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Le nielle
est l'incrustation d'un mastic de couleur foncé dans les traits
d'un dessin gravé sur une matière dure, pierre, ivoire ou
métal. Mais aujourd'hui ce terme est exclusivement réservé
aux figures et ornements gravés sur métal, cuivre, argent
ou or, dont les lignes creusées au burin sont remplies d'une matière
noire qui fait valoir le trait en l'accentuant, Cette matière, sorte
d'émail, est le nielle, du latin nigellum, encaustum nigrum,
en italien niello. C'est Théophile, qui, dans son Traité
des divers arts, indique le premier les procédés d'exécution
des nielles; leur technique a d'ailleurs si peu changé que les écrivains
d'art de la Renaissance reproduisent presque son passage. Voici ce que
Vasari en dit :
"Après
avoir terminé le travail de la gravure au burin, l'artiste fait
au feu, par une combinaison de plomb et d'argent [de soufre et de borax],
une composition noire, très friable et très fusible; il la
place ele la dispose sur un feu vif de bois vert et souffle la flamme avec
un soufflet, de telle sorte qu'elle lèche la pièce, fasse
fondre et s'étendre dans tous Les creux produits par le burin la
matière en fusion. Quand la lame est refroidie. il racle ce qu'il
y a de trop, commence à l'unir avec la pierre ponce; puis avec un
cuir, ensuite avec la main; il la frotte jusqu'à ce qu'elle soit
tout à fait polie."
D'après la lettre du patriarche Nicéphore
de Constantinople au pape Léon
III (année 811), les Byzantins connaissaient les nielles; car c'est
ce que, nous croyons reconnaître avec Labarte dans l'Egkausis,
l'encaustum, nigrum de Du Cange. Jusqu'au XIIe
siècle, il parut cependant peu en honneur. Mais à partir
de cette époque l'Allemagne et l'Italie sont les deux grandes écoles
de niellures; les caractères propres de chaque artiste se retrouvent
d'ailleurs dans leurs oeuvres.
Pour indiquer les principaux nielleurs,
il faudrait nommer tous les graveurs célèbres, Albrecht
Dürer, Mantegna. Il en est un cependant
dont on ne saurait passer le nom sous silence, Tomasso Fineguerra de Florence,
et sa Paix exécutée en 1452 pour l'église de
Saint-Jean de Florence (aujourd'hui au musée de Florence). D'après
Gori, c'est au moment de terminer les figures représentant le Triomphe
et le couronnement de la Vierge, enlevée au ciel et entourée
d'anges, avant de recouvrir les traits du nielle, que Fineguerra voulut
essayer ce que produiraient sur une feuille de papier humide les figures
gravées cou vertes de la fumée grasse d'une chandelle. Le
papier ayant rendu fidèlement le sujet tracé sur le métal,
l'art de graver sur cuivre et celui d'en tirer des épreuves sur,
papier, au moyen d'une couleur quelconque. mêlée avec de l'huile,
était découvert. Comme l'émail, le nielle a deux techniques;
l'une est à fond noir. sur lequel le sujet se détache en
clair, elle correspond aux champslevés; l'autre, au contraire, présente
simplement l'aspect d'une gravure dont le fond est brillant. Il faut se
garder de confondre avec la niellure le procédé fréquemment
employé par certains orfèvres rhénans, qui couvraient
d'une sorte de vernis roux noirâtre, dans lequel sa trouvaient, réservés
des ornements, certains cotés moins apparents des choses monumentales
qu'ils émaillaient, Le caractère essentiel du nielle est
la gravure, et les pièces d'orfèvrerie rhénane ne
portent aucune trace de burin, Les Persans et les Chinois pratiquent avec
une habileté incomparable l'art de la niellure, mais c'est surtout
dans l'exécution des arabesques et des ornements qu'ils arrivent
aux plus extrêmes délicatesses. (F. de Mély).
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En
bibliothèque - Le moine Théophile,
Essai sur divers arts; Paris, 1813, in-4. - Vasari,
Opere di Giorgio Vasari; Florence, 1822, ch. XXXIII, 6 vol- in-8,
t. 1. - Benvenuto Cellini,
Duo trattati, uno intorno alle otto principali Arti dell' Oreicerie;
Florence, 1568, in-4. - Duchesne, Essai sur les Nielles, gravures des
orfèvres florentins du XVe siècle; Paris, 1826, in-8.
- Alvin, les Nielles dela bibliothèque royale de Bruxelles;
Bruxelles, 1857, in-8. L'abbé Barraud; Notice sur les instruments
de paix, dans le Bulletin monumental, 1865, t. XXXI, pp. 336-337. -
Ovide Reynard, Damasquineurs, nielleurs, émailleurs et découpeurs
de marqueterie; Paris, s. d., in-fol. - Labarte, Histoire des arts
industriels au Moyen âge et à l'époque de la Renaissance;
Paris, 1587; 3 vol. - Eug. Müntz, Histoire de l'art pendant la
Renaissance, les Primitifs; Paris, 1889, in-4. |
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