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Littérature italienne
La littérature italienne au XVIIIe siècle
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La littérature italienne avait eu une grande influence en France au XVIIe siècle; ce fut, au contraire, l'influence française qui prédomina en Italie au XVIIIe, et y introduisit les idées philosophiques, qui alors occupaient tous les esprits. Déjà les Italiens avaient cherché à réagir contre l'école de Marini, et à ramener la langue à une élégante simplicité; dans ce but, on avait fondé à Rome l'Académie des Arcades, qui recruta bientôt des membres dans toute l'Italie. Les chefs de cette Académie furent Gravina et Crescembeni. Les Arcadiens prirent pour modèles Théocrite, Virgile et Sannazar, et inondèrent l'Italie de sonnets pastoraux. Mais leurs principaux titres de gloire sont les travaux de critique qu'ils firent sur la langue italienne. Gravina écrivit La raison poétique et un Traité de la tragédie; Crescimbeni, un Traité sur la beauté de la poésie italienne. La Bibliothèque de l'éloquence italienne, de Mgr Fontanini, les divers écrits d'Apostolo Zeno et du marquis Maffei, la Parfaite poésie de Muratori, sont des guides d'une grande utilité pour l'étude de la littérature italienne classique.

L'influence de l'école philosophique se lit sentir non seulement dans les idées, mais encore dans le style; les auteurs italiens prirent à l'école de Voltaire cette élégante précision, ce tour vif et heureux de l'école du XVIIIe siècle, et cette imitation alla jusqu'au néologisme. Joseph Baretti, qui avait longtemps voyagé en France, et surtout en Angleterre, fut un des premiers propagateurs des idées nouvelles. Vico fonda en Italie la philosophie de l'histoire. L'abbé Genovesi, qui suivit et éclaircit à la fois les théories de Vico, tâcha de mettre sa nation au niveau de celles qui venaient de la précéder dans la carrière scientifique : il publia des Méditations philosophiques imitées de celles de Descartes, et des leçons de commerce justement estimées.

César Beccaria, célèbre surtout par les services qu'il rendit à la législation criminelle, entreprit d'exposer la théorie philosophique du style. 

Le jésuite Xavier Bettinelli se fit le disciple ardent de Voltaire

Melchiore Cesarotti rendit un grand service aux lettres en publiant un Essai sur la philosophie des langues.

Enfin François d'Alberti mérite d'être cité pour l'immense entreprise du Dictionnaire universel, critique, encyclopédique.

Les idées philosophiques firent aussi leur révolution dans l'histoire, et y introduisirent un esprit de critique plus sévère. Pierre Giannone, dans une Histoire du royaume de Naples, ouvrage plus savant qu'élégant, se fit remarquer par la hardiesse de ses recherches et de ses vues. Louis-Antoine Muratori avec un style plus simple et plus correct, rédigea les Annales d'Italie, où il a fondu les résultats de ses nombreuses recherches critiques. Charles Denina fit, dans un style noble et correct, le Tableau des révolutions d'Italie, suivi du Tableau des révolutions d'Allemagne. Enfin Pierre Verri composa une instructive Histoire de Milan, sa ville.

Les Italiens ont toujours plus brillé dans l'histoire littéraire que dans l'histoire civile, au XVIIIe siècle. Le P. Benoît Bacchini, Apostolo Zeno, et le marquis Maffei, donnèrent l'exemple des premiers journaux littéraires : on consulte et on cite encore le Journal des hommes de lettres de l'Italie, et les Observations littéraires. L'histoire littéraire d'Italieest vraiment redevable de ses progrès à trois écrivains, Bettinelli, Denina et Tiraboschi; ce dernier embrassa toute l'histoire de la littérature italienne, et son ouvrage fait autorité.

Les essais malheureux, tentés depuis l'Arioste et le Tasse dans le genre épique, ne découragèrent pas les Italiens. Antonio Caraccio publia un poème épique sous le titre de l'Empire vengé, où il célèbre les princes d'Occident qui s'allièrent pour relever l'Empire d'Orient; il se montre faible imitateur du Tasse. 

Les traducteurs furent plus heureux : la traduction de l'Enéide de Beverini est supérieure à celle d'Annibal Caro; Cornélius Bentivoglio publia la traduction de la Thébaïde de Stace, et l'abbé Cesarotti donna une version des poèmes attribués à Ossian, généralement regardée comme un chef-d'oeuvre, et une traduction moins heureuse de l'Iliade. L'épopée héroï-comique fit quelque progrès pendant cette période : le Ricciardetto de Nicolas Forteguerra est une plaisante parodie de l'Arioste.

L'opéra, composé de drame et de musique, fut par cela même conduit à chercher  une chemin qui lui soit propre. Au commencement du XVIIIe siècle, la musique avait tellement dominé, que la partie littéraire était complètement sacrifiée; Apostolo Zeno entreprit une réforme devenue nécessaire. Admirateur des Grecs et de la tragédie française, il traita des sujets grecs d'après la méthode classique des grands tragiques français. Le résultat fut que le libretto reprit tellement le dessus dans l'opéra, que la musique fut sacrifiée à son tour. Cependant la réforme de Zeno profita au théâtre, et à Métastase, qui devait le plus illustrer ce genre de composition. Disciple de Zeno, il évita les défauts de son maître; tout en restant fidèle aux traditions françaises et aux sujets tirés de l'histoire grecque, il mit plus de goût et de sentiment musical dans ses compositions. C'est ce qui explique ses défauts et ses qualités. En effet, les mélodrames de Métastase sont écrits dans un style coulant, harmonieux; le rythme des vers est varié et propre à faire éclater tous les ressorts de la mélodie; mais les caractères manquent de profondeur, les situations de développements; malgré cela, l'Artaxerce, l'Olympiade, le Démophoôn, etc., produisirent une immense sensation en Italie, et y sont encore justement appréciés.

La tragédie, abandonnée pour l'opéra, fit de courageux efforts pour se relever. Les premiers écrivains qui reprirent cette route abandonnée furent Delfino Martelli, et le marquis Maffei, dont la Mérope causa une révolution dans l'art dramatique. L'auteur entreprit dans cette pièce d'intéresser ses compatriotes par une nouvelle tragédie qui réunit à la fois le naturel et le pathétique des Grecs, le mouvement et la régularité des Français, sans autre mobile d'intérêt que l'amour maternel. Le succès de Mérope fut immense en Italie, et même en France, où Voltaire, après l'avoir critiquée, lui rendit justice en l'imitant. 

Entre Maffei et Alfieri, il y eut quelques essais tragiques : les tragédies chrétiennes d'Annibal Marchese et du P. Bianchi; celles assez remarquables que Xavier Pansuti tira de l'histoire romaine (Brutus, Virginie, Sophonisbe) ; enfin les pièces d'Antoine Conti, écrites dans un style sévère et avec un vrai sentiment de l'antiquité. Gigli et Fagiuoli firent aussi tous leurs efforts pour inspirer aux Italiens le goût de la simplicité et de la régularité des pièces françaises.

Vittorio Alfieri entra dans la carrière littéraire avec un plan de réforme bien arrêté : son dessein fut de réagir contre ce qu'il appelait la corruption du théâtre italien et la mollesse de Métastase. Son système poétique n'avait pas seulement pour but de relever le goût littéraire des Italiens, mais encore de leur rendre le sentiment de la liberté. C'est dans cet esprit qu'il composa principalement Virginie, la Conjuration des Pazzi, le Timoléon, les deux Brutus; Agis, Don Carlos, etc. Alfieri, écrivant pour la réforme morale et poétique de son siècle, avait dû se faire tout un système dramatique; il ramena, autant que possible, son style à la simplicité énergique de Dante, et, dans ses efforts vers le grand, ne sut pas toujours éviter la rudesse. Il se créa une versification nette et forte, simplifia l'action tragique, et développa les caractères aux dépens des événements. Mais, tout en admirant la noblesse des sentiments qu'il exprime, on peut lui reprocher d'avoir trop chargé les ombres de ses tableaux, et représenté ses traîtres trop complètement mauvais. 

L'entreprise d'Alfieri, d'abord critiquée comme toute réforme, finit par obtenir l'approbation générale, et toute une génération de poètes se forma à son école. Le comte Alexandre Pepoli, frappé des beautés des premières tragédies d'Alfieri, eut le mérite rare de se réformer à son exemple. Il refit les tragédies qu'il avait déjà publiées, et en composa de nouvelles. Dans quelques-unes il reproduisit les mêmes sujets qu'Alfieri avait déjà traités; tels sont l'Agamemnon et le Don Carlos. Jean Pindemonte fut encore plus le disciple des poètes tragiques français que d'Alfieri. Il sacrifiait souvent la profondeur des pensées à l'éclat de la scène. Ses principales pièces sont les Bacchanales, le Saut de Leucade, Agrippine, les Colons de Candie, Geneviève d'Ecosse, etc.

La comédie avait été négligée au XVIIe siècle pour l'opéra, et tous les littérateurs du commencement du XVIIIe comprenaient la nécessité de la relever et de le régulariser. Dans ce but Jérôme Gigli traduisit le Tartuffe de Molière, les Plaideurs de Racine, et donna ainsi le premier aux Italiens l'idée de ce que devait être la bonne comédie. Le marquis Maffei publia les Cérémonies et le Raguet; dans la dernière de ces pièces, il tâchait de tourner en dérision les Italiens qui dénaturaient leur langue, en y introduisant des locutions françaises. Ces comédies auraient eu plus de succès, si l'auteur ne les avait écrites en vers. Jules-César Becelli attaqua les pédants de son temps dans les Faux savants, l'Avocat, les Poètes comiques, etc. Riccoboni essaya de faire revivre l'ancienne comédie nationale; mais il échoua pour avoir voulu changer trop brusquement le goût de son temps.  Les efforts du marquis de Liveri portèrent surtout sur les effets scéniques : il rendit la scène plus animée, disposa les personnages par groupes, et les fit habilement concourir à l'effet général. 

Toutes ces réformes partielles préparaient la voie à Goldoni. Doué d'un esprit vif et original, d'une grande facilité, il composa 150 pièces où l'on rencontre une étonnante variété d'intrigues, de caractères, et de situations. S'il n'a pas un style très correct, et si ses ouvrages sentent quelquefois la précipitation, on ne peut lui refuser une verve singulière et un grand talent dans la peinture des caractères. Ses principales comédies sont l'Honnête fille, la Bonne femme, le Café, le Chevalier et la Dame, la Paméla, l'Amant militaire, l'Avocat vénitien et le Bourru bienfaisant, cette dernière pièce faite pour le théâtre français. Charles Gozzi vint ravir à Goldoni une partie de sa popularité. Plus habile écrivain que son rival, avec une imagination extravagante, il se plut à composer les pièces les plus romanesques et les plus absurdes; les titres de quelques-unes donneront une idée de sa folle entreprise; ce sont : l'Amour des trois oranges, le Roi cerf, la Dame serpent, le Monstre bleu turquin, le Petit oiseau d'un beau vert, etc. Avec de pareils ouvrages, il trouva néanmoins le moyen de plaire, tant il est vrai que l'important est d'avoir de l'esprit et de la verve comique.

Le sonnet, genre cher à l'Italie, fut cultivé au XVIIIe siècle par J.-B. Cotta, Julien Camani, et Onofrio Minzoni, qui s'appliquèrent à perfectionner ce petit poème. Frugoni écrivit non seulement des sonnets, mais encore des odes, des églogues, des épîtres, des satires, etc. Dans ces divers genres, il montra une imagination très riche, jointe à une grande hardiesse d'expression. Ange Mazza fut le dernier poète lyrique; il fit parler à sa muse le langage de la philosophie. J.-Charles Passeroni et Laurent Pignotti s'essayèrent dans l'apologue; le jésuite' Roberti y déploya quelque invention; Bertola surpassa quelquefois ses devanciers par la simplicité et la grâce. P. Rolli, outre de nombreuses traductions, composa des cantates estimées. On doit à Spolverini un poème didactique sur la Culture du riz.  Mentionnons enfin, parmi les poètes satiriques, G. Casti, l'auteur des Animaux parlants.

Les Italiens, si riches en nouvelles versifiées, et qui, au XVIIIe siècle, comptent encore celles de Batacchi et de Costa, eurent de tout temps fort peu de romans en prose; la seule production de ce genre qui se fasse remarquer est le Congrès de Cythère du comte Algarotti, espèce de satire contre les femmes. Le comte Alexandre Verri, érudit très versé dans l'histoire ancienne, publia une Vie d'Erostrate qu'il disait avoir découverte dans un ancien manuscrit, et les Aventures de Sapho où il s'attache à imiter la simplicité élégante des Grecs. Mais l'ouvrage auquel cet écrivain dut principalement sa réputation est celui des Nuits Romaines : ce sont divers entretiens qu'il suppose avoir eus avec les ombres des anciens Romains les plus illustres, et surtout avec celle de Cicéron; il tire de ce sujet des comparaisons ingénieuses entre les institutions de l'ancienne Rome et celles de l'Italie moderne. Ce qu'il faut surtout remarquer dans cet écrivain, c'est la grâce et le naturel de son style formé à l'école des premiers prosateurs italiens. (E. B.).

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