| En architecture, on donne le nom d'acanthe aux ornements inspirés par la plante nommée Acanthe dont il existe deux variétés principales; la première, dite Acanthe épineuse, ne pouvait guère servir de modèle aux architectes de l'Antiquité; l'autre, l'Acanthe molle (Acanthus mollis) ou Branca ursina, est celle a inspiré les artistes grecs et romains ainsi que ceux la Renaissance et des Temps modernes par imitation de l'Antiquité. C'est surtout comme motif principal du chapiteau-corinthien que cette feuille a pris place dans l'histoire de l'architecture; elle a servi de base à des variations de détail véritablement très grandes qui ont pris pour point de départ une interprétation plus on moins libre de la nature; souvent elles transformaient des traductions déjà faites dans la pierre par des artistes antérieurs qui, plus d'une fois, surtout dans leurs dessins, ont copié ce détail trouvé par leurs devanciers sans en comprendre, comme eux, l'esprit et l'origine. On conte sans cesse l'anecdote devenue classique, qui suggéra la pensée de faire servir cette feuille aux besoins de l'architecture. On la rapporte ainsi : « Une jeune fille de Corinthe meurt à la veille de se marier. Sa nourrice renferme dans une corbeille quelques petits objets qui avaient appartenu à la triste fiancée, et, selon un naïf et touchant usage, elle les dépose sur la stèle funéraire. Au, printemps, une acanthe, restée inaperçue, épanche sa sève en nombreux rejetons qui encette corbeille; mais une tuile qui la surmonte les contraint à recourber en volute leurs tiges flexibles. Un sculpteur célèbre, Callimaque , vient à passer; il admire l'heureux agencement de ces feuilles naissantes et conçoit sur-le-champ l'idée du chapiteau corinthien ». Corbeille de Callimaque (Vitruve). C'est à Vitruve (1. IV, c. I,) qu'on doit de nous avoir transmis cette histoire. Il est utile de faire remarquer toutefois qu'on retrouve en Égypte des exemples analogues et antérieurs. Les fragments qui subsistent des constructions antiques semblent indiquer d'ailleurs que la Grèce on fit un emploi restreint dans l'architecture : indiquons le pilastre avec chapiteau ,corinthien des propylées du temple d'Eleusis, l'acanthe dans le grand fleuron qui surmonte la coupole du monument de Lysicrate à Athènes et les chapiteaux de cet édicule. Diodore cite de grandes acanthes d'or placées entre les colonnes sur le char qui portait le corps d'Alexandre le Grand. Le temple d'Apollon à Bassae, celui d'Artémis Laphria à Messène fournissent d'autres interprétations grecques de la grande feuille finement découpée, ainsi. que les chapiteaux provenant du théâtre de Dionysos et de la Tour des Vents à Athènes, du temple d'Apollon à Phigalie. Durm, dans son travail sur l'architecture grecque, donne (p. 202) deux autres fragments d'acanthe conservés à Athènes, dont l'un se recommande par son élégance. Acanthe d'un chapiteau du temple de Mars Vengeur, à Rome. Les monuments de Pompéi nous offrent des acanthes qui se ressentent encore de l'inspiration grecque de la dernière époque; on en voit dans la maison de Plinius Rufus. L'époque romaine nous en a laissé un grand nombre; le chapiteau si célèbre du temple de Mars vengeur à Rome (ci-dessus) possède de splendides feuilles d'acanthe, ainsi que le temple de Castor et Pollux à Cori, qui sont pourtant d'un caractère bien différent; il est indispensable de citer aussi les feuilles des temples d'Antonin et Faustine, du forum de Trajan, de l'Arc de Titus et autres temples de Rome, ainsi que celui de Vesta à Tivoli. Le Bas-Empire continua cette tradition, qui s'affaiblit de plus en plus avec l'influence romaine; certaines feuilles d'acanthe, retrouvées dans les Gaules, son grossières. - Acanthe d'un chapiteau corinthien du Panthéonn, à Rome. Avec la Renaissance, cet ornement revient prendre la place qu'il mérite en raison de son élégance; les maîtres d'alors, ces architectes encore trop peu connus, se livrèrent à des études minutieuses sur les ruines antiques qu'ils reproduisirent ou dont ils s'inspirèrent; les variations gent alors extrêmement fantaisistes, cependant elles gardent encore quelquefois un grand caractère : on en peut juger par les exemples conservés dans le midi de la France à Vienne (Isère), à Poitiers, etc. Pourtant l'ensemble des feuilles d'acanthe produites à cette époque devient très défectueux; l'exécution comme l'idée sont lourdes et imparfaites, surtout en France et en Italie. Nous ne pouvons multiplier les exemples, comme nous l'avons fait pour l'époque grecque, qui nous en a laissé de si rares modèles qu'il est difficile de les reconnaître directement. Peu à peu cependant au génie souple de la Renaissance se substitua une formule enseignée dans les traités, qui limitait pour ainsi dire à peu près complètement la forme et la hauteur des feuilles; souvent, cependant, les artistes ne s'y soumirent plus. (Charles Normand). | |