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La bijouterie
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Aperçu Historique Procédés de fabrication Types de bijoux
Aperçu historique

L'art de la bijouterie est en quelque sorte aussi ancien que le monde; en remontant. dans l'histoire, on retrouve chez les peuples les plus anciens l'habitude de se parer avec des bijoux faits de métaux précieux, avec des décorations plus ou moins riches; naturellement poussé par un penchant invincible, l'homme rechercha des l'enfance de l'humanité, tout ce qui pouvait concourir à orner et à faire remarquer sa personne. Chez les peuples les plus sauvages, que les navigateurs découvrirent dans l'intérieur des Amériques et des îles de l'Océanie, on retrouve encore cet instinct de la parure; et lorsque l'art de travailler les métaux est inconnu, on y voit suppléer par l'emploi de matières plus simples, plumes, bois travaillé, coquillages. Mais sans vouloir remonter à ces sources si primitives, il-est certain que l'art de la bijouterie a tenu chez tous les peuples civilisés une place considérable. Pendant longtemps la bijouterie ne fut qu'une branche de l'orfèvrerie; c'étaient alors les orfèvres seuls qui, depuis l'antiquité jusqu'à la fin du XVe siècle, fabriquaient et vendaient les bijoux en même temps que les pièces de table et les objets de toilette et d'ameublement. Depuis cette époque les orfèvres fabriquèrent des bijoux d'or concurremment avec les bijoutiers devenus également joailliers par suite de la vogue qu'obtinrent les pierres précieuses, particulièrement au XVIIe siècle, lorsque les relations commerciales établies avec l'Inde et la Perse eurent répandu davantage en Europe le luxe des perles et des diamants.

A l'époque reculée que l'on appelle l'âge de le pierre, les contemporains des grands pachydermes et des armes de silex semblent avoir éprouvé une certaine satisfaction à se parer d'objets dans lesquels ils entrevoyaient quelque beauté. Plus tard, quand les métaux firent leur apparition, l'homme ne se contenta plus d'ornements aussi simples; vers la fin de l'âge du bronze, ce métal, rare encore chez quelques peuples éloignés, servit pour la confection des objets de parure et remplaça les substances primitives. L'or lui-même fut mis à contribution ainsi que l'ambre; mais l'argent n'apparut que dans la période suivante, connue sous le nom d'âge du fer. Un grand nombre de bijoux de cette époque sont conservés au musée de Saint-Germain, au Princess-Palais de Copenhague et dans les principales collections de l'Europe. Les Mexicains et les Péruviens, qui jouissaient à l'époque de la conquête d'une civilisation relativement avancée, étaient déjà très habiles à travailler les pierres précieuses. Dans les temps de leur prospérité, les femmes s'ornaient les bras de bracelets enchâssés de pierreries, de bagues délicatement ciselées, de pendants d'oreilles dont certaines familles nobles se faisaient un signe distinctif; mais ce n'étaient là que les premiers pas d'un art à son berceau, tandis que chez les nations célèbres de l'Orient et de l'antiquité classique, cet art avait déjà pris un essor inconnu. Les Orientaux, en général, éprouvent la plus vive passion pour les parures; Chinois, Tibétains, Indous, Siamois, Cambodgiens, Arabes, Persans, Tunisiens; Turcs, etc., tous à l'exception des Japonais font usage des bagues, des pendants d'oreille, des broches, des colliers, des bracelets, dans la fabrication desquels ils déploient souvent un luxe extraordinaire. On peut citer la collection remarquable des bijoux du musée chinois au Louvre; les uns ont été taillés dans le jade, l'agate, la malachite, le lapis-lazuli; les autres sont en cuivre ciselé, verni, bruni et doré, tels que les épingles à cheveux, en filigrane monté sur branlant. Quant à la bijouterie fine, celle-ci est ornée de nacre, de plumes, de brillants, de nombreuses perles fines ou fausses. La bijouterie indienne, de son côté, présente une variété infinie de combinaisons merveilleuses, joignant à l'éclat du métal, les nuances des émaux, la damasquinure, les nielles et la dorure; à côté des riches parures en filigrane de Matheran, qui semblent façonnées avec des herbes coupées et tressées et que les Anglais appellent parures de gazon, on voyait des colliers en or tailladé, faits de fragments d'or pur en forme de losange ou affectant la forme cubique. En supprimant les angles, on obtient des octaèdres et on les enfile sur de fa soie rouge : c est la plus belle bijouterie archéologique des Indes.

Les Égyptiens firent de très bonne heure usage des bijoux (Les arts du corps dans l'Egypte ancienne*); les peintures murales du tombeau de Beni-Hassan prouvent que les Égyptiens de haute classe portaient à l'époque de leur édification des bijoux d'or de toutes sortes, et plusieurs inscriptions parlent déjà d'un grand commerce de pierres précieuses qui se faisait avec l'Arabie méridionale. Les splendides bijoux trouvés dans le cercueil de la reine Aah-Hotep, mère d'Ahmosis, bijoux déposés dans les vitrines du musée du Caire, montrent à quel point de perfection dans le travail, de grâce dans les arrangements, d'harmonie dans les formes, l'art de la bijouterie était alors parvenu, au commencement du nouvel empire, il y a plus de trois mille cinq cents ans. Les Égyptiens, dans leur industrie primitive, découpaient et estampaient dans des feuilles d'or, des animaux, des feuillages; souvent, sur les bords du Nil, ils puisaient les motifs principaux de leurs bijoux, de leurs colliers, dans la fleur du lotus, dans les scarabées qui glissaient entre ces feuilles. Tels sont les pendants d'oreille, les bagues et les bracelets égyptiens conservés au musée du Louvre, présentant un intérêt historique. Les Grecs, qui reçurent les premières notions des arts par l'entremise de l'Asie, eurent de bonne heure une bijouterie très intéressante dont les fouilles récentes, surtout celles entreprises par Schliemann, à Hissarlik, dans la Troade et à Mycènes ont révélé le style particulier.

Ce n'est que plus tard que la bijouterie grecque subit l'influence directe des Asiatiques; l'art chypriote, propre à éclairer les origines de l'art grec, prouve que les arts sont venus en Grèce surtout de grec, prouve et d'Assyrie. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à examiner le trésor découvert à Chypre par le général de Cesnola et devenu la propriété du musée métropolitain de New-York; bien que renfermant des objets affectés au service du culte, ce trésor contient des bijoux nombreux, anneaux d'or, pendants d'oreilles de toutes formes, chaînes, agrafes, colliers, bracelets d'or massif formant des serpents enroulés; on y voit aussi des perles de cristal et d'or reliées par un fil d'or. Mais les bijoux grecs les plus gracieux étaient les fibules ou broches et les pendants d'oreilles dont de charmants spécimens provenant de l'ancienne collection Durand figurent actuellement parmi les précieux antiques du musée du Louvre. 

Abandonnant les types conventionnels, l'art devient plus pur, plus élevé; comme les Grecs étaient admirateurs passionnés de la beauté dans le corps humain, leurs bijoux s'adaptaient merveilleusement aux formes humaines; le sentiment du beau, des justes proportions était développé chez ce peuple d'élite par l'étude de la nature, et le goût public imposait à l'ouvrier, même pour les objets les plus simples appliqués aux besoins de la vie, une perfection extrême. L'art et l'industrie étaient liés d'une façon indissoluble. Les Étrusques allèrent chercher l'art en Grèce et s'adonnèrent à la fabrication des bijoux; si le goût n'était pas inné en eux, la pratique des arts était générale ; ils surpassèrent les Grecs surtout dans le travail du granulé qu'ils portèrent à un tel degré de perfection que l'on peut les regarder comme les auteurs des chefs-d'oeuvres de la bijouterie antique. Dans les bijoux étrusques les parties unies et les fonds sont couverts de petits grains d'or, tous d'égale grosseur, semés avec une régularité merveilleuse. Les bijoux du musée Campana et de la collection du Vatican, témoignent que les ouvriers de l'Italie centrale, il y a vingt-quatre siècles, savaient travailler l'or avec la plus grande adresse; ils le filaient en perles, le tressaient en chaînes et le réduisaient en feuilles impalpables.

C'est par l'intermédiaire des Étrusques que l'art grec pénétra dans l'ancienne Rome. Les conquêtes des Romains les menaient dans le monde entier : on trouve donc chez eux un certain mélange de styles différents. L'influence de l'art grec prédomine pourtant dans l'exécution de leurs bijoux et de leurs camées. Dès les premiers temps, l'usage des ornements d'or était relativement restreint, car lorsqu'on envoya à Delphes l'offrande que Camille avait promise à Apollon pendant le siège de Véies, une grande coupe fut tout ce que produisit la fusion des bijoux que les dames romaines avaient offerts généreusement à la patrie. Mais à partir de la seconde guerre punique, le luxe romain prit une extension si rapide que la loi Oppia défendit aux femmes de porter sur elles plus d'une demionce d'or; cette loi fut abrogée vingt ans après sa promulgation; la mode des bijoux qui jusque-là avaient été d'une grande simplicité, ne fit qu'augmenter sous le régime impérial, époque où les Romains, plus que tout autre peuple, eurent la frénésie de l'or et des pierreries. 

L'art se ressentit de cet abaissement et à part quelques spécimens d'un bon style, la bijouterie décèle une pauvreté de travail et un manque d'élégance tels, que les orfèvres tombèrent dans les lourdeurs en voulant racheter ces défauts par une excessive profusion de pierreries. 

Les objets de parure dont les Romains se servirent le plus étaient les anneaux qu'ils mirent indistinctement à Pane on l'autre main, tant qu'ils ne les ornèrent pas de pierres précieuses; mais lorsque la mode contraire eut prévalu, ils les portèrent à la main gauche et ce fut une élégance extrême de les avoir à la main droite; le doit auquel on mettait les anneaux varia aussi plusieurs fois, on les porta d'abord au quatrième doigt seulement, on en mit ensuite à l'index, puis à l'auriculaire, enfin à tous les doigts indistinctement à l'exception de celui du milieu. A Rome, sous l'empire, on portait des anneaux aux deux mains et même plusieurs à chaque doit. Au IVe siècle, l'art tombait en décadence à Rome et émigrait à Byzance; sous le splendide soleil d'Orient, il se transforma par la couleur et l'ornementation, par un certain mode d'agencement des formes géométriques et des nuances harmonieuses des émaux; la bijouterie emprunta surtout un nouvel éclat aux pierreries appliquées en relief sur la surface de l'or. Elle prit un grand essor au temps de Charlemagne, et les reliquaires, les objets de fabrication diverses que nous pouvons retrouver encore nous permettent de juger de l'habileté des artistes de cette époque. 

Les Byzantins excellèrent aussi dans le bijou filigrané. Le luxe des bijoux s'accrut de plus en plus à partir du IXe siècle ; à cette époque d'après les différents auteurs du Liber pontificalis, on obtenait certains bijoux à l'aide du repoussé, ils étaient ensuite ciselés, on les reperçait quelquefois à jour, puis enfin on appliquait la nielle ou l'émail, antérieurement appelé électrum et désigné au IXe siècle sous le nom qu'il porte aujourd'hui. Avec la période romane, l'émail remplaça de plus en plus les pierreries; on sait par la Diversarum artium schedula, écrite par le moine Théophile vers la fin du XIIe siècle, que les Toscans excellaient dans le nielle et dans les émaux, mais au XIIIe siècle, les orfèvres parisiens firent entrer la ciselure pour une plus grande part dans l'ornementation des bijoux , dont les plus recherchés étaient particulièrement les bagues ou anneaux appelés annelets dont on portait alors plusieurs à chaque main. Viennent ensuite les bracelets on armilles, les agrafes ou fermaux , etc. Effrayé du progrès toujours croissant du luxe, Philippe le Bel promulgua en 1294 une ordonnance contre "les superfluités de toutes personnes", mais l'usage des bijoux reprit une grande vogue dans le courant du XIVe siècle. C'est alors que commença la mode des bijoux ornés de devises; il y avait à la cour de Charles V, des anneaux différents pour chaque jour de la semaine. Les colliers étaient également rehaussés d'émaux et de pierres précieuses encadrant de galantes devises.

Les collections et les musées nous offrent de l'époque de la Renaissance un grand nombre d'ouvrages, aussi remarquables par l'ampleur et la grâce de la composition que par un savant emploi des couleurs; oeuvres dans lesquelles se fusionnent heureusement le style du Moyen âge et celui des anciens. Une série de peintres-orfèvres s'illustrèrent à Florence, il en sera parlé à l'article Orfèvrerie; nous rappellerons seulement que Ghirlandajo était célèbre par l'habileté avec laquelle il enlaçait les guirlandes destinées aux mariées. Un édit de Louis Xll, publié en 1506, régla les rapports entre les orfèvres et les jouailliers non fabricants, qui étaient confondus avec les tabletiers, merciers, etc.; ceux-ci ne pouvaient vendre que les menus ouvrages d'or et d'argent, comme ceintures, demi-ceints, hochets , bagues, cchaînettes d'or. Du contact de l'art flamand avec l'art italien naquit un art plus délicat c'est vers 1541 que Pierre Woeiriot publia des modèles de bagues et de pendants d'oreilles gravés à l'eau-forte dont ont tant profité les bijoutiers de l'époque. L'émail rouge et blanc devint l'élément essentiel du bijou de luxe, mais une ordonnance de 1540, rapportée du reste en 1543, défendit l'emploi des émaux que les fabricants déposaient en couches plus épaisses que de raison. François Ier encouragea grandement la rénovation en attirant Benvenuto Cellini, qui fit passer dans la fabrication française la délicatesse de son talent; sous son influence une multitude de bijoux ou affiquets furent exécutés par plusieurs orfèvres, composés dans le goût franco-italien et qui font encore aujourd'hui l'admiration des connaisseurs.

D'après le Traité de l'orfèvrerie de Benvenuto Cellini, les objets étaient tous travaillés au ciselet, rien n'était ni fondu, ni estampé. On faisait des bracelets, des pendants, des anneaux, mais les bijoux les plus à la mode étaient certains médaillons qui s'agrafaient au chapeau ou dans les cheveux. Sous le règne de Henri Il et de ses successeurs, époque où l'art commença à pâlir devant l'éclat des pierres précieuses, les dames partaient, comme par le passé, des bagues, des colliers, des bracelets, composés d'après les modèles d'Etienne Delaulne, d'Androuet Ducerceau, de Théodore de Dry et de René Boyvin. Les dernières années du XVIe siècle marquent en France les débuts de l'art nouveau et elles sont caractérisées par l'introduction des pierres taillées dans la composition des bijoux. A la cour de Henri IV, hommes et femmes se couvraient les doigts de happes, les poignets de bracelets et. le cou de chaînes à plusieurs rangs ornés de perles et de pierreries; mais c'est surtout au XVIIe siècle que l'art de la bijouterie reçoit un nouvel élan de l'amour du luxe auquel obéissaient les privilégiés de la fortune. 

De grandes richesses étaient accumulées dans un petit nombre de mains et comme le goût ne manquait pas chez ces fastueux seigneurs, l'industrie ne pouvait, en présence d'une clientèle exigeante, se séparer de l'art. L'importance toujours croissante qu'avaient acquis les diamants, perles et les pierreries de toute sorte dans la pratique de la bijouterie, arriva à son apogée lorsque l'art de tailler et de monter les pierres précieuses eut le pas sur celui de ciseler l'or et l'argent. La perle devint, sous le règne de Marie de Médicis, l'élément principal du bijou. Sous Louis XIV une puissante organisation des arts et de l'industrie avait permis aux industriels d'épurer les formes, de perfectionner les procédés d'exécution; les modèles publiés par Gille Légaré, en 1663 et 1692, en offrent des témoignages. Ses cachets, ses anneaux sont décorés de chiffres et d'emblèmes; ses chaînes sont formées le plus souvent de noeuds combinés avec les feuilles d'acanthe et les nielle e qu'il dessina pour décorer les médaillons, les montres et les croix figurent des semis de fleurs qui conservent encore quelque chose d'oriental dans le contour de leurs feuilles. A côté de cet art traditionnel, il en montre un plus personnel qui consiste à couvrir la pièce de fleurs naturelles, tournesols, jacinthes, roses, tulipes, etc., semées avec goût et heureusement agencées sur leurs tiges. Par les bijoux, agrafes, tabatières, bottes de montres qui se sont transmises dans certaines familles, nous pouvons apprécier les diverses transformations du goût et du style au XVIIe et au XVIIe siècle. 

Sous Louis XIV, la cour recherchait avec la richesse une grande largeur de style ; sous Louis XV la fortune vint aux mains de financiers; ils sont grands dépensiers, mais le goût cède à l'éclat, les ornements se contournent, s'alourdissent. Énfin sous Louis XVI le goût s'épure, la forme devient plus simple et les bijoux de cette époque présentent avec des oppositions harmonieuses obtenues par l'emploi d'or de diverses couleurs, une grande finesse de travail. Pendant toute cette période, la bijouterie française étend sa domination sur l'Europe entière. Un fait important, la découverte d'Herculanum, eut une grande influence sur la transformation de l'art à cette époque; préoccupés de l'art antique et lassés du contourné, du rococo, du rocaillé, les ouvriers en métaux précieux créèrent le style Louis XVI en s'inspirant des oeuvres du bijoutier Lempereur. Rien n'égalait la variété, l'originalité, la délicatesse des bijoux qui rehaussaient alors la toilette des femmes; ce fut le règne des bracelets de diamant, des colliers, des boucles d'oreilles, des aigrettes, des noeuds de corsage et des plaques. Les hommes portaient de larges bagues appelées firmaments, des boutons de pierreries à leurs habits, des boucles d'or à leurs souliers, des tabatières, des boites et des étuis d'or dans toutes les poches. C'était l'époque des portraits en miniature enchâssés dans les bijoux.

Les tempêtes de la Révolution de 1789 arrêtèrent pour un moment les arts de luxe; la coquetterie féminine se contentait alors à peu de frais. La Bastille démolie devint une mine où s'alimenta la bijouterie patriotique; des fragments de pierre de l'ancienne forteresse servirent à monter des colliers, des bracelets et des bagues, qu'on appela bijoux de la Constitution. Cependant l'or devait bientôt reparaître; les femmes de Nantes portèrent à leurs oreilles de petites guillotines en vermeil et les démocrates élégants ornaient leurs doigts de bagues en or ou en cuivre rouge dites à la Marat. La bijouterie redevint presque florissante sous le Directoire, mais les chaînes d'or et les bracelets étaient rares; en messidor on donnait la préférence à des coeurs de cristal montés en or, suspendus au cou avec une ganse. A ces bijoux trop simples, succédèrent les cercles diamantés dont les femmes s'entouraient le bas de la jambe ; bientôt enfin le goût de l'antique prédomina et l'on porta des bijoux à la grecque, ornés de camées et d'intailles, ainsi que des anneaux d'or aux pieds et aux orteils. Pendant les quinze années du Consulat et de l'Empire, la bijouterie produisit des ouvrages d'un genre nouveau; on portait alors des armilles en forme de serpents, des bagues pleines, des colliers de corail, de camées et de scarabées. Les bijoutiers de cette époque avaient l'invention lourde et surtout monotone. Le mouvement qui se produisit dans l'art aux approches de 1827 tendit à rompre avec les formes classiques dont l'Empire et la Restauration avaient abusé, on rajeunit les types vieillis, on améliora les conditions de l'exécution matérielle. 

Un grand mouvement social s'était opéré, la fortune s'était divisée rie plus en plus. Le désir du luxe se répand chez tous, mais les moyens de s'en procurer les jouissances est diminué pour chacun, et l'éducation artistique manque à la plupart des acheteurs. Par suite, l'industrie flotte longtemps entre tous les styles ; la division se fait entre l'artiste et l'ouvrier; le fabricant s'occupe de renouveler sans cesse des modèles, éphémères comme la mode qui les a fait naître. Il faut pour une chose si fragile, si peu durable, viser au bon marché, car à mesure que se vulgarise le bijou, le nombre des consommateurs augmente. Pourtant, Charles Wagner en entrant dans l'atelier de Mention, apportait les procédés de fabrication des nielles qu'il avait appris en Russie; il s'adonnait à l'étude du bijou et l'ornait de ciselures et d'émaux. Il devint le chef d'uns école d'où sortirent immédiatement à ses côtés Morel et Froment-Meurice; des artistes de premier mérite ne dédaignaient pas de prêter leur concours au bijoutier, et c'est de Pradier, de Cavelier, de Feuchères, de Liénard, de Klagmann, de Triquety, de Geoffroy de Chaumes et de Barye qu'étaient signés les figurines, les animaux, les ornements, les chimères qui s'incrustaient ou se relevaient en bosse sur les bijoux d'alors. Froment-Meurice, le père, tint pendant vingt ans la première place que lui avait reconnue, en 1839, le jury de l'exposition nationale; beaucoup d'artistes lui doivent d'avoir dépassé les zones moyennes du succès; en leur empruntant leur talent, il les encourageait, les instruisait et les rendait aptes à s'élever jusqu'à l'art pur où plusieurs ont atteint.

Si quelques amateurs s'intéressaient à la renaissance du bijou, la masse des acheteurs préférait les ingénieuses fantaisies et les capricieuses parures qui vers 1840 mirent à la mode le magasin de Mme Jannisset; les éléments de ces bijoux étaient empruntés au règne végétal, la feuille et la fleur se prêtaient, variées aux perles et aux pierres précieuses, à des combinaisons mariées. L'or sans un décor de gravure et d'émail était peu recherché; ce n'est que depuis qu'on s'est mis à fabriquer des bijoux unis et qu'est venu le goût de l'or mat. De 1840 à 1850 on fit des bijoux de style moresque. Après 1848 la prospérité du commerce des bijoux reprit rapidement et nous pouvons le constater dans le rapport que fit sur les industries des métaux précieux, le duc de Luynes, après l'exposition de 1851 de Londres. C'est de cette période qu'il faut dater l'introduction du goût anglais dans la bijouterie française : colliers, bracelets, pendants d'oreilles, broches, bagues et crochets de montre prirent l'apparence de massives parures; l'émail ne sert qu'à marquer d'un filet noir les contours d'une forme, les pierres sont incrustées à fleur d'or dans des champs unis artificiellement matés et jaunis aux acides pour imiter l'apparence de l'or fin. Duval et Auguste Halphen furent les initiateurs de cette mode en France; elle occupa tous les ateliers et rendit facile aux fabricants d'or bas de Pforzheim, de Hanau, de Stuttgart et de Birmingham la copie des bijoux d'or à 750 millièmes. Ces bijoux grossiers purent être livrés à bon marché aux commissionnaires et l'exportation des bijoux allemands s'accrut dans des proportions prodigieuses. Dès lors des tentatives souvent renouvelées furent faites par un groupe de fabricants pour obtenir l'abrogation de la loi du 17 brumaire an VI relative aux titres des matières d'or et d'argent. Heureusement quelques années plus tard une circonstance particulière détourna sensiblement le goût des bijoux anglais; Napoléon III avait acheté une partie des collections formées à Rome par le marquis Campana, un choix assez considérable de bijoux étrusques faisait partie de cette collection, En outre, vers le même temps, Castellani, de Rome, apporta à Paris ses merveilleux ouvrages. Cette double cause amena dans la composition des parures une profonde modification et les bijoutiers adoptèrent rapidement le genre grec qu'on désigna sous le nom de style néo-grec et qui eut, dans plusieurs sections de l'art et de industrie, d'heureuses adaptations.

La guerre et la Commune avaient paralysé la fabrication des bijoux parisiens, qui reprit avec la paix une activité prodigieuse. Définir ce qu'a été le caractère des bijoux dans ces dernières années n'est pas chose aisée; esclave du caprice, le bijou n'a plus même la durée d'une mode, il subit l'humeur de la femme et obéit au goût variable du fabricant qui copie tous les styles, les mêle et les transforme. Il n'appartient qu'aux maisons de premier ordre dont la fabrication coûteuse est un obstacle à l'imitation facile, d'échapper à une banalité forcée de production. C'est dans ces quinze dernières années que se prenant d'amour pour l'art japonais, Falize a étudié et reproduit d'abord les dessins de leurs albums dans des émaux cloisonnés et des bijoux d'or varié, d'argent et de bronze patiné. Quelque habiles que soient au Japon tes ouvriers du métal, c'est moins à leurs procédés de fabrication qu'au style de leurs dessins que nos orfèvres et nos bijoutiers ont fait des emprunts. Les Américains ont introduit dans leurs ateliers des ouvriers qu'ils ont été prendre à Kyoto et à Kanasarva et l'orfèvrerie américaine a fait, grâce à cette éducation de l'outil, des progrès rapides et extraordinaires. Falize, en introduisant dans sa fabrication le travail des émaux cloisonnés, a copié d'abord les travaux des Japonais et des Chinois, puis les vieux émaux byzantins translucides; il a exercé aux délicatesses de ce travail deux hommes habiles, Pye et Houillon et, sûr de ses procédés, il a créé un art nouveau qui participe autant des ornementations de la Renaissance que des coloris de l'Orient et où la finesse du cloisonné s'allie aux richesses des émaux translucides. A l'imitation des bijoux d'or rouge repercé qui furent remarqués en 1867, dont l'introduction est due à Boucheron et qui conservèrent leur vague plus de dix années, la mode des bijoux ajourés prend une faveur plus grande ; l'or rouge permet par sa rigidité plus grande les finesses des dentelles d'or et le poli acquiert par cette combinaison un éclat plus grand et contraste agréablement sur les parties d'argent serties de diamant.

Le commerce de la bijouterie tend à un développement considérable. Si autrefois l'usage des bijoux était restreint aux familles riches, a :x privilégiés de la fortune, aujourd'hui, par suite d'un grand mouvement commercial et industriel, d'étonnantes facilités de transmission, les conditions économiques sont changées, et, le goût des jouissances élevées se propageant, la production doit s'adresser à la masse du publie dans le monde entier. Comme la bijouterie du doublé, la bijouterie d'or a mis en oeuvre l'outillage mécanique pour se créer de puissants moyens de production, à bon marché, et arriver ainsi au développement de l'industrie. Si ces perfectionnements peuvent par leur nature causer à l'homme délicat quelques regrets de ne plus retrouver dans tous les produits de la bijouterie la même finesse, la même recherche artistique, il faut reconnaître que cela est largement compensé quand on voit les produits de la bijouterie pénétrer de plus en lus dans les masses, faire l'objet d'un commerce plus étendu et aider puissamment à l'accroissement de la fortune publique. Mais pour conserver la supériorité du bijou français si bien établie, il ne suffit pas que l'homme dirigeant, le dessinateur, avec quelques instincts de goût, une certaine habileté de main aille, dès que la mode s'accuse dans un sens, puiser dans les anciennes publications ce qui peut s'y adapter; il ne fournira ainsi que des créations banales. Il doit être au contraire nourri des principes sérieux de l'art, en état de puiser dans son propre fonds. Nos fabricants ne sauraient oublier qu'il faut toujours tendre à se rapprocher de l'art, dont les bijoux de toute valeur doivent conserver la trace; que, dans le bijou le plus courant, il faut développer le goût chez l'acheteur par des créations correctes; que, dans une fabrication plus soignée, il faut faire son éducation par des présentations d'itées multiples, originales, toujours en le poussant au beau. Le goût public grandissant en mime temps que la richesse, des amateurs se formeront alors qui rechercheront les belles choses et permettront par la suite aux fabricants de faire les sacrifices nécessaires pour produire des bijoux de style et des objets d'art. (L. Knab, c. 1900).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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