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L'histoire de la Colombie de 1831 à 1861
La république de Nouvelle-Grenade, 
La Confédération grenadine
Aperçu Les Chibchas* Du XVIe au XVIIIe s. 1809-1831 1831-1861 1861-1903
La république de Nouvelle-Grenade

L'assemblée confia l'intérim au général Jose Maria Obando (de Popayan). Une constitution fut donnée à la République (1832). Celle-ci se composait alors de vingt provinces subdivisées en cent quatorze cantons; voici la liste des provinces: Antioquia, Bogota, Buenaventura, Carthagène, Casanare, Cauca, Choco, Mariquita, Mompox, Neiva, Pamplana, Panama, Pasto, Popayan, Rio Hacha, Santa Marta, Socorro, Tunja, Velez, Veraguas. On mit en pratique la loi votée le 24 juillet 1821 pour l'abolition progressive de l'esclavage. Les enfants à naître des esclaves étaient libres, ils devaient seulement rester jusqu'à dix-huit ans chez les maîtres de leurs parents. Une caisse de manumission, destinée à accélérer l'affranchissement par des rachats, fut alimentée par un impôt sur les successions. En 1850, il ne restait plus que 10000 esclaves qui furent libérés d'un coup. On procéda à l'organisation du gouvernement. Après une courte guerre civile, on fit les élections présidentielles qui portèrent au pouvoir, pour la période de 1833 à 1837, le général Francisco de Paula Santander (de Cucuta), l'adversaire de Bolivar. Le vice-président était le Dr José Ignacio de Marquez. A leur tour, les Bolivianos furent persécutés, victimes de représailles. Le général Santander était un des hommes les plus remarquables du pays; d'une probité inattaquable, simple, respectueux des lois, intelligent, il avait de grandes qualités administratives. Il donna une vive impulsion à l'instruction primaire et à l'instruction secondaire, plus nécessaires encore qu'ailleurs dans un pays où l'immense majorité de la population n'avait eu aucune part aux affaires pendant des siècles et où il était essentiel de rapprocher les différentes classes sociales. Il rétablit le fonctionnement régulier des services administratifs.

Il eut à s'occuper en 1834 de la répartition entre les trois républiques, Venezuela, Nouvelle-Grenade, Equateur, de la dette colombienne. Cette dette se composait essentiellement de deux emprunts contractés à Londres par Santander, alors vice-président, le premier de deux millions de livres, à la date du 13 mars 1822, le second de 4 750 000 livres à la date du 15 mars 1824. On proposait de les répartir entre les trois républiques d'après la richesse de chacune. Santander fit prévaloir la répartition d'après le chiffre de la population, bien que cette base fût moins favorable à la Nouvelle-Grenade, parce qu'elle ne pouvait entraîner de discussions ultérieures; la Nouvelle-Grenade dut se charger de la moitié de la dette. Pour ce motif et pour d'autres, le parti opposé à Santander l'emporta aux élections présidentielles de 1837. Le Dr Jose Ignacio de Marquez (de Boyaca) fut élu contre le général Obando patronné par le président sortant. Le général Domingo Caycedo fut élu vice-président. 

On accusait Obando d'avoir été le promoteur de l'assassinat du maréchal Sucre et on ordonna une instruction judiciaire qui décida Obando à se révolter. La suppression des couvents des minimes acheva de troubler le pays; une guerre civile désastreuse le ravagea de 1839 à 1841; les deux partis politiques qui se disputèrent depuis le pouvoir se constituèrent alors. Le triomphe des conservateurs aboutit en 1841 à l'élection du général Pedro Alcantara Herran (de Bogota) à la présidence, à celle du Dr José Joaquin Gori à la vice-présidence. Cette administration mit fin à la guerre civile qui laissa la dette publique accrue de trois millions de piastres. En 1843 fut publié une sorte de code Recopilation granadina, sous la direction de Lino de Pombos. Le gouvernement dévoué aux cléricaux rappela les jésuites qui n'étaient pas revenus depuis leur expulsion sous le roi Charles III. La constitution fut réformée dans le sens centraliste.

Par cette constitution unitaire du 20 avril 1843, la souveraineté nationale exercée par le régime représentatif était déléguée aux trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le président, élu pour deux ans, n'était pas rééligible. Le vice-président était élu aussi pour quatre ans, mais deux ans après le président, de sorte que les deux mandats ne coïncidaient pas. Le Sénat et la Chambre des députés étaient, comme le président, élus par le suffrage à deux degrés. Les juges de la cour suprême étaient nommés par le congrès. La religion catholique était reconnue religion d'Etat et subventionnée. Une loi du 18 avril 1835 avait régularisé la dîme. Chaque province avait une chambre provinciale et un gouverneur nommé pour quatre ans par le président; chaque canton un chef politique nommé par le gouverneur.

En 1845 fut élu président le général Tomas Cipriano de Mosquera (de Popayan). Mosquera était le candidat conservateur, mais bien plus modéré que Herran. Sa présidence fut une période de calme pendant laquelle la République prospéra. On traita avec les créanciers anglais, la dette intérieure fut amortie, les tarifs douaniers réformés. On entreprit de grands travaux publics, une route carrossable fut tracée de Bogota au Magdalena; le capitole de Bogota commencé; la navigation à vapeur fut organisée sur le Magdalena; l'immigration étrangère fut favorisée. Une statue fut érigée à Bolivar. Une école militaire fut instituée avec des professeurs très distingués; d'autres écoles créées et l'instruction développée. En 1847, la Nouvelle-Grenade prit part au congrès de Lima qui décida une union fédérative du Chili, Pérou, Bolivie, Equateur, Nouvelle-Grenade et la liberté des fleuves; oeuvre bientôt oubliée, du reste. 

Mosquera avait amnistié les libéraux frappés après la guerre civile de 1840, et les idées libérales comprimées au temps de Marquez et de Herran firent de grands progrès. La révolution de 1848, accomplie en Europe, acheva de leur donner l'ascendant. Les libéraux réorganisés présentèrent le général José Hilario Lopez (de Popayan); le 7 mars 1849, il fut élu. Les démocrates arrivaient au pouvoir. Le Dr Murillo, qui prit le ministère des finances, était considéré comme l'inspirateur du gouvernement. Le cléricalisme fut vigoureusement battu en brèche; les jésuites, rappelés en 1843, furent de nouveau expulsés; les doctrines démocratiques et même socialistes furent propagées par les clubs. Le président Lopez réalisa la plupart des grandes réformes réclamées par l'opinion publique : abolition de l'esclavage, abolition de la peine de mort pour les délits politiques, institution du jury, liberté de la presse, liberté de la navigation des fleuves de l'intérieur et des frontières, abolition de quelques impôts odieux, comme celui sur sur les tabacs, l'eau-de-vie, etc.

En 1851, la constitution fut révisée dans un sens libéral et décentralisateur. On vota le suffrage universel direct, le renouvellement annuel du congrès, l'élection des gouverneurs par le peuple, l'instruction gratuite, le droit à l'assistance publique, la liberté absolue des cultes, la liberté pour les associations religieuses, excepté les jésuites; l'Eglise fut soumise à la juridiction ordinaire; la dîme fut supprimée. Le clergé exaspéré s'engagea à fond contre le gouvernement; il fallut exiler l'archevêque de Bogota. Bientôt les conservateurs se soulevèrent à main armée dans le Sud et dans l'Ouest, à Pasto, Popayan, Tuquerres, Antioquia. Ils furent vaincus par le général Obando. La république de l'Equateur étant dominée par les cléricaux, la guerre paraissait imminente quand, à Quito, les libéraux prirent le dessus. L'invasion de Flores, qui tentait de les renverser, échoua en partie grâce à l'énergique attitude de la démocratie grenadine. La présidence du général Lopez se signala encore par la signature du contrat pour la construction du chemin de fer de Panama et par la réforme budgétaire, conséquence de la réforme politique. On décentralisa les dépenses provinciales qui furent reportées sur le budget particulier de chaque pays. Ceci permit de réduire le budget de 18 millions à 11 millions de l'année 1850 à 1851. A cette date, le commerce total de la Bolivie était de 25 millions. Les réformes démocratiques étaient populaires malgré l'hostilité des cléricaux, et le candidat libéral fut élu président en août 1852 à une immense majorité. C'était le général José-Maria Obando (de Popayan) aussi aimé de ses amis que détesté de ses ennemis; le vice-président était le Dr Manuel-Maria Mallarino (de Cali). En 1854 un conflit éclata avec le Venezuela; celui-ci accusait la Nouvelle-Grenade de vouloir reconstituer l'ancienne Colombie; de plus, il se plaignait qu'on eût concédé un chemin de fer de Rio Hacha à Maracaïbo sur des territoires revendiqués par lui. 

A la Nouvelle-Grenade, les démocrates se divisaient. D'un côté étaient les démocrates opportunistes qu'on qualifiait de Draconiens, de l'autre les ultra-démocrates ou Golgotas; ceux-ci voulaient supprimer l'armée permanente, les impôts indirects. Le président Obando se ralliait aux opportunistes; comme la situation se gâtait, il paraît avoir essayé de s'en tirer par une escobarderie. Le 17 avril 1851, le général José-Maria Melo, à la tête de la garnison de Bogota, dissout les Chambres, abolit la constitution et enferme le président. Cependant Obando semblait d'accord avec lui. Quand Melo proclama la dictature, le pays se souleva; les conservateurs voyant leurs adversaires divisés reprirent courage. Le général Herran s'évada et tenta de reconstituer à Ibagué un gouvernement régulier. Les troupes de Melo furent victorieuses à Cipaquira. Mais le second suppléant du président, José Obaldia, s'évada à son tour et revendiqua le pouvoir. Il s'entendit avec les conservateurs et les libéraux modérés; le général Mosquera, au Nord sur le Magdelena, l'ancien président Lopez, au Sud, se déclarèrent pour les constitutionnels; le congrès réuni à Ibagué décréta d'accusation Obando et Melo. Les dictatoriaux furent vaincus au défilé de Gutierez; en décembre, dix mille constitutionnels vinrent camper devant Bogota; Lopez et Mosquera opérèrent leur jonction. Le 4 décembre 1854 la ville fut enlevée; Melo fut fait prisonnier. Les conservateurs profitèrent de la réaction. Manuel-Maria Mallarino, vice-président de la République, fut chargé du gouvernement. Obando fut jugé par le Sénat, destitué de la présidence et exilé pour six ans; Melo fut exilé pour huit ans. Obando fut plus tard assassiné à son retour en 1861.

Le docteur Mallarino exerça le pouvoir avec un esprit de conciliation et de tolérance très remarquables. Mais il n'avait le pouvoir que par intérim; le terme de la période présidentielle approchait et les partis étaient très exaltés. La situation financière détestable et l'anarchie étaient les conséquences de la guerre civile. Il avait fallu ériger le pays de Panama en Etat et lui accorder une autonomie complète (1855), et par un contraste ironique, on reprenait les négociations avec le Venezuela et l'Equateur pour se fédérer avec eux. A l'élection présidentielle de 1856 (pour 1857) se présentèrent trois candidats : Manuel Murillo, libéral; l'ancien préésident Mosquera, soutenu par le tiers parti; Mariano Ospina, conservateur intransigeant. C'est le dernier qui l'emporta par 95 000 voix contre 85 000 données à Murillo, et 21000 à Mosquera (août 1856). Les conservateurs eurent la majorité dans les deux Chambres. Le 1er avril 1857, Mariano Ospina Rodriguez (de Cundinamarca) prit possession du pouvoir, la vice-présidence ayant été supprimée, c'était le plus âgé des secrétaires d'Etat, ou, au besoin, le procureur général de la République qui remplaçait le président. La réaction conservatrice s'accentua, mais le gouvernement nouveau se trouva aux prises avec de graves embarras. Du côté de l'extérieur, les relations furent rompues avec l'Angleterre au sujet de la créance Mackintosh, emprunt contracté en décembre 1825 et triplé par les intérêts accumulés. 

Une querelle avec les Etats-Unis au sujet des rives et massacres survenus à Panama faillit mal tourner; des deux côtés on réclamait une indemnité; chacun rejetait sur les nationaux de l'autre Etat la responsabilité des désordres. Les Etats-Unis tentaient de profiter de cette occasion pour mettre la main sur l'isthme; ils demandaient la neutralisation de Colon et de Panama, la cession de petites îles dans la baie pour y établir une station navale. Le 10 septembre 1857, une convention fut signée à Washington entre le général Herran, ministre plénipotentiaire de la Nouvelle-Grenade et le général Lewis Cass, ministre des affaires étrangères des Etats-Unis, une indemnité fut allouée aux sujets américains et garantie sur la moitié du produit du chemin de fer; une station navale fut concédée aux Etats-Unis à Panama. 

A l'intérieur, le gouvernement conservateur avait décrété une réforme de la constitution dans le sens fédéral (15 juin (1857). Le fédéralisme rendit impuissant tout le gouvernement conservateur. On avait partagé les provinces en six états, Cauca, Cundinamarca, Boyaca, Magdalena, Bolivar, Panama; des villes ou des provinces furent mécontentes de ce groupement et refusèrent de l'accepter. Pasto ne voulait pas s'unir au Cauca et songeait à se rallier à l'Equateur. Neiva refusait l'union avec Bogota; Ocaña celle avec Mompox. Dans les divers Etats fédéraux, les divisions politiques se reproduisaient. Dans le Cundinamarca les conservateurs l'emportèrent; mais dans le Santander ce furent les libéraux; ils mirent à leur tête Murillo et se donnèrent une constitution démocratique.

La Confédération grenadine

Dans le Magdalena les gens de Rio Hacha voulaient faire scission. Il fallut voter une nouvelle constitution qui régularisa le fédéralisme, celle du 22 mai 1858. La république prenait le nom de Confédération Grenadine. C'était une fédération de huit Etats : Antioquia, Bolivar, Boyaca, Cauca, Cundinamarca, Magdalena, Panama, Santander. La confédération se réservait les terres domaniales, les mines de sel gemme et d'émeraude, le chemin de fer de Panama; elle assumait la dette extérieure et intérieure, la dette viagère et les dépenses du gouvernement; elle gardait les relations extérieures, le droit de paix et de guerre, l'armée fédérale, le contrôle des rapports des Etats entre eux, la législation civile, pénale et commerciale, etc. Le suffrage universel direct était établi; chaque Etat nommait trois sénateurs. Le vote de cette constitution ne pouvait naturellement mettre un terme à l'anarchie. Celle-ci continuait : la guerre civile éclata dans l'Etat de Santander, un conflit éclata entre cet Etat et celui de Boyaca. 

L'intervention du gouvernement général dans les questions locales du Santander aggrava la lutte; les libéraux du Santander eurent le dessous. Au Nord, l'état de Bolivar s'insurgeait contre son gouverneur. Dans le Cauca, le général Mosquera organisait une véritable dictature. Le président Ospina, professeur de droit constitutionnel, restait impuissant ; raillé dans sa capitale même, n'ayant ni armée, ni finances, il philosophait et observait. Il finit par être victime de la situation. Les conservateurs du Cauca s'étant insurgés contre Mosquera, avec la complicité du gouvernement central , ils furent défaits à Cartago. Au Nord le général Herran rétablit la paix dans l'Etat de Bolivar; dans celui de Santander les libéraux avaient aussi succombé, mais la défaite des conservateurs du Sud compensait ses succès. Quand vint le renouvellement présidentiel, la crise éclata. Les conservateurs, maîtres du pouvoir central, attribuèrent la surveillance du scrutin au gouvernement fédéral; Mosquera protesta énergiquement; les Etats obtinrent de contrôler eux-mêmes leurs listes électorales. La concession parut insuffisante. Le Cauca, le Santander et le Bolivar se déclarèrent indépendants. Au Nord le général Herran battit les révolutionnaires à Zaboncello et à l'Oratorio (près de Socorro). Mais Obando reparaissait et au Sud Mosquera résistait et imposait une amnistie. 

Les ultra-conservateurs jugeant Herran trop modéré prirent pour candidat à la présidence Julio Arboleda soutenu par le clergé et le nonce du pape. Celui-ci fut élu contre Herran qui se retira sous sa tente, au moment où Mosquera reprenait les armes. Mosquera envahit l'Etat d'Antioquia et écrasa l'armée conservatrice. Il occupa les anciennes provinces de Neiva, Masiquita, Honda, s'entendit avec Lopez, l'ancien président démocrate. Arboleda ne put être régulièrement investi en 1861; l'anarchie devint officielle à partir du 31 mars 1861. Les docteurs lgnacio Gutierrez Vergara et Bartolomé Calvo, le premier comme doyen d'âge des secrétaires d'Etat et le second comme procureur général de la République, exercèrent pendant quelques mois l'intérim du pouvoir exécutif. Mosquera parut devant Bogota, fit prisonnier l'ancien président Ospina et le 18 juillet. il enleva d'assaut la capitale ; le nonce Ledochowski fut expulsé, les biens de mainmorte abolis; un congrès provisoire donna à Mosquera la présidence des Etats-Unis de Colombie.

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