auteur n'agissait-il pas dans un but égoïste, malicieux, ou pour nuire à autrui ? Même si l'acte produit des résultats positifs, une mauvaise motivation peut le rendre injuste selon cette perspective.

• La pureté des motifs. - L'action était-elle motivée par des principes moraux et non par la peur de la punition, la recherche de la récompense, ou la pression sociale?

Selon le poids donné à chacune de ses considérations, plusieurs approches philosophiques et éthiques sont possibles :
• Le déontologisme (ou éthique déontologique) est l'approche la plus directement liée à l'intention et à la motivation. Elle sdéfend l'idée selon laquelle la moralité d'une action réside dans sa conformité à des devoirs ou à des règles morales, indépendamment des conséquences de cette action. L'accent est mis sur le respect de ces devoirs. Pour un déontologiste, une action est juste si elle est accomplie avec la bonne intention, c'est-à-dire avec la volonté de respecter le devoir moral concerné. Une action peut avoir des conséquences positives mais être considérée comme injuste si elle n'a pas été motivée par le respect du devoir. Pour Emmanuel Kant, la seule chose qui soit bonne sans restriction est la "bonne volonté". Une action est morale si elle est accomplie par devoir, c'est-à-dire par respect pour la loi morale universelle. L'intention de l'agent est primordiale. Certaines théories déontologiques se concentrent sur le respect des droits fondamentaux. Une action est juste si elle est motivée par le respect de ces droits, même si cela entraîne des conséquences négatives.

• L'éthique de la vertu est une approche qui se concentre sur le caractère moral de l'agent plutôt que sur les règles ou les conséquences des actions. Une action est juste si elle est le produit d'un caractère vertueux. La motivation de l'agent est donc cruciale. Une personne vertueuse agira de manière juste parce qu'elle est motivée par des traits de caractère positifs comme l'honnêteté, la compassion, le courage, la sagesse, etc. L'action découle naturellement de ces dispositions internes. Pour Aristote, le but de la vie est l'épanouissement (eudaimonia), qui est atteint en cultivant les vertus. Une action juste est celle qu'une personne vertueuse ferait dans une situation donnée.

• Certaines approches de l'éthique du care (= soins). - L'éthique du care met l'accent sur les relations, l'interdépendance et la responsabilité envers autrui. Elle valorise l'empathie, la compassion et la réponse aux besoins spécifiques des autres. La motivation à prendre soin, à répondre aux besoins et à maintenir des relations positives est dès lors centrale. Une action est juste si elle est motivée par le souci sincère du bien-être de l'autre et par le désir de maintenir ou de restaurer la relation.

Un des défis majeurs de ces approches est la difficulté d'accéder et de juger véritablement l'intention ou la motivation d'une personne. On peut seulement inférer ces éléments à partir des actions et des déclarations. Même si ces approches mettent l'accent sur l'intention, il est rare qu'elles ignorent complètement les conséquences. Souvent, une bonne intention implique de prendre en compte les conséquences probables de ses actions. Cependant, le jugement moral initial se base sur l'intention. De plus, les motivations humaines sont rarement simples et peuvent être mixtes. Il est possible qu'une action soit motivée par un mélange de bonnes et de mauvaises intentions.

Principes de justice et droits fondamentaux

Les principes fondamentaux sont des notions éthiques ou philosophiques considérées comme essentielles pour garantir une société juste et harmonieuse. Ces principes incluent l'égalité, la liberté, la dignité humaine, la solidarité, et la responsabilité. Les principes fondamentaux servent de base à l'élaboration des lois. Ils orientent les législateurs et les juges dans leur quête d'une justice équitable. Par exemple, le principe d'égalité inspire les lois contre la discrimination, tandis que celui de liberté guide les textes protégeant les droits individuels. Ces principes permettent d'évaluer la légitimité morale et éthique d'une décision ou d'une loi. Lorsqu'un conflit survient entre deux principes (ex. : liberté d'expression vs protection contre le discours haineux), la justice intervient pour établir un équilibre.

Les droits fondamentaux sont les droits inhérents à chaque individu, reconnus comme essentiels à la dignité humaine. Exemples : droit à la vie, à la liberté, à l'égalité, à la sécurité, et à l'éducation. Ces droits sont souvent inscrits dans des textes majeurs comme les Constitutions nationales, la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), ou la Charte des droits fondamentaux de l'UE. La justice vise à protéger et à promouvoir ces droits fondamentaux. Les droits fondamentaux fournissent un cadre moral qui oriente les décisions judiciaires et les lois, notamment dans les cas où des lois ou des pratiques enfreignent ces droits. Les droits fondamentaux sont juridiquement garantis et justiciables. En d'autres termes, un individu peut se tourner vers les tribunaux pour faire valoir ses droits. Ils forment une limite au pouvoir législatif : toute loi contraire aux droits fondamentaux peut être contestée et annulée.

L'idée que le respect des droits fondamentaux et des principes de justice constitue un critère essentiel de l'acte juste est une pierre angulaire de nombreuses philosophies morales, éthiques et juridiques. La définition de l'action juste découle de ce que le respect des valeurs et principes universels sert de norme, de référence. Si une action viole ces valeurs ou ces principes, elle est considérée comme injuste.

Principes et valeurs universels.
Fonder une justice universelle repose sur la reconnaissance de la dignité humaine comme valeur suprême et sur la mise en oeuvre de principes d'égalité, de liberté, d'équité procédurale et de valeurs morales partagées. Mais, si l'universalité de la justice est un idéal vers lequel tendre, il existe des différences culturelles et des interprétations diverses des principes de justice. La mise en oeuvre d'une justice universelle est un processus continu et complexe. Elle nécessite des efforts constants pour promouvoir l'éducation, la compréhension mutuelle et la coopération internationale.

Valeurs morales universelles.

• Empathie et compassion. - La capacité de se mettre à la place de l'autre et de comprendre sa souffrance. Une justice universelle se soucie du bien-être de tous.

• Honnêteté et intégrité. - Des valeurs essentielles pour la confiance dans le système judiciaire, mais aussi pour la confiance dans les relations interpersonneles..

• Respect et tolérance. - La reconnaissance de la diversité des cultures et des opinions, dans le respect des droits fondamentaux.

Principes liés aux droits et à la dignité humaine.
• Respect de la dignité humaine. - La dignité intrinsèque de chaque être humain est le principe fondamental. Chaque individu, indépendamment de son origine, de son statut social, de sa religion, etc., possède une valeur inhérente et doit être traité avec respect. La justice vise à protéger cette dignité contre les abus et les traitements inhumains. Ce principe est à la base de tous les autres. 

ʉۢ Le principe d'̩galit̩ s'exprime en disant que tous les ̻tres humains naissent libres et ̩gaux en dignit̩ et en droits. Cela implique l'̩galit̩ devant la loi, l'̩galit̩ des chances et la non-discrimination.

• Reconnaissance et protection des droits fondamentaux. - Reconnaissance et la protection des droits humains, qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. Ces droits définissent les limites de l'action de l'État et des individus les uns envers les autres.

• Liberté et autonomie. - La liberté individuelle et la capacité de chacun à prendre des décisions éclairées concernant sa propre vie, dans le respect des droits d'autrui.

• Le principe de non-discrimination consiste à rejeter toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur des critères tels que l'apparence physique, le sexe, la religion, l'origine nationale ou sociale, l'opinion politique ou toute autre situation, qui aurait pour effet de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, sur un pied d'égalité, des droits humains et des libertés fondamentales.

Principes liés à l'égalité et à l'équité.
• Égalité (formelle et matérielle). - Le principe fondamental que tous les individus doivent être traités de manière égale devant la loi, sans discrimination fondée sur des critères arbitraires (origine, sexe, religion, etc.). Cependant, la justice reconnaît aussi que l'égalité formelle ne suffit pas toujours et qu'il peut être nécessaire de tenir compte des inégalités existantes pour parvenir à une égalité matérielle ou réelle (équité).

ʉۢ Impartialit̩ et neutralit̩. - Les d̩cisions et les jugements doivent ̻tre rendus sans favoritisme ni pr̩jug̩. L'application des r̬gles et des lois doit ̻tre la m̻me pour tous, ind̩pendamment de leur statut ou de leurs relations.

• Équité et proportionnalité. - La justice cherche à ce que les avantages et les charges, les récompenses et les punitions soient distribués de manière juste et proportionnelle, en tenant compte des circonstances et des contributions de chacun. Cela implique de ne pas traiter de manière identique des situations fondamentalement différentes.

Principes liés à la procédure et à la légitimité.
• État de droit. - La justice se fonde sur le principe que tous sont soumis à la loi, y compris les gouvernants. Les lois doivent être claires, accessibles, appliquées de manière égale et respectueuse des droits fondamentaux.

•  Accès à la justice. - Chaque individu doit avoir la possibilité de faire valoir ses droits devant les tribunaux. Cela implique la suppression des obstacles financiers, géographiques ou sociaux qui pourraient entraver cet accès.

• Procédure régulière. - Les procédures judiciaires et administratives doivent être justes et équitables, garantissant à chacun le droit à un procès équitable, le droit à être entendu, le droit à un avocat, à la présomption d'innocence,  etc. Les juges et les autres acteurs de la justice doivent être neutres et objectifs. L'application des lois et des décisions judiciaires doit être exempte de préjugés et de favoritisme. 

• Transparence et responsabilité. - D'une part, Ceux qui commettent des actes injustes doivent être tenus responsables de leurs actions et doivent rendre des comptes. D'autre part, les processus décisionnels doivent être transparents et les acteurs responsables de leurs actions. Cela permet de garantir la confiance dans le système judiciaire et de prévenir les abus.

Principe liés à la réparation et à la restauration.
• Réparation des torts. - La justice vise à réparer les préjudices causés, que ce soit par une compensation financière, une restitution ou d'autres formes de réparation. La justice réparatrice (V. plus bas) est une approche de la justice qui met l'accent sur la réparation du tort causé aux victimes et sur la réintégration des auteurs dans la société, en favorisant le dialogue et la médiation.
Les droits fondamentaux.
Les droits fondamentaux sont intrinsèquement liés à la dignité de chaque être humain. Les respecter, c'est reconnaître la valeur et l'importance de chaque individu. Les principes de justice visent à créer une société où les avantages et les responsabilités sont répartis de manière équitable, évitant ainsi l'oppression et l'injustice. En se fondant sur des principes clairs et universels, on limite le risque que les actions soient basées sur des caprices, des intérêts personnels ou des préjugés. Les actes qui respectent les droits fondamentaux et les principes de justice sont généralement considérés comme légitimes et acceptables par la majorité. Applications concrètes :
• Droit et justice. - Les lois doivent respecter les droits fondamentaux et leur application doit être conforme aux principes de justice.

• Politique. - Les politiques publiques doivent être élaborées et mises en oeuvre dans le respect des droits et des principes de justice.

• Éthique professionnelle. - Les actions des professionnels doivent être guidées par le respect des droits et des principes de justice dans leur domaine d'activité.

• Relations interpersonnelles. - Agir de manière juste envers les autres implique de respecter leurs droits et de se conformer à des principes d'équité et d'impartialité.

• Décisions d'entreprise. - Les entreprises doivent prendre en compte l'impact de leurs actions sur les droits des individus (employés, consommateurs, etc.) et agir de manière juste.

Le respect et l'application des droits fondamentaux peut être complexe. L'interprétation et l'application concrète de ces droits peuvent parfois être sujettes à débat. Il peut arriver que l'exercice d'un droit par une personne entre en conflit avec l'exercice d'un autre droit par une autre personne. Les conceptions de la justice et les priorités accordées aux différents droits peuvent varier selon les cultures. Même si des droits sont reconnus, leur respect et leur protection peuvent être difficiles à garantir dans la pratique.

Les différents types de justice

La justice se décline en plusieurs formes, chacune ayant des implications spécifiques dans les domaines éthique, social et politique. Ces formes de justice peuvent coexister et s'entrelacer dans la réflexion philosophique ou dans les systèmes juridiques, mais elles peuvent également entrer en tension, notamment lorsqu'il s'agit de choisir laquelle privilégier dans une situation donnée.

Justice distributive.
La justice distributive concerne la manière dont les ressources, les avantages et les charges sont répartis entre les membres d'une société. Elle se base sur des principes qui visent à assurer une distribution équitable, en prenant en compte divers critères tels que les besoins, les mérites ou encore l'égalité entre les individus. 

L'idée de justice distributive trouve ses racines dans la pensée d'Aristote, qui distinguait différents types de justice. Selon lui, la justice distributive devait s'appliquer dans des contextes où les biens publics, tels que les richesses ou les privilèges, devaient être répartis parmi les membres de la société. Ce type de justice repose sur le principe d'une proportionnalité : les individus doivent recevoir en fonction de leurs contributions, de leurs besoins ou d'autres critères jugés pertinents.

Dans les sociétés modernes, la justice distributive peut être au coeur des débats sur les politiques publiques, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la fiscalité. Les philosophies politiques proposent diverses interprétations de la manière dont cette justice devrait être appliquée. Par exemple, les théories utilitaristes privilégient une distribution visant à maximiser le bonheur global, tandis que les approches égalitaristes insistent sur une répartition strictement équitable des ressources. D'autres, comme le libertarianisme, défendent une distribution basée sur le mérite et le respect des droits individuels, arguant que toute intervention étatique excessive pourrait nuire à la liberté.

La mise en pratique de la justice distributive pose des défis, notamment en ce qui concerne la définition des critères d'équité et les tensions entre les valeurs de liberté et d'égalité. Des questions comme celles des inégalités économiques, de l'accès universel aux services essentiels ou des discriminations systémiques alimentent les réflexions sur les moyens de parvenir à une répartition juste. Ainsi, la justice distributive reste-t-il un idéal difficile à atteindre, mais essentiel pour le maintien d'une société harmonieuse et cohésive.

Justice commutative.
La justice commutative régit les échanges entre individus. Elle vise à garantir l'équité dans les transactions privées, qu'il s'agisse de biens, de services ou d'accords contractuels. Cette forme de justice repose sur l'idée d'une égalité stricte, où chaque partie reçoit ce qui lui est dû en fonction de l'échange convenu, sans favoritisme ni exploitation. Son objectif principal est de maintenir un équilibre entre les parties, en réparant les déséquilibres qui pourraient résulter d'un manquement à ces principes.

La justice commutative trouve ses fondements dans la pensée d'Aristote, qui la distingue de la justice distributive. En droit moderne, la justice commutative s'exprime dans des principes tels que le respect des contrats, la restitution en cas de vol ou de dommage, et la compensation financière pour les préjudices subis. Elle est également essentielle dans les échanges économiques, où elle veille à ce que les prix soient justes et que les pratiques frauduleuses soient évitées. 

Cependant, la mise en oeuvre de la justice commutative peut soulever des difficultés, notamment en raison des inégalités préexistantes entre les parties. Si l'égalité formelle dans les échanges est respectée, des critiques soulignent que cela peut masquer des déséquilibres structurels plus larges, comme les inégalités de pouvoir ou de richesse. Ainsi, bien que la justice commutative soit essentielle pour assurer des interactions équitables entre individus, elle doit être complétée par d'autres formes de justice, comme la justice distributive, pour répondre aux enjeux d'équité globale dans la société.

Justice réparatrice.
La justice réparatrice est une approche de la justice qui met l'accent sur la réparation des torts causés par une infraction, plutôt que sur la seule punition du coupable. Elle cherche à rétablir l'équilibre perturbé par le crime en impliquant activement toutes les parties concernées : la victime, l'auteur de l'infraction et la communauté. Contrairement aux systèmes judiciaires traditionnels, qui se concentrent principalement sur la culpabilité et la sanction, la justice réparatrice vise à répondre aux besoins des victimes, à encourager la responsabilisation des auteurs et à renforcer les liens sociaux endommagés par le délit.

Cette forme de justice repose sur des principes de dialogue et de médiation. Elle offre aux victimes une occasion de s'exprimer sur les impacts émotionnels, matériels et psychologiques du crime, tout en permettant aux auteurs de reconnaître leurs actes, de comprendre leurs conséquences et de prendre des mesures pour réparer le préjudice. Ces démarches peuvent inclure des excuses formelles, une indemnisation ou des actions bénéfiques pour la communauté. Ce processus a pour but non seulement de réduire les ressentiments et de favoriser la guérison, mais aussi de prévenir les récidives en renforçant le sens des responsabilités chez les auteurs.

La justice réparatrice peut prendre différentes formes, telles que les cercles de dialogue, les conférences de justice restaurative ou les programmes de médiation pénale. Ces pratiques sont particulièrement efficaces dans les cas où les relations entre les parties jouent un rôle important, comme dans les conflits de voisinage, les crimes mineurs ou les actes de violence entre personnes qui se connaissent. Toutefois, elle peut également être adaptée à des infractions plus graves, à condition que les participants soient volontaires et prêts à s'engager dans le processus.

Bien que la justice réparatrice ait montré des résultats prometteurs en matière de satisfaction des victimes et de réduction des récidives, elle soulève aussi des critiques. Certains estiment qu'elle pourrait être perçue comme trop indulgente envers les auteurs d'infractions graves ou qu'elle ne garantit pas toujours une équité parfaite entre les parties. D'autres soulignent la difficulté de mettre en oeuvre de tels programmes dans des systèmes judiciaires traditionnels fortement axés sur la répression. Malgré ces défis, la justice réparatrice représente une alternative importante, fondée sur la réconciliation et la reconstruction des relations, et offre une perspective plus humaine et inclusive sur le traitement des conflits sociaux.

Justice rétributive.
La justice rétributive repose sur l'idée que les infractions doivent être sanctionnées par des peines proportionnelles au tort causé. Elle met l'accent sur la punition des auteurs d'infractions comme moyen de rétablir l'équilibre moral perturbé par leurs actes. Selon ce principe, la sanction est perçue comme une juste rétribution pour le mal commis, et non comme un simple moyen de prévenir d'autres crimes ou de réhabiliter les coupables. Cette approche de la justice s'appuie sur le postulat que chaque individu est responsable de ses actes et doit en assumer les conséquences.

Historiquement, la justice rétributive trouve ses origines dans des traditions juridiques anciennes, telles que le Code d'Hammurabi et les lois mosaïques, qui reposaient sur le principe du « oeil pour oeil, dent pour dent ». Ce principe cherchait à établir une équivalence entre le crime et la peine, afin d'éviter des sanctions excessives ou arbitraires. Dans ce cadre, la rétribution vise autant à satisfaire un besoin de justice sociale qu'à reconnaître les droits des victimes à voir le mal qu'elles ont subi compensé par une peine équitable infligée à l'auteur de l'infraction.

Dans les systèmes judiciaires modernes, la justice rétributive reste au coeur de nombreuses pratiques pénales. Les peines de prison, les amendes et d'autres formes de sanction sont souvent justifiées par l'idée que les auteurs doivent « payer leur dette à la société ». Cette perspective se distingue des approches réparatrices ou réhabilitatives en ce qu'elle valorise avant tout la punition elle-même, plutôt que ses effets sur la réinsertion du coupable ou sur le bien-être de la victime. Elle repose également sur des notions de proportionnalité et d'égalité, exigeant que des crimes similaires soient punis de manière similaire, afin de garantir une certaine uniformité dans l'application de la loi.

Cependant, certains considèrent qu'elle se concentre trop sur la punition et pas assez sur la prévention des crimes ou la réparation des préjudices subis par les victimes. De plus, elle peut parfois mener à des peines perçues comme inutiles ou excessives, notamment lorsque les sanctions ne tiennent pas compte des circonstances individuelles ou sociales qui ont conduit au crime. Malgré cela, la justice rétributive demeure une composante essentielle de nombreux systèmes juridiques, incarnant l'idée que les actions répréhensibles méritent une réponse ferme et proportionnée de la société.

Justice sociale.
La justice sociale vise à établir une société équitable en réduisant les inégalités et en assurant une répartition juste des ressources, des opportunités et des droits. Elle repose sur l'idée que tous les individus, indépendamment de leur origine, de leur genre, de leur religion ou de leur statut socio-économique, devraient avoir un accès égal aux biens essentiels, tels que l'éducation, la santé, le logement et l'emploi. Ce principe cherche à corriger les déséquilibres structurels qui perpétuent les inégalités et à promouvoir une société plus inclusive et solidaire. 

L'idée de justice sociale trouve ses racines dans des réflexions philosophiques et politiques qui remontent à des penseurs comme Rousseau, Marx ou Rawls. Ces théoriciens ont cherché à répondre aux injustices économiques et sociales, en proposant des systèmes qui garantissent à chacun des droits fondamentaux et un niveau de vie décent. Dans ce cadre, la justice sociale va au-delà de la simple égalité formelle en droit et s'intéresse aux conditions matérielles et aux résultats concrets pour les individus. Elle vise donc non seulement à supprimer les discriminations, mais aussi à compenser les désavantages liés à des facteurs systémiques.

La mise en œuvre de la justice sociale passe par des politiques publiques et des initiatives collectives. Cela peut inclure des systèmes de redistribution, comme la fiscalité progressive, les allocations sociales ou les subventions, qui permettent de réduire les écarts entre les plus riches et les plus démunis. Des lois visant à promouvoir l'égalité des chances, comme celles sur l'éducation gratuite ou les programmes d'inclusion dans les entreprises, font également partie des outils employés pour renforcer la justice sociale. De plus, elle est ordinairement associée à des mouvements sociaux qui militent pour les droits des minorités, l'équité salariale ou la justice climatique.

Justice procédurale.
La justice procédurale concerne l'équité des procédures utilisées pour prendre des décisions ou appliquer des lois. Elle repose sur l'idée que les règles et les procédures doivent être claires, transparentes, impartiales et appliquées de manière cohérente à tous les individus. Cette approche est fondée sur le principe que si les procédures sont justes, les décisions qui en découlent seront légitimes, même si elles ne satisfont pas toutes les parties impliquées.

Ce type de justice est central dans les systèmes juridiques et administratifs, où il s'agit de garantir que les lois sont respectées et que les droits de chacun sont protégés tout au long du processus. Cela inclut des éléments tels que le droit à un procès équitable, le respect des règles de preuve, l'accès à une défense appropriée et la neutralité des décideurs. La justice procédurale ne cherche pas à influencer directement les résultats, mais à s'assurer que les moyens utilisés pour y parvenir respectent des normes d'équité.

La justice procédurale joue également un rôle important en dehors des contextes judiciaires, par exemple dans les environnements organisationnels et institutionnels. Dans les entreprises ou les administrations publiques, elle est essentielle pour établir la confiance entre les employés et leurs dirigeants. Des processus de décision transparents et participatifs, comme des consultations ouvertes ou des critères de promotion clairs, contribuent à renforcer la perception de justice parmi les membres d'une organisation.

Cependant, la justice procédurale peut se heurter à des difficultés lorsqu'elle est confrontée à des inégalités structurelles ou à des biais systémiques. Même si les procédures sont appliquées de manière uniforme, elles peuvent parfois reproduire des injustices existantes si les règles elles-mêmes sont biaisées ou si les individus n'ont pas un accès égal aux ressources nécessaires pour se défendre équitablement. Ainsi, bien que la justice procédurale soit essentielle pour garantir la légitimité des décisions, elle doit souvent être complétée par d'autres formes de justice, comme la justice distributive ou réparatrice, pour répondre aux besoins d'équité globale.

Justice naturelle.
La justice naturelle se réfère à des principes universels d'équité, d'éthique et de morale, supposés exister indépendamment des lois établies par les sociétés humaines. Elle repose sur l'idée qu'il existe des normes fondamentales de justice qui découlent de la nature humaine et de la raison, et qui s'imposent à tous, quel que soit le contexte culturel ou juridique. Contrairement à la justice positive, qui est codifiée dans des lois et des institutions, la justice naturelle est perçue comme intemporelle et universelle, fondée sur des notions telles que la dignité humaine, le bien commun et l'équilibre.

Ce concept remonte à l'Antiquité, où des philosophes comme Aristote et Platon ont développé l'idée qu'il existe des principes de justice inscrits dans la nature même des choses. Selon Aristote, la justice naturelle transcende les lois humaines et représente ce qui est juste en soi, indépendamment des conventions sociales. Dans cette perspective, certaines actions sont justes ou injustes par leur essence, indépendamment des cadres juridiques ou des normes établies.

La justice naturelle est ordinairement associée à des notions telles que le droit naturel, qui propose que certaines lois universelles découlent de la nature humaine ou d'un ordre moral supérieur. Ces idées ont influencé le développement de la pensée juridique et politique, notamment au cours des Lumières, où elles ont inspiré des concepts tels que les droits de l'homme et la liberté individuelle. Les philosophes des Lumières, comme John Locke, ont fait valoir que les lois humaines doivent être conformes à ces principes fondamentaux pour être considérées comme légitimes.

Cependant, la nature universelle de ce type de justice soulève des questions sur la façon de déterminer ses principes et sur leur interprétation dans des contextes culturels variés. Les idées de justice naturelle risquent de refléter des biais culturels ou idéologiques, même lorsqu'elles prétendent être universelles. Malgré ces défis, la justice naturelle continue de jouer un rôle important dans les discussions sur l'équité et la moralité, en offrant une norme transcendante contre laquelle les lois et les institutions humaines peuvent être évaluées.

Justice cosmique ou divine.
La justice cosmique ou divine repose sur l'idée qu'il existe un ordre universel ou transcendant, gouverné par une puissance supérieure, qui assure que chaque individu reçoit ce qu'il mérite en fonction de ses actions, soit dans cette vie, soit dans une existence ultérieure. Elle est généralement liée à des croyances religieuses, où une divinité ou une loi cosmique garantit la rétribution des bonnes et des mauvaises actions selon des principes d'équité morale. Cette justice dépasse les lois humaines et agit à un niveau spirituel ou métaphysique, offrant une perspective sur des questions comme la destinée ou le salut.

Dans de nombreuses traditions religieuses, la justice divine est perçue comme infaillible et omnisciente. Par exemple, dans les religions comme le christianisme, le judaïsme et l'islam, Dieu est souvent décrit comme un juge ultime qui récompense les justes et punit les injustes, soit dans cette vie, soit après la mort. Cette vision s'accompagne de textes sacrés et de commandements divins, qui servent de guides pour vivre en conformité avec les attentes divines.

D'autres systèmes religieux, comme l'hindouisme et le bouddhisme, mettent en avant la notion de karma, une loi universelle selon laquelle chaque action entraîne des conséquences inévitables, positives ou négatives, dans cette vie ou dans des vies futures. Dans ces perspectives, la justice cosmique ne dépend pas nécessairement d'une entité consciente, mais d'une harmonie inhérente à l'univers qui garantit que tout acte génère des effets proportionnels.

La justice cosmique est fréquemment invoquée pour expliquer des événements qui échappent à la compréhension humaine, comme les injustices apparentes ou les souffrances imméritées. Elle offre une consolation morale, en affirmant que, même si la justice humaine est imparfaite ou faillible, il existe une justice ultime qui transcende les limitations du monde matériel. Cependant, cette conception soulève également des interrogations, notamment sur la compatibilité entre le libre arbitre et un ordre cosmique prédéterminé, ou sur la manière dont une justice divine ou cosmique peut être réconciliée avec la souffrance innocente.

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Dictionnaire Idées et méthodes
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