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Theodore Roosevelt est le vingt-sixième président des Etats-Unis. Il est né à New-York le 27 octobre 1858, et est mort, le 6 janvier 1919, dans sa maison de campagne de Sagamore Hill, à Oyster Bay (Long-Island), près de New-York. Le père de Roosevelt, mort en 1878, quand Theodore avait vingt ans, descendait d'une des familles néerlandaises qui traversèrent l'Atlantique au milieu du XVIIe siècle, alors que New-York s'appelait Nouvelle-Amsterdam et était encore un établissement hollandais. Sa mère était d'origine anglaise et quakeresse. Elle comptait parmi ses ancêtres le dernier gouverneur royal de Georgie. - Theodore Roosevelt (1858-1919). De faible constitution, avec une mine plutôt chétive, Theodore (Teddy) passa son enfance dans la maison de campagne de ses parents, possesseurs d'une assez belle fortune pour l'époque. L'exercice et les sports le fortifièrent quelque peu. Toutefois, quand il entra à l'université de Harvard, en 1876, à dix-huit ans, il fut encore désigné comme un jeune garçon élancé, maigre,d'apparence délicate. Il prit ses diplômes en 1880. Durant les quatre années qu'il venait de passer au collège, rien ne décelait qu'il pût être appelé à une carrière brillante. Il n'avait cependant pas de goût pour l'oisiveté, et c'est à Harvard qu'il commença d'écrire une Histoire navale de la guerre de 1812, qui reste un de ses meilleurs ouvrages. Ayant quitté l'université, en 1880 (à vingt-deux ans), il épousa miss Alice Hathaway, d'une famille de la bourgeoisie aisée en Nouvelle-Angleterre. Il fit un tour en Europe (où, déjà, son père l'avait emmené en 1869 et 1873), visita notamment l'Allemagne et la Suisse, fit l'ascension de la Jungfrau et du Matterhorn (Cervin) et fut admis comme membre du Club alpin à Londres. Il songeait alors à se faire naturaliste ou professeur. De retour en Amérique, ne sachant trop quel emploi donner à ses facultés, il étudia le droit à l'université de Columbia, mais la politique le réclama bientôt. Une circonscription de la ville de New-York l'envoya, en 1881, à l'Assemblée de l'Etat, dont le siège est à Albany. Il avait alors vingt-trois ans et était le plus jeune membre de la législature. Pour son début, il demanda des poursuiles contre un juge vénal et prononça, à cette occasion, un violent réquisitoire contre la corruption administrative (1882). Il fut honni dans la législature, mais l'opinion publique se prononça pour lui, et sa motion, après quelques jours, obtint la majorité nécessaire. Le « jeune M. Roosevelt » devenait une autorité dans l'Etat. Aussi la législature l'envoya-t-elle, en 1884, comme délégué du New-York, à la Convention nationale du Parti républicain, réunie pour le choix d'un candidat présidentiel. Il s'opposa en vain au choix de James Blaine comme candidat du parti, le voyant d'avance incapable de lutter contre Cleveland, qui, en effet, fut élu et entra, en mars 1885, à la Maison Blanche; le Parti démocrate reprenait avec lui la direction des affaires des Etats-Unis, après une éclipse de vingt-quatre années. Roosevelt perdit, au cours de l'hiver de 1884, sa mère et sa femme. Ce double deuil l'éloigna pour un temps de la vie publique et du monde. Il alla passer deux années dans un ranch du North Dakota et en rapporta son livre the Winning of the West (la Conquête de l'Ouest), description pittoresque et vivante des incidents de la vie des cowboys. Il revint dans l'Est en 1886. Les « indépendants », qui avaient constitué un solide parti réformiste dans la ville de New-York, lui offrirent de les représenter, comme candidat, pour la mairie. Il accepta, mais fut battu, l'organisation démocrate de Tammany Hall étant encore trop forte. Roosevelt, la même année, se remaria, épousant miss Edith Kermit Carew, dont la famille, new-yorkaise, était d'extraction huguenote. Le président républicain des Etats-Unis, Harrison, nomma Roosevelt, en 1889, membre de la commission du « service civil » (commission pour la réforme administrative), position peu enviable, sauf au point de vue moral, celui-là même où se plaçait Roosevelt, la commission ayant pour tâcbe de lutter d'une façon permanente contre le « spoils system », c'est-à-dire contre tout l'ensemble de traditions d'emploi du « patronage » ou attribution des places par les membres du Congrès et par l'administration comme moyen de paiement pour l'acquittement des dettes électorales. Roosevelt prit très à coeur ses fonctions et réussit à faire adopter par son Etat de New-York une loi sur la réforme du service civil, qui lui suscita des ennemis de tous les côtés. Mais ce n'était pas pour l'arrêter. Pendant les six années (1889 à 1895) où il fut membre, puis président de la commission, il obtint de très sérieux résultats. Si ardent républicain qu'il se montrât dans la manifestation de ses sentiments politiques, Cleveland, président pour la seconde fois de 1893 à 1897, le sollicita, dès sa rentrée au pouvoir, de demeurer membre de la commission du service civil. Roosevelt y consentit et ne quitta le poste qu'en 1895. Un vent de réforme ayant soufflé dans la ville de New-York, où l'organisation de Tammany Hall maintenait depuis longtemps une lourde atmosphère de corruption municipale, une administration nouvelle, composée de membres du parti réformiste, désigna Roosevelt comme un des quatre membres de la commission de police de la ville. Il fut avisé de divers côtés que, s'il acceptait ce poste de combat, il serait infailliblement brisé. Roosevelt ne se mit qu'avec plus d'ardeur à l'oeuvre et, en peu de temps, opéra un sérieux nettoyage dans le service policier de la grande ville. Le président républicain Mac-Kinley (1897-1901) transféra Roosevelt de la politique locale à la politique nationale en le nommant (1897) secrétaire « assistant » pour la marine. La guerre ayant éclaté l'année suivante entre l'Espagne et les Etats-Unis 1898), Roosevelt quitta sa position au ministère de la marine et fit campagne, comme colonel d'un régiment de cavaliers volontaires (les rough riders) qu'il avait levé à New-York et qu'il emmena guerroyer devant Santiago de Cuba. Theodore Roosevelt et ses Rough riders lors de l'assaut de la colline de San Juan, à Cuba A son retour de Cuba, il fut élu par les Républicains gouverneur de l'Etat de New-York. Il inaugura ses fonctions à Albany en 1899 et réalisa en peu de temps de nombreuses réformes. La haute exigence morale et l'activité infatigable de ce gouverneur de l'Etat devenant alarmante pour les chefs du Parti républicain, politiciens de carrière (bosses) et pour toutes leurs traditions, ceux-ci imaginèrent, en vue de neutraliser l'homme de coeur qui était une menace constante pour la « machine », de le faire adopter en 1900, par la convention nationale du parti, comme candidat pour la vice-présidence des Etats-Unis, poste de haut honneur, mais sans influence ni autorité. Mac-Kinley demeurait le candidat du parti pour la présidence. Roosevelt vit le piège et refusa la candidature offerte, mais sa popularité fut plus forte que ses refus. Il fut désigné comme candidat et, en novembre 1900, il fut élu en même temps que Mac-Kinley. Les leaders républicains, qui étaient sûrs de Mac-Kinley pensèrent qu'ils n'avaient plus rien à redouter de Roosevelt, politiquement « mis au tombeau » dans sa vice-présidence. Mais, en septembre 1901, l'assassinat de Mac-Kinley fit de Roosevelt, aux termes de la Constitution, le président des Etats-Unis. Il avait alors quarante-trois ans. Theodore Rossevelt, président. Il était nécessaire de tirer ces vastes entreprises (trusts industriels, compagnies de chemins de fer) de l'obscurité trop favorable aux intérêts de leurs grands chefs ou magnats et de les contraindre à évoluer au grand jour d'une publicité régulière, sous l'autorité de prescriptions légales, précises et adéquates. Ce qu'il voulut traquer dès lors et débusquer de ses refuges, c'est le « monopole », avec tout son cortège d'injustices. Les leaders du parti républicain avaient constamment pratiqué, à l'égard des « capitaines d'industrie » la politique du laissez faire, quand ce n'était pas celle de la complicité plus ou moins consciente et active. Roosevelt adopta par opposition et accentua, à mesure qu'il prenait plus d'assurance en l'exercice du pouvoir, la politique d'intervention des autorités fédérales. Parmi les incidents de cette lutte continue pour l'honnêteté dans les pratiques de l'industrie, on doit citer la création du département du commerce et du travail, en vue d'une enquête générale sur les agissements des trusts, l'issue heureuse de la lutte pour le traité de réciprocité avec la république de Cuba, les poursuites exercées contre certains actes de malversation dans l'administration des postes, la dissolution de la fameuse combinaison de chemins de fer connue sous le nom de Northern Securities Combine, le règlement de la grande grève charbonnière de 1902. L'influence de Roosevelt était consolidée dans tout le pays par cette succession d'actes vigoureux, inspirés tous par le même esprit, lorsque l'année 1904 amena le retour de la question présidentielle devant les deux grandes organisations régulières du pays : les conventions nationales des Républicains et des Démocrates. Les procédés de gouvernement de Roosevelt lui avaient aliéné les politiciens, mais l'opinion publique s'affirmait hautement en sa faveur. Les leaders du parti républicain avaient espéré susciter un rival au président sortant en la personne d'un des plus importants meneurs de leur clan, le sénateur Hanna. Sa mort déjoua leur dessein; ils durent se résigner, dans la Convention nationale, à appuyer la candidature de Roosevelt pour un second terme présidentiel. Statue de Theodore Roosevelt (Oyster Bay Hamlet, NY). Photo : David Cooper. Les Démocrates, de leur côté, avaient porté leur choix sur un assez faible candidat, le juge Alton B. Parker. Les programmes des deux partis différaient peu, prônant les mêmes réformes, dénonçant les mêmes défectuosités dans les buts de gouvernement de l'adversaire. La personnalité de Roosevelt, dans ces conditions, devait faire pencher fortement la balance. Il fut élu avec une grande majorité de suffrages dans le collège électoral, comme dans le sufrage populaire (7.623.000 voix). Durant tout le cours de sa seconde présidence, Theodore Roosevelt accentua sa politique de moralisation des affaires financières et de l'administration à tous les degrés, depuis les plus humbles producteurs jusqu'aux énormes trusts du pétrole, des transports, des denrées alimentaires, et depuis les emplois les plus infimes dans le service des Etats ou du gouvernement fédéral jusqu'aux postes les plus élevés dont les titulaires dépendent plus ou moins directement de la présidence ou des membres du Congrès. Lorsque, en 1907, éclata la grande crise financière qui donna une si violente secousse à tout l'édifice économique des Etats-Unis, Roosevelt se vit l'objet de reproches très vifs, comme si les événements avaient démontré qu'il eût été une cause prépondérante de l'éclatement de la crise par l'acharnement de ses poursuites contre les trusts. Il protesta avec véhémence contre ces accusations, ne cessant de répéter : « Je ne suis nullement l'ennemi des affaires, mais je les veux honnêtes; il faut qu'elles le soient. »Et, sûrement, pour autant qu'elles le sont devenues, il a eu sa part très nette - on peut dire décisive - dans ce grand, dans cet heureux résultat. Les Etats-Unis se sont dégagés, grâce à lui, de la réputation d'être le pays où la corruption administrative et les agissements criminels dans les affaires financières et industrielles eussent été portés au degré le plus élevé. Le président Roosevelt passa la présidence, en 1908, à l'un de ses plus intimes collaborateurs, Taft, qu'il abandonna bientôt, lorsqu'il le vit incliner vers des idées conservatrices qui ne lui paraissaient plus compatibles avec les besoins et les contingences du moment. Dans la campagne présidentielle de 1912, il suscita contre la candidature de Taft, proposée par la direction régulière du parti républicain pour un second terme, une nouvelle organisation, née de la scission du parti, la fraction « progressiste », dont il devint le chef. Le résultat fut que les réguliers et les progressistes subirent une défaite commune et que Woodrow Wilson, le candidat du Parti démocrate, fut élu. La "Teddyfication" de la Maison Blanche. - A son entrée en fonctions, Taft découvre l'empreinte laissée par son prédécesseur... (Illustration du Puck). Theodore Roosevelt et la politique extérieure des Etats-Unis. Roosevelt fit, avec ses fils, en 1909, un grand voyage en Afrique centrale, s'adonnant à son sport favori, la chasse aux fauves. Il visita, l'année suivante, différents Etats de l'Europe et reçut un chaleureux accueil en France. C'est alors qu'il prononça à la Sorbonne le discours où il exprima son sentiment, devenu célèbre, sur la guerre : « La guerre, dit-il, est une chose horrible, et une guerre injuste est un crime contre l'humanité. Mais elle est un tel crime parce qu'elle est injuste, non parce que c'est la guerre [...]. La question ne doit pas être simplement : Va-t-il y avoir la paix ou la guerre? La question doit être Le bon droit doit-il prévaloir? Les grandes lois de la justice seront-elles une fois de plus observées? Et la réponse d'un peuple fort et viril sera : Oui, quel que soit le risque. »La doctrine Monroe et le corollaire de Roosevelt. Les relations des Etats-Unis avec les républiques de l'Amérique latine pendant la présidence de Roosevelt ont donné lieu à de sérieuses critiques. Lorsqu'il aida une province rebelle de la république de Colombie, celle, justement, que traversait le canal de Panama, à se transformer en une république indépendante, on lui reprocha une application abusive de la politique du big stick (ou du gros bâton), que l'on pourrait appeler la politique de la manière forte. Grâce à cette solution drastique des difficultés auxquelles s'était heurtée jusqu'alors la question du canal, entre le Congrès, le pouvoir exécutif à Washington, la Compagnie française et l'Etat de Colombie, le canal put être achevé, sous les auspices, avec l'argent et sous le drapeau des Etats-Unis. Avec son secrétaire d'Etat, Elihu Root, Roosevelt s'efforça de rassurer les grands pays de l'Amérique du Sud : Argentine, Brésil et Chili, au sujet de l'extension donnée à la signification de la doctrine de Monroe par la guerre de 1898 entre les Etats-Unis et l'Espagne. La doctrine parut alors viser l'établissement officiel de la suzeraineté des Etats-Unis sur la totalité du continent américain. Roosevelt s'efforça de faire rentrer l'interprétation de la doctrine dans des limites plus étroites, celles de la mer des Caraïbes, englobant Porto-Rico, les Antilles en général, Cuba, devenue une république indépendante, mais surveillée, les côtes mexicaines, les Etats de l'Amérique centrale et la zone du canal de Panama. On ne saurait dire qu'au lendemain de la Grande Guerre les défiances inspirées aux grandes républiques de l'Amérique latine par les développements de la politique pan-américaine des présidents qui se sont succédé à Washington aient été complètement éteintes. Elles se sont, cependant, atténuées, même sous les administrations de Roosevelt et de Taft, surtout après l'entrée du président Wilson à la Maison Blanche. A la politique du big stick ont succédé la « diplomatie du dollar » et les lentes, mais inéluctables, évolutions de la « destinée manifeste ». En 1902, Théodore Roosevelt avait eu la fermeté de sauver le Venezuela des représailles armées dont le menaçaient pour l'Angleterre et l'Allemagne, et cette affaire lui avait été un avertissement si sérieux de certains périls qu'il réorganisa dans une certaine mesure l'armée régulière de l'Union et doubla sa force navale. Th. Roosevelt et la Première Guerre mondiale. A Plattsburg Camp, en août 1915, il dit : « Depuis treize mois, l'Amérique a joué un rôle honteux parmi les nations. Nous avons accepté de voir violenter les faibles que nous nous étions engagés à protéger. Nous avons vu nos hommes, nos femmes, nos enfants assassinés sur les mers, et nous n'avons pas agi. Nous avons substitué la parole à l'action. Compter sur les mots sonores que ce soutiennent pas les actes est le fait d'un esprit qui habite le royaume de l'ombre et de la chimère.»Il préconisait, alors, la formation par les Etats-Unis d'une armée mobile de 150.000 hommes, l'adoption du service militaire obligatoire, la constitution d'une ligue du monde pour la paix du droit, devant garantir, par la force combinée de toutes les nations, les décrets d'une cour compétente et impartiale contre toute nation récalcitrante et agressive. Wilson devait aller, l'expérience l'a prouvé, bien au delà de cet envoi d'une armée mobile de 150.000 hommes, et il a proposé la création, sous le nom de « Ligue des nations », d'un organisme international « pour le maintien de la paix », au principe duquel Roosevelt ne pouvait que donner une enthousiaste approbation. Les dernières années. Le 27 juin 1916, il annonça, dans une longue lettre au comité national progressiste, qu'il déclinait la « nomination » qui lui avait été offerte par la convention du parti dissident et qu'il soutiendrait Hughes comme candidat du parti républicain. Les progressistes, dit-il, ne pourraient avoir tout le pays avec eux, et la scission entre eux et les réguliers ne pouvait, d'ailleurs, qu'intensifier les causes de défaite du parti. Le pays soutenait manifestement le président Wilson et le prouva bien en lui renouvelant sa fonction présidentielle pour un second terme de quatre années. Theodore Roosevelt et l'empereur Guillaume II, à Döberitz, en Allemagne. Il critiqua avec véhémence la prolongation de l'état de neutralité pour les Etats-Unis. II proclama qu'il aurait rompu avec l'Allemagne, aussitôt après le torpillage du Lusitania. Eût-il eu raison? On en peut douter, si l'on considère l'état de l'opinion américaine au début de la guerre et les immenses difficultés qu'eut Wilson à amener son pays à s'engager comme un bloc dans une lutte dont toutes ses traditions et ses intérêts devaient le détourner. Lorsque les Etats-Unis eurent décidé d'entrer dans la guerre, Roosevelt, bien que sa santé eût faibli depuis quelque temps, sollicita l'autorisation de lever une division de volontaires, qu'il eût conduite en Europe pour combattre à sa tête dans les rangs des Alliés. L'autorisation ne lui fut pas donnée. Il est possible que son état physique l'eût empêché de mettre son projet à exécution, lors même que son désir eût été exaucé. L'attaque de paludisme, dont il avait souffert dans un voyage récent au Brésil, avait gravement affaibli se vigueur corporelle. En février 1918, il dut subir une sérieuse opération. Pendant les derniers mois de sa vie, eut à souffrir une série d'assauts douloureux à sa santé, dépensa tout ce qu'il lui restait de force pour le succès de la cause des Alliés et lui sacrifia de ce qu'il avait de plus précieux, ses fils. Il eut, du moins, la haute satisfaction de voir cette cause triompher. Il dit dans son dernier écrit, la Grande Aventure, ces paroles où se trouve sa pensée directrice : « Nous tous qui servons et qui nous tenons prêts pour le sacrifice, nous sommes des porteurs de tombes. Nous courons avec nos torches jusqu'à ce que nous tombions, heureux si nous pouvons, alors, les passer aux mains d'autres coureurs. »Roosevelt est mort en un temps où l'un des deux grands partis américains envisageait avec confiance sa réélection à la présidence en 1920. Roosevelt avait eu de sa première femme une fille, Alice, qui épousa, en 1906, Nicholas Longworth, membre du Congrès pour l'Ohio, et de sa seconde femme quatre fils et une fille. Le fils aîné, Theodore, né en 1887, fit ses études à Harvard, entra dans les affaires et se maria. Kermit, né en 1889, fut le compagnon de son père dans ses voyages en Afrique centrale et au Brésil. La fille, Ethel Carew, s'est mariée. Les deux plus jeunes membres de la famille étaient Archibald (Archie), né en 1894, et Quentin, né en 1897. Les quatre fils ont servi dans la guerre contre l'Allemagne : Kermit Roosevelt se distingua en Mésopotamie dans le corps de l'artillerie. Il vint servir dans la même arme en France, en juillet 1918. Dans ce même mois, le lieutenant Quentin Roosevelt, aviateur, tomba avec son appareil dans une forêt au nord de la Marne, tué par une balle allemande. Le frère aîné, Théodore, fut légèrement blessé dans le même temps; Archibald avait été également blessé quelque temps auparavant. A un ami lui adressant une lettre de sympathie pour la mort de son fils Roosevelt répondit : Il serait oiseux de prétendre que je n'aie pas une douleur profonde de la mort de Quentin, mais je ne voudrais pas, pour quoi que ce soit au monde, que le garçon agit autrement qu'il n'a fait.Il dit aussi à un autre ami qui partait pour l'Europe : Je n'ai pas de message a envoyer à la France. Je lui ai donné ce que j'avais de meilleur, mes fils. Si, là-bas. Nous leur parlez de moi, dites-leur simplement que je n'ai qu'un regret : de n'avoir pu me donner moi-même.
La mère de Quentin ne regrette rien, et je suis fier.Roosevelt a écrit des livres sur des sujets variés. Comme ses discours au peuple et ses messages au Congrès, ses ouvrages sont inspirés de sentiments humains, francs, courageux, honnêtes, exclusifs d'indécision, où de nombreuses aspirations nationales, latentes jusqu'alors, sont interprétées et fortifiées. ll eut quelques-uns des défauts de ses qualités : de la rudesse, des façons de penser, de parler et d'agir un peu abruptes. Avec ce résultat de frapper plus fort que juste, il se fit de nombreux ennemis dans sa carrière si remplie de luttes contre des habitudes et des traditions dont s'indignaient sa nature énergique et son intransigeance morale. Après sa mort, toute l'Amérique rendra pleine justice à cet homme d'un si grand et si beau caractère, qui a incarné l'amour de son pays, confondu avec la passion pour la justice et pour l'honnêteté. Théodore Roosevelt dans l'histoire américaine. Théodore Roosevelt était parent avec Franklin Delano Roosevelt (1882-1945), qui allait devenir le 32e président des Etats-Unis (de 1933 à 1945) et allait devoir relever deux des plus grands défis auxquels ait été confrontée l'Amérique : la grande dépression des années 1930 et la Seconde guerre mondiale. Le rôle joué par celui-ci lui a conféré, sans doute à juste titre, la première place dans l'histoire des présidents américains. Mais sa célébrité a tendu a effacer, et pour le coup assez injustement, celle du «-premier » Roosevelt. Thedore Roosevelt reste au demeurant, aux yeux de ses concitoyens, le type du radical américain le représentant de ce qu'il y a de plus rêche dans la vie américaine. Il y avait en lui du cowboy, du soldat, du boxeur (il perdit presque un oeil dans un assaut de boxe, tandis qu'il était l'hôte de la Maison Blanche), du savant naturaliste, du sportif. Et tout cela, en partie au moins, contribuait à sa popularité. Il eut un regret profond, et ne se consola, à aucun moment, de n'avoir pu prendre une part active à l'effort de guerre des Etats-Unis. Theodore Roosevelt en 1904. En politique, il frappait fort, mais ses plus déterminés ennemis sur le terrain électoral étaient aussi fiers que le reste du peuple des Etats-Unis du grand citoyen qu'il était. Ses pensées, étant celles d'un homme d'action, ne se confluaient pas dans le domaine de la théorie, mais devenaient des actes. Il dit de lui-même : « Mes problèmes ont été des problèmes moraux, mon enseignement un enseignement de simple et claire moralité. »Prêcheur de moralité politique et sociale devant les auditoires les plus divers : les cowboys de l'Ouest américain, les intellectuels de la Sorbonne à Paris, l'université d'Oxford, Guildhall, il appliquait devant tous, avec la même conviction, la vieille doctrine chrétienne à l'ancienne mode - mi-protestante néerlandaise, mi-quaker - et du type le plus élémentaire. Il prêchait la conscience universelle de l'humanité, l'évangile du devoir public et privé, ayant la conviction, et l'imposant par sa parole impétueuse, fougueusement sincère, que ce devoir est la base indispensable de la société humaine, plus nécessaire encore dans les démocraties que dans toutes les autres formes de gouvernement. (A. Moireau).
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