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Les sciences physiques
On range sous le vocable de sciences physiques : la physique proprement dite, la chime et l'astronomie (et plus spécialement l'astrophysique). Ces sciences étudient les propriétés générales de la matière. Des propriétés qui se révèlent d'abord à nous par l'intermédiaire de nos organes des sens qui nous font éprouver des sensations spéciales auxquelles on a donné des noms. L'oeil nous montre à la fois la forme et la couleur des objets, l'oreille nous fournit les sensations sonores, le toucher des sensations de pression (ou de pesanteur) et de température. Les propriétés de la matière résultent évidemment de sa constitution, et si celle-ci était connue dans tous ses détails les sciences physiques ne seraient qu'un chapitre de la mécanique, relatif aux propriétés de certains systèmes bien définis.

On peut donc tout d'abord se proposer d'étudier ces sciences en admettant que la matière est formée de certaine façon, et, en appliquant à ce système des raisonnements purement mathématiques, on arrivera à trouver les propriétés de cette matière; on peut, au contraire, opérer inversement : examiner les propriétés de cette matière, dans tous leurs détails et avec la plus grande précision possible et chercher à en déduire ensuite sa constitution; celle-ci trouvée, on pourra alors reprendre la marche primitive, c.-à-d. en déduire tous les phénomènes que l'expérience avait reconnus au préalable et en découvrir d'autres qui ne s'étaient pas présentés lors des premières recherches. 

Les philosophes anciens avaient adopté la première méthode : nous retrouvons en effet dans les écrits d'Aristote diverses considérations sur la constitution de la matière.

Ces discussions, tout le Moyen âge les a répétées en en modifiant à peine les détails : cette méthode a été et devait être stérile; on peut, en effet, imaginer un grand nombre de systèmes pour représenter la constitution de la matière, tandis qu'un seul est vrai. Un chimiste qui essaierait de reproduire la blende sans savoir que ce corps est formé de soufre et de zinc pourrait faire un grand nombre d'essais inutiles et peut-être même n'arriver jamais à l'obtenir; le chimiste, au contraire, qui procédera par la méthode inverse, qui analysera d'abord la blende et y reconnaîtra la présence du zinc pourra ensuite facilement reconstituer ce corps, en faire la synthèse.

Les modernes ont, depuis le XVIIe siècle, adopté la marche exactement inverse de celle des philosophes anciens; ils ont momentanément laissé de côté les discussions stériles sur la constitution de la matière et entrepris l'étude détaillée et précise des faits.

Tout d'abord on a été amené à distinguer deus ordres de phénomènes parmi ceux que présente la matière inorganisée; les uns ne modifient que d'une façon passagère les propriétés et l'aspect des corps; les autres les modifient d'une façon permanente; les premiers ne dépendent guère de la nature des corps, les autres, au contraire, en dépendent étroitement; de plus, ces derniers résultent presque toujours de l'action réciproque des corps qui disparaissent dans ces réactions pour donner naissance à une autre matière douée de nouvelles propriétés. Ces deux branches des sciences physiques sont la physique proprement dite et la chimie. 

On peut citer des exemples permettant de séparer nettement ces deux sciences : ainsi si l'on chauffe du phosphore blanc en vase clos, il fondra d'abord, se volatilisera ensuite; en refroidissant ensuite le tube, la cause cessant, les phénomènes inverses se reproduiront, la vapeur de phosphore se condensera, puis le phosphore liquide se solidifiera; les phénomènes de fusion, de volatilisation, de condensation des vapeurs et de solidification sont temporaires : ce sont des phénomènes physiques; ajoutons de plus que la plupart des corps éprouvent les mêmes transformations quand on les chauffe, ils fondent et se volatilisent. 

Reprenons au contraire le même morceau de phosphore et chauffons-le en vase clos pendant une dizaine de jours. Au bout de ce temps, laissons-le refroidir: nous trouvons une masse d'un brun foncé qui n'a plus les propriétés du phosphore ordinaire, c'est le phosphore rouge qui n'est pas phosphorescent, n'est pas inflammable à la température ordinaire, n'est pas vénéneux; il restera indéfiniment dans cet état : c'est un phénomène chimique; c'est de plus une propriété spéciale au phosphore. Chauffons encore ensemble du fer et du soufre, à basse température: ils se partageront, suivant un certain rapport, la quantité de chaleur fournie; ils conserveront leur aspect. En se refroidissant ils perdront la chaleur qu'ils avaient gagnée; des corps différents auraient fait de même, le coefficient de partage aura seul été différent.

L'échauffement de ces corps est un phénomène physique. Chauffons un peu plus : tout à coup les deux corps deviennent incandescents et dégagent une grande quantité de chaleur; à leur place nous trouvons une autre matière toute différente. Des corps autres que le fer et le soufre ne nous auraient pas donné cette matière; de plus, si nous la laissons refroidir, elle conserve son aspect et ne reprend pas la quantité de chaleur qu'elle avait dégagée au moment de son incandescence : c'est un phénomène chimique. 

Mais si ces exemples bien nets permettent d'établir une distinction entre la physique et la chimie, il en est d'autres pour lesquels la même netteté n'existe plus : les phénomènes de dissolution des corps, par exemple, ressemblent à la fois au phénomène physique de la fusion et au phénomène chimique de la combinaison, le corps dissous se combinant avec le dissolvant. Souvent même ces deux phénomènes doivent coexister dans la dissolution des corps. Nous retrouvons donc dans les sciences physiques ce que l'on observe dans les sciences biologiques où la distinction est facile entre la zoologie et la botanique tant que l'on ne considère que la majorité des êtres vivants, plantes ou animaux, mais où elle devient plus délicate, parfois même impossible pour certains organismes qui présentent des caractères communs aux animaux et aux plantes.

Il y a donc lieu de penser que cette division en deux groupes des sciences physiques est commode pour la pratique, mais peut-être contraire à la nature des choses. En tout cas, ces deux groupes de sciences sont deux routes qui sont nettement séparées au point de vue pratique, au point de vue des méthodes et des phénomènes étudiés.

Caractère des sciences physiques

Comme leur nom l'indique, ces sciences comprennent : la physique proprement dite qui étudie les lois et les propriétés générales de la matière, telles que la pesanteur, le son, la chaleur, etc., et la chimie qui étudie les lois et les propriétés spéciales de chaque espèce de matière : oxygène, chlore, soufre, etc.
On peut en effet distinguer dans chaque corps des propriétés physiques, qu'il partage avec tous les autres corps, et des propriétés chimiques. qui lui sont plus ou moins propres. Les premières résultent des rapports de position que les molécules de ce corps sont supposées avoir entre elles, et dont le changement détermine en lui, soit des changements de forme, de volume ou d'état, soit des vibrations ou des ondulations, qui sont autant de phénomènes physiques. Les secondes résultent des rapports de position qu'auraient entre eus les atomes  dont sont composées les molécules de ce corps; toute modification dans ces rapports déterminant dans celui-ci des décompositions, des changements substantiels qui constituent proprement les phénomènes chimiques.
Objet propre des se sciences physico-chimiques.
Ces sciences n'étudient pas, comme les mathématiques, des idées et des énoncés abstraits, exprimant des rapports simplement possibles, mais des faits concrets et, contingents.

Or il n'y a pas, il ne peut y avoir de science du particulier; ce n'est donc pas le fait lui-même variable et passager, qui est l'objet propre de ces sciences, mais la loi générale et permanente qui le régit. Néanmoins, on le conçoit, s'il n'est pas l'objet de la science, le fait ne laisse pas d'en être le moyen nécessaire, car c'est par l'étude et l'observation du fait qu'on remonte à la connaissance de sa cause et de sa loi.

Avant tout, il importe de préciser exactement ce qu'il faut entendre ici par cause et par loi. Ces mots sont en effet susceptibles de deux sens différents : un sens empirique ou phénoménal et un sens réel ou métaphysique, qu'il importe de bien distinguer.

1. - La cause et la loi au sens phénoménal. 
Dans les sciences physico-chimiques on appelle cause tout phénomène nécessaire et suffisant pour déterminer l'apparition d'un autre phénomène. Par loi, on entend le rapport constant qui relie la cause à son effet, et qui fait que, la première étant posée, le second suivra. Ainsi, la cause étant l'action a exercée par le corps A, et l'effet, une modification b résultant dans le corps B, la loi exprimera le rapport constant qui relie l'un à l'autre, c'est-à-dire que A a étant posé sera invariablement suivi de B b. Le marteau frappe (A a) et la cloche résonne (B b); le feu échauffe (A a) et le métal se dilate (B b).

2. - La cause et la loi au sens métaphysique. 
Il est clair que la cause et la loi, entendues au sens phénoménal, ne sauraient s'expliquer elles-mêmes, et qu'elles exigent une raison suffisante, celle-ci consistera nécessairement dans une cause entendue au sens métaphysique, c'est-à-dire dans quelque être réel et concret exerçant une action effective sur la production des phénomènes.

Il pourrait sembler à première vue que les sciences positives de la nature n'ont pas  à s'occuper de la cause entendue au sens métaphysique : ce serait une grave erreur. Comme verra à propos de l'induction, si l'on s'en tient au sens phénoménal, toute généralisation proprement dite devient impos sible et par suite la loi physique n'est plus que Ia constatation empirique d'une constance de fait, dans la succession des phénomènes.
C'est donc par un singulier abus de l'abstraction que les positivistes, confondant les deux ordres de causes, attribuent la production des faits à leur loi, et prétendent, avec Büchner, par exemple, que « l'ordre de la nature est produit par la régularité des phénomènes »; ou, avec Littré, que « l'univers nous apparaît comme un ensemble ayant ses causes en lui-même, causes que nous nommons lois ». - Le sophisme est évident, et jamais la connaissance des causes et des lois phénoménales ne dispensera de recourir à une cause vraiment productrice des phénomènes, pas plus que, dans une machine, la régularité des mouvements ne dispense de recourir à une source de force qui est la cause et l'explication de son fonctionnement.

3. - Loi causale et loi modale.
Dans l'ordre phénoménal, aussi bien que dans l'ordre réel ou métaphysique, il faut distinguer la loi causale et la loi modale.

a) La première exprime un rapport simple entre la cause et l'effet. Elle répond à la question pourquoi? Pourquoi ce corps tombe-t-il? Parce qu'il est attiré par la Terre (loi causale).

b) La seconde exprime un rapport plus ou moins complexe entre les diverses circonstances du phénomène; elle répond à la question comment? Comment ce corps tombe-t-il? Selon la formule V = gt (loi modale).

Méthode des sciences physico-chimiques.

Ces sciences, s'élevant du fait particulier à la loi générale, suivent une méthode essentiellement inductive et a posteriori.  Quels en sont les procédés?
 
1. Tout d'abord, les faits à étudier étant contingents, il n'est qu'un moyen possible de les connaître, c'est de les observer. L'observation sera donc le premier procédé de cette méthode.

2. Mais l'esprit humain ne se contente pas de constater les faits, il veut en avoir l'explication : aussi, à la vue de ce fait, conçoit-il aussitôt quelque idée relative à sa cause probable; c'est l'hypothèse, second procédé de la méthode inductive.

3. Avant d'être admise, cette hypothèse demande à être vérifiée par l'expérimentalion, procédé caractéristique des sciences physico-chimiques; d'où le nom de sciences expérimentales qu'on leur donne généralement.

4. Quand l'expérimentation est parvenue à déterminer la cause véritable du phénomène, reste à généraliser le rapport saisi entre la cause et l'effet, en vertu d'un procédé spécial appelé induction; et la loi générale, but ultime de ces sciences, se trouve ainsi formulée.

Donc, observer, supposer, vérifier, généraliser, tels sont les quatre procédés qui constituent la méthode expérimentale, et qui feront l'objet des pages distinctes. (Ch. Lahr).
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