| Les Anciens connaissaient parfaitement les Rhinocéros. Il semble bien que c'est du rhinocéros que parle la Bible sous le nom de licorne, et que c'est à lui que fait allusion Job, lorsqu'il dit : « Crois-tu que la licorne te servira et demeurera à ta crèche? Peux-tu l'atteler au joug, et tracer avec elle des sillons? Oses-tu te confier à un animal aussi fort, et te laissera-t-elle travailler? Oses-tu croire qu'elle te rapportera tes grains, et qu'elle remplira tes greniers?-» Le texte original nomme cet animal rem, et lui donne tantôt une corne, tantôt deux. Les Romains, en tout cas, ont très bien connu le Rhinocéros, l'unicorne aussi bien que le bicorne. Ils le faisaient figurer dans les jeux du cirque. D'après Pline, ce fut Pompée qui le premier amena à Rome, en 61 avant J.-C, un rhinocéros unicorne, en même temps qu'un lynx des Gaules et un babouin d'Éthiopie. « Le rhinocéros, dit Pline, est l'ennemi né de l'éléphant. Il aiguise sa corne sur une pierre; dans le combat, il vise au ventre, sachant que c'est l'endroit le plus vulnérable, et tue ainsi l'éléphant. » Il ajoute que l'on trouve des Rhinocéros à partir de Méroé, ce qui a été exact jusqu'à une époque récente. « Dans la ville d'Aduleton; le grand marché des Troglodytes et des Éthiopiens, à cinq journées de navigation de Ptolémaïs, on vend en grande quantité de l'ivoire, des cornes de rhinocéros, du cuir d'hippopotame et d'autres objets analogues. » Le premier auteur qui décrivit cet animal fut Agatharchides; Strabon, qui en vit un vivant à Alexandrie, en a parlé après lui. Pausanias le mentionne sous le nom de boeuf d'Éthiopie. Martial connaissait les deux espèces africaines; il dit de l'une : C'est pour vous, ô César, qu'exposé dans l'arène, Ce fier rhinocéros a lutté vaillamment, Et d'un coup de sa corne a transpercé sans peine, Comme un vil mannequin, le taureau tout tremblant... Et de l'autre : Tandis que le piqueur, intimidé, harcèle Les flancs du monstre informe à s'irriter trop lent, Tout à coup dans ses yeux la fureur étincelle Et ranime l'espoir d'un peuple impatient Un coup de double corne a lancé dans l'espace L'ours énorme, enlevé comme un volant qui passe. Les anciens Égyptiens ne semblent avoir fait nulle attention au Rhinocéros. Jusqu'à ce jour on ne l'a trouvé représenté sur aucun monument (du moins sur ceux antérieurs à l'époque romaine). Les prêtres de Méroé, dans la Nubie du Sud, ont dû le bien connaître. Les auteurs arabes parlent de bonne heure de ces animaux et distinguent les espèces de l'Inde de celles de l'Afrique. Dans leurs légendes, le Rhinocéros figure souvent comme un être enchanté. - Le Rhinocéros de Dürer. Puis, durant de longues années, il n'en est plus fait mention. Mais au XIIIe siècle, Marco Polo, cet auteur célèbre et dont les récits sont si importants pour l'histoire naturelle, rompt ce silence. Il parle de plusieurs Rhinocéros qu'il avait vus à Sumatra pendant son voyage aux Indes. « Ils ont là, dit-il, beaucoup d'éléphants et de lions à cornes, qui sont plus petits que ceux-là, et ont le poil du buffle; leurs pieds ressemblent à ceux des éléphants. Ils portent une corne au milieu du front, mais n'en blessent jamais personne. Quand ils attaquent quelqu'un, ils le renversent plutôt sous leurs genoux et le frappent de leur langue, qui est munie de longs piquants. Leur tête ressemble à celle du sanglier; ils la portent toujours vers la terre. Ils se tiennent de préférence dans la vase; ce sont des animaux grossiers et malpropres. » En 1513, le roi Emmanuel reçut enfin un Rhinocéros vivant des Indes orientales. La renommée l'apprit bientôt à tous les pays. Albrecht Dürer en publia une gravure (voir plus haut), exécutée d'après un mauvais dessin qui avait été envoyé de Lisbonne. Elle représente un animal qu'on dirait vêtu d'une chabraque; il a des écailles aux pieds, analogues à celles d'une cuirasse et une petite corne sur les épaules. Pendant près de deux cents ans, ce fut là la seule image que l'on eût des Rhinocéros. Au commencement du XIXe siècle seulement, Chardin, qui avait vu un Rhinocéros à Ispahan, publia un meilleur dessin de l'animal. Bontius, au milieu du XVIIe siècle, avait déjà parlé des moeurs du Rhinocéros. Tous les voyageurs, depuis cette époque, ont décrit l'une ou l'autre espèce, et les Rhinocéros du Sud de l'Afrique notamment commencèrent a être assez bien connus. (A. E. Brehm). - Aux Indes anglaises, une grande chasse en l'honneur de George V (source : Supplément illustré du Petit Journal). | |