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Robert de Genève est le premier pape du grand schisme d'Occident, élu le 21 septembre 1378, mort le 16 septembre 1394. Grégoire XI, qui avait rétabli à Rome la résidence de la papauté, mourut le 27 mars 1398. Douze jours après (8 avril) quinze cardinaux assemblés en conclave à Anagni élurent, pour le remplacer, un Napolitain, Barthélemy Prignano, archevêque de Bari. Ils avaient agi sous la pression des Romains, qui voulaient un Italien pour pape. Le nouvel élu prit le nom de Urbain VI; et avec des procédés dont la sévérité ressemblait beaucoup à de la dureté, il entreprit de relever la discipline parmi les prélats. D'autre part, sur les quinze cardinaux qui l'avaient élu, douze étaient ultramontains, c.-à-d. non Italiens; ils souhaitaient le retour des papes en France. Ils se retirèrent à Anagni et annulèrent (9 août) l'élection de Urbain, comme ayant été exigée par violence. En conséquence, ils engagèrent les fidèles à refuser obéissance à « l'intrus », qui se qualifiait d'apostolicus et qui n'était que apostaticus. Puis, étant parvenus à gagner les trois cardinaux italiens, ils se réunirent ensemble à Fondi et élurent comme pape légitime Robert de Genève, qui se donna le nom de Clément VII (21 septembre). Urbain VI se trouvait ainsi répudié par tous ceux qui l'avaient nommé; et le schisme était organisé uniquement par les plus hauts représentants de l'Eglise, sans aucune intervention des puissances séculières. Le nouveau pape, alors âgé de trente-six ans seulement, était fils d'Amédée, comte de Genève. Il avait été successivement chanoine de Paris, évêque de Thérouanne puis de Cambrai. En 1371 Grégoire XI l'avait créé cardinal-prêtre au titre de la basilique des Douze saints apôtres. Après de longues délibérations, l'Université de Paris, la grande puissance intellectuelle de ce temps, se prononça en faveur de son élection; il fut reconnu comme pape (13 novembre) dans une assemblée convoquée à Vincennes, Le reste de l'Italie prit parti pour Urbain VI. Il était protégé par Catherine de Sienne, dont l'influence était dominante sur ses compatriotes. Elle écrivit à des prélats, à des princes, à des villes, pour les exhorter à soutenir celui qu'elle appelait le vrai père de la chrétienté. Catherine de Suède, fille de sainte Brigitte, déclara aussi que son élection était légitime, et que les cardinaux ne l'avaient répudié que parce qu'il avait voulu « les corriger ». Des juristes renommés défendirent pareillement sa cause. Ces sentiments prévalurent chez les Anglais, alors irréconciliablement hostiles à la France et adversaires naturels du pape adopté par les Français; en Allemagne, au Danemark, en Suède, en Pologne, en Bohème, en Hongrie et en Flandre. Cette adoption se fit par lettres patentes du 29 juin 1380. Il y est dit qu'elle est conclue sous le consentement et l'autorité du pape Clément, et qu'après le décès de la reine Jeanne Louis lui succédera au royaume de Naples, au comté de Provence et en toutes sen terres. En outre, Clément constitua en faveur de Louis d'Anjou, un royaume d'Adria, formé d'une partie des Etats de l'Église, lequel n'a jamais existé que sur parchemin. Charles de Durazzo s'empara de Naples, puis de Jeanne (1381), et la fit étouffer sous des coussins de plumes (1382). Clément avait fourni des subsides à Louis d'Anjou, pour une expédition en Italie; le 30 mai 1382, il l'investit du royaume de Naples. Louis prit le titre de roi et quitta la Provence avec une armée de 10.000 hommes; il reçut des renforts d'Amédée VI de Savoie, des Visconti et des Napolitains révoltés, que commandait Giacomo Caldora; vingt-deux galères l'appuyaient. Urbain fit prêcher la croisade contre lui. Charles de Durazzo se borna à fortifier ses places et refusa tout combat, attendant que le climat et les privations eussent affaibli son ennemi. En effet, l'armée de Louis ne tarda pas à se fondre et son trésor à s'épuiser. Il mourut de chagrin le 10 septembre 1384. Urbain ne fit pas prêcher la croisade seulement contre Louis d'Anjou. Il avait agi de même à l'égard du roi Jean de Castille, lorsque celui-ci s'était déclaré pour Clément. Le duc de Lancaster, oncle du roi d'Angleterre, prétendant au royaume de Castille, se croisa; mais les difficultés survenues du côté de l'Écosse l'empêchèrent de donner suite à ce projet. La croisade fut pareillement prêchée en Angleterre contre la France et contre Clément. Pour la soutenir, Urbain ordonna la levée d'un décime sur toutes les églises d'Angleterre. L'évêque de Norwich fut chargé de diriger l'expédition. Vers la fête de la Trinité en l'année 1383, il débarqua à Calais; mais au lieu d'entrer en France et de combattre les clémentins, il se détourna et fit la guerre aux Flamands, quoiqu'ils fussent urbanistes comme les Anglais. Finalement, il fut obligé de se retirer en Angleterre. En cette même année (1383) eut lieu la première rupture entre Charles de Durazzo et Urbain. Le pape s'était rendu à Naples : Charles le fit arrêter, parce qu'il voulait le contraindre de céder à François Prignano, son neveu, les duchés de Capoue et d'Amalfi. Comme Louis d'Anjou vivait encore, ils se réconcilièrent jusqu'à sa mort; mais ils étaient devenus ennemis intimes. Au commencement de l'année 1385, Urbain fit arrêter six cardinaux, accusés d'avoir conspiré pour le déposer et brûler comme hérétique. Suspendus à la question avec des cordes, à la manière italienne, ils avouèrent. Le pape était alors à Nocera. Le 15 janvier, il assembla dans le château tout le clergé de sa cour et les laïques de la ville et des villages voisins : il excommunia, avec extinction des cierges, les six cardinaux prisonniers, et en même temps Charles de Durazzo, la reine Marguerite, sa femme, Clément avec tous ses cardinaux et l'abbé du Mont-Cassin, précédemment cardinal de Rieti, déjà déposé pour révolte. Dès le 7 janvier, il avait désigné neuf cardinaux, afin de remplir les vides du Sacré-Collège. Six d'entre eux refusèrent, quoique le pape leur offrit de conserver l'administration de leurs églises au temporel et au spirituel; contrairement à la discipline, car la promotion à la dignité de cardinal faisait vaquer de plein droit tous les bénéfices de l'impétrant. Le roi Charles fit investir Nocera, qui fut prise et brûlée, le 6 février. Le pape se réfugia dans le château; Charles mit sa tête à prix. Urbain, menacé par ses adversaires et abandonné par beaucoup de ses partisans, n'en devint que plus inflexible et plus cruel. Il fit mettre une seconde fois à la torture les cardinaux prisonniers, et tourmenter sur le chevalet l'évêque d'Aquila, qui lui était devenu suspect. Le siège durait depuis sept mois lorsqu'il parvint à s'échapper. Il passa en Sicile; de là, à Gênes, emmenant ses prisonniers. On dit qu'il les fit mourir l'année suivante. Au mois de janvier 1386, il se retira à Lucques, où il demeura neuf mois. Le 29 août 1387, il publia une nouvelle bulle contre Clément et ses partisans, promettant l'indulgence, comme pour le secours de la Terre-Sainte, à tous ceux qui se croiseraient, serviraient un an ou contribueraient aux frais de la guerre contre les schismatiques. On ne vit aucun effet de cette bulle. Au contraire, l'obédience de Clément s'étendit notablement cette année-là, le roi d'Aragon et celui de Navarre s'étant déclarés pour lui. En 1388, aux approches de l'hiver, Urbain rentra à Rome, reçu avec peu d'honneurs. Il y mourut le 15 octobre 1389. La cause d'Urbain semblait perdue lorsqu'il mourut. Sa mort renouvela le schisme. Le 2 novembre 1389, les cardinaux italiens, dont il avait nommé un assez grand nombre, élurent pour lui succéder Pierre de Tomacelli, connu sous le nom de cardinal de Naples (Boniface IX). Dès Noël, il y eut à Rome un grand concours de pèlerins, venant pour gagner l'indulgence du jubilé publié en conséquence d'une constitution d'Urbain VI, qui, en l'année de sa mort, avait réduit à trente-trois ans l'intervalle qui séparait ces solennités. Toutefois, ce concours, qui affermit l'autorité de Boniface, ne provenait que des pays soumis à son obédience. Pour encourager ses partisans, il accorda à plusieurs villes d'Allemagne un privilège, en vertu duquel ceux qui visiteraient certaines églises auraient part à l'indulgence du jubilé comme s'ils allaient à Rome. Mais, d'un autre côté, les Anglais profitèrent du besoin qu'on avait d'eux, pour défendre de passer la mer, afin d'obtenir des bénéfices. En France, les dominicains avaient pris parti pour Urbain VI, dès 1389, et s'étaient attiré les sévérités de l'Université de Paris qui se sépara d'eux, ne les admettant plus aux actes de l'école, aux honneurs et aux degrés. Cependant, cette Université cherchait, avec un zèle sincère, les moyens de mettre fin au schisme. Ses principaux docteurs, Pierre d'Ailly, Henri de Langenstein, dit de Hesse, Jean Gerson, Nicolas de Clémanges, écrivirent des traités et des lettres sur cette question qui agitait toute l'Eglise catholique. Ils pensaient, et l'Université pensait avec eux, qu'un concile général serait le moyen le plus sûr d'obtenir une solution satisfaisante. Clément VII ne s'y était pas opposé; mais Urbain VI n'avait répondu que par des refus. Tout ce qu'il accordait, était de conférer à l'antipape, pour prix de son abdication, le titre de légat en France et en Espagne. En 1392, Boniface députa au roi Charles VI deux chartreux, avec une lettre exhortant ce roi à concourir à la suppression du schisme. Mais Charles VI tomba en démence, et l'action de l'Université fut entravée tant par la rivalité des oncles du roi, qui se disputaient le pouvoir, que par les intrigues de Pierre de Luna, envoyé à Paris par Clément VII pour soutenir ses prétentions. Néanmoins, les deux chartreux députés par Boniface furent renvoyés à Rome, avec deux religieux du même ordre, portant la réponse du roi. En outre, afin de témoigner manifestement de sa bonne volonté, des lettres furent expédiées à tous les princes d'Italie, les invitant à contribuer à l'union de l'Eglise. L'Université publia un avis, sollicitant de chacun des mémoires indiquant les moyens qu'il estimerait les meilleurs pour atteindre cet objet, Une commission de cinquante-quatre docteurs fut nommée pour examiner ces mémoires. Ils trouvèrent que les moyens proposés se réduisaient à trois : les deux papes renonceraient, via cessionis; ils s'en rapporteraient au jugement d'arbitres, via compromissionis; ils s'engageraient à se soumettre à la décision d'un concile général. Il fut unanimement résolu que ces trois moyens seraient présentés au roi, en forme de lettre (6 juin 1394). Nicolas de Clémenges fut chargé de la rédaction de cette lettre. Elle fut expédiée par ordre du roi, à Clément VII, qui en tomba malade de chagrin et mourut d'apoplexie le 16 septembre 1394, à la fin de la seizième année de son pontificat. Pour compléter cette page, qui résume la première partie de l'histoire du grand schisme d'Occident, V., dans l'ordre suivant, les mots : Boniface IX, Benoît XIII, Innocent VII, Grégoire XII, Alexandre V, Pise (Concile de), Jean XXII, Constance (Concile de), Martin V, Clément VIII, Eugène IV, Bâle (Concile de), Félix V, Nicolas V, et, pour récapitulation sommaire, Schisme. (E.-H. Vollet). |
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