|
. |
|
(Empire de Gao) |
L'histoire
des Songhaï est dominée par leurs luttes contre les Berbères
sahariens
du Nord et les populations du Golfe de Guinée.
Elle commence à être connue à partir du IVe
siècle environ, où l'on signale un royaume
Songhaï, à peu près aux lieux où fut ensuite Tombouctou.
Plusieurs fois envahis par les Berbères, leur roi, Kossoï, embrassa en
1009
l'islam,
dont ils devinrent de zélés adeptes. Toutefois, l'autre centre songhaï,
Gao,
situé plus bas sur le Niger, au débouché d'une des grandes voies du
commerce transsaharien, ne devint exclusivement musulman qu'au XIIe
siècle, lors de la conquête du Soudan
septentrional par les Almoravides.
Lors du déclin de ceux-ci, les Songhaï furent subjugués par les Sousou,
auxquels se substituèrent bientôt les princes de Mali,
fondateurs au XIIIe
siècle d'un grand empire.
Au XIVe siècle, les princes Songhaï se révoltent et, après la prise de Tombouctou par les Touareg (1433), ils achèvent la défaite des Mandé, refoulés à l'Ouest. La seconde dynastie songhaï, dont la capitale fut Gao (1492), eut une brillante histoire : leurs rois, Ali Kolen le fondateur du second empire songhaï, puis Ali le Grand et Mohammed Touré, conquirent le Ghâna, le Oualata, le Bakhounou. Agadès. Mais en 1588, après un premier échec, une armée marocaine formée de mercenaires, les Roumas (Andalous, Berbères, etc.), armés de fusils, conduits par un pacha d'origine espagnole, conquit Tombouctou. La bataille de Tondibi, en 1591 finit de disloquer l'empire songhaï qui s'effaça de l'histoire. Dates -clés : ca. 690. - Premier Empire songhaï : les Dia à Gounguia, les Sorko à Gao. |
||
Émancipation
d'un empire
Au VIIe siècle de notre ère, alors que l'un des derniers princes régnait sur le royaume, déjà vieux, de Ghâna, un autre État se fondait sur le bief oriental du Niger, qui était appelé à exercer lui aussi, mais bien lus tard, l'hégémonie sur la majeure partie du Soudan. Des Berbères, a-t-on parfois dit, se seraient fait reconnaître comme chefs par une petite population de pêcheurs résidant à Gounguia ou Koukia, dans l'île de Bentia ou en face de cette île, à quelque 150 kilomètres en aval de Gao. Leur dynastie, dite des dia ou des za, demeura au pouvoir de 690 à 1335. Vers l'an 1000, ils transférèrent leur capitale de Gounguia à Gao, fondé alors depuis plusieurs centaines d'années, et leur royaume prit le nom de Songhaï ou Songoï, qui était aussi, semble-t-il, celui des habitants. Ce royaume était à cette époque strictement limité aux bords et aux îles du Niger, depuis Bamba au Nord jusqu'aux limites septentrionales du Noupé, dans la direction du Sud, et à une bande de territoire située à l'Est du fleuve. C'est vers la même date que le dia alors régnant, Kossoï ou Kossaï, se convertit à l'islam. Peu à peu, l'influence du Songhaï se
fit sentir jusque dans la région de Tombouctou,
dont la fondation en tant que ville remonte, admet-on généralement, au
début du XIIe
siècle, jusque dans la zone des lacs et des inondations du
Niger et même jusqu'à Oualata. Cependant, un puissant rival s'était
levé dans l'Ouest, sur le bief occidental du Niger : l'empire du Manding
ou Mali.
En 1325, les troupes de l'empereur
mandingue Gongo-Moussa ou Kankan-Moussa s'emparent de Gao
et le Songhaï devient vassal du Manding. Dix ans plus tard, la dynastie
des dia est remplacée par celle des sonni, soun,
san
ou chi, qui appartenait d'ailleurs à la même famille. Le
premier prince sonni du Songhaï, Ali-Kolen (ou Ali-Kolon ou Ali-Golom),
inaugura ce que l'on appellera le Second empire songhaï, en secoua
en partie la tutelle du Manding (Empire du Mali) dès 1335,
en rompant les liens de vassalité qui attachaient le Songhaï au
Mali; toutefois Tombouctou et Oualata demeurèrent au pouvoir de ce dernier
État, ainsi que la région des lacs, le Massina (Macina)
et Djenné, et le Mali resta encore quelque temps un empire puissant.
Cependant, tandis qu'Ali, grisé par ses conquêtes, passait son temps en débauches et en persécutions contre les musulmans, - musulman lui-même, il a laissé parmi ses coreligionnaires la réputation d'un impie - le roi des Mossi du Yatenga vint ravager le Macina (1477) et s'avança jusqu'à Oualata qu'il pilla (1480). Cette incursion hardie à travers son royaume fit réfléchir le sonni Ali, qui ne trouva rien de mieux, pour pouvoir à l'avenir secourir rapidement Oualata, que de relier cette ville à Tombouctou par un canal partant, de Ras-et-maa et devant mesurer près de 250 kilomètres de long, Pendant qu'il commençait à le faire creuser, on lui annonça que les Mossi du Yatenga avaient de nouveau envahi ses États; il marcha aussitôt contre eux et parvint à leur faire rebrousser chemin, mais, au cours de l'expédition, il se noya en traversant un torrent, le 6 novembre 1492. Mohammed Touré ou l'âge d'or des Askia La dynastie des sonni ne survivra pas à Ali. En 1493, elle fut renversée à Gao par un général sarakollé, Mamadou ou Mohammed Touré, de la fraction des Silla, qui se fit investir de la souveraineté avec le titre d'askia et fut le premier prince d'une nouvelle dynastie qui devait durer un siècle. L'askia Mohammed régna de 1493 à 1529. Il fut un monarque de tous points remarquable, sut rendre ses États prospères et y développer une civilisation qui fit l'admiration de Léon l'Africain, lequel visita le Songhaï sous son règne, vers 1507. A vrai dire, il fut fort bien secondé par ses ministres et ses gouverneurs de province, notamment par son frère Amar ou Omar, dont il avait fait son kanfâri, c'est-à -dire son principal lieutenant. Renonçant au système des levées en masse qu'avait pratiqué le sonni Ali-le-Grand et qui empêchait les paysans de se livrer aux travaux des champs, il recruta une armée de métier parmi des esclaves et des prisonniers de guerre, ce qui lui permit de laisser les cultivateurs sur leurs terres toute l'année, les artisans à leurs métiers et les commerçants à leurs affaires. Témoignant d'un grand respect pour les personnages religieux et les savants, il fit de Gao, de Oualata et surtout de Tombouctou et de Djenné des centres intellectuels qui jetèrent un vif éclat et où des docteurs et dès écrivains renommés du Maghreb ne dédaignèrent pas de venir compléter leurs études et parfois de se fixer définitivement, comme le fit plus tard le célèbre Ahmed-Bâba. Des jurisconsultes de valeur; comme les El-Akît et les Bagayogo, se formèrent aux écoles de Tombouctou et toute une littérature s'y développa, aux XVIe et XVIIe siècles, dont les produits nous sont révélés peu à peu par la découverte d'ouvrages fort intéressants, rédigés en arabe à cette époque par des sarakollé ou songhaï, tels que le Tarikh el-fettâch et le Tarikh es-Soudân. L'askia Mohammed fut en relations suivies avec le réformateur marocain Merhili, qui correspondait avec lui sur des sujets de religion et de politique et qui vint lui rendre visite à Gao en 1502. Ce prince avait accompli le pèlerinage de La Mecque en 1497 et avait mis à profit son voyage pour s'entretenir longuement avec Soyouti et d'autres célèbres docteurs musulmans; il avait consacré une somme de 100 000 dinars d'or à des aumônes pieuses et à l'achat d'un terrain où il fit bâtir une hôtellerie pour les pèlerins soudanais; enfin, il mit le comble à sa gloire en recevant du grand chérif de La Mecque, alors Moulaï El-Abbâs, l'investiture de calife « pour les pays du Tekrour », c'est-à -dire pour le Soudan. Le chérif alla même jusqu'à envoyer à Gao l'un de ses neveux, Moulaï es-Sekli, originaire de Bagdad, en qualité d'ambassadeur du royaume du Hedjaz auprès de l'askia. A cette époque, l'empire de Gaoétait en train de prendre une extension territoriale considérable, aux dépens surtout de l'empire mandingue. Dès 1494, Amar, frère de Mohammed, avait annexé au Songhaï la totalité du Massina, y compris le royaume peul des Diallo. En 1499, après être revenu de La Mecque et avoir tenté sans succès la conquête du Yatenga, l'askia en personne s'était emparé du Bagana; en 1501, il conquérait une partie du royaume de Diara et, en 1508, il poussait jusqu'au Galam, c'est-à -dire au pays de Bakel, sur le Sénégal. Ayant dépouillé le Mali de la plupart de ses dépendances septentrionales, l'askia Mohammed voulut poursuivre ses conquêtes vers l'Est et pénétra dans le pays haoussa, mais, là , il fut moins heureux. D'abord, avec l'aide du kanta ou roi du Kebbi, il s'empara de Katséna (1513) et imposa sa suzeraineté au roi d'Agadès (1515), mais il fut ensuite défait par son allié le kanta, devenu son ennemi (1517), qui mit la main sur la majeure partie des provinces haoussa. Un siècle plus tard environ, celles-ci devaient recouvrer leur indépendance et l'Aïr ou province d'Agadès devait redevenir ce qu'il était auparavant, c'està -dire vassal des Touareg. La chute du Songhaï L'askia Mohammed devint aveugle et, le 15 août 1529, il fut détrôné par son propre fils Moussa. Avec celui-ci commença une série de luttes intestines, de guerres civiles, de dilapidations et de débauches, de massacres odieux et d'inutiles expéditions militaires qui désolèrent le Songhaï et ruinèrent peu à peu le magnifique édifice élevé par le premier askia. L'un des fils de ce dernier, Daoud, qui régna de 1549 à 1583, essaya de réagir contre. les habitudes de tyrannie sanguinaire et de folles dépenses qui s'étaient introduites depuis son frère Moussa à la cour de Gao; il redonna de l'essor à l'agriculture, encouragea la science et l'étude, sut se ménager l'amitié du sultan du Maroc, Ahmed ed-Déhébi, qui porta le deuil lors de son décès, et se rendit célèbre par ses actes de mansuétude et de générosité. Mais les jours du Songhaï étaient comptés. L'empire du Mali
languissant n'était plus redoutable. Cet État était tombé si bas que
Daoud put, en 1545-46,
avant de monter sur le trône de Gao,
pousser avec l'armée songhaï jusqu'à la capitale mandingue - nous ne
savons s'il s'agissait de Niani ou de Kangaba
- , y entrer après avoir mis le mansa en fuite, y demeurer une semaine
et faire remplir d'ordures par ses soldats la résidence impériale. Mais
c'est du Maroc
qu'allait venir le coup fatal pour l'empire de Gao. Depuis longtemps, les
sultans du Maghreb enviaient aux empereurs du Songhaï la possession des
salines de Tegaza (Teghaza), voisines de celles, en exploitation à l'époque
contemporaine, de Taodéni, au Sud-Ouest du Touât.
Dès son avènement (1578),
le sultan Ahmed ed-Déhébi avait obtenu de l'askia Daoud, moyennant 10
000 dinars d'or, le privilège d'exploiter ces salines pour son compte
pendant un an. Le profit qu'il en retira fut tel qu'il résolut de s'en
rendre maître définitivement et, après la mort de Daoud, il envoya Ã
Gao, auprès du successeur de ce dernier, une ambassade dont le but secret
était de recueillir des informations sur les forces militaires du Songhaï;
en même temps, il expédiait dans la région de Tegaza une armée de 20
000 hommes, qui, d'ailleurs, fut complètement décimée par la faim et
la soif. En 1585,
il fit occuper les salines par 200 fusiliers qui, ne pouvant s'y nourrir,
retournèrent bientôt au Maroc. Cependant il tenait à son projet et était
même devenu plus ambitieux il ne convoitait plus seulement le sel du Sahara,
mais aussi l'or du Soudan, cet or dont la soi-disant conquête devait lui
valoir le surnom sous lequel il est connu (el-dehêbi, signifie
en arabe "le doré" ou "le maître de l'or").
La bataille de
Tondibi.
L'askia, abandonné par ses ministres et ses parents, se réfugia au Gourma, où il fut assassiné par les habitants. Djouder entra dans Gao sans rencontrer aucune nouvelle résistance, mais, médiocrement séduit par l'aspect de cette ville et trouvant, comme il l'écrivit au sultan Ahmed, que la maison du chef des âniers de Marrakech valait mieux que le palais des askia, il alla s'établir à Tombouctou, où il fit son entrée le 25 avril 1591. C'en était fait de l'empire du Songhaï, qu'un millier d'Espagnols armés de fusils avaient suffi à jeter à bas. Alors commença ce
qu'on a a appelé très improprement la « domination marocaine au Soudan
» : d'abord, il n'y eut de domination que sur une petite partie de l'ancien
Songhaï, sur la région, riveraine du Niger allant de Djenné à Gao,
toute la région dite Dendi, située en aval, ayant conservé son autonomie
avec un askia indépendant à sa tête; ensuite cette domination ne dura
guère que 70 ans, au bout desquels l'autorité des pachas était devenue
tout à fait nulle en dehors de la ville, même de Tombouctou enfin elle
ne peut être qualifiée de « marocaine », car, seuls, les pachas des
22 premières années (1591
à 1612)
furent, en partie au moins, désignés par le sultan du Maroc;
les ordres de ce dernier ne furent jamais exécutés, même par les premiers
pachas, et les impôts levés sur les habitants ne furent jamais expédiés
à Marrakech; les autres pachas, qui se succédèrent au nombre de 21 durant
48 ans (1612
à 1660),
étaient portés au pouvoir soit par eux-mêmes soit par leurs soldats
et étaient comme ceux-ci si peu marocains que la plupart ne comprenaient
pas l'arabe et que la langue dont ils usaient entre eux était l'espagnol,
ainsi que nous l'apprend la lecture du Tarikh el-fettâch, pour
devenir ensuite le songhaï.
|
. |
|
|
||||||||
|