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L'histoire de Florence
Florence, de l'Antiquité au XIIIe siècle
La ville Des origines au XIIIe s. Guelfes et Gibelins Les troubles du XIVe s. Le temps des Médicis

Origine de Florence

Florence est une ville d'origine romaine, née sur le rivage septentrional de l'Arno, au pied de la cité étrusque de Faesules (Fiesole). Celle-ci descendait le long de sa haute colline par un faubourg qui se prolongeait le long du Mugnone, ruisseau tributaire de l'Arno. Sur le bord de la rivière, les commerçants établirent leur marché; celui-ci devint le berceau d'une nouvelle ville. Elle dut sa naissance à une colonie militaire; Sylla peut-être, les triumvirs certainement y établirent leurs vétérans. La loi Julia, en l'an 44 av. J.-C., assigna à chacun des colons de Florence vingt arpents. A ce moment le Mugnone coulait vers l'Est et se jetait dans l'Arno au lieu où est le couvent de Salvi; on le détourna vers l'Ouest le faisant passer par l'emplacement de la place San Marco et de la via Larga, et déboucher au-dessous du pont alla Carraja; plus tard, on le détourna au delà de l'église San Lorenzo qui était d'abord à droite et se trouva à gauche. 

La première apparition des Florentins dans l'histoire est la députation envoyée à Tibère en l'an 15 ap. J.-C. afin d'éviter que le Clanis fût déchargé dans l'Arno, ce qui eût reporté de ce côté les inondations dont souffraient les riverains du Tibre. En 18, les Florentins instituèrent des jeux annuels en l'honneur de Livie, d'Auguste et de Tibère. La ville progresse lentement. L'empereur Hadrien fait continuer la voie Cassia jusqu'à Florence.
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Vasari : la fondation de Florence.
La Fondation de Florence, par Vasari (1565, Palazzo Vecchio).

La légende reporte au IIIe siècle le martyre de cinq ou six chrétiens qui devinrent patrons de la ville : Minias, Fabianus, Cornelius, Sixtus, Laurentius, Acrisius. Minias aurait été pris sur la colline qui garde son nom (San Miniato); celui de saint Laurent fut donné à une des plus fameuses églises de Florence. On en fait, très hardiment, remonter la consécration jusqu'à saint Ambroise en 393. Elle était alors hors les murs. Au IV siècle, nous trouvons un évêque à Florence. Quelques années  plus tard, la ville, assiégée par les hordes de Radagaise, fut délivrée par Stilicon qui affama les Barbares dans les rochers de Fiesole. Le salut fut ensuite attribué à sainte Reparata, vierge et martyre. Trois siècles plus tard, l'évêque de Florence, Reparatus, consacra à cette sainte la vieille église du Saint-Sauveur. Elle a été remplacée par la cathédrale actuelle. 

A l'origine, la cathédrale fut à Saint-Laurent; en 670, ce titre passa à Saint-Jean, et Sainte-Reparata ne fut qu'un baptistère; mais, en 1128, les rôles furent intervertis et, depuis lors, Saint-Jean est resté le baptistère en face de la cathédrale qui a pris un développement immense. 

Les villes souffraient beaucoup dans ces temps de perpétuels ravages. Florence, au temps de la guerre gothique, ouvrit avec une égale facilité ses portes à Totila et à Narsès. Quand vinrent les Lombards, on préféra la forteresse juchée sur la colline de Fiesole à la ville de l'Arno. Celle-ci se releva pourtant. Elle était encore bien petite, mesurant environ 26 hectares, au lieu de 947 qu'elle couvre aujourd'hui. Située entièrement sur la rive droite du fleuve, elle allait du ponte Vecchio, défendu par une tour, à la place de la Seigneurie; au Nord elle ne dépassait pas l'église San Michele in orto. A côté de son évêque, elle avait un duc. Charlemagne la favorisa. 

Au IX siècle, sous les puissants ducs de Spolète, les villes toscanes prospèrent. Lambert tient une diète à Florence (897) et donne à la ville l'église de San Miniato. Au X siècle, Otton Ier est bien disposé pour Florence qui lui est fidèle; il lui octroie un territoire de 6 milles autour des remparts. L'abbaye (Badia), fondée en 975 en l'honneur de la vierge Marie, par la femme d'Hubert, duc de Toscane, est enrichie par son fils, par l'empereur, etc. Florence était une des principales stations sur la route de Pavie à Rome, et les empereurs y passaient et séjournaient fréquemment. Le margrave de Toscane, Boniface III, maître des vallées apennines de Ferrare à Lucques, de Mantoue à Florence, eut pour héritière sa fille Mathilde (1053). Celle-ci devint la protectrice du Saint-siège et particulièrement du célèbre Hildebrand  (Grégoire VII), lequel habita volontiers Florence. Dans cette ville fut tenu par le pape Victor II (1055) un concile où il interdit la simonie et l'aliénation des biens ecclésiastiques. Victor II y mourut et fut enseveli à Sainte-Reparata (1057). Etienne IX y mourut également (1058). L'évêque de Florence, Gérard de Savoie, devenu pape sous le nom de Nicolas II, ne quitta pas ses fidèles et fut également enseveli à Sainte-Reparata. Son successeur, Alexandre II, résida souvent à Florence avec sa pupille la comtesse Mathilde, dans le palais épiscopal, situé près de Sainte-Reparata et de Saint-Jean. Le commerce enrichit la ville qui s'étend sur la rive gauche de l'Arno; en 1078, elle s'agrandit; son faubourg d'Oltrarno vient prendre place à côté des six quartiers primitifs (Sestieri).

Le vrai maître de la ville était l'évêque; mais en 1063 éclata entre celui-ci et ses ouailles une querelle qui affaiblit beaucoup le pouvoir épiscopal. Accusé de simonie par les moines de San Salvi de Settimo, l'évêque Mezzabarba finit par succomber (1068), malgré l'appui du margrave Godefroi, beau-père de la comtesse Mathilde. Dans la grande lutte entre Grégoire VII et Henri IV, les Florentins restèrent fidèles au pape. Vainement l'empereur les assiégea quatre mois en 1081. Les nouvelles fortifications de Florence lui résistèrent. Dans ces guerres, les populations urbaines gagnèrent quelques privilèges. Lors de la première croisade, ce fut un Florentin, Pazzo de Pazzi, qu'Urbain II nomma surintendant général des croisés pour toute la Toscane. Il planta le premier sa bannière sur les murs de Jérusalem, rapporta dans son pays quelques pierres du saint sépulcre. Les Pazzi instituèrent alors une fête qui se célèbre encore le samedi saint; elle est marquée par des feux d'artifice. Du temps de la comtesse Mathilde, les villes toscanes, et Florence comme les autres, acquirent une certaine autonomie. Elles commencèrent à mettre à la raison les seigneurs pillards qui avaient hérissé les collines de leurs châteaux du haut desquels ils rançonnaient voyageurs, commerçants, agriculteurs.

La première campagne fut dirigée dans le val d'Elsa contre la petite place de Pogna (près de Marcialla). Elle entra dans l'alliance florentine, ou plutôt sous le protectorat de Florence (1101). En 1107, fut enlevé et rasé le château de Monte Orlandi (près de Signa), d'où les Cadolingi, comtes de Settimo, rançonnaient quiconque passait sur la grande route commerciale de Florence à Pise. Les Florentins sont assez forts pour envoyer à leurs alliés de Pise un corps d'auxiliaires qui défendent la campagne pisane contre les Lucquois, tandis que la flotte attaque les Sarrasins des îles Baléares. En récompense, les Florentins rapportent deux colonnes de porphyre qui décorent encore une porte du baptistère de Saint-Jean. La comtesse Mathilde laissait faire. Elle était très aimée de ses sujets et, pendant quatre siècles, les Florentins donnèrent à leurs filles le nom de Contessa abrégé en Tessa, en souvenir de la grande comtesse. Après sa mort (1115), les luttes engagées pour son héritage laissent le champ libre aux villes. Le vicaire impérial installé à San Miniato al Tedesco (entre Florence et Pise) ne bouge guère. Quand il veut empêcher les Florentins de ruiner le château de Monte Cascioli, il est vaincu et tué (1119). Les comtes de Settimo, expulsés de leurs repaires, veulent s'appuyer sur Fiesole.

Cette ville inexpugnable sur son pic devint le centre des brigands seigneuriaux du val d'Arno; ils menèrent contre la ville d'en bas une guerre de rapines et d'escarmouches incessantes. Les Florentins y mirent fin en 1125. Un siège de trois mois (30 juin-12 septembre) affama la place qui se rendit. La population opprimée et ruinée par les nobles ne paraît pas avoir été hostile à ses voisins. Après la capitulation, les Fiésolains furent invités à venir s'établir à Florence; presque tous le firent et l'évêque lui-même y descendit en 1228. Ce fut le signal de l'abandon définitif de la vieille cité étrusque où ne restèrent que des couvents et quelques villageois. L'événement de 1125 eut moins l'apparence d'une conquête que d'une fusion entre les deux peuples, comme jadis entre Albains et Romains. Les couleurs et bannières furent confondues. Florence portait la fleur de lis sur champ rouge, Fiesole la lune bleue sur champ blanc; on supprima la lune et la fleur de lis et désormais la bannière florentine fut formée d'une bande rouge et d'une bande blanche réunissant les couleurs des deux villes.

La commune de Florence

Florence devient la ville la plus puissante de la Toscane. Elle soumet les nobles du voisinage; les Montebuoni, les Ubaldini sont contraints de livrer leurs châteaux et de s'engager à habiter la ville trois mois par an. Les Guidi, établis dans la val di Sieve, résistent mieux et sont d'abord vainqueurs (1148), mais leur forteresse de Montecroce est rasée (1154). Ainsi les citadins libéraient les routes vers Pise, vers Rome. Ils entrent en conflit pour des motifs analogues avec ceux des villes voisines. Les petites, Pogna, Prato, pouvaient être conquises, mais avec les grandes, Pise, Lucques, Pistoia, Sienne, Arezzo, il fallait transiger. 

Au XIIe siècle, Florence est l'alliée de Pise qui lui ouvre la mer; elle est l'ennemie des autres villes. Sa principale rivale est Sienne. Dès lors se manifeste entre les deux Etats un antagonisme qui durera autant que leur autonomie. En 1081, les Siennois avaient aidé l'empereur assiégeant Florence; ils avaient ensuite défait les Florentins à San Salvatore a Selva. D'incessantes escarmouches entretenaient l'inimitié. On se dispute la place de Poggibonzi dans le val d'Elsa. La lutte de Frédéric Barberousse contre la papauté profite aux villes toscanes. Florence et Pise resserrent leur alliance (1171), réduisent à l'impuissance le vicaire impérial et se rient des ordres de l'empereur. En 1185 se forme une ligue des villes toscanes, imitée de la ligue lombarde. Quand les nobles se plaignent à Frédéric des empiétements de Florence, il est impuissant à leur faire rendre leurs biens incorporés au territoire de la ville. 

Quand est mort Henri VI, on se sent tout à fait libre. Philippe de Hohenstaufen néglige son duché de Toscane pour briguer l'Empire. La ligue toscane s'est reformée à l'instigation du pape (1197); l'accord est juré à Florence. Innocent III la dirige. Cependant la lutte particulière contre Sienne continuait. On combat sur les collines de Chianti. Florence gagne l'alliance de Montepulciano au Sud-Est de Sienne, de Colle dans le val d'Elsa, s'annexe Empoli (1182). Les places fortes du comte Alberti, Pogna, Certaldo, sont prises (1198); lui-même se soumet à Florence. Semifonte résista longtemps; mais elle succomba en 1202. Les principales familles vinrent se fixer à Florence : les Pitti, les Barberini, les Velluti, les Del Tusco. 

Les turbulents seigneurs du Mugello (haute vallée du Sieve), Fortebracci et Ubaldini, sont mis à la raison, les châteaux de Borgognone, Capraja et Malborghetta, qui tenaient les deux rives de l'Arno, sont rasés (1204), celui de Montelupo élevé à la place du second. De ce côté, Florence se heurte à Pistoia. Elle a perdu Carmignano (1126), mais les comtes Guidi mettent à sa disposition Montemurlo (1219). Les Siennois ont le dessous au début du XIII siècle ; ils perdent Poggibonzi (1208), subissent une paix onéreuse. La prépotence florentine s'affirme : les habitants de la campagne sont soumis à l'impôt. Lucques prend deux fois pour préteur le Florentin Guido degli Uberti; Lucques (1184), Pise (1214), Bologne (1216), Pérouse (1218) concluent des traités d'alliance avantageux pour la cité de l'Arno. La petite ville était devenue un Etat puissant. Il nous faut étudier maintenant son organisation intérieure.

Le développement de Florence fut une des conséquences de celui de Pise. Il fut dû à l'industrie et réalisé grâce aux efforts et au volontarisme de la population, car elle ne bénéficiait de nul avantage spécial : loin de la mer, sur un fleuve à peine navigable, elle n'était pas l'entrepôt naturel d'une riche région. Les industries y prospérèrent tardivement, mais très rapidement. La première fut celle de la laine. N'ayant pas sous la main la matière première, les Florentins commencèrent par remettre sur le métier les draps grossiers de l'Europe septentrionale achetés en Champagne, en Flandre; après les avoir teints, ils les réexportaient en Orient. A côté de l'art de la laine dont la corporation existe à la fin du XII siècle, de celui des gros lainages qui remonte aussi haut, figure celui de la soie qui prit ultérieurement une grande importance.

Mais, dès ces temps anciens, les Florentins ont comme spécialité la banque et le change. Dans le commerce de l'argent ils tiennent le premier rang. Le taux de l'intérêt est réglementé, quatre deniers par livre et par mois (20% par an). Les capitaux sont employés en spéculations. Une des causes de la fortune des Florentins, c'est qu'ils ont été chargés par le pape de percevoir, moyennant une commission, les revenus du Saint-siège; par là ils deviennent les grands manieurs de capitaux du Moyen âge; banquiers et changeurs du pape, ils le sont de la chrétienté entière. Le partage de ce privilège avec Sienne aggrave la rivalité des deux cités. La multiplicité et la complication des monnaies donnent aux changeurs une importance énorme et leur assurent de gros bénéfices. Ils simplifient le problème par la création de la lettre de change. Aux quatre corporations ou arts que nous venons de citer (laine, calimala ou laine fine, soie, change), il faut en ajouter trois autres moins considérables : celles des médecins et apothicaires, lesquels faisaient le commerce des épices, des peaussiers et fourreurs, des hommes de loi (juges, notaires). Les membres de ces sept « arts » ou métiers formaient le peuple, c.-à-d. 1000 à 2000 citoyens; au-dessous étaient les serfs de la glèbe, les ouvriers de condition servile, etc. D'ailleurs dans la ville c'étaient les classes politiques, noblesse et aristocratie marchande, qui payaient les impôts. Elles avaient à la fois les charges de l'Etat et sa direction. Les chefs des sept arts s'appelaient recteurs, prieurs, plus tard capitudini. Le magistrat suprême fut, à l'origine, l'évêque. Peu à peu les chefs des arts deviennent magistrats municipaux, sous le nom de consuls. Elus pour un an, ces consuls, dont le nombre varia de deux à vingt, deviennent des délégués des divers quartiers, chacun en élisant un ou deux. A la fin du XII siècle se forme un sénat de cent buoni uomini.

Il faut faire une place aux nobles. Il y en a d'origines diverses : immigrés allemands (Uberti, Lamberti), voisins gênants qu'on a fait descendre de leurs châteaux; d'autres qui sont venus de leur plein gré. Entourés de leurs hommes armés, ils vivent dans leurs palais de la ville en hiver; l'été, dans leurs châteaux, comme des feudataires de la commune qu'ils défendent contre l'étranger. Dans l'intérieur même de la ville, les querelles sont fréquentes; aussi les nobles ont-ils fortifié leurs palais, élevé des tours; au XII siècle il y avait 150 de ces tours à Florence; plus tard bien davantage. Ces tours carrées, de 8 m de côté, avec des murs épais de 2 m, bâtis en moellons, cailloux de l'Arno solidement cimentés, étaient indestructibles; leur étroit escalier, leur terrasse crénelée rendaient une attaque fort périlleuse. On ne peut aujourd'hui se faire une idée de ces guerres privées incessantes; elles expliquent l'aspect que conserve encore Florence et la sévère architecture de ses palais. 

La bourgeoisie était la classe prépondérante; des nobles y entraient, se mettant au travail; des prolétaires aussi y pénétraient, s'étant enrichis. Pourtant on confie d'ordinaire les magistratures aux représentants des grandes familles. C'est toujours à un noble et souvent à un étranger qu'on confie la charge de podestat, juge suprême, chef de guerre dont les pouvoirs sont mal définis, ainsi que ceux des autres magistrats, mais dont les Florentins surent contenir l'autorité, lui retirant les attributions politiques. A la guerre, la noblesse fournit la cavalerie, la bourgeoisie l'infanterie. On s'organise par quartiers; on en compte six, chacun ralliant sa milice autour de son gonfalon : San Pier Scheraggio (aujourd'hui les Offices) arbore des bandes noires et jaunes; San Pancrazio, rouge et blanc; le Borgo, blanc et bleu; la Porta del Duomo, rouge; la Porta San Piero, jaune; Oltrarno, blanc. L'infanterie unit d'abord dans ses rangs tous les roturiers, la bourgeoisie comme les prolétaires (popolo grasso et popolo minuto). Plus tard, les gens des métiers, l'aristocratie marchande, fusionnant avec la noblesse, monteront à cheval. En campagne, on se ralliait autour du carroccio sur lequel on plaçait la martinella, la cloche communale. (A.-M. Berthelot).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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