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Thomas Cromwell est un homme d'Etat et réformateur anglais, né vers 1485, mort en 1540. II était fils d'un certain Walter Cromwell, industriel à Putney, près de Londres, dont les ancêtres étaient venus du Nottinghamshire vers le milieu du XVe siècle. Sa jeunesse fut très orageuse et très aventureuse. En 1504, il se brouilla avec sa famille; il partit pour l'Italie, où il servit comme simple soldat, et reçut des banquiers Frescobaldi, de Florence, des secours qu'il n'oublia jamais; on le retrouva bientôt en qualité de clerc au service de marchands anglais d'Anvers; puis il fit (vers 1510), un second voyage en Italie, au cours duquel il eut l'occasion de voir de près le pape Jules II. En 1542, il est de nouveau employé par des marchands de Venise et de Middelbourg. En 1513, revenu en Angleterre, il épousa une fille de Putney et semble avoir repris l'industrie paternelle (moulins à foulon). Jusqu'en 1523, il semble qu'il ait mené de front l'industrie des draps, le commerce de l'argent et les fonctions de solicitor, auxquelles son père l'avait destiné dès sa jeunesse. Il s'établit en 1524 dans une maison sise à Londres, près de la porte du monastère des Augustins (Austin Friars). De bonne heure, il avait attiré l'attention du tout-puissant cardinal Wolsey, qui le nomma dès 1514 receveur de ses revenus. C'est sans doute grâce à l'influence de Wolsey qu'il fut élu au Parlement de 1523, oùe il se distingua. C'était un cerveau puissant, d'une mémoire et d'une énergie extraordinaires, un raisonneur, un homme d'affaires, avec une pointe d'humeur féroce. Sa fortune, qui devait l'élever avec une rapidité inouïe au premier rang après le roi, commença en 1524. Cromwell fut cette année-là le principal agent choisi par Wolsey pour consommer la destruction des petits monastères dont Wolsey se proposait d'appliquer les biens à ses deux fondations favorites, à ses collèges d'Ipswich et d'Oxford. Il accomplit cette besogne avec une rudesse impitoyable, et s'y enrichit, couvert par son patron. Sa femme mourut en 1527, lui laissant plusieurs enfants d'une intelligence assez paresseuse. Le 17 octobre 1529, Wolsey tomba en disgrâce auprès de Henri VIII, et la carrière de son homme de confiance parut irrémédiablement compromise. Cromwell déploya alors toutes ses ressources. Il défendit au parlement, où il siégeait pour Taunton, son maître tombé, non pas tant par gratitude (sa correspondance avec Wolsey est écrite vers cette date sur un ton contraint et dur) qu'à cause de la certitude qu'il avait d'être entraîné dans la chute du cardinal d'York, si un bill d'attainder était lancé contre lui. Il conseilla à Wolsey d'apaiser le roi offensé par quelques cadeaux propitiatoires faits à propos à lord Rochford, frère d'Anne Boleyn. Enfin, par un coup de théâtre dont le mécanisme nous échappe, - probablement à la suite d'une entrevue avec Henri VIII, où il fit connaître ses vastes projets : l'abolition de l'autorité papale en Angleterre, la confiscation des biens de l'Eglise au profit du roi, - Cromwell, menacé la veille, devint tout d'un coup le conseiller favori de la couronne, comme il avait été celui de Wolsey. « Dieu merci, lui écrivait des Pays-Bas son fidèle ami Vaughan le 3 février 1530, you now sail in a sure haven. »Quelles étaient alors ses convictions religieuses? Il était en relations avec le réformateur Miles Coverdale. Cependant, dans son testament, rédigé en juillet 1529, il avait laissé de l'argent pour faire dire des messes pour le repos de son âme; et il détestait les luthériens. L'attitude anticatholique qu'il prit si nettement pendant ses dix années de règne lui fut probablement dictée plutôt par l'instinct politique que par la ferveur puritaine. Conseiller privé en 1531, master of the jewells et clerk of the hanaper en 1532, l'ambassadeur impérial Chapuys commence à le signaler en 1533, après le divorce et le second mariage du roi avec Anne Boleyn, dans ses rapports secrets, comme un homme influent sur l'esprit de Henri VIII et très dangereux. Le 12 avril 1533, il fut fait chancelier de l'Echiquier, secrétaire du roi, et maître des rôles en 1534. Ajoutons, pour esquisser d'un seul coup l'ensemble de ce prodigieux cursus honorum, que Henri VIII, chef suprême de l'Eglise anglicane, créa Cromwell son « vicaire général en toutes affaires ecclésiastiques, » et baronet, puis pair du royaume avec le titre de comte d'Essex (1536), doyen de Wells (1537), grand chambellan (1539). « Ce fut, dit lord Campbell, quelque chose comme l'élévation d'un esclave au vizirat dans un Etat oriental. »Sa position fut unique. Comme vicaire général du chef suprême, il était placé au-dessus de tous les archevêques et évêques, même réunis en synode, et il avait la préséance sur toute la noblesse laïque à la Chambre des lords. Souverain absolu, tant au spirituel qu'au temporel, il réussit à établir et à maintenir pendant des années un régime de terreur. C'est lui qui dirigea les premières violences légales commises, sous l'act of supremacy, contre les personnes attachées à l'ancienne hiérarchie Reynolds, Hale, les moines de Charterhouse. Il présida au martyre de Thomas More et de l'évêque Fisher; il entretint partout des espions qui exercèrent une véritable inquisition, et qui, stylés par lui, procédèrent avec une incroyable brutalité. Quelques anecdotes authentiques donneront une idée de ses manières. Lord Dacre, qu'il voulait faire condamner à mort, mais acquitté pendant qu'un accès de goutte empêchait Cromwell de s'occuper de ses affaires, crut devoir le remercier d'une intercession imaginaire; le favori lui fit répondre : « Qu'il remercie mes jambes. »Rencontrant dans la rue un homme dont la chevelure était fort longue, il l'interpella, et comme l'homme, pour s'excuser, disait qu'il avait fait voeu de laisser pousser ses cheveux : « Je ne t'empêcherai pas de tenir ton voeu, mais tu vas rester en prison jusqu'à ce que tu t'en sois acquitté. »Frère Bartley, après la suppression des monastères et l'exécution sommaire d'une foule de moines, portait encore le capuchon monacal : « Eh bien, dit Cromwell, vous n'enleverez donc pas ce capuchon; si vous ne l'avez pas ôté d'ici à une heure, vous serez pendu incontinent, pour l'exemple. »Cromwell, dit Maitland, fut le patron des ribauds, de ces bas chanteurs de ale house, de ces blasphémateurs iconoclastes qui ont déshonoré le parti protestant, au moment de la Réforme. Sa correspondance avec la princesse Marie (Marie Tudor), fille de Henri VIII et de Catherine d'Aragon, est caractéristique. Cette princesse, sans défense depuis la mort de sa mère. écrivit à son père, après l'exécution d'Anne Boleyn, des lettres touchantes, par lesquelles elle sollicitait son pardon en tant qu'elle avait pu l'offenser. Cromwell, au nom du roi, rejeta ces avances sous prétexta que le ton n'en était pas assez soumis; il interdit à la fille de son maître les expressions générales; elle dut confesser expressément que le roi avait eu raison de répudier sa mère, que sa résistance avait été injustifiable; à ce prix seulement, Cromwell intercéderait pour elle; autrement il lui laisserait subir les conséquences de son obstination. Elle fut obligée finalement de reconnaître par écrit sa bâtardise et l'illégitimité du mariage contracté par ses parents. Il n'est pas étonnant qu'un homme comme Cromwell ait été généralement détesté. Non seulement il était dur, mais il était avide. Il recevait des cadeaux de toutes mains pour des services secrets, des grâces, des délais, des nominations, à titre de pension. La confiscation des monastères, qu'il conduisit, lui fut très profitable; il acheta de vastes domaines, pris, comme l'avait été Wolsey, de la passion des constructions, de l'argenterie, des pierreries, du luxe sous toutes ses formes. En même temps, il régentait l'Eglise d'Angleterre, ordonnant, par exemple, au clergé paroissial, en 1538, de se procurer dans chaque paroisse « une Bible en anglais » et de tenir des registres paroissiaux de baptême, de mariage et d'enterrement. Le 14 novembre 1539, il fut appointé pour surveiller l'impression de la Bible et pour prévenir la circulation de traductions non autorisées. Cependant le tout-puissant ministre ne gardait le pouvoir que grâce à une abjecte complaisance pour le roi, tout le monde le savait. Le roi lui tirait presque publiquement les oreilles, et le traitait comme un chien. L'ambassadeur de France, Castillon, entendit le roi dire au comte d'Essex qu'il « était peut-être bon pour s'occuper des affaires domestiques, mais qu'il ne lui appartenait pas de se mêler des affaires des rois». Or il voulut s'en mêler, et ce fut sa perte. Il négocia en 1539 le mariage d'Anne de Clèves avec le roi. Le 10 juin 1540, le duc de Norfolk l'accusa de trahison en séance du conseil, et il fut immédiatement arrêté, envoyé à la Tour. Un long acte d'accusation fut dressé contre lui; on lui imputait des malversations, la diffusion de livres hérétiques, d'autres crimes encore. Il n'eut même pas le bénéfice d'un jugement régulier. Un bill d'attainder dirigé contre lui passa sans opposition à la Chambre des lords, où, sauf Cranmer, personne n'osa élever la voix en sa faveur. Le dégoût de Henri VIII pour Anne de Clèves et surtout pour l'alliance avec les protestants allemands personnifiée par Anne de Clèves, avait déterminé ce coup de théâtre. Dans le malheur, comme dans la bonne fortune, Cromwell manqua de dignité. Il accabla le roi de supplications; mais Henri VIII, qui était resté de pierre devant les prières du cardinal d'York agenouillé pendant trois heures devant son trône, ne fut pas, cette fois, plus clément. Il se fit lire trois fois, dit Burnet, le placet de Cromwell, qui se terminait ainsi : « Most gracious prince, I cry mercy, mercy, mercy », et fit dresser l'échafaud à Tower Hill. Telle fut la fin de Thomas Cromwell « le cardeur de laine », the cloth carder, pour employer le nom par lequel Henri VIII ordonna de désigner désormais son ancien favori, après l'avoir dépouillé de tous ses titres. « On a trouvé par inventaire chez Cromwell 7000 livres sterling de meubles, écrit l'ambasssadeur de France, sans compter les vases d'argent, les croix, les calices et autres dépouilles des églises, estimées à pareille somme. On a porté tout cela pendant la nuit au trésor royal. On a trouvé aussi beaucoup de lettres... »C'est grâce à ces lettres, aujourd'hui conservées au Public Record Office de Londres avec les memoranda autographes de Cromwell, que les historiens ont été en mesure de restituer la figure de ce personnage, transfiguré et idéalisé au XVIIe siècle par le puritanisme victorieux. qui vit en lui un précurseur. (Ch. V.-L.). | ||
Oliver Cromwell, protecteur d'Angleterre, est un homme d'Etat anglais né le 25 avril 1599 dans le comté de Huntingdon, et mort le 3 septembre 1658. Sa famille, sans être des plus distinguées, passait pour être ancienne, et tenait par alliance au comte de Warwick et à Hampden. Il fit quelques études à Cambridge, et mena une conduite violente et déréglée. Puis, changeant tout à coup, il se lia avec d'austères presbytériens, mit toute son ardeur et son habileté au service de cette secte, et se fit envoyer parles habitants d'Ely au parlement de 1625, où il déclama contre le papisme. - Oliver Cromwell (1599-1658). Les persécutions dirigées par Charles Ier contre les dissidents de l'Église anglicane poussaient une foule d'Anglais à passer en Amérique : on a prétendu à tort que Cromwell allait partir avec Pym et Hampden, quand un ordre du roi arrêta le navire. En 1640, député de Cambridge au Long-Parlement, où il se fit remarquer par ses déclamations contre le papisme, il appuya tous les actes qui désarmèrent la royauté; mais ce fut surtout la guerre civile qui lui fraya le chemin du pouvoir. Dès le début des hostilités, 1612, il forma à ses frais 15 escadrons avec les fermiers des comtés de l'Est : : il se signala par son habileté et sa bravoure, mais aussi par ses cruautés et ces cavaliers, qu'on appela les Côtes-de-fer de Cromwell, décidèrent les victoires de Marston-Moor (1644) et de Naseby (1645), qui amenèrent la ruine du parti royaliste et les infortunes de Charles Ier. Cependant le parti presbytérien, qui voulait abolir l'épiscopat, mais maintenir la royauté en limitant ses pouvoirs, était dépassé par les Indépendants, qui voulaient abolir la royauté et trouvaient un point d'appui dans l'armée. Cromwell fit passer le bill du renoncement à soi-même, qui obligeait les généraux dévoués au parlement à donner leur démission. Il se fit dispenser d'y obéir, les soldats ayant déclaré qu'ils ne marcheraient pas sous un autre chef que lui. Lorsque Charles Ier, livré par les Ecossais, eut été enfermé à Holmby, Cromwell le fit enlever, par le cornette Joyce, dans la crainte que le parlement ne consentit, moyennant le redressement des griefs, à une reconciliation. Il s'efforça de négocier avec lui, mais s'apercevant qu'il était trompé, il le fit secrètement engager à s'enfuir dans l'île de Wight, dont le gouverneur Hammond était une de ses créatures. Comme dans le Parlement il se trouvait bien des gens qui semblaient deviner ses ambitions et s'y opposer, il purgea ce corps, c. -à-d. qu'il en chassa à main armée les membres suspects; 140 membres des communes furent exclus. Les autres, fanatiques, consentirent à ordonner que le roi serait jugé. Charles comparut devant une commission dont Cromwell faisait partie, fut condamné et exécuté, 1649. La république fut proclamée, et Cromwell partit pour comprimer le soulèvement de l'Irlande; il saccagea les villes de Trédall, Wexford, Goran, Kilkenny et Carrick. Envoyé de là en Ecosse, où l'on avait proclamé Charles II, il écrasa les royalistes à Dunbar, 1650, et à Worcester, 1651. Les dissensions du parlement, qu'il eut soin de fomenter, l'encouragèrent à le dissoudre, 1653. Une assemblée de fondamentalistes, dite parlement Barebone, lui fit quelque opposition : il la renvoya. Cromwell, proclamé par un conseil d'officiers protecteur de la République d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, s'installa à Whitehall, reçut une liste civile de 200,000 livres sterling, et exerça le pouvoir exécutif. Depuis ce moment, Cromwell régna en souverain absolu. Ireton et Ludlow achevérent la réduction de l'Irlande, et Monk celle de l'Écosse; la guerre contre la Hollande, engagée par le Long Parlement, eut la plus heureuse issue, Blake triompha de Van Tromp et de Ruyter; les Hollandais reconnurent la supériorité du pavillon anglais et subirent l'Acte de navigation. Presque toutes les puissances reconnurent son autorité et recherchèrent l'alliance de Cromwell. L'Espagne et la France, en particulier, se la disputèrent. Avant que le protecteur se fût déclaré, la Jamaïque fut enlevée à l'Espagne, 1655. Mazarin acheta, au prix de Dunkerque, le concours de 6000 Anglais qui combattirent aux Dunes sous Turenne. Le roi de Pologne Implora le secours de Cromwell contre la Suède et le voïvode de Transylvanie contre les Turcs. Cromwell dut ses succès à une profonde hypocrisie, autant qu'à son habile politique, à son courage et à son infatigable activité. Quand il mourut, la plupart des cours de l'Europe prirent le deuil. (Bt / Dz). | ||
La famille de Cromwell. - Oliver Cromwell avait épousé, le 22 août 1620, Elisabeth Bourchier; le caractère de celle-ci est peu connu; les royalistes ont raillé sa parcimonie; on dit qu'elle ne vint qu'avec répugnance à Whitehall. A la mort de son mari, on lui vota une allocation de 20,000 livres sterling et une pension d'égale valeur, lui attribuant le palais Saint-James. Elle ne reçut rien. Après la Restauration, elle se retira à Norborough dans le comté de Northampton, avec son gendre John Claypole. Elle y mourut le 19 novembre 1665. Les enfants nés de cette union furent quatre fils et quatre filles : Robert, baptisé le 13 octobre 1621, mort en mai 1639. - Oliver, baptisé le 6 février 1623, cornette dans + Richard Cromwell, protecteur d'Angleterre, né le 4 oct. 1626, mort à Cheshunt le 12 juillet 1712. Troisième fils et successeur d'Oliver Cromwell, il entra dans l'armée parlementaire, puis à Lincolns Inn (mai 1647), épousa le 1er mai 1649 Dorothy Mayor. Son père le jugeait indolent et frivole; Richard chassait, s'amusait, faisait des dettes; il fut élu dans deux circonscriptions au parlement de 1654, puis à celui de 1656. Son père n'avait aucun désir de fonder une dynastie; c'est en novembre 1655 qu'il donne à Richard un premier emploi public dans le comité de commerce. Après la réorganisation du protectorat, Oliver Cromwell, sentant son oeuvre menacée et sa santé ébranlée, changea d'idée; il résolut de désigner son fils aîné (les deux autres étaient morts) pour lui succéder, et l'y prépara: lui transmettant la chancellerie de l'université d'Oxford, lui donnant un régiment, un siège à la Chambre des lords. Il fut considéré dès lors comme l'héritier présomptif. Le 31 août 1659, son père le désigna formellement et renouvela son choix dans la nuit du 2 septembre. Trois heures après sa mort, Richard fut proclamé protecteur. Il fut universellement reconnu. Cependant, dès le début, l'armée (qui eût accepté aisément Henry) se plaignit que Richard ne fût pas un homme de guerre comme son père. Bientôt elle demanda un général en chef. Le désordre se mit non seulement dans le conseil d'Etat, mais dans la famille même de Cromwell. Lambert conduisait l'opposition des officiers, appuyé sur Fleetwood, puritain austère, et par Desborough, l'autre beau-frère de Richard. Celui-ci, pour prendre un point d'appui contre l'armée et les « saints » et pour se procurer des ressources financières indispensables, convoqua un parlement, sur le conseil de ses conseillers légistes Thurloe, Whitelocke, Saint-John. On rendit aux bourgs leurs droits électoraux. Ce retour à l'ancien système donna la victoire aux conservateurs; l'Ecosse et l'Irlande envoyèrent chacune trente députés dévoués. Mais l'opposition parlementaire reparut avec ses chefs éprouvés Vane, Bradshaw, Ludlow, Haslerigh. A l'origine, on comptait à peine cinquante opposants contre deux cents gouvernementaux. Mais leur nombre s'accrut. Ils mirent en doute l'autorité du protecteur en contestant la validité originelle. Toutefois, 198 voix contre 125 reconnurent la Chambre des lords; mais on contesta l'impôt de 1,300,000 livres établi en 1657, et on refusa de le consentir pour la durée de la vie de Richard. On mit en cause les condamnations prononcées par les majors généraux et ceux-ci furent attaqués. C'était attaquer l'armée. Elle ne laissa pas faire. Fleetwood et Desborough obtinrent de Richard la convocation du conseil de guerre. Celui-ci présenta les griefs de l'armée. Le parlement, à qui Richard les transmit, l'invita à faire cesser les réunions du conseil de guerre, mais ce dernier résista. Richard refusa de verser le sang quand on lui offrit d'arrêter les mutins. Fleetwood convoqua le 21 avril 1659 les régiments à Saint-James, tandis que le protecteur les convoquait à Whitehall. Presque tous obéirent à Fleetwood. Desborough vint sommer son beau-frère de dissoudre le parlement; celui-ci céda. Les officiers supérieurs voulaient conserver le protectorat ; mais les officiers inférieurs exigèrent l'établissement de la république pure et simple et firent rappeler le Long Parlement dissous douze ans auparavant par Cromwell (7 mai). Ce parlement croupion, dont cinquante membres se réunirent à Whitehall, était un jouet aux mains des chefs militaires. Les agents royalistes firent de grandes offres aux fils de Cromwell pour les engager à rappeler Charles II; les ambassadeurs de France et du Danemark appuyaient ces demandes qui demeurèrent sans résultat. Le 13 mai fut présentée une pétition impérative de l'armée, demandant qu'on payât les dettes de Richard Cromwell et qu'on lui assurât une pension de 10,000 livres. Un comité de sûreté générale avait été formé de huit généraux avec trois civils Vane, Haslerigh et Scott, avec un conseil d'Etat de trente et un membres dont seize militaires et quinze parlementaires; ils avaient nommé Fleetwood généralissime, destitué les légistes, conseillers d'Oliver Cromwell et de son fils. Celui-ci se décida à reconnaître le nouveau gouvernement et abdiqua le 25 mai 1659. A partir de ce moment, la grande préoccupation de Richard fut le paiement de ses dettes (29,000 livres); il ne reçut pas les subsides qu'on lui avait promis; il était pourchassé par ses créanciers. En février 1660, les républicains aux abois songèrent à restaurer le protectorat de Richard Cromwell. Au cours de l'été, il quitta l'Angleterre. Quand en 1666 on rappela en Angleterre les sujets résidant en France, il pria Clarendon de l'excepter de la mesure, car il serait perdu si ses créanciers pouvaient l'appréhender dans son pays. Il vécut à Paris, sous le nom de John Clarke, dépensant 600 livres sterling par an, affirmant son dévouement pour le roi Charles II. Il passa à Genève, puis en Italie. En 1680, il rentra en Angleterre et vécut dans la retraite à Cheshunt sous le nom de Clarke. Sa femme mourut en juin 1676; son fils aîné Oliver (né en 1656) mourut en 1705; il n'avait plus que trois filles. Il acheva sa vie obscurément. C'était un homme parfaitement honorable, mais dénué de toute énergie. + Henry Cromwell, né à Huntingdon le 20 janvier 1628, mort à Spinney-Abbey (Cambridgeshire) le 23 mars 1674. Il entra dans l'armée parlementaire et était, en 1647, capitaine dans le régiment d'Harrison. En février 1650, il avait le grade de colonel, et suivait son père en Irlande, lui amenant des renforts. Il fut élu député pour l'Irlande au parlement Barebone; quand celui-ci fut dissous, son père l'envoya à l'armée d'Irlande et il conseilla le rappel de Ludlow et même de Fleetwood, liés avec les anabaptistes. Il fut bientôt après mis à la tête de ces troupes avec le titre de major général (août 1654); son père hésita longtemps à lui confier le gouvernement de l'île que Henry prit en septembre 1655, succédant à Fleetwood. Il porta d'abord aux colonies un certain nombre d'Irlandais, mais ne voulut pas, convertir de force les catholiques, traita modérément les royalistes et gouverna d'accord avec les anciens habitants protestants, non au profit de l'armée; il fut très aimé des presbytériens et des indépendants modérés, combattu par les anabaptistes à qui il n'accordait que la liberté. D'un caractère ombrageux, il parlait souvent de se retirer. Après la réorganisation du protectorat, il reçut le titre de lord-lieutenant d'Irlande (16 novembre 1637). Malgré les plus grandes difficultés et le manque d'argent pour solder l'armée, Henry Cromwell maintint l'ordre et acquit la considération générale. Il avait plus que son père à lutter contre le parti militaire qui entourait le protecteur. Il conseilla à son père de refuser la couronne pour les raisons mêmes qui décidèrent celui-ci : surtout l'opposition de l'armée; il désirait vivement une entente avec le parlement. Il accueillit avec joie la nouvelle que son père avait désigné pour lui succéder au protectorat Richard Cromwell. Il reçut alors une nouvelle commission avec le titre de lieutenant et gouverneur général (6 novembre 1658). Il accepta, mais à regret, désirant vivement venir en Angleterre, dont la situation l'inquiétait. Il apprit la chute de son frère et fut sondé par les royalistes, son ami lord Broghill et son beau-frère lord Falconbridge servant d'intermédiaires; il se montra très opposé à une restauration et décidé à ne pas employer son armée au service de son ambition personnelle. Rappelé par le parlement en juin 1659, il obéit et se retira dans le Cambridgeshire. Après la restauration, des royalistes éprouvés comme Ormonde et Clarendon intervinrent en sa faveur; on lui laissa ses terres d'Irlande et il acheva sa vie dans l'obscurité, sans être inquiété. Il laissa cinq fils et deux filles. Son second fils, Henry Cromwell, prit du service dans l'armée et mourut en 1711. - Son dernier descendant direct, Oliver Cromwell, né en 1742, mourut à Cheshunt Park (Hertfordshire) le 31 mai 1821. (GE). |
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