| Alfieri (le comte Victor), célèbre poète tragique né à Asti en Piémont (Italie), en 1749, d'une famille noble et ancienne. Ayant perdu son père de très bonne heure, son éducation fut négligée, et il eut une jeunesse fort dérangée. Il passa plusieurs années à courir le monde et à chercher des aventures; mais à l'âge de 25 ans, il se fit en lui une subite métamorphose : le désir de plaire à une femme aussi distinguée par son esprit que par son rang, la comtesse d'Albany, épouse du dernier des Stuarts, pour laquelle il avait conçu la plus vive passion, lui inspira du goût pour les lettres et pour la poésie, qu'il avait dédaignées jusque-là. Il s'exerça dans la tragédie, et créa un système de composition tout nouveau pour l'Italie, substituant un dialogue serré, un style concis, à la manière lâche de ses devanciers, et retranchant impitoyablement de ses pièces les personnages inutiles d'amoureux ou de confidents. Travaillant avec une ardeur incroyable, Victor Alfieri composa en moins de 7 ans (1775-1782) quatorze tragédies, dont plusieurs sont des chefs-d'oeuvre. En même temps il écrivait en prose des ouvrages qui devaient le placer à côté de Machiavel, un Traité de la tyrannie, et celui qui a pour titre le Prince et les Lettres, dans lesquels il se montre ardent républicain; il composait aussi à la même époque un poème sur l'Etrurie vengée. La comtesse comtesse d'Albany étant devenue veuve en 1788, Victor Alfieri s'unit à elle par un mariage secret, puis il vint en France dans le désir d'y faire imprimer plusieurs de ses ouvrages, et même de se fixer dans ce pays, qu'il appelait alors la patrie de la liberté; mais effrayé par les excès du 10 août 1792, il s'empressa de fuir et se retira à Florence. Le gouvernement révolutionnaire le traita en émigré et le dépouilla de la plus grande portie de sa fortune, qu'il avait placée sur les fonds francais. Toutes ces causes réunies finirent par lui inspirer pour la France et pour la révolution une haine implacable, qu'il n'a cessé ensuite d'exhaler dans tous ses écrits. Dans ses dernières années, Victor AIfieri apprit le grec, afin d'étudier dans l'original les grands tragiques qu'il avait pris pour modèles. Il traduisit et imita plusieurs des plus belles tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide. Épuisé par ses travaux, il mourut à l'âge de 54 ans, en 1803, laissant un grand nombre d'oeuvres posthumes, parmi lesquelles on remarque une Traduction de Salluste et une Histoire de sa propre vie. Après sa mort, la comtesse d'Albany fit faire une édition complète des oeuvres d'Alfieri : elle n'a pas moins de 35 vol. in-4, Pise, 1805-15, dont 22 renferment les ouvrages publiés de son vivant, et 13 les oeuvres posthumes. Le théâtre d'Alfieri se compose des tragédies suivantes : Philippe II, Polynice, Antigone, Agamemnon, Virginie, Oreste, la Conjuration des Pazzi, Don Garcia, Rosemonde, Marie Stuart, Timoléon, Octavie, Mérope, Saül, Agis, Sophonisbe, Myrrha, Brutus I et Brutus II. Ses Traités de la tyrannie et du Prince, ainsi que sa Vie, ont été mis à l'Index par Rome. | |