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Définition

Définition (du latin definire, limiter, circonscrire) est un terme de logique désignant l'opération de la méthode dont le but est d'éclaircir et de préciser une notion, et souvent aussi la proposition dans laquelle est exprimé le résultat de cette opération. Le procédé de la définition consiste à distinguer le genre qu'on définit des genres voisins avec lesquels on pourrait le confondre, de sorte que si l'on appelle essence ce qui constitue un genre, ce qui le fait être et nommer (comme avoir trois côtés et trois angles est l'essence du triangle), on peut dire encore que "la définition a pour but de faire connaître l'essence du défini."

Pour y parvenir, il faut en énoncer les attributs principaux, que, pour cette raison, l'on nomme essentiels, et résoudre ainsi l'idée complexe dans ses éléments plus simples, l'idée obscure, peu familière à l'esprit, dans ses éléments mieux connus. Deux de ces attributs suffisent, pourvu qu'ils soient choisis de manière à faire connaître, l'un le genre prochain et l'autre la différence propre. Soit la définition d'un genre géométrique, le carré, par exemple : on devra énoncer, d'une part, le genre immédiatement supérieur (ce qu'on entend par genre prochain ), le rectangle; et, de l'autre, l'attribut qui distingue le carré de tous les autres rectangles, la différence propre, avoir les côtés égaux. En définissant par le genre prochain et par la différence propre, on satisfait au principe qui veut « que la définition convienne à tout le défini et rien qu'au défini. » 

II convient ensuite de faire des définitions courtes et claires, et que la définition soit plus claire que le défini. En énonçant les caractères essentiels du défini, la définition en développe la compréhension : de là on dit encore que "la définition est une proposition dont l'attribut développe la compréhension du sujet." L'épreuve la plus décisive qu'on puisse faire subir à une définition est de la substituer effectivement ou mentalement au défini. Les définitions forment une classe importante (si elles ne sont les seules) des propositions dites réciproques, c.-à-d. dont l'attribut ne fait que reproduire exactement la notion du sujet.

Ces principes et ces remarques s'appliquent également aux définitions a priori, dont la géométrie nous offre le type, et aux définitions a posteriori, qui résultent de l'expérience généralisée, et dont on fait continuellement usage dans les sciences physiques et naturelles.

Les logiciens distinguent les définitions de choses, qui ont pour but d'en faire connaître la nature et l'essence véritable, des définitions de noms, qui portent uniquement sur le sens à donner aux mots. Cette distinction est plus apparente que réelle : celui qui définit un mot, sous ce mot place une idée, et sous cette idée une chose, dont il croit faire connaître la nature. D'ailleurs, les définitions de noms et les définitions de choses tendent également à ôter du discours et de la pensée toute équivoque. C'est pour cela que, dans l'exposition des doctrines et surtout dans la discussion, il importe de fixer par des définitions le sens des mots qu'on emploie et la valeur des idées sur lesquelles on opère. 

En rhétorique, la définition est un des Lieux communs intrinsèques, Le philosophe se contente d'exprimer clairement la nature de la chose qu'il veut définir, et emploie dans sa définition le moins de mots possible : l'orateur, au contraire, explique la nature et les propriétés de la chose, il en décrit tous les aspects, et il dispose les idées de manière à former un tableau qui fasse impression sur l'esprit et l'imagination de ses auditeurs. La définition oratoire sert ainsi à embellir les sujets les plus arides, et jette sur eux de la variété et de l'intérêt. (B-E.).

De la définition en général

Définir, c'est délimiter, c'est circonscrire (de-finire). Pour classer les définitions, on peut se placer au point de vue :
A) De l'objet à définir : et alors on distingue la définition nominale et la définition réelle. C'est la division indiquée par la Logique de PortRoyal.

B) De leur mode de formation : et alors on a la définition géométrique et la définition empirique (Méthodes des sciences exactes et des sciences naturelles).

De la définition réelle

La définition réelle ou définition de choses consiste à expliquer la nature d'une chose, à déterminer ce qu'est cette chose, comme dit Aristote, to ti estin. Définir une chose, ce n'est pas définir la chose elle-même telle qu'elle existe dans la réalité, car nous verrons que les individus sont indéfinissables : c'est énumérer et grouper les éléments qui la constituent. Cette opération revient à préciser l'idée que nous nous faisons de cette chose. On doit distinguer deux sortes de définitions réelles la définition logique ou essentielle : c'est la définition proprement dite; - la définition descriptive ou improprement dite.

Définition logique ou essentielle

Définir une idée, c'est en déterminer le contenu, c'est circonscrire les limites qui la séparent des autres idées. Pour cela il faut analyser intégralement sa compréhension.

Règles de la définition logique.

A) Règles :

I.- La définition doit convenir à tout le défini et au seul défini. - Definitio conveniat omnni et soli definito. C'est dire qu'elle doit être universelle et propre. Si l'on définit l'homme comme un animal qui fait de la philosophie, cette définition est trop étroite, car elle ne convient pas à tout le défini; tout homme ne philosophe pas. - Si l'on définit l'homme comme un animal, cette définition est trop large, car elle ne convient pas au seul défini; le carnard est aussi un animal, et aussi les bêtes en général (entendons ici tous les animaux qui ne sont pas l'homme).

II. - Elle se fait par le genre prochain et la différence spécifique. - Per genus proximum et differentiam specificam. Il ne suffit pas, en effet, d'énumérer les éléments de la définition, il faut encore les classer. On y arrive en prenant le genre prochain qui enveloppe tous les genres supérieurs (vg. s'il s'agit de l'homme, le genre prochain est sensible ou animal, lequel suppose et implique les genres supérieurs : être, substance, corps, vivant) ; puis la différence spécifique (pour l'homme, dans la philosophie classique, c'est raisonnable). Des éléments qui constituent la compréhension de l'idée à définir, les uns sont communs à cette idée et à un plus ou moins grand nombre d'autres (l'homme est un animal : animal convient à l'homme et aux bêtes) et ils sont exprimés par le genre prochain; les autres sont propres et ils sont exprimés par la différence spécifique (raisonnable ne convient qu'à l'homme). Le genre en effet est comme une matière indéterminée et susceptible de recevoir des formes particulières. La différence est une forme ou un ensemble de formes déterminant le genre. L'animalité est le genre commun à l'homme et aux bêtes; la forme déterminante sera ou raisonnable ou irraisonnable.

La définition est énoncée par une proposition, qui a pour sujet le terme indiquant l'idée à définir, et pour attribut l'énumération ordonnée des éléments dont se compose la compréhension de cette idée : l'homme est l'animal raisonnable. C'est donc une proposition dont l'attribut développe toute la compréhension du sujet ; elle est par conséquent analytique, puisque l'attribut est extrait du sujet par analyse.

B) Conséquences.
On ne peut donc définir :

1°) L'être, parce que genre suprême (genus generalissimum), il ne saurait rentrer dans un genre plus étendu. L'idée d'être, étant une idée simple, est indécomposable et partant indéfinissable.

2°) Les individus, parce qu'ils n'ont pas de différence spécifique : ils ne se distinguent que par des caractères accidentels. Ces caractères sont si nombreux et si variés qu'aucune définition ne saurait en épuiser la liste. 

L'idée de chaque être individuel est tellement complexe qu'elle est réfractaire à une analyse intégrale : Omne individuum ineffabile.

C) Matière.

La définition logique, étant la fin et le résumé de la science, a donc pour objet le général, l'essentiel, c'est-à-dire l'élément invariable des choses. C'est la matière qu'Aristote (L'Organon) assignait déjà à la définition. 

• L'essence d'un être est ce par quoi il est ce qu'il est, ce sans quoi il ne
peut plus être. (F. Ravaisson, La métaphysique d'Aristote : « L'essence d'une chose n'est pas tout ce qu'elle est, mais seulement ce qu'elle ne peut pas ne pas être. »).

• L'accident est une qualité qui n'est pas nécessairement liée à l'essence d'un être : elle peut donc être présente ou absente sans que l'essence de cet être soit changée. Il suit de là que l'accidentel est variable, particulier, innombrable. C'est pourquoi il ne peut figurer dans une définition scientifique, qui porte sur les espèces et non sur les individus.

Bref, la définition logique doit faire connaître tous les caractères essentiels de l'objet à définir et les ordonner d'après leur importance.

Qualités de la définition logique.
Une bonne définition logique doit être :

I. - Réciproque.
On doit pouvoir remplacer le sujet par l'attribut et l'attribut par le sujet : vg. l'homme est l'animal raisonnable = l'animal raisonnable est l'homme. C'est une conséquence de la première règle (omni et soli) : l'analyse de l'idée étant intégrale, il y a identité totale entre le sujet et l'attribut; on peut conséquemment les remplacer l'un par l'autre. Il n'en est pas ainsi dans les propositions simplement vraies, parce que dans ce cas l'identité n'est que partielle.

II. - Courte.
Elle le sera si on la réduit au genre prochain et à la différence spécifique. - Le genre prochain étant indiqué, il est inutile d'énumérer les genres supérieurs, puisqu'il les enveloppe et les présuppose.

Étant donnée la différence spécifique, il est :

a) Superflu d'énoncer les propriétés d'un être, puisqu'elles découlent nécessairement de l'essence. Ainsi, à la définition : l'homme est un animal raisonnable, il n'est pas besoin d'ajouter : libre, capable de parler, de rire.

b) Illogique d'énoncer les accidents, car ils sont en dehors de l'essence des choses. L'essence des choses subsiste malgré leur absence. Il ne faut pas dire : vg. l'homme est un animal raisonnable savant; parce que la science peut être absente, sans qu'on cesse d'être homme.

III. - Claire.
Autrement elle aurait elle-même besoin d'être définie. La clarté sera la conséquence de l'observation des deux règles fondamentales.

Définition descriptive

Comme il est souvent impossible de connaître tous les caractères essentiels d'une chose, on doit renoncer à la définition proprement dite ou logique et se contenter d'une définition approximative par description. Elle consiste à choisir, parmi les caractères les plus saillants d'un être, ceux qui permettent de le distinguer des autres êtres : vg. l'homme est un animal capable de parler, de rire et de pleurer. La définition descriptive est d'un grand usage dans les sciences naturelles : vg. classification de Linné. C'est aussi un procédé oratoire et littéraire.

A la définition descriptive se rattache la définition causale ou génétique qui indique l'origine, le mode de fabrication ou les éléments composants : vg. le plaisir résulte de l'activité satisfaite; l'éclipse de lune provient de l'interposition de la terre entre elle et le soleil; - le papier, est du chiffon ou du bois mis au pilon, réduit en pâte, blanchi au chlore, etc.

Règle : elle consiste à trouver une assimilation et une différenciation c'est-à-dire à se rapprocher le plus possible des règles de la définition logique. Parmi les caractères de l'objet à décrire, on en choisira un ou plusieurs qui permettent de l'assimiler aux objets du même genre; on ajoutera un ou plusieurs caractères qui servent à l'en distinguer. On dira vg. un chronomètre est un instrument de précision propre à indiquer l'heure.

Définition nominale

Nature et espèces.
La définition nominale consiste à expliquer le sens d'un mot. Elle est de deux sortes, parce que le sens d'un mot dépend de l'usage ou de la volonté de celui qui s'en sert :

Sens usuel.
La première espèce de définition nominale a pour but de préciser l'idée qu'on se fait généralement d'une chose, d'après le sens que l'usage attache à son nom. On débute ordinairement, dans l'exposition des systèmes, par des définitions de cette espèce : vg. la perception externe est la connaissance que nous avons du monde extérieur par le moyen des sens. Cette définition nominale est hypothétique et provisoire; mais elle offre un terrain commun où tous peuvent se rencontrer, puisqu'elle permet de s'entendre sur le sens usuel des termes et empêche ainsi la discussion de s'égarer. Ce n'est donc qu'un point de départ, en attendant qu'on puisse aboutir à une définition complète, la définition réelle, qui, étant catégorique et définitive, est le point d'arrivée, le terme de la démonstration. Elle a pour but de déterminer ce que la chose est réellement en elle-même et conséquemment l'idée qu'on doit s'en former. C'est ainsi que, comme conclusion des divers systèmes sur la perception extérieure, on aboutit à une définition en harmonie avec chacun d'eux pour les uns, c'est une perception immédiate; pour les autres, c'est une perception médiate, laquelle varie selon l'intermédiaire imaginé. Chacune de ces définitions a la prétention d'être réelle, bien qu'il ne puisse y en avoir qu'une, pour chaque chose, qui soit conforme à la vérité objective. C'est à la déterminer que tendent les efforts de tous les penseurs dans chaque ordre de science. 

Bref, la définition nominale a pour but de rendre l'idée claire en indiquant quelques traits caractéristiques de l'objet. La définition réelle a pour but de rendre l'idée distincte en énumérant tous les caractères essentiels de la chose.

Sens arbitraire.
La seconde espèce de définition nominale explique le sens que l'on veut attacher à un mot nouveau ou à un mot détourné de sa signification habituelle. C'est ce que la Logique de Port-Royal (Ire partie, chap. XII) a en vue quand elle parle de la définition des noms : vg. « J'appelle chimère ce qui implique contradition. »

Règles de la définition nominale

A) Règles de la première espèce.
La définition doit :

1° Se conformer à l'usage qui fixe le sens des mots
... Si volet usus
Quem penes arbitrium est et jus et norma loquendi.
(Horace, Epistola ad Pisones).
2° Donner de la chose définie une idée suffisante pour la faire reconnaître.
B) Règles de la seconde espèce.
La définition doit être :
1° Claire. 

2° Courte.

3° Positive : quand on définit par négation, on ne dit pas ce que la chose est, mais ce qu'elle n'est pas.

4° Non tautologique, car définir par tautologie, c'est répéter la même chose en des termes identiques : par ex. : « J'en sais qui ont défini la lumière de cette sorte : La lumière est un mouvement luminaire des corps lumineux. »  (Pascal, De l'esprit géométrique).

Réduction des définitions

I. - Les définitions sont toutes nominales.
Stuart Mill (Logique, L. I, chap. VIII, § 5) veut ramener la définition réelle à la définition verbale. D'après lui, toute définition consiste à indiquer le vrai sens des mots. Aussi prétend-il que les définitions réelles sont tautologiques, puisqu'elles vont du même au même : vg. l'homme est l'animal raisonnable. Cette définition ne fait que répéter sous une forme développée ce que le mot homme dit d'une façon résumée.

Réponse.
Autre chose est que l'homme soit en réalité un animal raisonnable ; autre chose qu'on le sache. Or le progrès dans la connaissance scientifique consiste précisément à passer de l'idée confuse à l'idée distincte; on ne peut donc appeler cette opération tautologique.

II. - Les définitions sont toutes réelles.
D'autres font remarquer qu'on ne peut préciser le sens d'un mot sans indiquer l'idée attachée à ce mot et conséquemment la chose qu'elle rappelle. C'est pourquoi ils ramènent la définition verbale à la définition réelle.

Critique.
Au fond cette remarque est fondée. Mais on peut, pour la commodité, continuer d'appeler nominale la définition incomplète qui n'indique que le sens usuel ou arbitraire qu'on donne aux mots. 

III. - Toutes les définitions sont des définitions d'idées.
A parler rigoureusement, toute définition, qu'on l'appelle nominale ou réelle, se ramène à l'analyse d'une idée. En effet, définir une chose, ce n'est pas la définir elle-même telle qu'elle est, puisque les réalités objectives sont individuelles et conséquemment indéfinissables ; c'est indiquer les caractères essentiels qui constituent la compréhension de son idée générale. 

Définir un mot, ce n'est pas en déterminer le son, mais en préciser le sens, c'est-à-dire l'idée que l'usage ou la volonté de celui qui parle attache à ce son.

Liberté des définitions

Les définitions sont-elles libres?

Cas de la définition réelle.
Elle n'est aucunement arbitraire, parce qu'elle explique la nature des choses, qui est indépendante de toute convention.

Cas de la définition nominale.
Il faut distinguer :

A) Première espèce (sens usuel) : bien qu'elle n'exprime pas l'essence des choses, elle n'est pas libre non plus, parce qu'elle doit se conformer à l'usage courant.

B) Seconde espèce : elle est seule vraiment libre, car il est loisible à chacun, pourvu qu'il en prévienne les autres, « de déterminer un son à signifier précisément une certaine chose. » (Logique de Port-Royal).

Il résulte de là : 
1° Que les définitions nominales ne peuvent être contestées, quand elles reflètent fidèlement le sens usuel des mots, ou qu'elles déterminent clairement le sens qu'on veut attribuer à tel mot.

2° Qu'elles ne peuvent être prises comme principes de démonstration catégorique, car les raisonnements, appuyés sur elles, sont hypothétiques, puisqu'ils ne font que tirer les conséquences d'une première hypothèse (étant supposé que ces définitions concordent avec la réalité). (G. Sortais).

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