| Asiongaber (hébreu : `Ésyôn Gebér; `Ésyôn Gâbér ) est une ancienne ville d'Arabie Pétrée (Sinaï), dans l'ldumée, sur le golfe d'Aelana. C'est, selon la Bible, un des points d'où partaient les flottes de Salomon qui se rendaient à Ophir. Elle est mentionnée dans la Bible en trois circonstances. 1° Les Hébreux, pendant leur séjour dans le désert, campèrent à Asiongaber, venant d'Hébrona, et se rendirent de là dans le désert de Sin, à Cadès (Nombres, XXXIII, 35-36. Cf. Deutéronome, II, 8, où le campement à Asiongaber est sommairement rappelé. Quelques commentateurs supposent que les Israélites passèrent deux fois à Asiongaber une première fois, quand ils retournèrent de cette ville à Cadès, et une seconde, celle dont il est parlé Deut., II, 8, quand ils se dirigèrent d'Asiongaber vers les plaines de Moab. Mais il est plus probable que l'auteur du Deutéronome, rappelle seulement quelques-unes des stations principales de son peuple, et passe les autres sous silence, en particulier le retour au désert de Sin. 2° Salomon fit partir sa flotte, montée par les marins phéniciens, des ports d'Asiongaber et d'Elat, pour aller trafiquer dans le pays d'Ophir. Ces villes, conquises par David sur les Iduméens (III Rois, XI, 15-16), étaient les ports de la mer Rouge les plus proches de Jérusalem. Salomon s'y rendit en personne pour surveiller l'équipement de ses vaisseaux (III Rois, ix, 26; II Chroniques, VIII, 17). C'est là que ses matelots débarquèrent, à leur retour, les richesses qu'ils apportaient d'Ophir. Ils renouvelèrent ce voyage tous les trois ans, pendant le règne du fils de David (III Rois, X, 2-2; II Chroniques, IX, 21). 3° Roboam ne put songer à continuer l'oeuvre de son père, ayant été réduit au petit royaume de Juda; mais, plus tard, l'un de ses successeurs, qui vivait en paix avec Israël, Josaphat, tenta sans succès d'imiter Salomon : il réussit bien, d'accord avec Ochozias, roi d'Israël, à construire une flotte à Asiongaber, pendant que l'Idumée n'avait pas de roi (III Rois, XXII, 48); mais Yahveh désapprouva par son prophète Eliézer l'alliance du roi de Juda avec le roi d'Israël, et il l'en punit en suscitant une violente tempête elle brisa ses navires contre les rochers et les récifs de corail qui abondent à l'extrémité septentrionale du golfe d'Aqaba (III Rois, XXII, 49; Il Chroniques, XX, 36-37). Les eaux du golfe sont généralement très claires. La hauteur de la marée au printemps est d'environ deux mètres. Les tempêtes y sont terribles, et les rochers, presque à fleur d'eau en beaucoup d'endroits, sont très dangereux, de sorte que les marins de Josaphat, sans doute peu expérimentés, furent impuissants à sauver ses vaisseaux. Ochozias, après ce désastre, proposa à Josaphat de construire une nouvelle flotte, mais le roi de Juda s'y refusa (III Rois, XXII, 50). La situation d'Asiongaber est indiquée par la Bible d'une manière générale : c'était une ville iduméenne, près d'Élath, sur la mer Rouge (III Rois, IX, 26; II Chroniques, VIII, 17), par conséquent à l'extrémité septentrionale du golfe Élanitique; mais parce que cette ville a complètement disparu et qu'on n'en a retrouvé jusqu'ici aucune trace, le site précis en est incertain. On croit généralement que les deux mots dont se compose Asion-gaber sont hébreux et signifient « l'échine de l'homme » ou du géant, par allusion à une croupe de montagne au pied de laquelle la ville était bâtie. « Son nom, dit Hull, Mount Seir, 1885, lui fut donné peut-être à cause de la grande chaîne de porphyre qui, courant du nord au sud, atteint la côte à Ras el-Musry [...]. La chaîne de granit rougeâtre à l'est de la faille est rayée par des bandes de porphyre couleur rouge foncé et de basalte, qui s'entrecroisent à un angle d'environ 60 degrés, et forment dans le roc des sections en forme de losange, de façon à avoir une certaine ressemblance avec les vertèbres de l'épine dorsale. » D'après Chabas (Voyage d'un Égyptien au XIV siècle avant notre ère, Paris, 1866), Asiongaber est nommé dans le papyrus hiératique qui contient le récit de ce voyage sous la forme `uzaïna, laquelle correspond au premier élément du nom hébreu `âsyôn; il y avait là un fort qui est mentionné dans ce passage à cause de son importance, et qui avait sans doute pour but de défendre cet endroit fréquenté par les caravanes. Il est curieux de remarquer qu'il y a encore aujourd'hui les vestiges d'une forteresse à Élath pour protéger le golfe et la route des pèlerins de la Mecque. Le Targum de Jonathan suppose aussi que le nom d'Asiongaber signifie « fort du coq », et les géographes arabes appellent simplement la ville, comme le texte hiératique, Asioun ou Azioum. Seetzen a signalé, dans la Géographie de Mourad Machined, le passage suivant : « Près d'Elath était une ville du nom d'Azioum, où se trouvaient beaucoup de palmiers, de fruits et de champs cultivés. » Makrizi dit également : « Près d'Aila était autrefois située une grande et belle ville appelée `Asyûn. » Le nom d`Asyun, que les géographes arabes donnent à Asiongaber, est le même que celui du papyrus hiératique, le même que l'hébreu `Ésyôn. Celui que nous ont conservé Eusèbe et saint Jérôme, c'est-à-dire Aisia ou Essia, rappelle également `Esyôn. On croit même le reconnaître dans Ad Dianam, forme altérée d'une localité ainsi désignée dans la Table de Peutinger, sur la route romaine entre Elath et Rasa, à dix ou seize milles romains d'Élath. D'après plusieurs auteurs, les traces de cette dénomination antique ne sont même pas complètement perdues sur place. « Le souvenir du nom subsiste encore aujourd'hui, disent Ebers et Guthe, Palästina, t. II, p. 251, dans celui d'une source d'eau saumâtre appelée `Ain el-Ghudyân, à seize kilomètres et demi au nord du rivage actuel de la mer; mais de la ville même on n'a retrouvé aucune trace. » Le nom de Ghudyân, en arabe, correspond par les consonnes à celui de `Ésiôn. La petite vallée où se trouve cette source porte aussi le nom d'ouadi Ghudyân et vient de l'Arabah à l'est; mais, quoique la mer se soit retirée à l'extrémité nord du golfe d'Aqabah, et qu'il y ait là aujourd'hui des marais, on ne peut guère supposer que la ville d'Asiongaber et son port étaient aussi loin de la côte actuelle. On ne sait pas même si la ville était sur la rive orientale ou sur la rive occidentale du golfe.Hull ( Mount Seir) suppose qu'Asiongaber et Élath, l'Akabah actuelle, n'étaient pas du même côté, mais vis-à-vis l'une de l'autre, sur les deux rives opposées, à peu près comme Messine et Reggio. Il n'émet d'ailleurs aucune opinion sur la position d'Asiongaber. Josèphe, Ant. jud., VIII, VI, 14, paraît la placer sur la rive orientale; il dit que, de son temps, Asiongaber s'appelait Bérénice et était tout près d'Élath. On croit généralement que l'historien juif s'est trompé, et qu'il a confondu avec l'ancien port iduméen une ville qui se trouvait bien sur la côte de Nubie, mais qui n'était pas voisine d'Elath. Parmi les auteurs modernes, Pococke, Montaigu, Shaw, A. Fr. Büsching, placent Asiongaber à l'ouest, au port de Scherm, ou, comme l'appelle Büsching, Sharm. Scherm est entouré de hautes falaises et situé sur la côte occidentale du golfe, près de son extrémité méridionale. Cette position est certainement beaucoup trop au sud. J. R. Wellsted, la place un peu moins bas, à Dahab (Mersa Dahab, « le port d'or »), aussi sur la rive occidentale du golfe, à peu près en face du mont Sinaï qui est à gauche, et de la ville de Magnah qui est à droite, de l'autre côté du golfe; c'est là que se trouve, d'après lui, le seul bon port de cette mer, et comme il est entouré d'une ceinture demi-circulaire de bancs de coraux, il suppose que c'est contre ces récifs que se brisa la flotte de Josaphat (III Rois, XXII, 49). Mais la situation de Dahab est trop éloignée d'Aqabah, l'antique Élath, près de laquelle se trouvait Asiongaber, d'après III Rois, IX, 26; II Chroniques, VIII, 17; les vaisseaux de Salomon ne pouvaient s'arrêter ainsi à mi-chemin sur la côte, et débarquer leurs marchandises loin d'Éiath, lorsqu'il leur était possible de les amener à un point plus rapproché de la Palestine. Aussi place-t-on communément Asiongaber plus au nord et près de la pointe du golfe. Une des opinions qui ont rallié le plus de partisans est celle de Schubert et de Léon de Laborde. Schubert, ainsi que L. de Laborde, croient qu'Asiongaber était située ou dans l'île ou vis-à-vis de l'île de Djézirat Pharaoun ou Kureiyéh, rocher de 270 mètres de long, appelé Abu Sanira Unda el-Galga par les Bédouins qui accompagnaient Schubert, Graie par L. de Laborde, Gouriah par Elisée Reclus, Emrag par d'autres voyageurs. Voici les raisons qu'apporte L. de Laborde en faveur de son sentiment : « Élath, Asiongaber et le mont Séir, paraissent comme trois points voisins, qui tiennent les uns aux autres, dans le plus ancien document où ces trois noms se trouvent mentionnés. Deutéronome, II, 8. Le mont Séir doit s'entendre de toute la montagne des Édomites. Génèse, XXXVI, 9. C'est le Djébel Scherra, qui s'étend depuis l'ouadi Gétoun jusqu'aux anciennes possessions des Moabites. A côté de cette montagne s'élevaient donc deux villes qui ne pouvaient être que très voisines, puisque le chemin de la mer Rouge, que nous avons reconnu être l'ouadi Araba, est en même temps appelé le chemin d'Élath et d'Asiongaber. Deutéronome, II, 8. Nous savons [...] qu'Élath, dont le nom s'est conservé dans Ailah, se retrouve aujourd'hui dans Aqabah, et que cette ville est située sur le bord de la mer, à l'extrémité septentrionale du golfe de l'Aqabah. Nous avons donc une position qui nous est connue et une autre position qu'il faut chercher, sans qu'il nous soit permis de nous éloigner d'un voisinage très rapproché. Il n'y a pas assez d'espace dans l'extrémité du golfe pour placer deux villes, deux ports de mer, deux industries rivales. Ailah y a conservé ses ruines; cherchons plus loin Asiongaber [...]. Au nord de l'île de Graie et du golfe où les vaisseaux trouvent un abri contre les vents, on rencontre des ruines qui s'étendent en forme d'enceinte et de buttes de décombres. Il y a de l'eau, des palmiers, des acacias et une plaine qu'une industrie persévérante peut avoir cultivée. Je vois là cet Azioum [dés géographes arabes] qui répond à la partie d'Asiongaber située sur la côte, un faubourg d'approvisionnement de l'île [qui était Asiongaber] et du port. Ce port est bien protégé contre les vents d'ouest et du nord. L'île le défend contre ceux de l'est [...]. Dans les expéditions maritimes [de Salomon], Asiongaber ressort comme le point important, tandis qu'Ailah ne semble pas avoir été utilisée dans cette entreprise. Plus tard, cette dernière ville n'est même plus citée; Asiongaber est seule indiquée comme l'endroit où se construisent les vaisseaux qui doivent naviguer sur la mer. [Le récit de la destruction de la flotte de Josaphat] peut nous servir à mieux déterminer la nature du lieu. Il laisse supposer un abri pour les vaisseaux qui n'offre pas toute sûreté, qui devient même dangereux sous l'influence de certaine direction du' vent, puisque les vaisseaux se brisent sur sa côte hérissée de rochers. Tout ici convient encore à l'île de Graie et à la position de l'Azioum des Arabes, où des caravanes nombreuses et armées, déposaient les matériaux de construction et les marchandises précieuses, qui, une fois transportés dans l'île, étaient, les uns transformés en vaisseaux, les autres mises en magasin ou à l'abri des peuplades environnantes, dont il eût été difficile autrement que par l'isolement de contenir longtemps l'avidité. Les vaisseaux, une fois construits, étaient amarrés à l'île et tenus au large par des ancres. Ils étaient à l'abri, par l'élévation du rocher, du vent de nord-est et de nord-nord-est, qui règne presque toute l'année et souffle avec violence dans ce golfe. Mais un changement subit au sud-ouest ou au nordouest portait les vaisseaux sur l'île et les brisait contre. les rochers. » L. de Laborde, Commentaire géographique sur l'Exode. Cette opinion, sans être certaine, surtout dans le rôle attribué à l'île de Djézirat Pharaoun, et parce qu'elle place Asiongaber un peu bas au sud, ne manque pas cependant d'une certaine probabilité. Elle est, en tout cas, plus acceptable que celle de Kneucker. Kneucker supposait qu'Asiongaber avait un seul et même port avec Élath et était située au sud de cette dernière ville, sur la rive orientale, près de l'emplacement du fort actuel d'Aqabah (Qala'at el-Aqaba ). Pourquoi le rédacteur biblique aurait-il dit que les marins de Salomon partaient d'Asiongaber, si Élath était plus rapprochée de la Palestine? L'opinion d'Élisée Reclus n'est pas mieux établie : il considérait Asiongaber simplement comme le port d'Élath (Nouvelle géographie universelle, t. IX, 1884). H. Ewald l'avait déjà fait avant lui; mais cette explication paraît peu d'accord avec le texte biblique, qui semble bien faire d'Asiongaber une ville comme Élath. Quant au sentiment de d'Anville, qui avait résolu la difficulté, Mémoire sur le pays d'Ophir, dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions, t. XXX, 1764, p. 91 (carte, vis-à-vis la p. 87), en supposant que le golfe d'Aqabah avait deux pointes, à l'extrémité desquelles se trouvaient, d'un côté Elath, et de l'autre Asiongaber, elle n'a plus un seul partisan, parce que ces deux pointes n'ont jamais existé. (F. Vigouroux). | |