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La découverte du monde > Le ciel > Mars |
La découverte de Phobos et Deimos |
En 1877, Asaph Hall, qui avait étudié longuement cette planète (11 et 17 août). Jusqu'à cette découverte, Mars passait pour une planète dépourvue de satellites. Et ce n'était pas faute de les avoir cherché, après les avoir souvent imaginé. Il avait été ainsi question déjà des deux satellites de Mars; mais ce n'était qu'une pure hypothèse, des boutades de Swift, de Voltaire... Le fait est que depuis l'invention des lunettes, aucun astronome ne se douta que Mars fût accompagné de deux satellites. Il fallut la puissante lunette de Washington pour apercevoir enfin ces astres qui restent toujours très rapprochés du globe autour duquel ils circulent, puisque l'un ne s'éloigne, pas à plus de 2,8 demi diamètres de Mars, et l'autre à plus de 6,9. L'inventeur les a baptisés des noms de Deimos et de Phobos (la Terreur et la Crainte), qui sont les compagnons habituels du dieu de la guerre. Date clé : 1877 - Découverte de Phobos et Deimos par Asaph Hall. L'observatoire de Washington à l'époque de la découverte. | ||
Flammarion 1883 | La découverte des deux satellites de Mars, à l'Observatoire de Washington, à l'aide de la plus puissante lunette qui ait encore été construite, est l'un des événements les plus intéressants et les plus remarquables de l'astronomie du XIXe siècle. Elle n'est pas due au hasard, comme celle d'un grand nombre de petites planètes et de comètes, mais elle a été le résultat d'une recherche systématique. La plupart des astronomes s'étaient habitués, comme le commun des mortels, à lire dans les livres classiques la phrase ordinaire : «Mars n'a pas de satellite. » Quelques-uns, cependant, paraissaient se souvenir du distique : et cherchaient à surprendre les secrets de la nature, qui en garde toujours plus qu'elle n'en laisse saisir.Croire tout découvert est une erreur profonde : Dans le cours de l'année 1862, Mars étant passé à sa plus grande proximité de la Terre, un habile astronome, d'Arrest, directeur de l'Observatoire de Copenhague, avait déjà entrepris cette recherche et observé avec le plus grand soin le voisinage de Mars, sans parvenir à rien discerner, hormis de petites étoiles perdues au fond des cieux. D'Arrest est mort en 1875. Sa famille était d'origine française et avait été forcée, comme tant d'autres, de s'exiler lors de la révocation de l'édit de Nantes. Dès la fin du siècle dernier, William Herschel avait entrepris la même recherche sans résultat. Mais les instruments dont ces deux habiles astronomes s'étaient servis étaient loin du nouvel équatorial de Washington, dont l'objectif, qui ne mesure pas moins de 66 centimètres de diamètre, est d'une pureté comparable à celle de l'azur céleste : sa longueur focale est de 10 mètres, et sa puissance optique permet des grossissements de treize cents fois; il est mû par un mécanisme d'horlogerie de la plus grande précision. A l'aide de cet excellent appareil, l'éminent astronome américain entreprit l'examen attentif des alentours de Mars au commencement du mois d'août 1862, afin d'observer assidûment cette planète voisine pendant toute l'époque favorable de sa plus grande proximité de la Terre. Pendant les premières nuits, il remarqua de petits points lumineux; mais ils ne marchaient pas avec cet astre, et c'étaient des étoiles fixes devant lesquelles la planète passait. Pour les découvrir, il plaçait la planète en dehors du champ de la lunette, afin que son éclat n'éclipsât pas le voisinage, et que les plus petits points lumineux fussent perceptibles.Cette nouvelle fut reçue comme un coup de foudre par les astronomes. La moitié au moins restèrent incrédules jusqu'à plus ample informé. Le premier soin fut naturellement de chercher à la vérifier. Mais huit jours ne s'étaient pas écoulés sans que la plupart des observatoires d'Amérique et d'Europe eussent dirigé leurs meilleurs instruments vers le même point du ciel, et reconnu l'existence, sinon des deux satellites, du moins du plus éloigné, qui est moins difficile à apercevoir. Aujourd'hui, ces deux nouveaux mondes ont été suffisamment observés pour que leurs éléments astronomiques aient été déterminés. Voici leur situation : Ils tournent autour de Mars à peu près dans le plan de son équateur.Ces distances sont comptées, non à partir du centre de Mars, mais de la surface. Ainsi, du sol de la planète pour atteindre la première lune de Mars, il n'y a que 6 051 kilomètres ou 1500 lieues environ, et 5 000 lieues pour aller à la seconde; tandis que de la Terre à la Lune (centre pour centre), on compte 96 000 lieues. Entre la première lune de Mars et la surface de la planète, il n'y a même pas la place nécessaire pour y supposer un second globe de Mars, tandis qu'il faudrait trente globes terrestres pour jeter un pont d'ici à la Lune. | |
Voilà donc un système bien différent de celui de la Terre et de la Lune. Mais le point le plus curieux est la rapidité avec, laquelle le premier satellite de Mars tourne autour de la planète. Cette révolution s'effectue en 7 h 39 mn, tandis que le monde de Mars tourne sur lui-même en 24 h 37 mn 23 s., c'est-à-dire que cette lune tourne beaucoup plus vite que sa planète elle-même, fait en contradiction avec toutes les idées que nous avons pu avoir jusqu'ici sur la lui de la formation des corps célestes. Les habitants de Mars, s'ils existent, ont, en moyenne, douze heures de jour et douze heures de nuit, un peu plus, avec des saisons sensiblement plus marquées que les nôtres, et deux fois plus longues, car l'année de leur calendrier en vaut presque deux des nôtres, ce qui, par parenthèse, ne doit pas leur être, désagréable. Or, tandis que le Soleil paraît tourner dans le ciel des Martiaux en une lente journée de plus de vingt-quatre heures, la première lune a parcouru sa révolution entière en un tiers de jour. Il en résulte qu'elle se lève au couchant et qu'elle se couche ait levant. Elle passe sous la seconde lune, l'éclipse de temps en temps, et parcourt toutes ses phases en onze heures, chaque quartier ne durant même pas trois heures. Quel singulier monde! Voilà deux espèces de mois, l'un plus court que le jour, l'autre d'un jour et un quart ! Ces satellites sont tout petits : ce sont les plus petits corps célestes que nous connaissions. L'éclat de la planète empêche de les mesurer exactement. Il semble néanmoins que le plus proche soit le plus gros et offre l'éclat d'une étoile de dixième grandeur, et que le second ait l'éclat d'une étoile de douzième grandeur. D'après les mesures photométriques les plus sûres, le premier peut avoir un diamètre de 12 kilomètres, et le second un diamètre de 10. On n'a pas idée de globes célestes aussi minuscules. Le plus gros de ces deux mondes est à peine plus large que Paris, du boulevard Marat au boulevard Davoust. Devons-nous les honorer du titre de mondes? Ce ne sont même pas des continents terrestres, ni même des empires, ni même des royaumes, ni même des provinces, ni même des départements. Alexandre, César, Charlemagne, Napoléon, se soucieraient peu d'en recevoir le sceptre. Gulliver (Voyage à Laputa) jonglerait avec eux; Micromégas (Micromégas) les oublierait dans son escarcelle. Et, qui sait, pourtant! la vanité des hommes étant généralement en raison directe de leur médiocrité, les microscopiques mites raisonneuses qui fourmillent peut-être à leur surface peuvent avoir aussi des armées permanentes qui s'entre-déchirent pour la possession d'un grain de sable. Plusieurs de nos lecteurs se sont déjà demandé, sans doute, pourquoi ces satellites n'ont pas été plus tôt découverts. On se demande s'ils viennent d'être créés, car la création n'est pas terminée : elle paraît constante et éternelle. Boutigny, d'Évreux, célèbre par ses études sur l'état sphéroïdal, écrivait à l'Académie des sciences : « Si l'on se reporte au planisphère de M. Flammarion, et si on le compare avec la carte de Beer et Maedler, faite en 1830, peut-être parviendra-t-on à prouver que les deux satellites de Mars sont de date récente... Le nouveau satellite de Saturne, découvert le même jour, en 1848, en Europe et en Amérique, a pu être découvert immédiatement après sa naissance. La Lune n'a pas toujours existé; une effroyable explosion de la masse incandescente du globe a pu lancer la Lune dans l'espace à la distance où l'attraction et la répulsion sont en équilibre. »Sans nier la possibilité d'une projection actuelle de satellites par une planète ou de planètes par le Soleil, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'admettre cette formation nouvelle pour expliquer la découverte récente de ces deux satellites. Ils ont été cherchés exprès, à l'aide de la plus puissante lunette qui ait été encore dirigée sur Mars, par un astronome minutieux et persévérant, et dans le moment même où Mars se trouvait dans les meilleures conditions d'observation. Voilà plus de conditions qu'il n'en faut pour expliquer ce fait. Ces deux petites Lunes ont reçu de leur découvreur le nom de Deimos (la terreur) et Phobos (la Fuite), en souvenir de deux vers de l'Iliade d'Homère (liv. XV), qui représentent Mars descendant sur la terre pour venger la mort de son fils Ascalaphe : | ||
Ces nom, ne sont peut-être pas heureux. La Terreur et la Fuite, voilà, certes, de tristes compagnes.Il ordonne à la Terreur et à la Fuite d'atteler ses coursiers, L'analogie avait déjà fait soupçonner l'existence de ces satellites, et les penseurs avaient dit assez souvent que, puisque la Terre a un satellite, Mars devait en avoir deux, Jupiter quatre, Saturne huit; et c'est en effet ce qui arrive. Mais comme on éprouve trop souvent dans la pratique la faiblesse de ces raisonnements de logique purement humaine, on n'y accordait pas plus de valeur qu'ils n'en ont réellement. Nous pourrions supposer de la même façon aujourd'hui que la planète Uranus a seize satellites, et que Neptune en a trente-deux. C'est possible; mais on n'en sait rien, et l'on n'a même pas le droit de regarder cette proportion comme probable. Il n'en reste pas moins fort curieux de lire le passage suivant écrit par Voltaire, en 1750, dans son Micromégas (au chapitre III)-: « En sortant de Jupiter, nos voyageurs traversèrent un espace d'environ cent millions de lieues et côtoyèrent la planète de Mars. Ils virent deux lunes qui servent à cette planète, et qui ont échappé aux regards de nos astronomes. Je sais bien que le docteur Castel écrira contre l'existence de ces deux lunes; mais je m'en rapporte à ceux qui raisonnent par analogie. Ces bons philosophes-là savent combien il serait difficile que Mars, qui est si loin du Soleil, se passât à moins de deux lunes. Quoi qu'il en soit, nos gens trouvèrent cela si petit qu'ils craignirent de n'y pas trouver de quoi coucher, et ils passèrent leur chemin. »C'est là, sans contredit, une prophétie bien claire, dualité rare dans cet ordre d'écrits. Le roman astronomico-philosophique de Micromégas a été regardé comme une imitation de Gulliver. Ouvrons le chef-d’oeuvre de Swift lui-même, composé vers 1720, et nous pourrons lire textuellement, au chapitre III du Voyage à Laputa : « Les astronomes de ce pays passent la plus grande partie de leur vie à observer les corps célestes, avec des lunettes fort supérieures aux nôtres. Ayant poussé leurs découvertes beaucoup plus loin que nous, ils ont découvert deux étoiles inférieures, ou satellites, qui tournent autour de Mars. La plus proche de la planète est à une distance du centre de celle-ci équivalente à trois fois son diamètre, et la plus éloignée à une distance de cinq fois le même diamètre. La révolution de la première s'accomplit en dix heures, et celle de la seconde en vingt et une heures; de sorte que les carrés des temps sont dans la proportion du cube des distances, ce qui prouve qu'elles sont gouvernées par la même loi de gravitation qui régit les autres corps célestes. »Que penser de cette double prédiction des deux satellites de Mars, sinon que le raisonnement par analogie a été cette fois le premier inspirateur? (C.F / M. P. 1883). |
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