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L'oeuvre
scientifique de Newton
Venu le dernier parmi les fondateurs de
l'astronomie moderne, après Copernic,
Tycho
Brahé, Kepler et Galilée,
Isaac Newton s'est en quelque sorte élevé au-dessus
d'eux : il a révélé et en même temps il a établi de façon éclatante
la loi de la gravitation
universelle, la plus haute conception et la généralisation la plus vaste
à laquelle la science classique soit parvenue; il a créé la physique
mathématique et l'astronomie physique. Il a fallu attendre le XXe
siècle pour que de nouvelles théories soient élaborées et capables
de renverser son empire.
L'ouvrage qui recèle ses plus grandes
découvertes, les Principia, se divisé en trois livres. Il débute
par une préface où Isaac Newton, après avoir
annoncé qu'il va rompre avec les subtilités de la scolastique
et appliquer à l'étude des phénomènes naturels
le calcul mathématique, formule, à l'exemple
des géomètres, une série de définitions
et d'axiomes touchant la matière et le mouvement.
Les deux premiers livres, qui reproduisent, sauf quelques additions, un
écrit destiné d'abord à paraître seul sous le titre De motu corporum,
traitent, d'une manière générale, des mouvements rectilignes et curvilignes
des corps sphériques ou non sphériques dans des sections
coniques, excentriques ou concentriques. Onze lemmes font d'abord connaître
la méthode géométrique que va employer l'auteur;
puis vient, à la suite de ce préliminaire, qui forme la première section,
une démonstration très simple du théorème
des aires dans tous les cas de variation de la force centrale, et le livre
Ier, qui est à lui seul une merveille,
se ferme, en matière de conclusion sur cette proposition; amenée de façon
magistrale : la trajectoire que décrit un mobile attiré vers un centre
fixe en raison inverse du carré de la distance est une conique. Le livre
II, de moindre intérêt, s'occupe à peu près exclusivement des mouvements
dans les milieux résistants. Le livre III, qui est le couronnement de
l'oeuvre, a pour titre De mundi systemate. Newton y pose d'abord
quatre règles, les regulae philosophandi, qui doivent guider, d'après
lui, toute investigation dans le domaine des sciences physiques; il applique
ensuite au système du monde les principes énoncés dans le livre Ier,
établit la loi de la gravitation universelle, avec les diverses conséquences
que nous avons signalées, jette même en partie les bases de la
théorie
des comètes
et termine par une diatribe fort juste, à la vérité, mais en somme inutile,
contre les tourbillons de Descartes. Nous avons
vu dans la biographie de Newton que sa «-philosophie-»
eut quelque peine à prévaloir, en France
surtout, où le cartésianisme avait de
profondes racines. Les partisans de Newton se divisèrent eux-mêmes assez
longtemps en deux sectes les newtonistes, qui s'étaient imposé comme
loi de marcher exactement dans les traces du maître, de ne pas aller plus
loin que lui, et les newtoniens, qui, tout en proclamant la vérité de
la nouvelle doctrine, en recherchaient des applications nouvelles.
Quoique moins redevable à Isaac
Newton que la mécanique céleste, l'optique a fait aussi, grâce Ã
lui, un grand pas. Non qu'il soit l'auteur véritable, comme on le considère
souvent, de la théorie de l'émission, proposée bien antérieurement
et remplacée, du reste, depuis longtemps par celle des ondulations il
l'a seulement considérablement développée et a expliqué par elle tous
les faits alors connus; mais il a, le premier, analysé la lumière; le
premier, il a montré, à la suite d'expériences conduites avec une habileté
et avec une sagacité incomparables, qu'elle n'est pas une substance simple
et homogène, qu'elle est composée, au contraire, de rayons d'inégale
réfrangibilité, qu'en elle et en elle seule réside la cause de la couleur,
qu'en effet les corps qui nous paraissent colorés jouissent simplement
de la propriété d'absorber les rayons lumineux qui ne sont pas de leur
couleur et de diffuser les autres. Cette partie des travaux de Newton sur
la lumière se trouve consignée dans le livre Ier,
de son Optics; ils avaient été communiqués à la Société
royale en 1672 et en 1673, dans des mémoires séparés. Les livres
Il et III du même ouvrage traitent des phénomènes de coloration qui
s'observent dans les lames minces et que l'on obtient également dans les
plaques épaisses en les présentant de façon convenable à la lumière
incidente. Newton a le tort de ne pas citer, Ã leur propos, Hooke,
qui avait fait naître avant lui des anneaux colorés entre deux lentilles,
superposées et qui avait donné une théorie de leur formation devant
nécessairement conduire aux quatre lois expérimentales énoncées dans
le livre Il : loi des diamètres, loi de l'inclinaison, loi des indices,
loi de la dispersion. En outre, le livre II contient - et aussi le livre
III, où il est plus particulièrement question des phénomènes de la
diffraction - un nombre relativement considérable d'erreurs
graves, dont quelques-unes sont d'autant plus difficilement explicables
quelles portent sur des points ayant déjà été l'objet de découvertes
antérieures. C'est également dans l'Optics que se trouve le passage
si souvent cité où Newton considère le diamant, auquel il a reconnu,
comme au camphre, à l'huile et à l'essence de térébenthine, un pouvoir
réfringent beaucoup plus considérable que sa densité ne le comporte,
comme une substance coagulée, comme un corps combustible; or, l'Optics
n'a paru qu'en 1704 et dès 1694 l'académie del Cimento, dont il ne pouvait
ignorer les expériences, avait brûlé du diamant devant les grands-ducs
de Toscane.
La troisième grande découverte de Isaac
Newton, la première, vraisemblablement, dans l'ordre chronologique,
est du domaine de l'analyse mathématique
: c'est le calcul des fluxions, qui réduisait en algorithme
pratique l'analyse infinitésimale. A peu près en même temps, Leibniz
imaginait le calcul différentiel,
autre algorithme remplissant le même but : d'où entre ces deux puissants
esprits et entre leurs partisans respectifs la lutte si passionnée Ã
laquelle nous avons déjà fait allusion et qui ne permit de longtemps,
tant les esprits étaient surexcités, de faire la part de chacun. Aujourd'hui
la discussion est close et il paraît bien établi que Newton et Leibniz
ont créé de toutes pièces, sans qu'aucun des deux eût connaissance
des travaux de l'autre, le premier, le calcul des fluxions, auquel il fut
conduit par sa généralisation du développement
en séries connu sous le nom de binôme de Newton; le second, le calcul
différentiel, qui a sa base dans la considération des infiniment petits
et qui a été, d'ailleurs, par la suite universellement préféré.
Les autres travaux mathématiques
de Isaac Newton offrent un intérêt de beaucoup
inférieur. Ce sont, en effet, pour la plupart, des méthodes
d'une application toute particulière, créées qu'elles ont été pour
la solution des grands problèmes de la mécanique céleste et de l'optique.
Il convient cependant de réserver une mention spéciale aux deux opuscules
publiés à la suite de l'Optics : le Tractatus de quadratura
curvarum, où Newton fait l'application de sa formule du binôme dans
le cas d'un exposant quelconque; l'Enumeratio linearum tertii ordinis,
où il fait voir dans l'équation du troisième
degré 72 espèces différentes de
courbes et
qui se termine par cette prodigieuse assertion, entièrement vérifiée
depuis :
« De même
que le cercle donne par son ombre toutes les courbes du second degré,
de même les cinq paraboles
divergentes donnent par leur ombre toutes les autres courbes du troisième
degré. »
Nous avons vu que Isaac
Newton avait, dans sa jeunesse, construit de ses mains un télescope
catadioptrique et que, plus tard, il avait donné le plan d'un cercle de
réflexion. Il se livra aussi à des expériences de laboratoire, et dans
un mémoire anonyme inséré aux Philosophical Transactions (1701)
sous le titre Scala caloris, indiqua, outre une méthode pour rendre
les thermomètres comparables, la loi du refroidissement des corps solides
à des températures modérées. L'alchimie
le tourmenta aussi toute sa vie sans que toutefois ses recherches sur la
transmutation des métaux paraissent l'avoir conduit à d'autres découvertes
qu'à celle d'un nouvel alliage propre à la fabrication des miroirs métalliques.
Mais on a aussi dit que l'idée d'une « action
à distance » qu'implique sa théorie de la gravitation pouvait
lui avoir été inspirée par des conceptions d'origine
hermétique
(et cela malgré son rejet explicite des qualités
occultes). Enfin, il se révéla dans ses fonctions de directeur de
la Monnaie, en même temps qu'en administrateur habile, un financier de
grande valeur; il dressa en effet, pour préparer la refonte générale
des pièces d'or et d'argent, qu'il conduisit avec beaucoup de succès,
d'excellentes tables comparatives des monnaies anglaises et étrangères,
et il composa un rapport sur le monnayage, où les bimétallistes ont prétendu
trouver un argument en faveur de leur doctrine. Quant à ses travaux sur
la chronologie, il ne les avait pas destinés à la publicité, et ce fut
contre sa volonté que la princesse de Galles, à qui il en avait confié
un résumé, le livra à l'imprimerie. Il n'avait traité d'ailleurs que
la chronologie de l'histoire ancienne profane, faisant partir celle-ci
de l'année 1125 av. J.-C. pour se terminer en 331 et plaçant vers 870
la composition des poèmes d'Homère et d'Hésiode.
« On ne
peut, dit Delambre, tirer aucune sorte de conséquence
de cet amas grossier d'erreurs et d'incompatibilités. »
(Léon Sagnet).
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