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Les
Foraminifères
(du latin foramen = trou, et, fero = je porte, Ã cause des
pores nombreux de la coquille donnant passage aux filaments qui servent
à la reptation) sont des Protozoaires du
groupe des Rhizopodes. Ce nom a été donné,
en 1826, par Alcide d'Orbigny,
à de petits animaux protégés par une coquille
et infiniment multipliés sur les plages maritimes; leur rôle dépasse
tout ce qu'on peut imaginer.
Qui ne s'effraierait,
dit Alcide d'Orbigny, en songeant que le sable de tout le littoral des
mers est tellement rempli de ces coquilles microscopiques, si élégantes
de forme, que l'on peut dire qu'il en est souvent à moitié composé?
Plancus en a compté 6000 dans une once (30,59 g) de sable de l'Adriatique,
et nous en avons trouvé jusqu'à 480.000 par 3 grammes de sable choisi
aux Antilles
[...]. L'étude que nous avons faite du sable de toutes les parties du
monde nous a démontré que leurs restes forment, en grande partie, les
bancs qui gênent la navigation, viennent obstruer les golfes et les détroits,
combler les ports (nous en avons la preuve dans celui d'Alexandrie),
et forment, avec les coraux, ces îles qui surgissent tous les jours au
sein des régions chaudes du grand Océan.
Si l'on juge du rôle actuel des Foraminifères par ce qu'on voit dans
les couches de l'écorce de la Terre,
on se convaincra de ce que nous venons d'avancer pour les espèces vivantes.
Il nous sera facile de démontrer par des faits qu'ils entrent pour beaucoup
dans la composition de couches entières. A l'époque des terrains carbonifères,
une seule espèce du genre Fusulina a formé, en Russie,
des bancs énormes de calcaire. Les terrains
crétacés en montrent une immense quantité dans la craie blanche,
depuis la Champagne jusqu'en Angleterre. Les terrains tertiaires plus que
tous les autres viendront nous en donner la preuve évidente, témoin les
nummulites, dont est bâtie la plus grande des pyramides d'Égypte
(Descript. de l'Egypte; Hist. nat., t. II ), le nombre prodigieux
des Foraminifères des bassins tertiaires de la Gironde, de l'Autriche,
de l'Italie
et surtout les calcaires grossiersdu vaste Bassin parisien. Ces couches,
dans certaines parties, en sont tellement pétries, qu'un pouce cube (0,
000 019 386 m3) de la pierre des carrières de Gentilly nous en a offert
plus de 58 000, et cela dans des couches d'une grande puissance, résultat
qui fait supposer par mètre cube à peu près 3 milliards et nous dispense
de pousser plus loin les calculs. On peut donc en conclure sans exagération
que la capitale de la France
est presque bâtie avec des Foraminifères, ainsi que les villes et villages
de quelques-uns des départements qui l'avoisinent. Ainsi ces coquilles,
à peine saisissables à la vue simple, changent aujourd'hui la profondeur
des eaux du la mer et ont, aux diverses époques géologiques, comblé
dos bassins d'une étendue considérable. (Dict. univ.
d'hist. nat., t. V, 662).
C'est vers le milieu
du XVIIIe siècle que sont pour la première
fois signalés, parmi les curiosités merveilleuses révélées par le
microscope, ces petits êtres si étonnamment répandus autour de nous.
La forme de leurs coquilles engagea Linné à les rapprocher des Ammonites
et des Nautiles, et ils furent, jusqu'en 1835,
rangés pur tous les naturalistes parmi les Mollusques
céphalopodes. Des observations de F. Dujardin, d'Alcide d'Orbigny
et de quelques autres firent enfin connaître l'extrême simplicité de
ces organismes; ils furent dès lors classés parmi les
zoophytes
ou animaux rayonnés, à côté des Infusoires.
Les uns ont considéré par la suite les Foraminifères comme formant une
classe particulière; c'était l'opinion d'Alcide d'Orbigny; les autres
en ont fait un ordre de la classe des Infusoires. Aujourd'hui, comme on
l'a dit, on en fait un ordre de la classe des Rhizopodes,
qui avec les Infusoires et les Sporozaires
forment le groupe des Protozoaires.
Caractères
des Foraminifères
Les Foraminifères sont
généralement des animaux microscopiques dont le corps est tantôt
une masse charnue globuleuse, tantôt composé de lobes on segments juxtaposés
et dont chacun ressemble au globule unique qui constitue tout le corps
chez les premiers. Ce corps, quelle que soit sa forme, est d'une seule
et même substance, sans qu'on y ait pu distinguer jusqu'ici d'organe intérieur;
il porte des filaments contractiles très extensibles, très variés de
forme suivant les espèces et placés d'une manière non moins variée.
C'est au moyen de ces filaments que ces organismes, s'attachant aux corps
fixes, attirent leur propre corps et parviennent à progresser. Enfin,
tout cet animal, si singulièrement simple, est recouvert d'une coquille
qui reproduit sa forme simple ou segmentée et se compose d'un tissu calcaire
tantôt compact, tantôt poreux, tantôt d'aspect vitré.
Organisation générale
des Foraminifères.
Les Foraminifères
diffèrent des Amibes par trois caractères essentiels :
1° Ils
incluent dans une enveloppe flexible en chitine, qui s'imprègne de carbonate
de chaux chez toutes les espèces marines, ce qui fait dire couramment
qu'elles ont un test calcaire;
2° leurs pseudopodes
sont très fins, ramifiés et anastomosés en réseau, ce qui les fait
qualifier de Rhizopodes réticulés;
3° ils sont
dépourvus de vacuoles contractiles, excepté quelques espèces d'eau douce.
Différentes formes
du test.
La forme de la carapace
est extrêmement variable; la cavité peut être simple ou divisée en
plusieurs loges communiquant entre elles par de fins orifices. Dans ce
dernier cas les différents compartiments peuvent être placés à la suite
les uns des autres en ligne droite ou bien, ce qui est plus fréquent,
ils se succèdent suivant les tours d'une spire; tous sont d'ailleurs de
plus en plus grands à mesure que s'accroît la masse cytoplasmique du
Foraminifère. La multiplicité des loges retentit sur le noyau; au lieu
d'être unique, il y en a fréquemment plusieurs répartis dans certaines
loges et même il arrive d'y en avoir plusieurs dans une même loge.
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Nodosaria
hispida.
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Reproduction des
Foraminifères
La reproduction
des Foraminifères se fait par des procédés différents suivant qu'il
s'agit de formes à une seule loge ou de formes pluriloculaires.
1° Chez
les espèces uniloculaires, il y a simple bipartition; le cytoplasme
et le noyau s'étranglent en deux nouvelles masses; l'une de celles-ci
reste dans le test calcaire, l'autre s'en échappe et se sécrète une
nouvelle carapace.
2° Chez les formes
pluriloculaires, il existe une reproduction par spores et une reproduction
par oeufs, qui alternent souvent régulièrement. Les spores se forment
par une division en un grand nombre de sphérules nucléées, nues et sans
cils
vibratiles; ce sont des spores amiboïdes; puis elles s'entourent d'un
test calcaire et s'échappent de la coque maternelle pour vivre indépendantes.
Ces deux modes de reproduction
conduisent à un dimorphisme remarquable chez les Foraminifères : les
individus engendrés par voie sexuée ont une loge initiale toujours très
réduite (microsphère) et possèdent de nombreux noyaux de petite taille.
Ceux qui proviennent de spores ont une loge initiale beaucoup plus grande
et un noyau unique, mais volumineux.
Habitat
des Foraminifères
Certaines espèces vivent
dans les eaux douces, d'autres dans la mer, rampant sur le fond ou flottant
à la surface; elles sont le plus souvent microscopiques, mais il y en
a qui atteignent 1 à 2 mm et sont visibles à l'oeil nu.
L'accumulation de
leurs coquilles au fond des mers anciennes a donné lieu à des dépôts
importants, qui se continuent d'ailleurs à notre époque. La vase rouge
ou jaunâtre que l'on trouve à 500 mètres de profondeur renferme surtout
des tests de foraminifères, en particulier de Globigérines;
1 gramme de vase en contient parfois près de 50 000.
Le calcaire nummulitique
(pierre à liards) de l'Eocène du bassin de Paris
et de toute la région méditerranéenne est formé d'une accumulation
de Nummulites, grands Foraminifères qui dépassaient
les dimensions d'une pièce de monnaie et atteignaient même 5 à 6 cm,
tandis que les formes actuelles n'ont que 1 Ã 2 mm.
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Nummulite
(Nummulites Iaevigatus).
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La craie renferme
également beaucoup de débris de Foraminifères et le calcaire grossier
de Paris, dit calcaire à Milioles, est presque exclusivement formé de
coquilles de ce nom.
Classification
des Foraminifères
Dujardin avait considérés les Foraminifères
comme des Infusoires. Mais si on les range
aujourd'hui parmi les Rhizopodes, on n'en fait pas pour autant un groupe
homogène. Les classifications actuelles
des Foraminifères sont, peut-être plus que celle des autres Protozoaires
(Ciliés exceptés), basées sur des critères plutôt arbitraires, fondés
en premier lieu sur la forme des coquilles,
avec cette difficulté qu'on y a constaté plus de deux mille organisations
différentes, symétriques ou non symétriques, souvent remarquables par
leur bizarrerie et presque toujours par leur élégance. Il y en a de globulaires,
de discoïdes, d'étoilées, de festonnées, de contournées en limaçon,
d'allongées en massue, de façonnées en amphore. Les unes ont une ouverture
très élargie, les autres un orifice très étroit.
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Foraminifères
(schéma). - A, espèce à une loge. - B, espèce à plusieurs loges. -
A la périphérie paroi chitineuse et calcaire.
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Faute de disposer
de critères vraiment décisifs, on optera ici pour la simplicité en adoptant
une classification qui repose en premier lieu sur le nombre des orifices
présents sur la coquille. Le test
ou coquille doit forcément posséder des orifices pour permettre la sortie
des pseudopodes chargés de prendre la nourriture au dehors, nourriture
qui consiste surtout en d'autres êtres unicellulaires et particulièrement
en Diatomées qui s'accolent à la substance
visqueuse des pseudopodes. La répartition de ces orifices permet de diviser
le groupe en deux groupes :
1° Les
Foraminifères imperforés qui ne possèdent qu'un seul orifice appelé
communément la bouche et d'où partent les pseudopodes.
2° Les Foraminifères
perforés dont la surface de la coquille, tout en étant percée d'une
bouche, possède en même temps une multitude de pores pour la sortie des
pseudopodes.
Foraminifères
imperforés ou monothalames.
Ce groupe renferme
d'abord toutes les espèces d'eau douce; leur test est simplement chitineux
et leur loge simple; puis viennent de nombreuses espèces marines, les
unes monuluculaires, les autres pluriloculaires avec un test le plus souvent
calcaire. Comme exemples nous citerons :
1° Les
Gromies (que l'on peut aussi trouver rangées parmi les Cercozoaires, un
phylum distinct des Foraminifères), espèce d'eau douce à une seule loge
de forme ovale et à paroi simplement chitineuse la masse cytoplasmique,
au repos, est tout entière concentrée à l'intérieur du test; mais par
moments elle se porte presque en entier en dehors de l'orifice et envoie
de nombreux pseudopodes grêles qui s'anastomosent, se soudent même avec
ceux d'individus voisins et s'étalent en réseau.
Gromia
socialis. - a, b, organismes cellulaires enfermés dans leur enveloppe
et réunis
par leur réseau de pseudopodes.
2° Les
Milioles, espèce marine vivant encore actuellement sur le sable des côtes;
elles possèdent un test calcaire subdivisé en plusieurs loges occupant
chacune un demi-tour d'ellipse et dont l'ensemble forme un disque elliptique;
le calcaire à Miliolites de l'éocène parisien est, avons-nous dit, constitué
par une agglomération de leurs carapaces.
Foraminifères
perforés ou polythalames.
Leur test est toujours
calcaire, à une ou plusieurs loges, et est percé non seulement de la
bouche, mais d'une multitude de pores par lesquels le cytoplasme peut sortir
et s'étaler sur toute la surface de la coquille, puis de là envoyer ses
pseudopodes, toujours très nombreux et très fins. Toutes les espèces
de ce groupe sont marines. Nous citerons parmi elles :
1° Les
Lagena (dans l'ordre des Lagenida), dont la coquille est en forme de bouteille
avec un orifice terminal et de nombreux pores sur toute leur surface pour
le passage des pseudopodes.
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Lagena
vulgaris.
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2° Les Nodosaria
(également dans l'ordre des Lagénida), qui possèdent une coquille divisée
en cinq ou six chambres sphériques, se succédant en ligne droite.
3° Les Globigérines
(ordre des Globigerinida), à loges sphériques de plus en plus grandes,
disposées à peu près en spirale et possédant chacune leur bouche. Chez
les formes âgées toutes les loges sont entièrement emprisonnées dans
une autre carapace absolument sphérique, percée également de nombreux
pores livrant passage aux pseudopodes et constituant la forme appelée
l'Orbuline.
Ce sont des espèces
flottant en haute mer (espèces pélagiques) où elles sont en extrême
abondance, sauf toutefois dans les mers froides; après leur mort, leurs
carapaces tombent lentement et contribuent à la formation de la boue du
fond de la mer.
4° Enfin, les
Nummulites
(genre de la famille des Nummulitidés, famille de l'ordre des Rotaliida),
à coquille très aplatie, divisée en loges disposées en spirale et communiquant
toutes entre elles et avec l'extérieur par de nombreux pores.
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