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Le
diallèle
(diallèla = l'un par l'autre) est l'argument
par lequel les
sceptiques espèrent prouver
que l'esprit est incapable de saisir la
vérité.
On l'appelle diallèle parce qu'il réduit l'esprit à revenir s'appuyer
sur ce qui est en question pour établir la légitimité de ses
opérations.
Voici donc cet argument. Le sceptique demande au dogmatique
de prouver la puissance qu'aurait, d'après lui, l'intelligence
pour atteindre la vérité. Quel que soit le principe
d'où essayera de partir le dogmatique, le sceptique lui dira :
« Tenez-vous
ce principe pour assuré? - Sans doute. - Mais d'où le tenez-vous? N'est-ce
pas de votre esprit? - Oui. - Mais qu'est-ce qui était en question? N'était-ce
pas la véracité de l'esprit? Et en admettant ce principe comme assuré,
ne montrez-vous pas que vous vous appuyez sur cette véracité même de
l'intelligence que cependant il s'agissait de démontrer? Et ainsi tout
votre raisonnement se réduit à dire : L'esprit peut atteindre la
vérité, parce qu'il atteint la vérité. »
C'est ce que Montaigne
appelait mettre le dogmatique « au rouet ». Le sceptique réduit donc
toute démonstration du principe dogmatique
à n'être qu'une pétition de principe. Mais
la pétition de principe est un sophisme. Toute
opinion
soutenue par un sophisme est fausse, donc le dogmatisme
est faux et par suite le
scepticisme est
vrai. Voilà les conséquences que le scepticisme tire du diallèle. Elles
sont peut-être rapides et prématurées, car de ce qu'une opinion est
mal soutenue et même à l'aide d'un sophisme, il ne s'ensuit rien par
rapport à la vérité intrinsèque de cette opinion; le scepticisme prouve
simplement que le principe du dogmatisme n'est pas susceptible d'une démonstration
discursive, il ne prouve pas du tout que le dogmatisme soit faux. Il lui
suffirait, pour être vrai, de s'appuyer sur une évidence
intuitive antérieure et supérieure à toute démonstration. |
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