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Mycènes
est une ancienne ville de Grèce,
au Nord-Est de la plaine d'Argos, sur une colline
escarpée qui domine la route vers Corinthe.
Les auteurs de l'Antiquité,
dont les histoires ne sauraient être lues comme de l'histoire au sens
moderne du mot, mêlaient sans discernement mythologie,
légendes et faits parfois authentiques, mais qu'il est le plus souvent
impossible de vérifier. Ainsi, ils attribuaient à Persée
la fondation de cette ville, dans laquelle ils voyaient la capitale de
l'une de ces populations helléniques archaïque qu'Homère
nomme les Achéens (Ioniens et Eoliens).
Mycènes, que ce même auteur qualifie de riche en or, était
considérée comme la résidence principale des Pélopides et du plus fameux,
Agamemnon.
Plus tard, nous dit-on encore, sans doute avec davantage de crédibilité, Argos à Persée, occupée par les Doriens, éclipsa la vieille cité achéenne. Mais celle-ci sauvegarda longtemps son autonomie; elle prit part aux Guerre médiques, tandis qu'Argos s'abstenait. Mais en 468, les Argiens la ruinèrent; ne pouvant emporter les massives murailles de Mycènes, ils la réduisirent par la famine; les habitants se retirèrent, les uns en Macédoine, les autres à Cléones et Ceryneia. Une misérable bourgade s'y reforma quelque temps, puis l'emplacement demeura désert. Pausanias a décrit les ruines (II, 15, 16), qui sont encore visibles près du bourg de Kharvati. Ces ruines furent examinées et décrites par l'expédition française de Morée. Elles ont été explorées par une série de fouilles dont les résultats ont modifié les idées relatives à la civilisation grecque de la période dite Helladique récent (1550-1050 av. J.-C.). Ces fouilles ont été préparées par Schliemann en 1874; entreprises par lui en 1876, avec le concours de Stamatakis, elles aboutirent à la découverte de la nécropole royale et des habitations de l'Est; depuis, elles furent suspendues de 1877 à 1886, reprises alors par Christos Tsoundas, qui les a continuées jusqu'en 1906 dans la ville haute et la ville basse, où il dégage près de 150 tombes. Elles ont fourni une quantité de fragments d'architecture, de stèles funéraires, de vases et poteries, d'ornements en or, en particulier de masques funéraires qui témoignent d'une civilisation assez avancée, à laquelle on a donné, peut-être trop hâtivement, le nom de mycénienne. Entre les deux guerres mondiales, puis dans les années 1950, de nouvelles fouilles ont été conduites, qui dans la dernière période mettent au jour un deuxième cercle de tombes (site funéraire B, à l'Ouest du premier). Parallèlement, le déchiffrement de l'écriture dite Linéaire B (1952) a apporté un nouvel éclairage sur cette civilisation, marquée par l'influence de la Crète minoenne. Le Linéaire B apparaît sur des tablettes d'argile, des sceaux, et d'autres objets. Il s'agit d'un système d'écriture syllabique, similaire au Linear A utilisé en Crète par les Minoens, mais non déchiffré à ce jour, mais il est également utilisé pour transcrire une forme ancienne de grec. Les signes du Linéaire B représentent des syllabes et parfois des concepts ou des mots. Il y a environ 87 signes syllabiques et quelques signes logographiques. Les signes sont dérivés du Linéaire A mais ont été adaptés pour représenter des sons spécifiques de la langue grecque. Le Linéaire B a été déchiffré par Michael Ventris et John Chadwick en 1952. Ils ont prouvé que le Linéaire B est une forme archaïque du grec, utilisée principalement pour des fins administratives. Le Linéaire B est important pour connaître l'histoire grecque ancienne car il nous fournit des preuves directes de la manière dont les Mycéniens administraient leur société.L'amélioration des connaissances, fait ainsi aujourd'hui reconnaître dans un Mycènes un centre important appartenant d'un ensemble culturel, appelé le monde égéen, et qui s'étendait dans toute la région de la mer Egée. Mais place qu'y occupait la cité n'as pas véritablement été élucidée. Mycènes a eu certainement des siècles de vie prospère; la puissance des constructions suppose une population nombreuse et disciplinée. L'étendue de l'acropole et des ruines environnantes, l'opulence révélée par les fouilles, concordent avec le témoignage d'Homère (L'Iliade) pour faire envisager Mycènes comme une cité puissante. Etait-elle pour autant la cité prépondérante de l'Hellade, voire la capitale d'une hypothétique fédération achéenne? C'est vraisemblable. Cependant, si l'on en juge par l'archéologie, d'autres cités voisines (Tirynthe) ou plus éloignées (Thèbes, Pylos), pourraient aussi prétendre avoir joué le premier rôle à un moment ou à un autre de l'Helladique récent. Le
site de Mycènes.
Plan du site de Mycènes. L, Porte des Lions; FA et FB, enceintes funéraires; P, Palais; p, Porte du Nord; G, Galerie souterraine. Ci-dessous : plan de l'acropole. Entre eux se dresse un massif triangulaire
de 300 m de long sur 200 de large; le sommet du triangle est à l'Est sur
l'isthme qui sépare l'origine des deux ravins; la base à l'Ouest s'abaisse
par terrasses sur la plaine. Le ravin méridional est le Chavos, dont les
pentes abruptes s'enfoncent de 30 à 40 m au-dessous du massif de Mycènes;
le ravin septentrional, appelé Kokoretza, est un peu moins escarpé, mais
plus profond. Cette position, facile à défendre en couronnant d'un mur
les escarpements et barrant la crête de l'isthme, n'est accessible que
par la face occidentale, où, sous la protection de l'acropole
ou citadelle édifiée, sur le massif que
nous venons de décrire, s'étageait la ville. La valeur exceptionnelle
du site tient à la source Perseia qui jaillit à 293 m. d'altitude, Ã
360 m à l'Est de l'acropole, où il est aisé de conduire ses eaux, qui
de là descendent irriguer les pentes occidentales. Au sommet du mont Euboia,
un fortin permettait de surveiller toute la contrée d'Argos à Corinthe
et de prévenir les attaques de terre ou de mer.
Le tombeau dit du Trésor d'Atrée (avant les fouilles). Ci-dessous : coupe longitudinale du Trésor d'Atrée. Le plus célèbre est connu sous le nom de Trésor d'Atrée; ce nom de trésor a été appliqué dès l'époque romaine à ces massives constructions souterraines, par assimilation avec les silos maçonnés circulaires, où l'on emmagasinait les provisions. On en a trouvé non seulement à Mycènes, mais à Orchomène, en Laconie, en Asie Mineure, etc. Le tombeau dénommé Trésor d'Atrée est le plus monumental et peut être pris comme type. Dans un tumulus s'ouvre à l'Est, derrière une esplanade artificielle de 27 m de côté, un couloir (dromos) menant au caveau; ce couloir a 35 m de long sur 6 m de large, le sol est une aire d'argile battue, Il aboutit à un mur de 12 m de haut sur 6,30 m de large, percé d'une porte de 5,40 m de haut sur 2,66 m de large au seuil, 2,46 m sous linteau, par laquelle on accède à l'intérieur. Le caveau est une salle ronde de 14,20 m de diamètre, sur une hauteur de 13,60 m, voûtée en encorbellement, à peu près en forme de ruche. La courbe du dôme, qui part du sol, se décompose en trois courbes à centres distincts. La décoration a disparu, principalement par les méfaits des touristes et paysans, qui, depuis le début du XIXe siècle, en ont débité les morceaux; elle paraît avoir eu pour éléments dominants des colonnes cannelées, des rosaces, des applications métalliques revêtant l'intérieur de la coupole. Un caveau latéral quadrangulaire était accolé à la rotonde, mais c'est une disposition exceptionnelle. Des autres tombeaux à coupole, le plus remarquable est celui dit de Mme Schliemann (diamètre, 13,80 m; couloir d'entrée, 37,40 m de long sur 6 m de large). Les tombes creusées dans le roc sont assez
nombreuses, fréquemment aux abords des habitations; beaucoup s'ouvrent
par un couloir; ce sont généralement des caveaux de famille de médiocre
dimension.
L'acropole de Mycènes subsiste avec son enceinte qui l'enveloppe en suivant les sinuosités du bord des pentes. Le mur, dont la hauteur actuelle varie de 4 à 10 m, avait une épaisseur de 3 à 7 m, laquelle atteignait en deux endroits 14 m, soit pour ménager l'emplacement de chambres intérieures, soit, au Nord, celui d'une galerie menant à un réservoir souterrain desservi par l'aqueduc. Les murs présentent trois appareils différents. Le premier dit cyclopéen rappelant celui de Tirynthe, blocs bruts à peine dégrossis, laissant entre eux des vides comblés par de petites pierres. Autour des portes l'appareil est plus soigné, les pierres de parement sont dressées à pans droits, montrant des faces rectangulaires et disposées en assises régulières. Le troisième appareil dit polygonal montre des pierres de dimensions inégales et de formes diverses, chacune ayant été taillée de manière à s'adapter exactement aux autres. L'enceinte avait deux portes : une poterne au Nord vers la montagne de 1,38 m de large; une porte monumentale au Nord-Ouest vers la plaine, dite porte des Lions (ou porte des Lionnes) à cause du haut-relief qui la décorait. Elle a été dégagée par Schliemann. Elle s'ouvre dans un angle du rempart, abritée au Sud par un saillant, assimilable à une véritable tour. A l'intérieur de l'acropole les maisons se pressaient, enveloppant des ruelles étroites. La rue principale allait probablement de la porte des Lions au palais édifié près du sommet; au Sud et près de la porte, elle longeait un enclos circulaire formant une nécropole découverte par Schliemann. Après avoir enlevé des déblais dont l'épaisseur variait de 7 à 9 m au-dessus du roc, il a mis à jour six fosses qui ont livré de véritables trésors. Ces tombes, ont été interprétées par
Schliemann, qui lisait l'Iliade
comme s'il s'était agit d'un livre d'histoire, comme pouvant être celles
de la dynastie royale des Pélopides ou des Perséides. Elle ont été
creusées en un temps assez court, car le style des objets qu'elles renfermaient
est analogue. Chacune était surmontée d'une stèle; un autel
recevait des sacrifices dont il a été retrouvé d'abondants débris,
dents de sanglier, cornes de taureaux, de cerfs,de chèvres, ossements,
etc.
La Porte des Lions, à Mycènes. Elle a été dégagée dès 1841. Il semble aussi que des victimes humaines aient été immolées sur les sépultures royales. Au bout d'un certain temps, les tombes se confondirent en un tumulus unique sans cesse exhaussé par les déchets des sacrifices. On finit par niveler le sol en formant une esplanade circulaire de 26,50 m de diamètre qui fut entourée d'un cercle de dalles de calcaire coquillier de 1 à 1,50 m de haut. Au-dessus des tombes furent dressées neuf stèles. Plus tard, après la ruine de la ville, les matériaux éboulés et entraînés par les eaux s'amoncelèrent au-dessus de cet enclos situé en contre-bas et le firent disparaître. Il n'avait jamais été fouillé, et les tombes ont livré leurs trésors intacts. De ces tombes, deux renfermaient des restes féminins et quatre masculins; c'étaient des caveaux creusés dans le roc et maçonnés, puis recouverts de dalles de schiste soutenues par des poutres. On y a retrouvé dix-sept squelettes avec une quantité d'ornements, de bijoux, d'objets mobiliers en or, argent, bronze, poterie, etc. Le verre y est encore rare, l'ivoire est abondant (figures d'animaux, colonnettes, garnitures d'instruments); ce qui domine, c'est le métal, aiguières, coupes d'or et d'argent, de bronze aussi; diadèmes d'or, masques funéraires, plaques ou languettes cousues aux vêtements, boutons, rondelles, bagues; beaucoup de poignards, etc. Le cadavre royal revêtu de son diadème d'or, du masque d'or, du pectoral d'or, de boutons et plaques d'or partout cousus sur l'étoffe, de jambières d'or, ceint du baudrier d'or, devait avoir l'aspect d'une statue d'or. Ces découvertes confirment l'impression qu'Homère avait de Mycènes, riche en or. L'enclos circulaire où furent enfermées les tombes royales, sorte de sanctuaire (temenos), a pu pendant quelque temps servir d'agora, de lieu d'assemblée; mais celui-ci fut, semble-t-il, transféré dans la ville basse. Près du sommet de l'acropole, s'élevait le palais, mis à jour par les fouilles de Tsoundas (à partir de 1886), au-dessous des fondations d'un temple dorique d'époque postérieure. Entre ce palais et l'enclos funéraire, comme dans la ville basse, les vestiges des maisons privées ont pu être étudiés et ont fourni beaucoup d'objets de céramique, principalement de la dernière période mycénienne. Les fosses du cimetière royal et les parties les plus rustiques de l'enceinte appartiennent à la période la plus ancienne de Mycènes, celle des vases à peinture mate et des poteries à glaçure brillante à fond jaune, à décoration florale et maritime; la période plus récente est celle du palais, de la porte des Lions et, enfin, des tombeaux à coupole, dont la mode fut peut-être importée de la région du Sipyle, où la légende place le berceau des Pélopides. Les quadrupèdes et l'humain ne figurent que sur les vases de la période la plus tardive d'occupation du site (ils ont été ramassés dans les couches supérieures de débris). (A.-M. Berthelot). |
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