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L'histoire de Florence
La rivalité des Guelfes et des Gibelins
Le XIIIe s.
La ville Des origines au XIIIe s. Guelfes et Gibelins Les troubles du XIVe s. Le temps des Médicis
De bonne heure Florence se partage en deux factions qui se combattent avec acharnement; les Uberti dirigent l'une (1177). On leur fait une place et, à partir de ce moment, on élit au consulat des nobles des grandes familles. A dater de 1182 la noblesse prévaut dans le gouvernement; domptée dans la campagne, elle est entrée dans l'Etat et est mise à la tête : le peuple et la bourgeoisie se montrent dociles. Mais la noblesse se divise au XIII siècle. Il faut prendre parti dans la guerre à mort engagée entre l'empereur Frédéric II et le pape; on se partage à Florence comme dans toute l'Italie en guelfes et gibelins. Une querelle privée entre les Buondelmonti et les Amidei allume la guerre civile (1215). Plus faibles, les premiers pour gagner le peuple s'appuient sur l'Eglise : 38 familles sont de leur côté, surtout les plus nouvelles, mais aussi les Donati, les Merli, les Bardi, les Adimati venus du Mugello. De l'autre côté sont 32 familles : les Uberti, chefs de la faction; les Lamberti; les Caponsacchi venus de Fiesole au Vieux-Marché; les Guidi, maîtres de l'Apennin; les Brunelleschi, Dans chaque quartier, les adhérents des deux partis se retranchent chez eux, vivant sur le qui-vive. Ces luttes intestines n'arrêtaient pas l'industrie ni le commerce. Elles se prolongèrent durant trente-trois années consécutives. Telle était l'énergie des hommes de ce temps que les travaux publics ne sont pas entravés; en 1237, on pave les rues; en 1218, 1237 et 1252 on construit trois nouveaux ponts. Simultanément Florence continue ses guerres extérieures.

De cette époque date la rupture avec Pise. Se jugeant plus puissants désormais que leurs anciens alliés, les Florentins sont jaloux des privilèges que l'empereur prodigue à sa fidèle cité. Pise eut les torts dans la rupture, confisqua les marchandises florentines sous un prétexte futile. Son armée fut détruite à Castello del Bosco (1222). Puis vient le tour de Pistoia; vaincue, elle reperd Carmignano (1226). Mais une coalition se forme de Pise, Pistoia, Sienne, Poggibonzi et Arezzo contre Florence, Lucques, Orvieto, Montepulciano, Pérouse, appuyées par le pape Grégoire IX. Florence passe décidément aux guelfes; elle avait d'ailleurs toujours été plus sympathique au pape qu'à l'empereur depuis deux siècles. Mais Frédéric II revenu de Palestine abaisse les Florentins devant les Siennois (1232). La guerre reprend en 1234; le pape cette fois a le dessus et c'est au tour de Sienne à s'humilier (1235). Mais Grégoire IX se brouille avec les Florentins qu'il veut obliger à se croiser; il met leur ville en interdit (1237). Elle élit alors des podestats dévoués à Frédéric II, lequel du reste s'est établi en Toscane. Dans la ville, le parti impérial et le parti pontifical se différencient profondément non seulement ils ont chacun leur lieu de réunion, leur promenade, mais la couleur des vêtements, la forme des créneaux, des tours, les gestes quand on prête serment, tout diffère : les impériaux portent à gauche la plume du chaperon, les papalins la portent à droite; les créneaux des premiers étaient évasés par le haut en V; ceux des autres rectangulaires; les premiers ont trois fenêtres de front à leurs maisons, les seconds n'en ont que deux, etc. 
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Florence.
Panorama de Florence, avec le Dôme, le Campanile et le Palazzo Vecchio.
(cliché : Brogi, début du XXe siècle).

En 1240, on adopte les noms de gibelins et de guelfes; ceux-ci se réunissaient à Saint-Jean (Baptistère), ceux-là à San Pier Scheraggio. En somme, la noblesse tient pour l'empereur, le peuple pour le pape. Mais si les gibelins s'enorgueillissent de l'adhésion des Uberti, Fifanti, Caponsacchi, Abati, Lamberti, Guidi, les guelfes ont aussi beaucoup des grandes familles : Donati, Pazzi, Tornaquinci, Buondelmonti, Nerli, Rossi, etc. Ils ont l'avantage du nombre, mais n'ont pas la discipline des gibelins où les Uberti sont chefs reconnus. A partir de 1247, on bataille sans relâche dans les rues, derrière des barricades. Après une année de combats, l'arrivée de 1500 cavaliers allemands décide la victoire des gibelins. On se battit encore trois jours, puis les guelfes sortirent de la ville dans la nuit du 2 février 1248. Ils se réfugièrent dans les châteaux voisins (Capraja, Montevaschi, Cascia, etc.) d'où ils harcelèrent leurs ennemis. Cet exode fut un fait grave. Désormais les discordes civiles deviennent de véritables guerres; les vainqueurs chasseront les vaincus et ceux-ci formant une armée d'exilés ne leur laisseront aucune sécurité. On revit les jours de la Grèce antique où deux factions se partageaient toutes les cités, chacune bannissant la rivale et s'appuyant sur ses amis de l'étranger contre ses concitoyens dissidents. Les gibelins démolissent les tours des exilés, 36, dit Villani, notamment le palais Tosinghi (sur le Vieux-Marché), le plus beau de la ville.

Le triomphe des gibelins fut court. L'extermination des guelfes de Capraja fut suivie d'une défaite devant Figline. Les popolani s'assemblèrent au couvent de Santa Croce et concertèrent un soulèvement contre les Uberti. Ils eurent aisément le dessus. Les gibelins cédèrent sans combat. La constitution fut réformée afin de garantir le popolo vecchio, la bourgeoisie, contre les nobles. Les anciens (anziani), qui avaient remplacé les consuls, réduisirent de 120 à 50 brasses la hauteur des tours féodales; les six quartiers furent officiellement délimités et organisés; ils eurent leurs caporali élus annuellement (trois par quartier, quatre pour Oltrarno et San Pier Scheraggio, soit vingt en tout), dont chacun commandait une compagnie de milice; de plus, chaque quartier fournit une compagnie de cavalerie; sans compter les corps spéciaux, arbalétriers, archers, etc., les quatre-vint-seize paroisses de la campagne (contado) devaient fournir chacune une compagnie. Le chef militaire ou capitaine du peuple fut pris parmi les nobles, mais dans les rangs des guelfes, le parti populaire. On porte le nombre des anziani à douze, deux par quartier; on leur adjoint trente-six conseillers. Le podestat n'a plus que le pouvoir judiciaire civil et criminel et demeure le chef de la cavalerie. En somme, on juxtapose un nouvel organisme à l'ancien d'un côté, le podestat assisté de deux conseils; de l'autre, le capitaine ayant également deux conseils; les uns représentent la noblesse, l'ancienne aristocratie à laquelle on réserve le nom de commune; les autres représentent le peuple. Quand fut mort le terrible Frédéric II, les guelfes rentrèrent dans leur ville natale. Ils y dominaient à leur tour (1251).

Les croyances religieuses à Florence

Un des principaux résultats du progrès de la civilisation urbaine est l'affranchissement de la pensée. Il se constate à Florence dès le XII siècle. Il y fut précédé et accompagné d'un mouvement religieux assez vif, se manifestant par des hérésies. En 1105, le pape Pascal II est obligé de réunir à Florence un concile pour condamner ceux qui annoncent que le monde va finir, que l'antéchrist est déjà né; l'agitation populaire est telle qu'il n'ose prononcer la condamnation. Les cathares, traqués en Lombardie, passent en Toscane. Ils se défendent à Orvieto les armes à la main; nombreux sont leurs adhérents florentins, malgré les supplices. Pierre Lombard les groupe; Florence sert de refuge à ceux qu'on pourchasse ailleurs. Les patarins de la ville sont d'ailleurs des modérés. La classe ouvrière compte beaucoup d'hérétiques; à leur tête sont les nobles ennemis du pape et de la société religieuse. L'évêque, le chef spirituel des patarins de la Toscane, réside à Florence, bravant les foudres d'Innocent III. En 1227, la persécution commence. Grégoire IX l'avive en 1234, mais sans gagner de terrain. Frédéric II protège les hérétiques; ceux-ci forment le tiers de la population. En 1243, nouvel effort; les patarins délivrés par leurs amis s'abritent chez les Pazzi. Le dominicain Pierre Martyr vient raviver la foi par sa brûlante éloquence. Pour lui donner un plus vaste théâtre, on agrandit la place de Santa Maria Novella. Il organise dans ce couvent la milice catholique des chevaliers de Sainte-Marie. Le podestat défend les patarins, mais ne peut empêcher leur massacre (1244). La pacification vint ensuite, grâce aux franciscains, substitués aux dominicains dans la Toscane (1255). 
L'hérésie n'était pas tout à fait extirpée, mais elle n'est plus dangereuse. Les magistrats se montrent indulgents et peu à peu les patarins disparaissent. La foi religieuse n'y gagne rien, au contraire. Le scepticisme règne chez les plus intelligents; les Cavalcanti nient l'immortalité de l'âme; les grands gibelins sont de parfaits incrédules, par exemple Farinata degli Uberti. Les guelfes restent fidèles à l'Eglise, mais sans ardeur, pratiquants, mais peu croyants. L'admirable essor intellectuel de Florence s'explique par cette indifférence religieuse dégagée des préjugés qui pesaient si lourdement sur les esprits au Moyen âge.

Le premier gouvernement des guelfes

Nous avons vu les guelfes rentrer à Florence; ils n'y vécurent pas longtemps en paix avec les gibelins. La même année le conflit éclate. Les gibelins florentins s'allient à Pise, Sienne et Pistoia. Leurs chefs se retirent dans leurs châteaux ou villes voisines. Sous le gouvernement des guelfes la ville prospère. En 1252, elle crée une monnaie d'or à l'empreinte de la fleur de lis qui prend le nom de florin. Le commerce florentin rivalise avec celui de Pise, le balance déjà à Tunis. En face de la vieille Badia s'élève dans la cité l'imposant palais du Bargello où loge le podestat. La commune travaille à devenir un Etat, grandissant son territoire par des achats de châteaux, de villages. Mais elle se heurte à Sienne qui la tient en échec; à Pise qu'elle neutralise par son alliance avec Lucques et Gênes; dans le Mugello, aux puissants Ubaldini. La guerre fut menée avec vigueur. Les Pisans et les Siennois furent défaits à Pontedera (1252), les Siennois devant Montecalcino; Figline est prise; Pistoia se soumet et reçoit une garnison qui appuiera les guelfes; Sienne demande la paix (1254); les guelfes sont mis au pouvoir à Volterra; Pise même traite; elle accepte les monnaies, poids et mesures de sa rivale, l'affranchit de tous droits de douane et autres (1255). Cependant elle reste le dernier boulevard des gibelins. 
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Florin.
Un florin de 1347. Côté pile : une fleur de lis; côté face : Saint-Jean-Baptiste.

En 1258, les hostilités reprennent entre guelfes et gibelins; les grandes familles de ce dernier camp sortent de Florence; les guelfes décapitent l'abbé gibelin de Vallombrosa. Les voilà brouillés avec le Saint-siège, mis en interdit. Farinata degli Uberti, chef des exilés, s'est installé à Sienne avec ses partisans. Il faut en venir aux armes. On fortifie le quartier d'Oltrarno avec les pierres provenant de la démolition des maisons gibelines. Menacée, Sienne prête serment de fidélité à Manfred, roi de Naples, qui lui envoie un capitaine, Giordano, comte de San Severino. On escarmouche une année entière, on enrôle des mercenaires de part et d'autre. Les Florentins mettent sur pied une armée formidable avec les contingents de tous les guelfes de Toscane, 30,000 fantassins et 3000 cavaliers; les Siennois, renforcés par tous les gibelins toscans et par 800 lances napolitaines ou allemandes, avaient une armée de 20,000 hommes environ. La bataille eut lieu à Montaperti, entre la Biena et la Malena. L'armée guelfe fut écrasée, le carroccio pris; 40,000 guelfes périrent, 15,000 furent pris. Le triomphe des gibelins fut complet. Florence leur ouvrit ses portes; les guelfes émigrèrent à leur tour et se retirèrent à Lucques, les Soderini, les Macchiavelli, les Altoviti, les Rossi, les Cavalcanti, les Gherardini, les Niccoli, les Pazzi, les Bardi, les Buondelmonti, etc. Les vainqueurs songèrent à démolir la cité de l'Arno et à transporter ses habitants à Empoli. Farinata degli Uberti, patriote ardent, la sauva. Le retentissement de la victoire des gibelins fut immense.

Le gouvernement des Gibelins

Le revirement imprévu qui ramenait au pouvoir les gibelins ne le leur assura pas longtemps; Florence, entraînée dans la politique générale de l'Italie, en suivit les péripéties. Tout d'abord, les guelfes semblent terrassés. Malgré une obstinée résistance, ils perdent les petites places voisines de la ville. Les Lucquois entrent dans la ligue gibeline et expulsent les exilés qui sont forcés de se réfugier à Bologne; plusieurs s'enfuient jusqu'en France. Ils y font la banque, le change, et cette expatriation involontaire devient pour beaucoup une cause de fortune, pour leur patrie une occasion d'étendre ses relations commerciales. D'autres de ces exilés se groupent en compagnies militaires et se mettent à la solde des guelfes des cités lombardes. Mais le pape Urbain IV trouve au parti guelfe un chef, Charles d'Anjou; des banquiers florentins le subventionnent. Les exilés toscans grossissent son armée. Quand Manfred eut péri à Bénévent, la restauration des guelfes à Florence parut imminente (1266). Le podestat Guido Novello tenta une transaction. Il se réconcilia avec l'Eglise, s'appuya sur les Frati gaudenti ou chevaliers de Sainte-Marie, ordre religieux militaire, nommant deux podestats, un de chaque parti. Mais bientôt une insurrection le chasse de Florence. Bientôt y entrent les Français commandés par Guy de Montfort (1267). Les gibelins s'exilent, même les modérés.

Protectorat de Charles d'Anjou

Ramenés par l'étranger, les guelfes subissent sa loi. Ils nomment le roi de Naples podestat ou seigneur, obéissent à son vicaire; le véritable podestat n'est plus qu'un juge; le capitaine du peuple un chef des milices urbaines. Le nombre des magistrats du conseil est réduit de 36 à 12. Les biens des gibelins sont confisqués. Le parti guelfe prend son appui sur le peuple; il s'organise officiellement, comme une sorte d'Etat dans l'Etat; il se donne ses chefs ou magistrats particuliers, ses conseils, tient ses assemblées; le peuple ne fait guère que ratifier ses décisions. Désormais, la parte guelfa figure officiellement dans les actes publics. Voici comment se fixent alors les traits de la constitution florentine. Au sommet, le vicaire royal, très puissant, mais qui disparaîtra bientôt. Puis les anciens pouvoirs, le podestat, le capitaine du peuple, le conseil des douze (deux par quartier) élu pour deux mois; on leur applique le nom nouveau de prieurs des arts. En dernier lieu, un pouvoir nouveau apparaît, pouvoir législatif organisé selon un système compliqué. Toute décision du conseil des douze doit être soumise à un conseil de 100 personnes choisies dans les riches bourgeois (popolo grasso), puis aux deux conseils du peuple : conseil de credenza ou de confiance, formé de 80 personnes, et conseil général. Il faut encore la ratification des deux conseils du podestat dans lesquels les nobles siègent à côté des popolani, conseil spécial de 90 membres et général de 390. Dans de grandes occasions, on réunit tous ces conseils en assemblée générale, sous la présidence du capitaine du peuple, ou même un parlement de tous les citoyens; nous avons dit que leur nombre total ne dépassait pas 2000. Ajoutez que, pour des affaires particulières, on peut convoquer des assemblées formées ad hoc et qu'il en existe d'autres, mais sans attributions politiques, par exemple celui des chefs des arts majeurs. 

On discerne les progrès de la démocratie; les conseils des cent, des quatre-vingts et l'assemblée générale sont exclusivement ou essentiellement composés de bourgeois; les nobles sont mis de côté ou réduits à une minorité. La défaite du parti gibelin, auquel la plupart se rattachaient, les affaiblit beaucoup. La confiscation des biens des gibelins profita surtout au trésor du parti guelfe. Tous les acquéreurs de ces biens sont intéressés à prévenir un retour des exilés. L'importance des intérêts matériels en jeu rend compte de la solide constitution du parti guelfe. A la tête sont des capitaines, de trois à neuf, élus pour deux mois; au-dessous, les six prieurs ou trésoriers et intendants; le trésor et les archives sont conservés dans l'église des Servi; les chefs s'assemblent à Santa Maria sopra Porta, près du Marché-Neuf, centre de leurs adhérents. Deux conseils dirigent la parte guelfa : conseil secret de 14 personnes, conseil public de 60. Ils prennent une grande place dans l'Etat, reçoivent la garde des forteresses, des remparts, des édifices publics. Cette organisation, qui dura jusqu'au XVI siècle, assura la prépondérance aux guelfes, mais créa dans Florence un dualisme; le podestat et ses conseils deviennent les défenseurs des gibelins; les guelfes disposent du capitaine du peuple; entre les deux pouvoirs antagonistes, le conseil des douze, buonuomini ou prieurs des arts, voudrait rester neutre.

La lutte n'était pas finie : le lis rouge des guelfes prévalait à Florence sur le lis blanc des gibelins, mais ceux-ci trouvaient un appui à Pise. Ils appellent Conradin. Charles d'Anjou vient en Toscane, fait une entrée solennelle à Florence (1267); sauf Pise et Sienne, toutes les villes lui confèrent la dignité de podestat pour six années (jusqu'au 1er janvier 1274). La guerre est menée rudement; Poggibonzi est pris, le pays pisan dévasté. Mais Conradin arrive; il débarque à Pise, traverse la Toscane, battant les guelfes à Ponte a Valle, sur l'Arno supérieur. Mais, après quelques féroces représailles, il succomba à Tagliacozzo malgré sa supériorité numérique. Son supplice, achevant la ruine de la maison de Souabe, consolida Charles d'Anjou. Cependant, de l'Italie entière, c'est la Toscane qui restait la plus indépendante sous son protectorat. Les cités gibelines résistaient. Sans doute, les Florentins battent les Siennois et enlèvent leur carroccio (1269), mais une année de famine et d'inondations paralyse leurs efforts. Charles d'Anjou traite avec Pise et Sienne, leur accordant des conditions modérées (1270). Mais la paix n'était qu'apparente. Vainement Grégoire X et le roi de Naples se réunissent à Florence (1273); le pape invite guelfes et gibelins à se réconcilier, mais les guelfes refusent, et le pape irrité s'en va, frappant la ville d'interdit. L'anarchie règne en Toscane et Florence en profite. Alliée aux Visconti de Gallura et à Ugolino della Gherardesca, elle prend le dessus sur Pise et lui dicte ses conditions (1276). Charles d'Anjou, qui a besoin des marchands florentins, les paie en privilèges; aussi font-ils de rapides fortunes dans le commerce des draps, des soies ou dans les opérations financières; alors s'enrichissent les Peruzzi, les Bardi, les Alberti, les Pazzi, les Villani, etc. La rupture du pape Nicolas III avec Charles d'Anjou achève de faire disparaître l'autorité de celui-ci à Florence.

Organisation de la République

A cette époque de la fin du XIII siècle, la cité prend sa physionomie définitive et achève d'élaborer sa constitution. La bourgeoisie, les commerçants et les industriels qui ont fait la fortune de Florence, toute cette population laborieuse qui par le travail acquit une richesse suffisante pour s'adonner ensuite à la culture intellectuelle et immortaliser le nom florentin, cette population n'avait pas encore la haute main dans l'Etat. Les bourgeois avaient asservi les nobles; mais, en les obligeant à entrer dans leur ville, ils leur avaient donné la première place. En ce temps de guerres incessantes, la classe militaire se jugeait indispensable; elle l'affichait avec insolence. Les nobles gibelins étaient expulsés ou exclus des offices publics, mais les nobles guelfes n'étaient pas plus disposés à se conformer aux lois. L'impunité était assurée à leurs crimes, grâce à leurs relations personnelles. Ils affectaient de mépriser les artisans qui étaient la force de Florence. On n'osait les mettre à la raison, par crainte des gibelins. Ils s'affaiblirent par leurs querelles intestines. Ils se divisèrent en deux fractions suivant les familles des Adimari et des Donati. Entre celles-ci et leurs clients, luttes incessantes; de proche en proche, tout le monde s'y mêlait. A la fin, exaspérés, les gens du peuple s'adressent au pape Nicolas III, implorant sa médiation (1279). Il leur envoie le subtil cardinal Latino Frangipani (des Brancaleoni). Celui-ci réconcilie les guelfes entre eux et avec les gibelins, les Adimari avec les Donati, les Buondelmonti avec les Uberti. On jure la paix, de part et d'autre, à peine d'excommunication; on restitue les biens usurpés de part et d'autre; une amnistie politique est proclamée (1280). Dans le conseil des buonuomini (porté de 12 à 14 membres) on introduit les deux partis, laissant une majorité aux guelfes et aux roturiers. On organise une force publique, 1000 hommes, répartis par quartiers, en six compagnies chacune avant son gonfalonier; de plus, 100 cavaliers et 100 sbires à pied assureront en temps ordinaire le respect des autorités. On avait la chance que les Siennois, chez qui le parti guelfe dominait depuis 1266, la démocratie depuis 1273, recouraient également à l'entremise du cardinal Latino pour réformer leur gouvernement et réconcilier guelfes et gibelins. Volterra, Pistoia suivent cet exemple.

Malheureusement, en 1282, à l'instigation du pape Martin IV, créature de Charles d'Anjou, les dissensions reparaissent; on reconstitue la ligue guelfe de Toscane, équipant à frais communs des mercenaires; Florence fournit le tiers, Lucques et Sienne le quart chacune, Pistoia, Prato, Volterra, San Gemignano, Colle, Poggibonzi, le reste. Florence secourt Charles dans sa guerre de Sicile, donnant des hommes et de l'argent. Irrité de l'opposition des gibelins, on rompt le pacte et on les exclut des emplois publics, forçant les plus acharnés à se faire inscrire sur les registres des métiers (arts). On fait ainsi disparaître la noblesse en tant que classe. Les chefs habitués à la vie urbaine se soumettent, au lieu de se retirer dans leurs châteaux de la campagne, comme eussent fait leurs pères. On établit donc le gouvernement exclusif des arts, c.-à-d. des corporations industrielles. On remplace la magistrature de 14 par un conseil de 3 membres dont au moins 2 guelfes. On n'y admet les grands que s'ils sont inscrits sur le registre d'un des trois arts principaux (calimala, laine ou change). Bientôt on porte le nombre de ces magistrats ou prieurs à 6, ajoutant trois arts aux trois premiers, art des médecins, apothicaires et épiciers, des merciers et marchands de soie, des peaussiers et artisans du cuir. On laissait de côté l'art des gens de justice (notaires, juges) qui tenaient déjà une grande place dans le gouvernement. Ainsi fut complétée la liste des arts majeurs. Les prieurs étaient élus par leurs prédécesseurs assistés des pénitents (capiludini) des sept arts majeurs et des cinq suivants et de 12 notables (2 par quartiers). La durée du pouvoir des prieurs était limitée à deux mois; ils n'étaient rééligibles qu'après deux ans, devaient se tenir en permanence dans la tour de la Castagna (près de la Badia); il leur était interdit de parler à personne, sauf dans leurs audiences publiques (trois fois par semaine) et dans des entretiens sur la chose publique par devant deux témoins ; ils devaient se faire assister de deux juristes dans les affaires difficiles. 

On conçoit qu'avec de telles précautions, rendant le pouvoir peu enviable, on ait pu en confier beaucoup aux prieurs. Cette magistrature, devenue la principale, le demeura longtemps. Elle fut supprimée en 1532 par Alessandro de Medici. A côté d'elle subsistaient le podestat et le capitaine; le premier, chef des nobles, est relégué dans les fonctions judiciaires (justice criminelle); le second, chef du populaire, et des guelfes, reste bien plus important, bien que hiérarchiquement inférieur; il a la juridiction financière. On lui donne pour suppléant un proconsul choisi dans l'art des juges. Podestat et capitaine conservent leurs conseils, dont nous avons parlé. Toute affaire notable nécessite donc six délibérations : des prieurs, du conseil des cent, du conseil spécial et du conseil général du capitaine, du conseil spécial et du conseil général du podestat, chacun de ceux-ci étant assisté des chefs des sept arts majeurs. Chacune de ces délibérations et chacun des votes est entouré de formalités réglementées avec soin. Le but poursuivi est évidemment de laisser tous les groupes de la cité se faire entendre, toutes les opinions s'exprimer. 

La bourgeoisie capitaliste absorbe tous les pouvoirs; la noblesse est annihilée; le peuple n'a encore aucune place. Mais il ne paraît pas mécontent du système des corporations, où très probablement les grandes industries privilégiées, les sept arts majeurs (surtout en ajoutant les cinq suivants) renfermaient la majorité de la population.

Hégémonie en Toscane

Les réformes intérieures accomplies en 1282 et 1283 furent suivies d'une expansion de la puissance florentine; les gibelins du dehors, les voisins et rivaux commerciaux furent vaincus. Cette ville de 100,000 habitants devint un des Etats considérés de l'Europe, étendant au loin ses relations politiques et financières. Il s'agit en effet avant tout d'une politique économique.
« On ne dira jamais assez, écrit Perrens (Histoire de Florence, t. II, p. 266), que la politique de Florence est essentiellement commerciale. Si Florence est guelfe, c'est parce que les guelfes ne sont pas, comme les gibelins, dédaigneux du travail; c'est parce que les guelfes seuls peuvent être les changeurs, les banquiers du Saint-siège, et faire ainsi passer par leurs mains tous les deniers de la chrétienté. Si elle est en lutte avec les autres villes de la Toscane, c'est qu'elles sont aussi, en quelque sorte, des maisons de commerce, gibelines par les nécessités de la concurrence et l'antagonisme des intérêts. Nul ne connaissait, au Moyen âge, les lois de l'équité, de ce qu'on appelle aujourd'hui le droit international. Rien ne semblait plus légitime que de fermer tout passage à un voisin, ou de lui imposer des taxes prohibitives, intolérables. De là des haines croissantes, des querelles sans fin, que peut seul vider la raison du plus fort. Tandis que Sienne, Volterra et Pise sont invariablement hostiles, pourquoi Arezzo oscille-t-elle entre Florence et Sienne? C'est qu'elle en est à égale distance. Pourquoi finit-elle par se prononcer contre Florence? C'est qu'elle ne peut empêcher Sienne de communiquer avec le Sud, tandis qu'au passage elle écrase de droits les marchands florentins qui suivent la même direction, et qui ne peuvent éviter Sienne qu'en traversant Arezzo. Les mêmes motifs qui déchaînent la guerre nouent les alliances. Lucques est trop jalouse de Pise pour n'être pas alliée des Florentins. Gênes, n'ayant de grands intérêts que sur mer, n'a qu'inimitié pour la ville qui lui en dispute la domination et qu'amitié pour un peuple perdu au loin dans les terres, qui contraint Pise à diviser son attention comme ses forces pour se défendre sur le continent. Quand Gênes rompra avec Florence, ce sera un signe certain que Florence commande à Pise et n'a plus qu'intérêt à la défendre, à la relever. Bologne est une alliée non moins fidèle. C'est que, séparée des marchands de l'Arno par le massif de l'Apennin, animée d'intentions semblables, mais parallèles, guelfe par haine des villes voisines, et peu commerçante, elle devait ouvrir ses portes aux marchandises florentines, ne les point écraser sous le poids de ses taxes et de ses tarifs. Ainsi Florence cherchait des chemins vers le Nord par Bologne et par Lucques, vers la mer par Pise, vers Rome et le Sud par l'Ombrie, par Sienne ou Arezzo. Alors même qu'on lui opposait des refus, qu'on marchait en armes contre elle, il lui restait toujours l'espoir d'une révolution dans ces villes gibelines où elle entretenait des intelligences avec les guelfes, où les guelfes, après comme avant la victoire, devaient acheter son appui. La guerre, à vrai dire, malgré toutes ses cruautés, n'interrompait pas beaucoup plus les relations privées que les alliances n'empêchaient les querelles de péage et les plaintes des marchands. Il en était d'une ville à l'autre, comme jadis d'un parti à l'autre dans Florence, quand on y buvait ensemble le soir, après s'être, dans un périodique accès de fureur, entr'égorgés le matin. On admettait au droit de cité des citoyens d'une ville ennemie. On trafiquait avec eux comme avec des amis. » 
La prépondérance industrielle de Florence sur les autres cités toscanes lui assure une influence que seule Pise peut balancer.

Les transformations de ces institutions se répercutent dans les autres cités. En 1285, Sienne achève l'expulsion des gibelins, se donne 9 magistrats pris pour deux mois dans la classe moyenne et les marchands. La cité féodale d'Arezzo se donne un gouvernement populaire; son prieur du peuple rase les châteaux des nobles. Pistoia agit de même. A Pise, le parti guelfe conseille l'alliance avec Florence, comprenant qu'elle eût été singulièrement profitable; se réduisant au rôle de port, de débouché des villes de l'intérieur, Pise eût grandi avec elles au lieu de s'affaiblir à les combattre. Ce sage avis ne fut pas suivi; la décadence était proche. Vaincus à la Meloria par la flotte génoise (1284), perdant 11,000 prisonniers dont la plupart ne revirent jamais leur cité, les Pisans ne se laissent pas convaincre par le comte Ugolino; ils s'enfoncent dans la cause gibeline. Les guelfes s'unissent à Florence contre eux, s'allient aux Génois pour les détruire. Ils préfèrent alors s'humilier devant les Génois que devant les Florentins. Ce fut en vain. Ugolino, promu à la dictature, s'entend avec les guelfes de Florence, sacrifiant les gibelins de sa patrie (1285). L'attention se tourne alors du côté d'Arezzo d'où les gibelins viennent d'exiler les guelfes. Un échec des ligueurs amène une prise d'armes générale des gibelins (1288). Ugolino est renversé; l'archevêque le fait mourir de faim. Pise met à sa tête le redoutable Guido de Montefeltro, tyran d'Urbino, chef des gibelins de l'Italie centrale.

Florence appelle Charles II d'Anjou (1289). Une sanglante bataille livrée à Campaldino entre guelfes et gibelins, Florentins et Arétins, donna la victoire aux premiers, grâce au courage de Corso Donati. Les résultats furent médiocres. Montefeltro tient ses adversaires en échec, malgré la perte de Porto Pisano; il reprend Pontedera aux Florentins (1291). Enfin, en 1294, on signe la paix. Elle consacre l'hégémonie florentine-: Sienne est devenue une alliée fidèle; Poggibonzi paye tribut; les Guidi et les autres seigneurs du Mugello sont vaincus; Prato, Pistoia reconnaissent la suzeraineté florentine; Arezzo offre son amitié; Pise s'avoue vaincue, rase Pontedera, congédie Montefeltro. Au moment où Florence acquérait complètement la prépotence en Toscane, elle procédait à une nouvelle réforme progressive de ses institutions.

Les ordonnances de justice

La noblesse conservait à Florence un grand ascendant, bien que ses droits politiques semblassent annihilés. Elle peut tenir en échec la bourgeoisie; ses exploits guerriers lui valaient une popularité et une influence considérables. Sa forteresse était le parti guelfe officiel, la parte guelfa; elle est tout à fait aristocratique; même un demi-siècle plus tard, elle le sera encore; les grands écartent les popolani de ses conseils. Par une curieuse anomalie, c'est à la noblesse que les magistrats demandent des ressources; en effet, la parte guelfa s'est enrichie des biens confisqués aux gibelins; chargée de les administrer, elle les a capitalisés, est devenue la première puissance financière de la commune. Ajoutez que les nobles s'appuient sur la haute bourgeoisie des popolani grassi; de nombreux mariages les solidarisent; le petit peuple, plus jaloux des riches marchands que de la vieille aristocratie, passionné pour les fêtes ou elle parade, se met volontiers dans sa clientèle. Elle est beaucoup plus unie que ses rivaux. Les liens de famille sont très forts; tous les agnats se groupent, de la même manière que les marchands d'un métier uni en une corporation; autour de leurs palais bâtis dans un même quartier, porte à porte, se rangent leurs clients, leurs serviteurs, sans compter ceux de leurs domaines de la campagne qu'ils peuvent appeler à la rescousse. Le pouvoir central ne pouvait désagréger ces groupes; il était trop instable, changeant de mains tous les deux mois. Au contraire, par désir d'éviter les tracas, il consolidait les groupements existants; il fallait son autorisation pour changer de rue, de quartier; on cherchait seulement à maintenir l'équilibre entre les clans jaloux les uns des autres et engagés dans d'interminables vendettas. La justice ne pouvait rien contre la connivence des nobles; ils se faisaient justice eux-mêmes et dérobaient leurs coupables à l'action des lois.

Les magistrats, las de se sentir bravés, entreprirent une lutte méthodique; ils décrétèrent la solidarité familiale pour les amendes; afin d'ôter aux nobles l'appui de leurs serfs des campagnes, on abolit la servitude (1289); l'ordonnance invoquait le droit naturel de libre arbitre; les tribunaux féodaux furent supprimés; défense faite de porter des armes dans la ville. On diminua la prépondérance des popolani grossi alliés aux nobles en adjoignant aux sept arts majeurs les cinq qui les suivaient (bouchers, cordonniers, forgerons, charpentiers et maçons, fripiers); c'était la petite bourgeoisie qui se voyait appelée à la vie politique; en même temps on adjoignait aux six prieurs un septième sous le nom de gonfalonier de justice (1293). On procéda à loisir à la revision des statuts, confiée à trois jurisconsultes. Successivement adoptés, il formèrent une collection d'environ quatre-vingts ordonnances de justice (ordinamenta justitiae). Elles réglaient l'élection des prieurs, mettaient aux ordres du gonfalonier de justice une milice de 2000 piétons. Au-dessous des sept arts majeurs et des cinq arts intermédiaires, on classa neuf arts mineurs : cabaretiers, hôteliers (grands aubergistes), marchands d'huile, sel et fromage, tanneurs, armuriers, serruriers, charretiers, tabletiers et faiseurs de boucliers, menuisiers, boulangers.

L'organisation des arts est la base de l'Etat. Ils élisent annuellement leurs syndics qui prêtent serment aux magistrats; toute ligue privée est prohibée à peine d'amende à payer par la corporation. Tout homme (popolano) de dix-huit à soixante-dix ans doit être inscrit sur les registres d'un art; les consuls des arts sont tenus d'appuyer les plaintes de tout artisan de leur corporation molesté par un grand. Les nobles sont matés. Dès 1285, Pistoia les avait exclus du gouvernement; l'inscription sur le registre des nobles était une peine emportant la privation des droits politiques. A Florence, on exclut les nobles des principaux conseils; les nobles inscrits sur les registres des arts ne peuvent y devenir consuls (capitudini); exclus de presque toutes les fonctions publiques, on leur refuse le titre d'honnête homme. On inscrit dans leur classe tout homme du peuple qui a commis un vol, un inceste, un meurtre, ou simplement est suspect de les appuyer; fugitifs, ils sont hors la loi. Des peines draconiennes sont promulguées contre tout noble qui se portera à des violences contre un popolano; les familles nobles sont astreintes, à peine de bannissement, à fournir une caution de 2000 livres qui répondra des amendes prononcées contre un de leurs membres. La procédure est rapide, l'institution confiée au gonfalonier de justice. En somme, la loi des suspects faite en 1283 contre les gibelins est faite en 1293 contre le « vieux peuple ».

Cette révolution avait été en grande partie l'oeuvre de Giano della Bella. Les grands voulurent se venger de lui. Ils gagnèrent l'ordre des juges et celui des bouchers, conduit par Dino Pecora. Leur chef était le redouté Corso Donati. Poursuivi pour un meurtre commis par ses gens, il fut acquitté par le podestat. Une émeute éclata. On accusa Giano della Bella de l'avoir fomentée; il fut excommunié par le pape, quitta Florence et se retira en France. La chute du chef populaire n'atteignit pas son oeuvre. Sienne, Pise se donnèrent des lois analogues. Un soulèvement des grands en 1295 consomma leur abaissement. Ils montèrent à cheval et occupèrent la place avec leurs vassaux; le parti populaire résista, tendit des chaînes dans les rues; les milices urbaines prirent aisément le dessus. De nouvelles rigueurs furent décrétées contre les nobles; défense fut faite d'arborer d'autres armes et couleurs que celles de son art ou de sa propre famille. Les ordonnances furent strictement appliquées.

Au dehors, l'autorité de Florence croissait. En Toscane, elle a presque à ses ordres l'armée de la ligue guelfe; sa parte guelfa, si bien organisée, domine aux assemblées qu'on réunit à Empoli; le plus souvent elle désigne le capitaine. Elle soutient de ses subsides le roi Charles Il de Naples, envoie des secours aux guelfes bolonais, au pape Boniface VIII

« Jamais, écrit Machiavel, notre ville ne fut en plus grand et plus prospère état qu'en ce temps où elle était riche d'hommes, de biens, de réputation, où elle comptait dans ses murs trente mille hommes en état de porter les armes et sur son territoire soixante-dix mille, où toute la Toscane, alliée ou sujette, lui obéissait. Il y avait bien entre les nobles et le peuple des motifs de colère et de soupçon, mais il n'en résultait aucun mauvais effet. Florence ne craignait plus ni ses exilés, ni l'Empire, et elle était en force pour tenir tête à tous les Etats d'Italie. »
Ne nous trompons pas aux sarcasmes de Dante. Les divisions mêmes et l'instabilité sont la marque d'une vie puissante, d'une activité surabondante; elles ne gênaient nullement le développement individuel ou collectif. A partir de la fin du XIII siècle se manifeste la civilisation florentine par des oeuvres impérissables.

On reconstruit la vieille église de Santa Reparata sous le nom nouveau de Santa Maria del Fiore, rappelant à la fois la Vierge et le lis « qui était dans les armes comme dans le nom de la ville ». Ce travail fut commencé en 1298. Trois ans plus tôt on avait posé la première pierre de Santa Croce (église des Franciscains); on refaisait Santo Spirito et Santa Maria Novella, églises des Augustins et des Dominicains. Enfin on édifiait un nouveau palais à la seigneurie (1299). Cet important édifice, appelé aujourd'hui Palazzo Vecchio, engloba la tour des Foraboschi qui fut encore exhaussée; on démolit, pour l'agrandir, la vieille église de San Pier Scherazzio. Le parallélogramme parfait dont l'architecte Arnolfo avait donné le plan fut plus tard modifié par des agrandissements. Enfin on donne à la ville une troisième enceinte (1298-1327), quatre fois plus grande que la seconde, dix fois plus que la première, d'une circonférence de 6 milles, percée de neuf portes, flanquée de soixante-huit tours (de 40 et 60 brasses de haut). On réparait les châteaux forts de la campagne; on en édifiait de nouveaux; on bâtissait des ponts, traçait des routes. (A.-M. Berthelot).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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