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Discipline
frontière, à mi-chemin entre la géologie
et la chimie, la minéralogie
a tardé a posséder un développement propre. Sans doute,
les minéraux
possédant des caractères extérieurs très différents,
un certain nombre d'entre eux ont-ils été distingués
dès les temps les plus reculés. Les pierres précieuses
surtout et quelques minéraux utiles ont attiré l'attention
des premiers humains et les plus anciens écrits en font mention.
L'Antiquité.
Les premières
notions scientifiques se rencontrent dans la Météorologie
d'Aristote, qui introduisit un commencement
de méthode dans l'étude de la minéralogie. Il établit
d'abord deux grandes classes : les minéraux divisibles sous le marteau,
et les minéraux malléables. Il appela les premiers fossiles,
et les seconds métalliques. Un des élèves
de l'illustre philosophe, Théophraste
(fl. 315 av. J.-C.)
écrivit à son tour un petit traité sur les pierres
où il s'écarta de cette division pour classer les minéraux
en fossiles, qu'il subdivisa en pierres et en terres,
et en métaux, qu'il classa suivant leur valeur et leur utilité.
Il y donne la description de beaucoup de minéraux très répandus
dans la nature, comme le gypse, le saphir, etc., et il remarque que plusieurs
d'entre eux se présentent en cristaux. A propos du mot cristal,
il est intéressant de rappeler que dans Homère
'krystallos désigne la glace.
Dioscoride,
vers 75 av. J.-C.,
adoptant une classification moins exacte que celle de Théophraste,
partagea les substances minérales en minéraux marins et en
minéraux terrestres. Son contemporain, Pline
l'Ancien, qui, malgré les erreurs populaires qu'il nous a transmises
sans examen, s'est assis au premier rang parmi les naturalistes des temps
anciens, adopta le système de Théophraste
et a consacré les livres XXXIII à XXXVII de son Historia
naturalis à la description des minéraux. Il a aussi fait
connaître les propriétés surnaturelles ou médicinales
que leur attribuaient les Anciens.
Le Moyen âge.
Après Pline,
vinrent Zosime, et plus tard Geber,
qui ne virent dans l'étude des minéraux que les supports
de leurs spéculations alchimiques. Si
bien que durant la période de temps qui va de Pline (76
av. J.-C.) à Avicenne
(980-1036),
on ne trouve aucun écrit consacré véritablement à
l'étude des minéraux .
Avicenne ajouta aux pierres et aux métaux les sels et les substances
sulfureuses, et rangea les minéraux en quatre classes : les pierres,
les métaux, les soufres et les sels. Il démontra
le premier l'utilité de l'analyse pour distinguer ces différents
corps; et sa nomenclature resta en usage dans certaines écoles jusqu'au
XVIIe
siècle.; ainsi les classifications
d'Ol. Wormius (1655)
et de Jonston (1661)
ne représenteront-elles aucun progrès par rapport à
celle d'Avicenne.
Cependant les recherches
minéralogiques en vue de l'extraction des minéraux utiles
n'ont jamais cessé. Au VIe
siècle, les Slaves
et les Vénètes commencent à exploiter les mines de
Bohême
et, avant l'an 1000,
les riches mines de Hongrie ,
de Saxe ,
etc., sont découvertes. Deux siècles plus tard, Albert
le Grand (1193-1280)
écrit un traité de minéralogie dans lequel sont enseignées
les connaissances
du temps. Il apporta pour seule modification au système d'Avicenne
l'introduction de la dénomination de mineralia media pour
désigner les sels et les substances combustibles. Basile
Valentin, vers la même époque, faisait connaître
l'antimoine, et l'alchimiste Isaac introduisait des procédés
méthodiques dans l'analyse des métaux.
La Renaissance.
Mais il faudra attendre
l'époque de la Renaissance,
pour voir la minéralogie devenir l'objet d'études suivies.
Agricola
(1454-1455),
que Werner a appelé le père de
la métallurgie, s'empara des idées de Théophraste,
et bientôt une nouvelle ère commença pour la minéralogie.
Il donne, dans ses traités De re metallica et De natura
fossilium (1546),
la description de beaucoup de minéraux et emploie pour leur détermination
des caractères d'une assez grande valeur, comme la dureté,
la densité, la coloration, l'éclat, etc. Ce fut lui qui découvrit
le bismuth, et qui inventa, pour l'exploitation des mines et le traitement
des minerais, de nouvelles méthodes, qui subirent même peu
de changements jusqu'au XVIIIe
siècle.
Contemporain d'Agricola,
Paracelse,
livré tout entier aux travaux hermétiques, fut conduit par
eux à la connaissance du zinc. Encelius paraît être
le premier (1557)
qui ait présenté des vues judicieuses sur la classification
des minéraux, et Gessner (1563)
le premier qui ait écrit sur la cristallographie. En 1575,
Bernard
Palissy fit à Paris, sur la minéralogie
des cours qui furent suivis avec empressement.
Césalpin
(1596)
publia un essai de classification minéralogique que Whewell
a jugée très satisfaisante pour une époque où
la chimie était encore si peu avancée.
Le XVIIe
siècle.
G. Cesius, de Stockholm,
et Aldrovandi, au commencement du XVIIe
siècle, firent des tentatives du
même genre. Ils divisaient tous les minéraux ,
en terres, en fluides solidifiés, en pierres
et en métaux. Leurs idées, quoique mêlées
des idées de l'alchimie et de la cabale,
sont souvent raisonnables. Nicolas Sténon,
est le premier qui ait observé la constance de la forme dans les
cristaux, car, dans son livre De solido intra solidum contento,
publié en 1669,
il remarque que les angles d'un cristal hexagonal ne varient pas, quoique
ses côtés puissent varier.
Le goût des
collections naquit : on étudia le gisement des minéraux;
on sentit le besoin d'une classification fondée sur des principes
stables, et les ouvrages se multiplièrent. Bécher,
en 1664,
fit revivre la méthode de Théophraste
et d'Avicenne, et se livra à des recherches
relatives aux effets que produit le feu sur les minéraux. En Angleterre ,
le physicien Boyle observait, en 1673,
la propriété électrique de quelques-uns de ceux-ci.
Le XVIIIe
siècle.
Domenico Gulielmini
dans une dissertation sur les sels publiée en 1707,
reprend, pour sa part, les vues de Sténon, et observe que :
"attendu
qu'il y a un principe de cristallisation, l'inclinaison des plans et des
angles est toujours constante."
Whewell
dit que Gulielmini a pressenti les vues des cristallographes modernes relativement
à la manière dont les cristaux sont formés par les
molécules élémentaires (atomes). A ces auteurs
en succédèrent d'autres qui, sans faire de grandes découvertes
par eux-mêmes, préparèrent par leurs travaux le champ
que devaient féconder des chercheurs plus heureux. Parmi eux, on
cite Brandt, en 1723,
qui découvrit l'arsenic et le cobalt, Cappeler, qui publia son Prodromus
cristallographiae, la même année; Henkel
dont la Pyritologia porte la date de 1725;
et Bourguet, dont les Lettres philosophiques
sur la formation des sels et des cristaux parurent en 1729.
Mais déjà
le réformateur universel des sciences naturelles Linné,
avait introduit en la minéralogie l'importante considération
de la forme cristalline, et avait établi que les formes géométriques
des cristaux constituent leur caractère le plus essentiel. Malheureusement,
il ne sut pas en tirer un parti convenable, préoccupé qu'il
était de certaines idées cristallogéniques complètement
erronées dont on débattait depuis la Renaissance
(les minéraux possédaient-ils la vie, avaient-ils la faculté
de s'accroître? etc. ). Ainsi Linné a-t-il appliqué
aux minéraux le système de classification
qu'il avait adopté pour les animaux .
admet que les sels doivent être regardés comme des générateurs
: l'union de tel sel avec telle espèce de pierre est une sorte de
fécondation, laquelle communique à la pierre la faculté
de cristalliser sous la forme particulière au sel qui fait la fonction
de principe fécondant. Le diamant, par exemple, serait une espèce
d'alun cristallisant comme ce sel; aussi le naturaliste lui a-t-il donné
le nom d'Alumen adamas (alun diamant). En somme, il croyait trouver
dans le règne minéral le système sexuel dont il avait
déjà tiré parti pour classer les végétaux .
Bromel est le premier
(1750)
qui ait classé les minéraux
d'après leurs caractères pyrognostiques, c-à-d.
d'après la manière dont ils se comportent sous l'action de
la chaleur. Peu après, en 1756,
Cronstedt,
tenta un mode de classification tout à fait inconnu avant lui, car
il était fondé sur la composition élémentaire
des minéraux, quoiqu'il n'exclut pas les caractères extérieurs
et les propriétés faciles à reconnaître par
des expériences fort simples. Sa classification, comme celles introduites
par Linné, faisait appel aux notions de
classes, d'ordres, de genres et d'espèces. C'est à ce minéralogiste
que l'on doit la découverte du nickel et l'utile emploi du chalumeau.
Pendant ce temps, Gellert et Cartheuser essayaient aussi de classer les
minéraux; Lehmann enrichissait la minéralogie
d'observations nouvelles, tandis que l'étude de la chimie reconnaissait
l'existence de trois terres simples : la chaux, la silice et l'alumine.
Il furent suivi dans
cette voie par plusieurs auteurs, dont Wallerius, qui utilisa l'analyse
chimique pour tracer de grandes divisions qui se subdivisèrent d'après
les caractères extérieurs. Sa nomenclature, résumée
dans le tableau ci-dessous, est plus régulière que celle
d'aucun de ses devanciers; la description des espèces et des variétés
y est plus exacte qu'on ne l'avait faite jusqu'alors :
-
Terres |
Humus,
terres calcaires, gypseuses, etc., argiles, ocres, sables, etc. |
Pierres |
Ordre
I . Pierres clacaires : calcaire, spath, gypse, fluorine. |
Ordre
II. Pierres vitreuses : sables quartzeux, feldspath, quartz, gemmes
(diamant, rubis, topaze), grenat, agate, jaspe. |
Ordre
III. Pierres fusibles : zéolite, tourmaline, wolfram, etc. |
Ordre
IV . Pierres apyres : mica, talc. |
Ordre
V. Pierres composées (roches) : granit, micaschiste. |
Minerais |
Ordre
I. Sels : borax,
sel ammoniac. |
Ordre
II. Sulfures : bitume, succin, ambre, pyrite. |
Ordre
III. Semi-métalliques : mercure, arsenic, cobalt, nickel, antimoine,
bismuth, zinc. |
Ordre
IV : Métalliques : fer, cuivre, plomb, étain, argent, or,
platine. |
Concreta |
Laves,
roches, pétrifications. |
Ce fut alors que
la minéralogie devint en France
le sujet d'études profondes. Valmont de Bomare, s'attachant à
combiner ensemble les systèmes de Cartheuser,
de Wallerius, de Lehmann et de quelques autres
minéralogistes, et cherchant à éviter l'inconvénient
de divisions trop nombreuses, tomba dans un excès contraire par
l'établissement de dix classes seulement. Mais si sa classification
vicieuse est totalement oubliée aujourd'hui, il a rendu les plus
grands services à la minéralogie, par ses cours publics,
ce que l'on n'avait pas vu depuis Bernard Palissy,
et en faisant avec quelques disciples des excursions dans les environs
de Paris.
Vers l'année
1772,
Sage,
à qui l'on doit l'établissement de l'école des mines
de Paris, avança par ses travaux la
docimasie, ou l'art d'essayer
les minerais. Dans sa Minéralogie docimastique, il divise
les minéraux en trois classes dans la première sont les sels,
les acides, les soufres, les bitumes et les combustibles; la seconde renferme
les terres, les pierres simples, les roches
et les laves ;
les substances métalliques composent la troisième classe
: chacune se divise en un certain nombre d'ordres. Capeller avait reconnu,
peu de temps auparavant, une certaine analogie de formes dans les divers
cristaux d'une même substance.
L'impulsion était
donnée; la minéralogie ne pouvait plus ralentir sa marche.
Dellnyard venait de découvrir le tungstène, Gregor le titane,
Muller le tellure, Hielm le molybdène; et ces découvertes
se firent de 1781
à 1782.
Pendant que de Born, en Allemagne ,
établissait un système analogue à celui de Cronstedt;
que Bergmann suivait à peu près
la même marche, avec cette seule différence qu'il portait
à cinq, par suite de la découverte de la magnésie
et de la baryte, le nombre d'ordres des substances minérales, fixé
avant lui à trois; que le chimiste Kirwan
adoptait la même division, en rangeant toutefois le diamant parmi
les graphites.
D'un autre côté
le chef de la célèbre école de Freiberg ,
Werner,
s'efforçait de ramener la détermination des espèces
minérales à la simple considération des caractères
extérieurs, c.-à-d. de ceux que nous pouvons constater à
l'aide de nos seuls organes et sans le secours d'aucun instrument. Dans
sa nomenclature, les minéraux simples forment quatre classes : la
première comprend les terres et les pierres; la deuxième
les matières salines (sapides et solubles); la troisième,
les matières combustibles; la quatrième, les métaux.
C'était à peu près la marche qu'avait suivie Lehmann;
mais Werner partage la première classe en huit genres, dont le premier
ne comprend qu'une seule espèce, le diamant, parce que, fidèle
à ses idées sur l'importance des caractères extérieurs,
il lui semblait que la dureté de ce corps devait le placer en tête
des substances pierreuses; les sept autres genres sont ce que l'on appelait
alors les terres simples, c'est-à-dire la zircone, la silice,
l'argile la magnésie, la chaux, la baryte et la strontiane. Les
autres classes se composent d'autant de genres qu'il y a de sortes de sels,
de combustibles et de métaux. Chacun des genres contient un certain
nombre d'espèces, suivant le principe admis par ce savant, que les
minéraux qui diffèrent essentiellement des autres par leur
composition chimique doivent former des espèces différentes.
En France ,
en dépit de l'impasse dans laquelle conduisait cette approche, Daubenton
et surtout Romé
de l'Isle tentèrent encore de pousser
la minéralogie dans la direction indiquée par Linné.
Romé de l'Isle, qui était aussi l'ami et le disciple de Sage,
se livra à des recherches assez étendues relativement à
la cristallographie. Sa Cristallographie (1783)
est pleine d'observations précieuses sur la dérivation des
formes cristallines. Il ne fit pas de changements, à la nomenclature
de son maître, mais il sut comparer un grand nombre de cristaux;
il rechercha, dans les plus compliqués par leurs formes, les formes
plus simples qui leur avaient donné naissance; enfin il fit sentir
l'importance de la cristallisation dans la détermination des espèces
minérales.
Daubenton,
pour sa part, contribuait puissamment à l'avancement de la
minéralogie par un travail publié eu 1784,
et qui est vraiment remarquable pour cette époque. Peu satisfait
des résultats de l'analyse chimique, il divisa tous les minéraux
connus alors en quatre ordres : le premier comprenant les sables, les pierres
et les terres, et en appendice les agrégats; le deuxième,
les sels solubles dans l'eau; le troisième, les corps inflammables;
le quatrième, les métaux, qui sont suivis des produits volcaniques
en appendice. Ces ordres, dates cette nomenclature, se subdivisent en genres,
sortes et variétés, parce qu'elle n'admet pas d'espèces.
Le XIXe
siècle.
Dans un écrit
publié en 1801
par Dolomieu, ce savant géologue défendit
la nécessité d'établir en minéralogie des bases
fixes pour déterminer les espèces. Ce fut vers le même
temps que l'abbé Haüy
(1784
- 1801),
élève de Daubenton, fit une application
nouvelle des formes cristallines à la détermination de l'espèce
minéralogique. II parvint à déterminer la forme primaire
de tous les minéraux, et il montra comment les formes secondaires
dérivent de cette forme par les simples lois du décroissement.
Le premier il donna une définition rigoureuse de l'espèce
minérale, qui comprend à !a fois la considération
de la forme et de la composition élémentaire. Voici la classification
à laquelle il aboutit :
-
Acides
libres |
Acide
sulfurique; acide boracique |
Substance
métalliques
hétéropsides |
Genre
I . Chaux : C. carbonatée, C; phosphatée; C. fluatée,
etc. |
Genre
II. Baryte sulfatée, etc. |
Genre
III. Strontiane |
Genre
IV . Magnésie |
Ordre
V. Alumine, etc. |
La
silice et les silicates n'ayant pas de principe caractéristique
forment un appendice à cette deuxième classe. |
Substance
métalliques
autopsides |
Ordre
I. Minéraux du platine, de l'iridium, de l'or, de l'argent. Ceux
de chaque minéral forment un genre. |
Ordre
II. Métaux oxydables et réductibles immédiatement.
Mercure |
Ordre
III. Métaux oxydables, mais non réductibles immédiatement.
Minéraux du plomb, du nickel, du cuivre et de tous les autres métaux. |
Substances
combustibles
non
métalliques |
Soufre;
Diamant; Anthracite; Mellite. |
Appendice.
Substances phytogènes : bitume, houille, jais, succin. |
A la même époque
la chimie étendait encore le domaine de la minéralogie. Vauquelin,
en 1797,
avait découvert le chrome; Hatchett découvrit le tantale,
Wollaston,
le palladium et le rhodium; Descotis, en 1803,
l'iridium; Tennant,
l'osmium; et Berzélius;
en 1804,
fit la découverte du cérium.
En 1802
et en 1807,
Brochant
et Beudant publièrent chacun un traité
élémentaire. L'ouvrage de Brochant est rédigé
d'après les principes de Werner : ce que
nous avons dit de ce minéralogiste suffit pour donner une idée
de ce travail, qui eut une heureuse influence. Le travail de Brochant fut
fait d'après d'autres principes; il partagea les minéraux
en cinq classes :
1° celle
des oxygénés non métalliques;
2° celle des
sels non métalliques;
3° celle de pierres;
4° celle des
combustibles;
5°celle des métaux.
Chacune de ces classes
se divise en ordres. La première en comprend deux, l'ordre des oxygénés
non acides et l'ordre des oxygénés acides. La deuxième
classe comprend l'ordre de sels alcalins et l'ordre des sels terreux. Dans
la troisième classe se trouvent : l'ordre des pierres dures, l'ordre
des pierres onctueuses et l'ordre des pierres argiloïdes. La quatrième
renferme l'ordre des combustibles composés et l'ordre des combustibles
simples. Enfin, dans la cinquième sont compris : l'ordre des métaux
fragiles et l'ordre des métaux ductiles.
Par la suite, Brongniart
a proposé une autre classification des substances minérales,
que nous ferons connaître plus loin; il a publié en 1827
une classification des roches ,
qu'il comprend dans deux grandes classes : les roches homogènes
ou simples, divisées en deux ordres: les phanérogènes
et les adélogènes; les roches hétérogènes
ou composées, divisées également en deux ordres :
les roches de cristallisation et les roches d'agrégation.
Les importantes découvertes
de Davy vinrent modifier encore les opinions des
minéralogistes sur les bases d'une bonne classification. Ses recherches
lui firent connaître les éléments de ce qu'on appelait
terres et alcalis. La potasse, la soude, la baryte, la strontiane et la
chaux, ne furent plus pour ce chimiste que les oxydes des divers métaux
qu'il appela potassium, sodium, baryum, strontium et calcium. Ses expériences,
répétées par les autres chimistes, firent adopter
son opinion.
Dalton,
autre chimiste, se fondant sur la divisibilité de la matière
à l'infini, introduisit les idées atomistiques de Démocrite,
mais leur donna une application utile et positive. Il avait pris pour point
de départ de la comparaison des atomes des corps l'atome de l'hydrogène;
mais sa théorie manqua de stabilité, parce que ce gaz n'est
pas répandu dans tous les corps, et que son poids n'est pas parfaitement
connu. Cependant il ouvrit une nouvelle route dans laquelle Wollaston
se distingua, en adoptant pour unité des comparaisons atomiques
l'oxygène. Thompson et Berzélius
ne tardèrent pas à adopter son opinion. Mitschelich ayant
prouvé, par un grand nombre d'expériences, que les formes
des substances minérales peuvent, suivant les circonstances dans
lesquelles elles se trouvent, se modifier à l'infini, c'est-à-dire
qu'elles peuvent présenter les mêmes formes cristallines,
quoiqu'elles soient composées d'éléments différents,
pourvu que leurs atomes soient en nombre égal et combinés
de la même manière, on sentit plus que jamais l'insuffisance
des classifications minéralogiques qui n'étaient pas fondées
sur les principes de la nouvelle chimie. Wollaston
parvint à connaître, en 1818,
la pesanteur spécifique des corps à l'état gazeux,
et conséquemment le poids de leurs atomes.
La même année,
Stromeyer découvrit le cadmium; Arfwedson fit la découverte
du lithium; l'année suivante, Berzélius
étendit, plus que ne l'avait fait Cronstedt,
l'emploi du chalumeau, et démontra le secours que l'on peut en tirer
dans les analyses microscopiques. Jusqu'alors on s'était contenté
d'appliquer la chimie à la détermination des grands groupes
minéralogiques. Mohs est le premier qui ait essayé d'employer
le secours de l'analyse chimique pour déterminer les espèces
et les familles minérales. Les minéralogistes français
modifièrent alors leurs classifications. Berzélius fut celui
qui alla le plus loin sur cette route. Il rangea d'abord les substances
minérales d'après leurs éléments les plus électropositifs;
mais ensuite il proposa une seconde classification, d'après les
éléments électro-négatifs, et il en forma deux
classes, l'une comprenant les minéraux
composés à la manière des substances inorganiques,
et l'autre les minéraux composés à la manière
des substances organiques. L'oxygène étant l'élément
identifié comme le plus électro-négatif, toutes les
combinaisons oxygénées forment dans la nomenclature de Berzélius
une division à part, et se trouvent rangées sous l'oxygène,
qui devient ainsi le type d'une immense famille.
Les mêmes principes
ont servi de base aux méthodes de Beudant
et de Brongniart, que nous allons examiner.
Beudant divise les substances minérales en classes, familles, genres,
espèces et variétés. Les classes, au nombre de trois,
portent les dénominations suivantes, proposées par Ampère,
à savoir :
1° les
gazolytes, substances renfermant, comme principe électronégatif,
des corps gazeux, liquides ou solides susceptibles de former des combinaisons
gazeuses permanentes avec l'oxygène, l'hydrogène, ou avec
le fluor;
2° les leucolytes,
substances renfermant, comme principe électronégatif des
corps solides qui ne donnent généralement que des solutions
blanches avec les acides, et ne sont point susceptibles de former des gaz
permanents;
3° les chroïcolyles,
substances renfermant, comme principe électro-négatif, des
corps solides susceptibles de former des sels ou des solutions colorées,
et ne se réduisant jamais en gaz permanent.
Brongniart,
dans sa nouvelle classification, s'est soustrait à la prétendue
nécessité de prendre un seul principe pour classer les corps
qui constituent le règne minéral. Il a été
frappé des avantages qu'il y avait à adopter pour la classification
des pierres et des alcalis un principe différent de celui que semble
exiger la classification de métaux. Il a cru plus convenable ou
plus naturel de prendre l'acide ou l'élément négatif
comme principe commun dans la classification des pierres et des sels alcalins,
et la base ou l'élément positif pour le groupement en genres
des métaux proprement dits. La classification par les bases, si
peu naturelle pour les pierres, dit-il, est, au contraire, très
naturelle pour les combinaisons dans lesquelles les métaux se présentent
comme éléments fondamentaux.
Et après.
La science minéralogique
ainsi constituée, toutes les découvertes modernes faites
en physique et en chimie ont répandu sur elle de nouvelles lumières
et ont puissamment concouru à ses progrès. Telles sont les
découvertes de l'isomérie, de l'isomorphisme, de la polarisation
de la lumière, etc. Et il est ici à noter que, contrairement
aux autres branches des sciences naturelles, le nombre des minéraux
a diminué. Avant l'emploi des méthodes modernes, le même
minéral portait en effet des noms différents suivant son
état d'agrégation, sa couleur, etc. Il en est résulté
de nombreuses suppressions, que n'a nullement compensées le nombre
des minéraux découverts annuellement.
L'historique des
propriétés chimiques appartient à l'histoire de la
chimie. De même celui des propriétés physiques (élasticité,
double réfraction, pyro- et piézoélectricité,
etc.) appartient à l'histoire de la physique. Nous n'avons donc
pas à nous en occuper ici. On notera seulement que Max von Laue,
en 1912,
a appliqué la diffraction des rayons X par les cristaux pour étudier
les minéraux et a ainsi confirmé les vues avancées
par Haüy.
L'identification des minéraux s'en est trouvé facilitée
grandement, en même temps que les anciennes tentatives de classification,
calquées sur les concepts à l'oeuvre en biologie, se sont
avérées inadéquates. Le tableau que l'on trouvera
dans la page de ce site consacrée aux minéraux
donnera une idée des grandes lignes de la classification des minéraux
actuellement adoptée. |
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