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Histoire de l'Europe > La France
Histoire de la France
La France pendant la Renaissance
La ruine de la féodalité, les guerres d'Italie et la Réforme
Au XVe siècle, la noblesse est restée grossière, parfois féroce, toujours avide d'or et de plaisirs, comme au XIVe siècle, mais elle est devenue plus menaçante pour la royauté. En dehors de quelques maisons comme celles de Bretagne, de Penthièvre, d'Armagnac, de Foix, etc., il y a les puissantes dynasties d'Orléans, d'Anjou, de Bourgogne, d'Alençon, de Bourbon, issues de la famille des Capétiens, qui voudraient se mêler du gouvernement et surtout reprendre chez elles leur indépendance. La plus puissante est celle de Bourgogne, qui possède deux grands territoires séparés par la Lorraine et la Champagne : d'une part, la Bourgogne et la Franche-Comté; d'autre part, la Flandre, l'Artois, le Brabant, le Hainaut, la Hollande, la Zélande et les villes de la Somme. Le duc de Bourgogne tire de beaux revenus de ses villes flamandes, a une cour fastueuse et protège les arts; il rêve de réunir les deux tronçons de son domaine et de devenir roi. 

Depuis l'époque de la Praguerie (1440) jusqu'à la dernière prise d'armes des nobles en 1488, la royauté eut à lutter énergiquement. Charles VII se débarrassa du bâtard de Bourbon, du duc d'Alençon et de Jean d'Armagnac. Louis XI réunit au domaine les Etats des maisons d'Alençon, d'Armagnac, de Nemours et de Saint-Pol, impitoyablement anéanties par lui; il enveloppa le duc de Bourgogne Charles le Téméraire d'un réseau d'intrigues, et à la mort de ce redoutable rival mit la main sur les villes de la Somme et sur la Bourgogne, sans compter l'Artois et la Franche-Comté, que son fils devait malheureusement céder à Maximilien d'Autriche. Le testament de René Il d'Anjou lui laissa l'Anjou, le Maine et la Provence. Plus tard la régente Anne de Beaujeu déjoua la révolte du duc d'Orléans et fit épouser à Charles VIII l'héritière de Bretagne. La maison d'Albret et la maison de Bourbon restèrent seules indépendantes. Elles devaient s'unir par un mariage en 1548 et donner le jour à Henri IV.

Ainsi la noblesse perdit à la fin du XVe siècle son pouvoir politique; sous François Ier, la révolte du duc de Bourbon ne rencontra pas d'écho. Le clergé fut complètement soumis au roi en 1516, grâce au concordat conclu par François Ier avec le pape. Louis XI se montra aussi défiant envers les bourgeois qu'envers les nobles et diminua les libertés municipales; les réclamations de la bourgeoisie aux Etats de 1484 n'eurent pas d'effet. François Ier brisa les résistances du Parlement, qui ne voulait pas accepter le concordat. Bref, jusqu'à l'époque des Guerres de religion, la royauté marcha sans difficultés nombreuses dans la voie de l'absolutisme. Au temps de François Ier un ambassadeur vénitien envoyé en France dit que la volonté du roi y est tout.

Le roi gouverne avec l'aide de son conseil, sectionné en plusieurs parties, du chancelier, des secrétaires d'Etat et du surintendant des finances. L'administration financière est régularisée sous François Ier; en revanche, ce prince, qui aime le luxe et reprend les traditions de la vie de cour déjà si brillante au XIVe siècle, abandonne les principes d'économie de Louis XII, augmente les impôts et la dette publique. L'exercice de la justice est plus compliqué que jamais; outre le grand conseil, les parlements de Paris et de province, les requestes de l'hostel, les présidiaux créés en 1551 et les tribunaux inférieurs, il y a encore les anciennes juridictions seigneuriales et ecclésiastiques, fort diminuées d'importance il est vrai. Là comme partout on a laissé subsister les organes anciens, datant du régime féodal ou princier, et on leur a juxtaposé les organes nouveaux du pouvoir absolu. Le même système devait être appliqué jusqu'en 1789.

Une fois que l'âge des guerres anglaises et bourguignonnes fut passé, le roi de France put avoir une politique extérieure plus large et plus brillante. Dans tout l'Occident commence alors la période des grandes relations internanionales, parce qu'il s'est constitué de puissantes monarchies. Les Vénitiens ont institué les ambassadeurs, fondé les principes du droit des gens et de l'équilibre européen; ces habitudes et ces idées pénètrent en France comme partout. Sous Charles VIII la noblesse, qui a été soumise par Louis XI, cherche fiévreusement une issue à son activité; on ne veut point de conquêtes pacifiques, comme au temps du défunt roi  on veut la guerre. Reste à savoir où on la fera. 

Deux objets s'offraient à la politique royale; on pouvait, à la première occasion favorable, envahir la Lorraine et les provinces de l'héritage bourguignon qui avaient été dévolues à la maison d'Autriche, et poursuivre ainsi l'exécution des projets de Philippe-Auguste, de Philippe le Bel et de Louis XI; on pouvait aussi profiter de l'anarchie où était, plongée l'Italie pour y faire de belles et joyeuses chevauchées. Entre les « guerres d'utilité » et les « guerres de magnificence-», Charles VIII et Louis XII, rois peu intelligents, n'hésitèrent pas et choisirent les dernières. Ils ne réussirent pas; le principe de l'équilibre européen se retourna contre les conquérants et, à l'avènement de François ler en 1515, la France n'avait plus un pouce de terre au delà des Alpes

François Ier eut comme ses prédécesseurs la monomanie de l'Italie. Mais il eut en même temps à se défendre contre Charles-Quint, qui possédait l'Espagne, Naples, les Pays-Bas, l'Autriche et songeait sérieusement au démembrement de la France. La lutte contre la maison d'Autriche devint forcément le pivot de la politique extérieure française. François Ier avait l'esprit médiocre, mais il était actif; il fonda la marine royale, réorganisa la cavalerie, essaya d'instituer une infanterie; il sut se créer des alliances, profiter des embarras sans nombre de son rival et en somme maintenir les frontières de la France. Henri II (1547-1559) continua la lutte, mais eut la sagesse de renoncer à l'Italie et de porter la guerre dans l'Est. Cette politique, que devaient reprendre Henri IV, Richelieu et Louis XIV, valut à la France la conquête de Calais, Metz, Toul et Verdun.

Ces guerres qui, habilement dirigées dès le début, auraient été infiniment plus profitables, n'entravèrent pas du moins le développement de la prospérité économique du pays. Sauf à de rares intervalles, l'ennemi ne pénétra pas en France. Cette époque fut une période de bien-être général, de même que le XIIIe et le commencement du XIVe siècle. Les découvertes maritimes ouvrirent de nouveaux débouchés à l'activité et jetèrent sur le marché de grandes quantités d'or et d'argent qui facilitèrent les transactions. Claude Seyssel a décrit en des pages devenues classiques l'efflorescence du commerce français au temps de Louis XII. Grâce au développement de l'aisance et du luxe, toutes les industries prirent un essor nouveau, et particulièrement celle des draps riches. La population des campagnes s'accrut prodigieusement. La bourgeoisie, affamée d'honneurs, achetait les charges vendues par la royauté à beaux deniers comptant et se préparait à une domination qui dure encore aujourd'hui. 

Au point de vue intellectuel se produisit alors un grand mouvement qui avait du reste ses origines dans la période antérieure et qu'on ne peut sans injustice appeler la Renaissance, car il n'a pas succédé à une époque d'immobilité et de mort. Mais il est vrai de dire que le moyen âge n'avait pas produit d'hommes comparables à Rabelais, à Bernard Palissy, à Ambroise Paré, à Henri Estienne, enfin l'imprimerie, introduite en France sous Louis XI, devint rapidement d'une prodigieuse utilité pour l'expansion des idées. Quant aux arts, il y a une distinction à faire. Depuis la naissance de l'école de Bourgogne pendant le XIVe siècle, jusqu'à l'époque des guerres d'Italie, il y a eu en France un art national, d'un réalisme vigoureux; à partir du moment où François Ier, qui rêvait toujours du ciel bleu de Lombardie, appela à sa cour les artistes de la péninsule, l'italianisme envahit la France et laissa à peine subsister quelques peintres originaux, comme les Clouet, et quelques grands sculpteurs

Ainsi, depuis la fin de la Guerre de Cent ans jusqu'à la période des luttes religieuses, les Valois réussirent à établir un pouvoir fort et respecté; économes avec Louis XI et Louis XII, ils purent devenir avec François ler fastueux et prodigues, sans que la nation en souffrit. Les guerres eurent lieu au delà des frontières et n'empêchèrent pas les travailleurs de penser et de produire. 

A cette époque de paix intérieure et de grande politique internationale allait succéder une période de guerres civiles. L'esprit d'opposition, qui semblait anéanti, renaquit sous la forme religieuse. En France, comme partout ailleurs, les moeurs du clergé, les grossières superstitions que les prêtres laissaient pénétrer dans les classes populaires, soulevèrent les protestations des gens austères et éclairés bien avant que Luther se fût fait connaître (Protestantisme). Au temps de François Ier et de Henri Il les deux partis prirent fortement conscience de leur antagonisme. D'une part, les réformés français adoptèrent en commun les doctrines de Calvin (Institution chrétienne publiée en 1535); d'un autre côté, dans toute l'Europe, les catholiques supprimèrent quelques-uns des abus criants qui leur aliénaient les hautes classes et se groupèrent autour de la papauté (concile de Trente, 1545-1563; approbation de l'Institut des jésuites par le pape en 1540). 

Quelles étaient les forces de ces deux partis en France? Le clergé, d'abord indécis, adopta décidément la cause du pape dès la fin du concile de Trente et se laissa dominer par les jésuites, La bourgeoisie, qui était attachée au principe d'autorité et répugnait aux rudes doctrines de Calvin, donna peu de recrues au parti réformé; elle ne devait se laisser entamer fortement qu'au siècle suivant. Quant aux paysans, ils ne comptèrent guère dans les luttes religieuses avant le règne de Louis XIV. Au XIVe siècle, les calvinistes sont des magistrats, des universitaires, des ouvriers sans travail, des soldats, des moines défroqués et surtout des nobles; la majorité de la noblesse française embrassa les croyances nouvelles. Or l'aristocratie était restée puissante; elle formait les compagnies d'ordonnance et occupait les hauts grades de l'infanterie; c'est elle, fait très important, qui fournissait les chefs des gouvernements militaires organisés par François Ier; les têtes du parti protestant seront en majorité des gouverneurs.

Entre le clergé fanatique et le tiers état fanatisé d'un côté, et une noblesse guerrière et turbulente de l'autre, il y avait peu de place pour le parti de la tolérance. La royauté seule pouvait s'interposer; mais, au lieu de suivre une politique constante de conciliation, elle adopta un désastreux système de bascule. François Ier persécuta par intervalles les protestants de France, quand il n'avait pas besoin des protestants d'Allemagne. Henri II voulait exterminer les hérétiques et sa mort seule les sauva. Sous François II (1559-1560), le pouvoir est disputé par l'habile Catherine de Médicis, les princes du sang tels que Condé, les favoris du roi comme le duc de Guise, et le sort des protestants dépend d'un accident ou d'un heureux coup de main. Sous Charles IX (1560-1574) la guerre civile commence et devient tout de suite atroce (Les Guerres de religion); Catherine de Médicis, indifférente en matière religieuse, veut avant tout garder le pouvoir et oscille entre les deux partis, qui généralement déclarent agir au nom du roi et cherchent à dominer à la cour. Par la paix de Monsieur, en 1576, les protestants obtinrent l'indépendance, grâce à l'appui des catholiques tolérants (parti des politiques). Mais ce ne fut pas pour longtemps. 

La majorité du pays était catholique intolérante; le roi Henri III (1574-1589) n'était capable que d'augmenter la confusion et d'affaiblir davantage le prestige du trône. Sous son règne, la vieille royauté capétienne subit décidément une éclipse. La noblesse protestante était soulevée tout entière; la noblesse catholique était prète à soutenir le duc de Guise. Enfin la formation de la Sainte Ligue provoqua un mouvement démocratique. L'oeuvre patiente des Capétiens, la centralisation des pouvoirs, semblait compromise; on assistait à une réaction violente de toutes les forces du Moyen âge; les idées anarchistes et régicides trouvaient un écho jusque dans les églises. Les Etats généraux, que dès le règne de François Il on avait recommencé à convoquer, étaient devenus l'instrument des fureurs religieuses.

La monarchie et l'unité française furent sauvées par la mort du duc de Guise et de Henri III et la conversion de Henri de Bourbon qui, à l'extinction de la branche de Valois en 1589, avait été reconnu comme légitime héritier du trône par les protestants et avait apporté pour dot son beau royaume de Navarre. L'abjuration de Henri IV, en 1593, mit fin à la résistance des ligueurs; leurs alliés les Espagnols signèrent la paix de Vervins en 1598. La même année, le roi, après de longues et pénibles négociations, imposait aux partis religieux l'édit de Nantes, qui reconnaissait aux protestants la liberté religieuse ainsi qu'une certaine indépendance politique et faisait de la France le seul pays d'Europe où régnât la tolérance. Grâce à la lassitude générale, grâce aussi au sens droit et à la sympathique bonhomie du prince, les discordes s'apaisèrent et la monarchie fut rétablie sur ses bases antérieures. (Ch. Petit-Dutaillis).

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