| En un sens très général, une opération une combinaison de calculs destinés à obtenir un résultat; le terme s'apparente alors à celui d'algorithme. En un sens très étroit, on utilise ce terme à propos des quatre opérations de base de l'arithmétique élémentaire : l'addition, la soustraction, la multiplication et la division. La théorie des opérations, élaborée au XIXe siècle, et intégrée, au siècle suivant, à la théorie des ensembles, et à celle des structures algébriques, permet d'aborder ce concept de façon plus rigoureuse. Toute opération considérée en arithmétique ou en algèbre peut y être étudiée dans ses applications aux quantités qu'on lui soumet, ou bien en elle-même, au point de vue des propriétés qui la caractérisent. C'est ce dernier point de vue qui a donné naissance à la théorie générale des opérations. L'addition, par exemple, présente les propriétés suivantes : 1°) pour a = a', a +b = a'+b; 2°) a+(b+c) = (a+ b)+c; 3°) a+b = b+a; 4°) a+0 0+a =a. Ces propriétés subsistent dans l'addition des nombres, des longueurs, des angles, des forces appliquées en un même point et de même direction. Rien n'empêche de donner le nom d'addition à toute opération qui présentera ces quatre propriétés; en le faisant, on sera conduit, par exemple, à l'addition des quantités négatives, puis à celle des quantités imaginaires, puis à celle des vecteurs. Quand on cherche ainsi à généraliser une opération, il peut arriver que la nature même des éléments sur lesquels on opère ne se prête pas à une conservation totale des propriétés; mais toute propriété de l'opération généralisée doit être applicable aux objets plus simples qui ont servi à la définition primitive; c'est là ce que Hankel a appelé le principe de permanence des règles de calcul. S'il faut sacrifier quelques-unes des propriétés de l'opération, on doit chercher à conserver les plus importantes et les plus générales. Si a et b sont deux éléments, en les combinant par une opération déterminée et représentée par , on obtiendra un nouvel élément p, et ceci s'exprimera par la relation ab = p. Si, pour a = a' et b = b', on a ab = a'b', l'opération est uniforme; si (ab) c = a (bc), elle est associative; si ab = ba, elle est commutative. L'addition présente ces trois caractères. Si et représentent deux opérations, et si l'on a (ab)c = (ac)(b c), l'opération est dite distributive relativement à l'opération. Elle le sera encore si a(bc) = (ab)(ac); dans le premier cas, est distributive par rapport à son premier terme, et dans ce dernier, par rapport à son second terme. Les deux définitions de la distributivité coïncident si est commutative. Ainsi la multiplication ordinaire est distributive relativement à l'addition, car (a+b) x c = a x c + b x c, et a x (b + c) = a x b + a x c. L'élévation aux puissances est distributive relativement à la multiplication, par rapport à son premier terme, mais non à son second, car (a x b)c = ac x bc, et abxc = ab x ac. Dans l'addition, nous avons remarqué que a + 0 = a ; dans la multiplication a x 1 =a; en général, si am = a, on dit que m est le module (ou l'élément neutre, dans la teminologie ensembliste) de l'opération Lorsque ab = c, et que l'on considère l'opération qui donne a au moyen de c et b ou b au moyen de c et a, on dit que ce sont les opérations inverses de . Si cette dernière est commutative, les deux opérations inverses se réduisent à une seule; en la désignant par on aura b = ca, a =cb. Lorsque ab = ab' ne peut subsister que sous la condition b = b', il s'ensuit que l'opération définie par b = ca est uniforme; si une opération est uniforme, ainsi que ses opérations inverses, elle est dite complètement uniforme. Soit une opération uniforme et associative, et son inverse définie par (ab)a = b, et considérons l'expression x = (ab)c; opérons par b sur chacun des deux membres : bx = b(ab)c= (b(ab)c puisque est associative; mais par définition a((ab)a) = c, ou a (c a) = c. Donc bx = ac. De là, opérant par b, x = (ac)b, ou (ab)c = (ac)b. Ce résultat montre en particulier que (a/b).c = (a.c)/b, lors même que la multiplication n'est pas commutative, le quotient étant défini par la relation : dividende = diviseur x quotient. On démontrerait aussi que (ab)c = a(bc), et en particulier (a/b)/c = a/(bc). Quand une opération est cemplètement uniforme, son module m s'obtient en effectuant l'opération inverse sur un élément quelconque : m = aa, et l'on a am = ma = am = a. L'élément m a = ã est dit l'élément réciproque de a. La réciprocité est mutuelle; on a aã = ãa = m, ca = ãv, ab = bã, ac=ca, bc = cb = bc. Ces diverses propriétés permettent, par l'introduction des éléments réciproques, de ramener les opérations inverses à des opérations directes. Les opérations inverses peuvent ne pas donner des résultats faisant partie de l'ensemble des éléments sur lesquels on a opéré, et devenir en ce sens impossibles; mais, si l'on considère un nouvel ensemble d'objets, définis par l'opération inverse elle-même, ou se prêtant à cette opération, la possibilité existera; il faudra s'assurer si la propriété associative de l'opération directe se conserve pour les éléments de ce nouvel ensemble; et s'il en est ainsi, toutes les conséquences obtenues se conserveront aussi. La commutabilité, la distributivité apportent encore aux opérations des propriétés nouvelles, par voie de conséquence; nous ne pouvons entrer ici dans tous ces détails. Ce que nous avons dit doit suffire à faire comprendre la portée considérable d'une approche qui trouve ses applications directes dans le calcul des quantités complexes, mais dont la généralité est encore beaucoup plus vaste. C'est elle, en réalité, qui seule tend à donner à l'algèbre son véritable caractère, à préciser cette langue des calculs, à en perfectionner sans cesse la grammaire et la syntaxe. (C.-A. Laisant). | |