|
. |
|
jusqu'en 1900 |
L'époque
qui a précédé l'arrivée des Romains
sur le territoire actuel du département des Hautes-Alpes
est peu connue. Mais, à partir de cette époque, on peut compter
une à une toutes les invasions auxquelles a été livrée
sans défense cette malheureuse contrée, restée longtemps
si déshéritée pourtant et par suite si peu propre
à éveiller les convoitises des envahisseurs.
Le territoire des Hautes-Alpes avant la conquête romaine était occupé par quatre populations : au sommet des Alpes, les Caturiges, dont la capitale était Chorges; à Briançon (Brigantium), les Brigantini; à Gap (Vapincum), les Tricorii, et, dans la partie méridionale, les Segusiani, dont la capitale était Suse (Segusio), aujourd'hui en Italie. Ces populations, qui faisaient partie de la nation des Allobroges (Gaule celtique), prirent part probablement à l'expédition de Bellovèse; deux siècles plus tard, elles s'emparèrent de Rome avec Brennus. Lorsque Hannibal traversa les Alpes, il eut à combattre les Caturiges; ce peuple s'unit ensuite à lui et suivit en Italie son armée qui, après avoir, dit-on, franchi la Durance à la hauteur du confluent de l'Ubaye, passa les Alpes au col du Mont-Genèvre. Les Caturiges aidèrent Marius à chasser les Cimbres et les Teutons. Plus tard, ces rudes montagnards des Alpes, n'ayant pas, à l'exemple des Allobroges, embrassé le parti de Sertorius, obtinrent la faveur de voir élever au rang de cités municipes une douzaine de leurs villes. Quand César franchit le col du Mont-Genèvre pour soumettre les Helvètes, ils tentèrent vainement de s'opposer à son passage. Sous Auguste, ces populations obéissaient à un prince nommé Cottius, qui résidait à Suse; un arc de triomphe dressé dans cette ville, à cette époque, donne le nom des quatorze peuples soumis à l'autorité de ce prince. Après la mort de Cottius, ces territoires furent réunis à l'Empire. De nombreuses antiquités romaines, découvertes à Guillestre, Chorges, la Bâtie-Vieille, au Monêtier-Allemont, à la Bâtie-Montsaléon, à Serres, à Monteglin, etc., témoignent, après plus de vingt siècles, de la puissance de l'implantation romaine. Les villes qui avaient acquis le droit de latinité jouirent de certaines franchises jusqu'au règne de Constantin, qui les soumit alors au tribut comme le reste de la Gaule. Selon la tradition,le Christianisme aurait été introduit à Gap, dès le Ier siècle de l'ère nouvelle, par saint Demétrius, disciple de saint Jean l'Évangéliste, et ensuite par saint Nazaire et saint Celse, qui furent martyrisés sous le règne de Néron; mais il est plus probable que saint Marcellin combattit le premier le paganisme dans cette région. Gap et son territoire avaient été englobés, lors de la division des Gaules par Dioclétien, dans la IVe Viennoise. Embrun était un poste important ou résidait le préfet des barques que les romains entretenaient sur la Durance pour assurer la navigation. Cette ville reçut sous Hadrien le titre de métropole des Alpes-Maritimes et fut ensuite fortifiée par l'empereur Valens. Lorsque, suivant la voie ouverte par Hannibal, les Barbares se ruèrent sur l'Empire, les Sarmates, les Alains, les Gépides, les Hérules, les Saxons, les Vandales laissèrent tour à tour dans ces contrées de sanglantes traces de leur passage. Les Vandales et les Lombards furent chassés par le patrice Mummol; les Bourguignons, auxquels Valentinien III avait cédé Gap, parvinrent seuls à s'y établir. Dès le IVe siècle, cette ville, qui faisait alors partie de la IVe Narbonnaise, était devenue le siège d'un évêché. Les évêques Sagittarius, à Gap, et Sélonicus son frère, à Embrun, ne donnèrent guère l'exemple des vertus revendiquées par le Christianisme; plutôt soldats qu'évêques, ils guerroyèrent (558 à 572) contre les Lombards et commirent de si nombreuses atrocités qu'ils furent dépossédés de leur siège par le concile de Chalon-sur-Saône. Dès le Xe siècle, de nouveaux barbares, venus du midi, les Sarrasins, parurent dans les vallées des Alpes, qu'ils ravagèrent; ils s'y fixèrent même pendant quelque temps, car la montagne de Puy-More, la tour de Montrond, Montmorin, Montmaur, Château-Sarrasin et plusieurs autres lieux doivent évidemment leur nom à leur passage. Le territoire des Hautes-Alpes faisait partie à cette époque du royaume d'Arles et de Bourgogne. Mais Rodolphe III, roi d'Arles, étant mort en instituant son héritier l'empereur Conrad le Salique, le pays fut en proie, comme le reste du Dauphiné, à l'anarchie féodale. A partir de cette époque, une foule de petits souverains ecclésiastiques ou laïques luttent entre eux, et contraignent l'empereur, qui tente vainement de les soumettre à son autorité, de légitimer leurs usurpations. L'évêque de Gap prend le titre de comte; Briançon se donne au comte d'Albon (1033); Embrun, qui en 966, avait été incendié par les Maures, et, en 1002, pris d'assaut par les Magyars, après avoir été possédé successivement par les Francs et les Bourguignons, passe aux comtes de Forcalquier et forme enfin un état indépendant gouverné par ses archevêques. Mais ces trois petits états, - le Gapençais, le Briançonnais et l'Embrunais, - ne devaient pas rester longtemps séparés. Parmi les nouveaux maîtres de l'ancienne province Viennoise, les comtes d'Albon ou de Grésivaudan n'avaient pas tardé à prendre le premier rang. L'un d'eux, Guigues IV, ayant placé dans ses armoiries le signe original d'un Dauphin, on donna à ces comtes le nom de Dauphins de Viennois. A deux reprises différentes, à la fin du XIIe et du XIIIe siècle, la dynastie des Dauphins faillit s'éteindre, mais elle se ranima par le mariage d'Anne, fille de Guigues VII, avec Humbert, héritier de la baronnie de la Tour-du-Pin; les deux maisons les plus puissantes du pays n'en formèrent ainsi plus qu'une. Humbert devint la tige de la troisième, dynastie qui étendit son autorité en Savoie, danis les Hautes-Alpes et dans la vallée inférieure du Rhône. Mais les Dauphins, longtemps indépendants, furent bientôt contraints de rendre hommage au roi de France. Eu 1319, Guignes VIII épousa la fille du roi de France, Philippe le Long; il alla même guerroyer en Flandre, dans l'armée de Philippe et prit part à la bataille de Cassel. Philippe de Valois ne tarda pas à convoiter la riche seigneurie des Dauphins et sut profiter du caractère inquiet de Humbert Il pour le décider à signer un traité qui, moyennant 20,000 florins d'or, léguait le Dauphiné à la maison de France (1343). Dégoûté du monde, Humbert Il vendit sa souveraineté à Philippe VI (1349), à la condition que l'héritier présomptif de la couronne prendrait le titre de Dauphin. Le fils aîné de Jean le Bon, Charles, fut le premier des Dauphins. Dès lors, cette province devint l'apanage des fils aînés des rois de France. Les Dauphins de Viennois avaient laissé aux populations énergiques du Briançonnais et de l'Embrunais leurs lois et leurs libertés particulières. Le dernier Dauphin, Humbert II, les exempta des servitudes féodales. Les communes du Briançonnais acquirent en outre le droit de s'assembler pour la discussion de leurs intérêts communs et la gestion de leurs affaires. Sous le règne paternel de ce prince, qui fondait plusieurs maisons hospitalières, entre autres celle du Mont-Genèvre, édictait des lois sévères contre l'usure et mettait de l'ordre dans les finances des communes, ce pays jouit pendant quelques années d'un repos profond, heureuse étape entre un passé tourmenté et un avenir qui devait l'être plus encore : l'ère sanglante des Guerres de Religion était sur le point de s'ouvrir. Cette malheureuse contrée, pendant près de trois siècles, allait être mise à feu et à sang par des hordes de fanatiques. La peste, qui depuis l'an 516 n'avait plus reparu, fondait sur elle en 1346, peu avant l'époque où les Vaudois, précurseurs des protestants, s'étaient multipliés dans les vallées de la Vallouise et du Champsaur spécialement à tel point qu'ils commençaient à porter ombrage à la puissance épiscopale. Le pape Clément VI écrivait en 1352 aux évêques, seigneurs, juges et communautés, de venir en aide à l'archevêque d'Embrun, Guillaume VII, et à Pierre de Monts, inquisiteur du lieu, pour les aider à purger ces provinces des hérésiarques. Quelques années plus tard, Grégoire XI adressait le même appel au roi de France et au gouverneur du Dauphiné, et chargeait François Borelly, inquisiteur, de sévir contre les hérétiques. Ce dernier appel ne fut que trop bien entendu Borelly, en treize ans, livra au bras séculier 230 hommes et un grand nombre de femmes et de filles, et les persécutions, commencées avec tant de vigueur vers la fin du XIVe siècle, se prolongèrent au siècle suivant. Le roi Louis XI s'émut de cet état de choses, dont les Vaudois n'étaient pas seuls à souffrir. Il défendit, par lettres patentes du 18 mai 1478, d'inquiéter les populations des vallées, mais cet ordre ne leur procura qu'un soulagement momentané. Le parlement de Grenoble ayant décrété que les sectaires devaient être sommés d'embrasser la religion catholique, sous peine d'être chassés et de voir leurs biens confisqués, les persécutions recommencèrent. En 1485, les Vaudois, traqués de tous côtés, s'étant réfugiés dans une caverne (l'Aile Froide) située sur les flancs du Pelvoux, y périrent brûlés ou massacrés an nombre de plus de 3000. La Vallouise, après ce massacre, ne fut plus qu'un désert. Mais déjà le jour approche où les victimes vont à leur tour user de représailles. Aux Vaudois succèdent les Calvinistes. Guillaume Farel, ce fougueux prédicateur de la Réforme, entraîne les populations (1530). Arrêté sur l'ordre de la Motte-Gondrin, commandant pour le roi en Dauphiné, il parvient à s'échapper. L'édit de 1562 rend un peu de calme au pays en autorisant les réformés à exercer leur culte hors des villes, mais le massacre de Vassy (1562) fait éclater la première guerre civile. Les protestants prennent les armes; de hardis capitaines, Furmeyer et Dupuy-Montbrun , les commandent; le premier s'empare par surprise de Gap, puis de Tallard. C'est sans doute à cette époque que furent élevées, sur le promontoire dominant la Durance et la Gyronde, les fortifications connues dans le pays sous le nom des murailles des Vaudois, qui ferment l'entrée de la vallée de la Vallouise. L'hérésie, après cette première prise d'armes, gagne rapidement du terrain. L'évêque lui-même, Gabriel de Clermont, abjure, foulant aux pieds sa mitre et sa crosse au prêche de Farel. Mais bientôt Montbrun est battu à Lagrand, et les Protestants, dispersés, passent en grand nombre la frontière. Le traité d'Amboise, signé en 1663, ralentit la lutte. Sur l'ordre du roi Charles IX, de Gordes, qui commandait à Valence, somme les protestants de déposer les armes et de rendre les places qu'ils détiennent. Si le traité de Longjumeau (1568) suspend de nouveau la guerre civile et rend aux réformés les privilèges dont ils jouissaient, cet instant de répit n'est que passager. Lesdiguières, ce fameux chef protestant, qui devait s'illustrer dans tant de combats, entre en scène. La Réforme pénètre à Chorges, à Veynes, à Jarjayes. En 1570, Lesdiguières, assiégé dans Corps (Isère), dont il a fait son quartier général, met en fuite l'armée catholique. La paix de Saint-Germain-en-Laye arrête de nouveau l'effusion du sang, mais, à la nouvelle des massacres de la Saint-Barthélemy (1572), les réformés prennent de nouveau les armes. Montbrun et Lesdiguières battent les catholiques à la Bâtie-Montsaléon (8 mai 1573), sur les rives du Buzon et à Freissinières; la Bâtie-Neuve tombe en leur pouvoir. Désormais Lesdiguières commande en maître dans tout le Dauphiné. Le 3 janvier 1577 il s'empare de Gap, et fait contre Tallard, qui fut si souvent et si inutilement assiégé, une tentative qui demeure sans résultat. Ses soldats attaquent la forteresse de nuit enveloppés dans des suaires, mais cette armée de fantômes n'épouvante pas les assiégés. Le roi Henri III envoie le duc de Mayenne, qui met le siège devant Sisteron et entre dans le Dauphiné en septembre de l'année 1580. Sa mission était plutôt pacificatrice que belliqueuse; aussi un grand nombre de places lui ouvrirent-elles leurs portes. Il eut une entrevue avec Lesdiguières dans la citadelle de Puymore, et il put croire qu'il avait pacifié la contrée. Mais après son départ tout le pays se souleva de nouveau, et Châteauvieux tomba entre les mains des Protestants. Les deux partis ne déposèrent les armes qu'en 1581, car Henri III, esclave de la Ligue, ayant signé des édits terribles contre les Réformés, Lesdiguières emporta d'assaut la ville de Chorges, battit ses adversaires à la Couche, entra en vainqueur dans Embrun, à Saint-Clément et à Réotier. L'armée royale, commandée par La Valette, passa en Provence, et Lesdiguières, maître enfin de Tallard, de Gap, de Briançon, devint le véritable roi du Dauphiné. Après l'avènement d'Henri IV, l'édit de Nantes rendit un peu de calme à ces contrées. Lesdiguières, devenu connétable, se montra aussi bon administrateur qu'il avait été vaillant capitaine. Il habitait le château de Vizille près de Grenoble, qu'il venait d'élever, et où, en 1623, il reçut la visite de Louis XIII. La révocation de l'édit de Nantes porta un coup terrible au département, au moment où son territoire était ravagé par le duc de Savoie (1692). La plupart des villes et des villages perdirent par suite de l'émigration la moitié de leur population. Un synode général ayant pour but d'amener l'union des calvinistes avec les luthériens se tint à Gap en 1603, mais n'amena aucun résultat. La Révolution en 1789 fut accueillie dans les Hautes-Alpes avec autant d'enthousiasme que dans le reste du Dauphiné, mais il n'y fut commis aucun excès pendant la période révolutionnaire. Le 5 septembre 1795, 6000 Piémontais furent battus sur le Mont-Genèvre par un détachement de 800 Français. En 1815, Briançon, Mont-Dauphin et le fort Queyras, résistant aux ordres de l'autorité supérieure, fermèrent courageusement leurs portes devant l'armée austro-sarde. La même année, à son retour de l'île d'Elbe, Napoléon traversa les Hautes-Alpes où il ne fut que trop bien reçu pour le malheur de la France; car cette marche triomphale devait aboutir à l'invasion et à la défaite française de Waterloo. En 1851, les Hautes-Alpes,
de moins en moins napoléoniennes, tentèrent en vain de résister
au coup d'État du Deux-Décembre,
fomenté par le neveu de l'Empereur. (A. Joanne).
|
. |
|
|
|||||||||||||||||||||||||||||||
|