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Dans
son acception la plus courante le mot alchimie désigne l'ancienne
chimie
et particulièrement l'art supposé de la transmutation des métaux en
or et en argent. Le livre grec de la chimie métallique, l'un des plus
vieux ouvrages relatifs à cet art, comprenait la chrysopée ou
art de faire de l'or, l'argyropée ou art de faire de l'argent,
la fixation du mercure; il traitait des alliages, des verres colorés et
émaux
et de la teinture des étoffes en pourpre. Telle est la liste des connaissances
pratiques que l'alchimie enseignait à l'origine, et dont elle faisait
la théorie. Elle prétendait à la fois enrichir
ses adeptes en leur apprenant à fabriquer l'or et l'argent, les mettre
à l'abri des maladies par la préparation de la panacée, enfin, et peut-être
surtout, leur procurer le bonheur parfait en
les identifiant avec l'âme
du monde et l'esprit universel. Cette dernière
prétention montre qu'on ne peut pas réduire l'alchimie a un simple ensemble
de techniques, celles-ci seraient-elles appuyées par un corpus théorique
complexe. L'alchimie est aussi avant tout l'expression d'un regard sur
le monde, qui, à côté de pratiques concrètes impliquant la matière,
développe une spéculation philosophique
et cosmologique, dite philosophie
hermétique, qui implique en premier lieu l'esprit, ou plutôt le dialogue
de l'esprit et de la matière.
Ainsi l'alchimie
n'est pas simplement l'ancienne chimie, et encore moins la seule chimie
du Moyen âge ,
comme l'art sacré ou art hermétique, qu'elle
prolonge, n'aurait été que la chimie des savants de l'école
d'Alexandrie. C'est un système
de pensée, que l'on a pu qualifier de mystique
pratique, et dont on trouve des analogues ailleurs qu'en Occident,
à commencer par la Chine
où la chimie pratique interprétée dans le cadre du taoïsme
( Lao Tse)
a donné naissance, indépendamment, à une autre « alchimie ». On commettrait
donc un contre-sens si l'on ne voyait dans les alchimistes que des rats
de laboratoire, impatients devant leurs cornues, seulement motivés par
la soif de l'or. Il y en a eu sans doute qui n'ont été que cela. Mais,
à y bien regarder, ce qui caractérisait l'alchimiste, c'était au contraire
la patience. Il transmettait à ses enfants les secrets d'une expérience
inachevée. Et son expérience était un cheminement, une éducation au
monde avant tout.
Bien sûr, chemin
faisant, ce sont les alchimistes qui ont amassé un à un, péniblement,
les matériaux de la chimie moderne. Nous leur devons la découverte des
acides sulfurique, chlorhydrique, nitrique, de l'ammoniaque, des alcalis
(bases), de l'alcool, de l'éther, du bleu de Prusse, etc. La pierre philosophale,
assurément était une chimère, mais, pour savoir qu'elle n'existe pas,
il fallut examiner, observer avec toutes les ressources du temps, tout
ce qui était accessible aux investigations. Sans ces patientes recherches,
la chimie n'existerait pas dans son état actuel de perfection. Si donc,
comme on va le faire dans les pages de ce site, où l'on aborde l'alchimie
principalement dans la perspective de l'histoire de la chimie ,
il convient de garder à l'esprit que l'alchime a été, pour ceux qui
l'on pratiquée, tout autre chose que ce que nous appellerions aujourd'hui
une préchimie. |
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Les
origines de l'alchimie
Le mot alchimie
n'est autre que celui de chimie, avec addition de l'article al,
par les Arabes. Ce mot a été rattaché par plusieurs, par Champollion
notamment, Ã celui de l'Egypte ,
Chemi,
mot que les Hébreux ont traduit par Terre
de Cham; on peut en rapprocher le nom d'un ouvrage fondamental,
Chema,
cité par Zosime
(alchimiste grec du Ve
siècle, auteur d'un traité sur l'art de faire de l'or),
et celui d'un vieux livre, Chemi, connu des égyptologues, tous
noms qui semblent aussi rappeler le nom de l'Égypte. Ainsi cette étymologie
est restée vraisemblable, à côté de celle qui tire le nom de chimie
du grec cheuô = fondre : d'où chymes, chyme, et
les mots congénères. Au début du IIIe
siècle, Alexandre
d'Aphrodisie ( Commentaire
des météorologiques), célèbre commentateur d'Aristote,
parle, en effet, le premier d'instruments chimiques ou plutôt chyiques
(cuika organa),
en traitant de la fusion et de la calcination. Le creuset (thganon),
où l'on fondait les métaux, était un de ces instruments. Quoi qu'il
en soit, il s'écoula encore plusieurs siècles avant que le nom de chimie
fût généralement adopté.
Du mythe à l'histoire.
L'histoire de l'alchimie
est fort obscure. C'est une science sans racine apparente, qui se manifeste
tout à coup au moment de la chute de l'empire romain et qui se développe
pendant tout le Moyen âge ,
au milieu des mystères
et des symboles, sans sortir de l'état de doctrine occulte
et persécutée : les savants et les philosophes - ceux que nous appellerons
proprement alchimistes - s'y mêlent et s'y confondent avec les hallucinés,
les magiciens, les charlatans et souvent même
avec les scélérats, escrocs, empoisonneurs et falsificateurs de monnaie.
Essayons de percer le mystère des origines de l'alchimie et de montrer
par quels liens elle se rattache à la fois aux procédés industriels
des anciens Egyptiens ( La métallurgie
antique ),
aux théories spéculatives des philosophes
grecs et aux élaborations mystiques
des Alexandrins
et des Gnostiques.
A cette fin, voyons
d'abord quelle idée les premiers alchimistes se faisaient des origines
de leur science, idée qui porte le cachet et la date des conceptions religieuses
et mystiques de leur époque. C'était une tradition universelle parmi
les alchimistes que la science avait été fondée par Hermès
: d'où la dénomination d'art hermétique, usitée jusqu'aux temps modernes.
Isis ,
Osiris ,
et les dieux consacrés de l'Egypte ,
sont souvent cités par les vieux auteurs. Le nom même de l'antique Chéops,
autrement dit Souphis ou Sophé, suivant les dialectes, figure en tête
de deux livres de Zosime.
Sans doute, on peut
invoquer ici une tendance de la part des inventeurs méconnus ou persécutés
: celle de rattacher leur science à des origines illustres et vénérables.
Mais le choix même de ces ancêtres apocryphes n'est pas arbitraire; il
repose d'ordinaire sur quelque tradition réelle, plus ou moins défigurée.
Il est certain en effet qu'il existait en Egypte
tout un ensemble de connaissances pratiques fort anciennes, relatives Ã
l'industrie des métaux, des bronzes, des verres et des émaux, ainsi qu'Ã
la fabrication des médicaments. Les Grecs,
en recevant des Égyptiens ces connaissances et ce goût du secret qu'y
entretenaient les artisans, lui donnèrent le nom de science
hermétique, de Hermès Trismégiste
ou Toth ,
dieu à qui les Égyptiens attribuaient l'invention des arts et des sciences
et la rédaction des livres hermétiques qui formaient la base de l'étude
de l'art sacré.
L'art sacré et
l'origine de la chimie théorique.
L'art
sacré nous apparaît aujourd'hui comme une chimie enveloppée de symboles
et de dogmes religieux. On voit apparaître tout à coup l'art sacré vers
le IIIe
ou IVe
siècle de l'ère chrétienne, à l'époque
de la grande lutte qui éclata entre le paganisme et la religion chrétienne ,
c'est-à -dire à l'époque où tous les mystères ,
si longtemps dérobés à la connaissance du profane, furent mis en discussion
et exposés aux regards du vulgaire. Dans cette lutte à mort, où deux
religions, l'une vieille, l'autre jeune, fixaient l'attention du monde,
il fallait montrer les armes dont chacune allait se servir.
C'est de la précieuse
collection des manuscrits grecs qui nous sont parvenus qu'il a été possible
de tirer à peu près tout ce que l'on sait aujourd'hui sur la science
sacrée (episthmh iera)
ou l'art divin et sacré (tecnh qeia kai iera).
Ces textes, contemporains des écrits des gnostiques
et de ceux des derniers Néoplatoniciens,
établissent la filiation complexe, à la fois égyptienne ,
babylonienne
et grecque
de l'alchimie. Ils comprennent des papyrus
conservés dans le musée de Leyde, et des manuscrits écrits sur parchemin,
sur papier de chiffe et sur papier ordinaire, lesquels existent dans la
plupart des grandes bibliothèques d'Europe ,
notamment dans la Bibliothèque nationale
de Pariset dans la bibliothèque de Saint-Marc
à Venise.
On y découvre, qu'Ã
côté des praticiens, il y eut de bonne heure des théoriciens, qui avaient
la prétention de dominer et de diriger les expérimentateurs. Les Grecs
surtout, occupés à transformer en philosophie
les spéculations mystiques et religieuses de l'Orient, construisirent
des théories métaphysiques subtiles sur
la constitution des corps et leurs métamorphoses. Ces théories se manifestent
dès l'origine de l'alchimie; elles dérivent des doctrines de l'école
ionienne et des philosophes naturalistes sur les éléments ,
et plus nettement encore des doctrines platoniciennes
sur la matière première ,
qui est devenue le mercure des philosophes.
L'alchimie
médiévale
Les doctrines élaborés
au cours de l'Antiquité tardive seront reprises successivement par
les Arabes et par les adeptes du Moyen âge chrétien ,
et elles seront même, pour certaines, encore soutenues jusqu'au temps
de Lavoisier. Ce qui était autrefois l'art
sacré prend désormais proprement le nom d'alchimie, tout en conservant
son langage symbolique et ses allures mystérieuses.
L'alchimie arabo-musulmane.
La conquête de
l'Egypte ,
au VIIe
siècle, mit les Arabes en possession
de cet art, qui devint l'objet de leurs travaux et qu'ils répandirent
en Occident. La science d'Hermès Trismégiste
fit l'objet des recherches, d'abord secrètes, de quelques disciples enthousiastes.
Mais dès que l'empire des Califes fut fondé
et que les Arabes commencèrent à cultiver au grand jour les sciences
connues de leur temps, l'art
sacré redevint, sous le nom d'alchimie, le but des travaux
d'un grand nombre de personnalités remarquables. On mentionnera : Abou-Moussah-Djaffar
al-Sofi, plus connu sous le nom de Geber, alchimiste
du VIIIe siècle
et inventeur d'une panacée universelle
qu'il appelait élixir rouge
et qui n'était qu'une dissolution d'or; au IXe
siècle; Mohammed Abou Bekr Ibn Zacaria (Rhazès);
au Xe siècle;
Abou Ali Hossein Ibn Sina (Avicenne); au XIIe
siècle, Ibn Rochd (Averroès).
L'alchimie dans
l'Europe chrétienne.
A la suite des croisades ,
au XIIIe siècle,
l'alchimie pénètre en Europe occidentale ,
et nous trouvons aux premiers rangs de ses adeptes : en Angleterre ,
le moine Roger Bacon; en Allemagne, Albert
de Bollstad, évêque de Ratisbonne (Albert
le Grand); en Italie ,
saint Thomas d'Aquin ;
en France ,
le médecin Arnaud de Villeneuve, et son disciple
Raymond
Lulle, en Espagne .
Au XIVe siècle,
apparaît le célèbre Nicolas Flamel, écrivain,
libraire de l'Université de Paris, qui n'était
sans doute pas alchimiste lui-même, mais dont le nom a servi à signer
plusieurs écrits hermétiques. Il vit en tout cas à l'époque où l'on
cultivait le plus ardemment l'alchimie en France, qui coïncide avec les
règnes des rois Jean et Philippe
le Bel, qui passent, pour avoir le plus abusé de l'altération des
monnaies. Nous nous bornerons à citer parmi les alchimistes d'alors, Guillaume
de Paris, Odomar, Jean de Roquetaillade et Ortholain. Au XVe
siècle, Basile Valentin, auteur
pseudonyme si connu par ses travaux sur l'antimoine.
-
Le
laboratoire d'alchimie,
par
Jan
Vredeman de Vries (ca. 1590).
Pendant cette dernière phase de son existence,
l'alchimie subit la double transformation que doit offrir toute science
tenue secrète. Si l'on continue ici à mettre de côté la dimension symbolique
et mystique de l'alchimie, pour n'en retenir que son versant pratique,
on constate que d'un côté, elle s'enrichissait et se perfectionnait d'une
manière continue, quoique lente, jusqu'au moment où elle se constitua
au grand jour en une science nouvelle, la chimie ,
dont les progrès furent dès ce moment si rapides. De l'autre, elle s'égarait
de plus en plus à la poursuite de deux chimères : la pierre philosophale
ou substance propre à convertir les métaux vils en métaux précieux,
or
ou argent, et la panacée universelle ,
remède capable de guérir tous les maux, de rajeunir la vieillesse et
de prolonger indéfiniment l'existence. Les travaux accomplis dans le but
de découvrir la pierre philosophale et d'opérer la transmutation des
métaux, constituaient le grand oeuvre, qui dans l'origine embrassait également
la recherche de la panacée, mais qui s'en sépara plus tard.
Au XVIe
siècle,
Paracelse,
qui popularisa les préparations opiacées et opéra une révolution dans
la médecine. A partir de cette époque, l'alchimie, devenue presque entièrement
médicale - c'est ce que Paracelse appelait la médecine spagirique
-, perdit peu à peu de son empire sur les esprits, tandis que d'un autre
côté Paracelse en divulguant les secrets de la science à Bâle
dans la première chaire de chimie qui ait été fondée dans le monde
(1527), préparait sa transformation
dans la chimie moderne. L'alchimie n'en quitta
pas pour autant complètement la scène. Il se fonda une société
secrète, les Rose-Croix, qui cultivèrent
principalement la dimension mystique de l'alchimie,
mais des alchimistes traditionnels continuèrent d'exister (Blaise
de Vigenère au XVIe
siècle, Eyrénée Philalèthe, au XVIIe,
etc). Parmi les derniers auteurs non alchimistes qui ont cru Ã
la pierre philosophale, nous nous bornerons à citer Glauber,
Bécher,
Kunckel,
et semble-t-il, Stahl, qui ont laissé, d'autre
part, une réputation solide en chimie. Spinoza,
Leibniz
croyaient encore à la pierre philosophale, à la transmutation des métaux.
-
L'Alchimiste.
Taleau
de William Fettes Douglas (ca. 1855).
En 1781,
un certain docteur Price s'acquit une célébrité, après avoir exécuté
publiquement à sept reprises différentes, la transformation du
mercure en or ou en argent, au moyen de poudres de projection. (Pressé
par la Société royale de Londres,
dont il faisait partie, de répéter ses expériences devant elle, il s'empoisonna
avec de l'huile volatile de laurier-cerise). Au XIXe
siècle l'alchimie compte encore des adeptes
comme Tiffereau, Balet, Papus, Strindberg, etc., et des journaux tels que
l'Hyperchimie. Au XXe
siècle, on peut encore citer les noms
de Fulcanelli, d'Eugène Canseliet et d'Armand Barbault. |
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Les
doctrines chimiques de l'alchimie
L'art hermétique
(art sacré, alchimie médiévale), tel qu'il
fut compris, se proposait deux buts pratiques :
1° trouver
la substance propre à transformer les métaux vils en or et en argent;
c'était la pierre philosophale.
2° découvrir un
élixir
capable de guérir tous les maux et de prolonger la vie de l'humains; c'était
la panacée universelle.
Les alchimistes distinguaient
deux espèces de métaux les métaux inaltérables au feu (métaux nobles),
et ceux à qui la chaleur fait perdre leur éclat et leur ductilité, c'étaient
les métaux imparfaits ou demi-métaux. Les uns et les autres étaient
pour eux des corps composés, et composés des mêmes principes. Chaque
métal s'éloignait plus ou moins du plus noble des métaux, de l'or, selon
l'état plus ou moins grossier, du soufre et du mercure que d'après eux
il contenait; c'est sur le soufre et le mercure que roulaient toutes les
combinaisons qu'ils voyaient s'opérer et tous les changements qu'ils croyaient
possibles.
La fabrication des
émaux et des alliages leur suggérait deux moyens de compléter les imitations
des métaux parfaits. Ils supposaient qu'un métal parfait, mis en contact
avec un métal imparfait, devait lui communiquer sa perfection. Le second
moyen consistait à teindre les métaux en or d'une façon intime et complète.
De là l'invention d'un principe colorant ou poudre de projection, qui
devint la pierre philosophale et qui devait multiplier l'or. Ils donnaient
le nom de grand oeuvre aux travaux accomplis dans ce but.
Les métaux.
Suivant les alchimistes
alexandrins et leurs successeurs médiévaux, tous les métaux sont composés
de mercure et de soufre : au fond, ils sont donc identiques et ne diffèrent
les uns des autres que par l'état plus ou moins grossier dans lequel se
trouvent leurs éléments constitutifs : la nature, par la suite des siècles,
convertit les métaux vils en métaux précieux; en conséquence l'humain,
par l'étude , doit arriver à opérer instantanément cette transformation.
Cette double idée se trouve très clairement exprimée dans ce passage
d'un ouvrage attribué à Thomas d'Aquin et intitulé
Secreta
alchyymiae magnalia.
« La matière
substantielle de tous les métaux est le vif-argent coagulé par une congélation
faible dans quelques-uns, forte dans quelques autres. Le degré des métaux
correspond au degré de l'action de leurs planètes et du vif-argent congelé
de soufre pur; et ainsi les métaux où celui-ci est terreux et peu congelé
ont en eux et en puissance par rapport aux autres métaux, la virtualité
de la matière (modum materiae); de sorte que le plomb étant du
vif-argent terreux et peu congelé par du soufre subtil et peu abondant,
et étant soumis â une action planétaire distante et peu énergique,
a en lui puissance pour l'étain , le cuivre, le fer, l'argent et l'or.
L'étain est du vif-argent faiblement coagulé par du soufre impur et grossier;
c'est pourquoi il y a en lui puissance pour le cuivre, le fer, l'argent
et l'or. Le fer est du vif argent grossier et terreux fortement coagulé
par du soufre grossier terreux; c'est pourquoi il a puissance pour le cuivre,
l'argent et l'or. Le cuivre est du vif-argent médiocrement pur, coagulé
par beaucoup de soufre, sa planète aidant; c'est pourquoi il a puissance
pour l'argent et pour l'or.
L'argent est du soufre
blanc, clair , subtil, incombustible, et du vit-argent subtil, coagulé,
limpide et clair, soumis à l'action de la lune sa planète; c'est pourquoi
il n'y a en lui de puissance que pour l'or. L'or est le plus parfait des
métaux; il est de soufre rouge, clair, subtil , incombustible, et de vif
argent clair et subtil; il est fortement coagulé et soumis à l'action
du soleil; c'est pourquoi il ne peut être brûlé même par le soufre
qui brûle tous les autres métaux. Il est donc évident que de tous les
métaux on peut faire l'or, et que de tous les métaux, à part l'or, on
peut faire l'argent. Cela se voit d'ailleurs par les mines d'argent et
d'or, desquelles on retire aussi tous les autres métaux. Ils y sont mêlés
avec l'essence d'or et d'argent; et il n'est pas douteux qu'avec le temps
l'action de la nature les changerait eux-mêmes en or et en argent. »
La pierre philosophale.
Par le terme de
pierre philosophale, objet de tous leurs travaux, les alchimistes entendaient
une substance quelconque, soit solide, soit liquide, ayant la propriété
de multiplier l'or ou l'argent. Cette recherche pouvait se faire de deux
manières, par la voie sèche, et par la voie humide. La première, qui
était celle où l'on employait la calcination, donnait la pierre philosophale
sous forme d'une poudre blanche ou rouge, qui constituait la poudre de
projection. La blanche, projetée sur le métal inférieur, ne pouvait
donner naissance qu'Ã de l'argent; la rouge seule produisait de l'or.
Dans les recherches par la voie humide, on avait principalement recours
à la distillation. Raymond Lulle, qui passait
pour avoir obtenu la pierre philosophale par ce moyen, la nomme élixir
des sages. Les travaux accomplis par l'alchimiste pour la recherche de
la pierre, et pour transmuer les métaux, constituaient le grand-oeuvre.
La panacée universelle.
Quant à la médecine
universelle, sa recherche ne paraît pas, dans le principe, distincte de
celle de le pierre philosophale; les alchimistes semblent même croire
que celle-ci devait également posséder la faculté de rajeunir les humains
et de guérir tous les maux. Plus tard, on rechercha séparément cet élixir
merveilleux.
-
Un
Alchimiste,
par David Téniers.
La
science des faussaires
De bonne heure, des doutes s'étaient élevés
sur la capacité des alchimistes à produire de l'or, et, à partir de
la Renaissance ,
les bons esprits avaient cessé, pour la plupart, de croire à la transmutation.
De plus en plus, la recherche de celle-ci était devenue l'apanage des
esprits chimériques, des fous et des charlatans. Ces derniers, en particulier,
n'avaient pas cessé d'exploiter la crédulité des gens riches et des
grands seigneurs, et c'est au XVIe
siècle même que cette exploitation atteignit peut-être son
plus haut degré. Il convient de dire quelques mots de leurs artifices.
L'idée des richesses immenses que l'on
pourrait acquérir à l'aide de la pierre philosophale frappait vivement
l'imagination et le désir de posséder cette pierre portait à en admettre
la possibilité, ce qui ouvrait un vaste champ à l'imposture. D'après
Geoffroy l'aîné (1722), voici les
principales supercheries employées par les imposteurs, pour convaincre
leurs dupes aveuglées par leurs promesses et disposées à leur avancer
les sommes prétendues nécessaires pour exécuter leurs expériences.
Ils se servaient souvent de creusets et de coupelles doublées, dont le
fond était garni avec des oxydes d'or ou d'argent, puis recouvert d'une
pâte appropriée.
D'autres fois, ils faisaient un trou dans
un charbon, et ils y coulaient de la poudre d'or ou d'argent; ou bien ils
imbibaient des charbons avec les dissolutions de ces métaux, puis ils
les pulvérisaient pour les projeter sur les matières destinées à être
transmutées. Les papiers destinés à envelopper les produits étaient
imprégnés des mêmes réactifs. Les cartes, les verres, les vases et
matières de toute nature, les contenaient à l'avance, à l'état de poudre
ou de liqueurs imbibées. Ils remuaient les substances fondues avec des
baguettes ou bâtonnets de bois, creusés à l'extrémité, et dont le
trou était rempli de limaille d'or ou d'argent, puis rebouché. Ils mêlaient
les oxydes et les sels d'or et d'argent avec les oxydes de plomb, d'antimoine
ou de mercure. Ils enfermaient dans du plomb des grenailles ou des petits
lingots d'or et d'argent, qui reparaissaient après calcination à la coupelle.
L'or blanchi au mercure était donné
pour étain ou argent. Le mercure chargé de zinc et passé sur le cuivre
rouge le teignait en or. Quelques préparations arsénicales blanchissaient
le cuivre : ce qui était réputé un commencement de transmutation. Les
eaux fortes employées dans les traitements contenaient déjà de l'or
et de l'argent dissous. Un moine présenta à la reine d'Angleterre Elisabeth
Ire un
couteau dont l'extrémité de la lame était en or, recouvert d'une couleur
de fer. En le trempant dans une liqueur jusqu'au niveau convenable, la
teinture disparut et la pointe du couteau parut changée en or. Cette fraude
a été souvent reproduite sur des clous moitié fer, moitié or ou argent;
sur des pièces de monnaie et médailles moitié or, moitié argent, ou
bien d'or fourré d'argent et soi disant transmutés par une immersion
partielle dans l'élixir des philosophes. Une petite boîte à savonnette
en cuivre rouge à demi remplie par une poudre blanche de chlorure d'argent,
mêlé d'autres ingrédients, puis mise sur le feu, de façon à en faire
rougir le fond sans le fondre, étant ouverte ensuite laissait apercevoir
la partie supérieure de la boîte en partie convertie en argent.
Bien des gens, dans tous les temps, et
jusqu'à une époque relativement récente, ont été trompés et même
ruinés par de semblables impostures. Dans les années 1880, un individu
mit en gage, au mont de piété de Paris (Crédit
municipal), un lingot d'argent prétendu, sur lequel on prêta, assez légèrement,
une partie de la valeur prétendue. Le remboursement n'ayant pas eu lieu,
le lingot fut envoyé à la Monnaie de Paris, qui n'y trouva que quelques
centièmes d'argent. Mais l'escroc prétendit que les essayeurs n'entendaient
rien à son alliage, qu'il avait un procédé d'analyse à lui, par lequel
il se faisait fort de démontrer qu'il contenait 95 centièmes d'argent;
son avocat soutint qu'on devait l'autoriser à faire la preuve lui-même,
et peu s'en fallut que le tribunal ne lui donnât gain de cause. (M.
D. / NLI / DV / Berthelot).
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En
bibliothèque. -
Thomson, History of Chemistry (Londres, 1830); Hoefer, Histoire
de la chimie et Dictionnaire de physique; Dumas,
Leçons sur la philosophie chimique. (Paris, 1866); Histoire de
la physique et de la chimie; Kopp, Geschichte der Chemie et Beitraege
zur Geschichte der Chemie; Berthelot, Origines de l'Alchimie
(Paris, 1885), et la Chimie au Moyen âge (Paris, 1893). (Pour l'élaboration
de différentes pages consacrées à l'alchime dans ce site, nous avons
abondamment repris les des textes de Berthelot et de Hoefer, parfois combinés
entre eux et modifiés)
En
librairie. -
Sur l'alchimie : Pierre Lazlo, Qu'est-ce que l'alchimie, Hachette,
2003; Betty Teeter Dobbs, Les fondements d'Alchimie de Newton, Guy
Trédaniel, 2002;Françoise Bonardel, Philosophie de l'Alchimie,Grand
oeuvre et modernité, PUF, 2000;de la même, L'Hermétisme,
PUF, QSJ,1985,;Suzanne Thiolier-Mejean, Alchimie médiévale, Presses
de l'Université Paris-Sorbonne, 1999;Serge Hutin, Les alchimistes du
Moyen âge, Hachette, réed. 1995; Olivier Lafont, D'Aristote Ã
lavoisier, Les étapes de la naissance d'une science, Ellipses, 1994;
S. Matton, Jean-Claude Margolin, Alchimie et philosophie à la renaissance,
Vrin, 1993.;B. Joly,Rationalité de l'alchimie au XVIIe siècle,Vrin,
1992.;Pierre Lory, Alchimie et mystique en terre d'Islam, Verdier,
1989.
Ouvrages
d'alchimistes : Jabir Ibn Hayyan, Dix traités d'alchimie, Actes Sud,
1999; Nicolas Flamel, Oeuvres, Courrier du Livre, 1989; Eugène
Canseliet, Trois anciens traités d'alchimie, Pauvert,1996; du même,
L'hérmétisme dans la vie de Swift et dans ses voyages, Fata Morgana,1983;
Fulcanelli, Les demeures philosophales (2 vol.), Pauvert,1976; du
même, Le mystère des cathédrales, Pauvert, 1976.
Romans
: Marguerite Yourcenar, L'Oeuvre au noir,
Gallimard, Foliothèque, 1993; Paulo Coelho, L'Alchimiste, Livre
de Poche, 2001.
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