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L'Ismaélisme
Tableau récapitulatif.
On nomme Ismaéliens les membres d'une secte chiite (Islam) qui regarde Ismaël, fils de Djafar es-Sâdiq, comme ayant été le dernier des imams parus sur la terre. On leur donne aussi le nom de Bâthini (partisans du sens interne), parce qu'ils n'admettent que l'interprétation allégorique du Coran dont le sens apparent n'a pour eux aucune valeur. Lors de la mort de Djafar es-Sâdiq, en l'année 765 de notre ère, quelques chiites refusèrent d'admettre Mousa comme son successeur et attribuèrent la qualité d'imam à Ismaël que son père avait bien tout d'abord désigné, mais qu'il avait déposé ensuite et même fait périr parce qu'il s'était enivré. Fixés tout d'abord dans le Khoraçân et sur les bords de l'Indus, les Ismaéliens, aussi appelés Chiites septimains (ou septimaniens) propagèrent peu à peu leurs doctrines qui, au début, n'avaient guère trait qu'à la question de l'imamat et se confondait presque avec celles acceptées par les autres chiites. Ce fut seulement en l'année 864 qu'un certain Abd Allâh ben Maïmoun el-Qaddàh (l'oculiste) modifia à tel point les théories reçues jusqu'alors que les autres chiites eux-mêmes tinrent pour impie quiconque adoptait ses idées. Pendant longtemps les Ismaéliens, ainsi réformés, poursuivirent leur propagande sans être inquiétés, bien qu'ils eussent été en quelque sorte les promoteurs de la secte des Carmathes qui mirent un instant en péril le califat de Bagdad, mais qui finirent par être exterminés. 

En 1090, un daï ou missionnaire ismaélien, appelé Hassan Sabbâh (et que l'on surnommera, ainsi que ces successeurs : le Vieux de la Montagne), songea à donner à la secte un caractère politique; il s'empara de la citadelle d'Alamout (= le nid de l'aigle), voisine de Kazbin en Perse, et fonda un petit État, indépendant en réalité quoiqu'il se fût engagé à payer un tribut annuel. Quelques années plus tard, en 1107, les Ismaéliens s'établissaient en Syrie dans quelques forteresses situées dans la montagne de Somâk qui se rattache à la chaîne du Liban. Combattus sans relâche, les Ismaéliens furent enfin chassés de la Perse et exterminés par Houlagou (1251) qui s'empara d'Alamout, mais ils persistèrent plus longtemps en Syrie, où on en retrouve encore un certain nombre répandus parmi les populations du Liban et en lutte sourde avec les Noçaïris (Alaouites). D'autres ismaéliens, installés dans la même région, mais dont la doctrine religieuse s'était forgée en Égypte, furent à l'origine de l'actuelle communauté Druze (Liban, Syrie, Nord d'Israël).

Les branches de l'Ismaélisme.

Nizari.
Lorsque l'on parle aujourd'hui des Ismaéliens (sans autre précision), on fait référence à leur principale branche, qui est celle des Nizari, et dont le chef spirituel est l'Aga Khan. C'est des Nizari que furent issus, au Moyen Âge, les Assassins (Hashshashin), auquels la propagande abbasside, relayée par les Croisés, puis par Marco Polo, a fait une triste et largement injustifiée réputation. Ceci dit, nombre de personnages marquants succombèrent sous les coups des Assassins, agissant, a-t-on jadis prétendu, après absorption de drogues : si Saladin échappa au poignard qui le frappa, Conrad de Monterrat et d'autres furent moins heureux que lui.

Mustaliyya.
Les Mustaliyya tirent leur nom de cleui d'al-Mustali, neuvième calife fatimide (et frère de Nizar dont se réclament les Nizari). En Inde, ils se sont divisés au cours du temps en différents courants appelés bohra : Sulaimani Bohra, Alavi Bohra, Jafari Bohra, Hentias Bohra, Dawoodi Bohra, etc.

Karamitha (Carmathes).
Les Qarmathiens, du nom d'Hamdan Karmath, se rendirent invincibles pendant près de deux siècles. Après avoir altéré les pratiques du culte extérieur de l'Islam, permis l'usage du vin et du porc, s'être attribué le quint de la dîme aumônière, ils portèrent le fer et la flamme « d'un côté jusqu'aux portes de Damas, et de l'autre jusqu'aux murs de Bassorah »; La Mecque n'échappa pas à leur fureur, et le temple de la Kaaba fut arrosé du sang de plus de trois mille musulmans. Au nom du ciel, les Karamitha obligèrent le calife Mohammed VIII à leur payer, tous les ans, 25 mille ducats d'or « pour qu'ils permissent le libre exercice du culte dans le premier des temples » de l'Islam, et, obéissant à la même inspiration divine, ils rendirent la Pierre Noire qu'ils avaient conservée 20 ans et qui fut la cause de la suspension, pendant huit ans, du pèlerinage à la Ville Sainte.

Druzes.
La religion des Druzes, bien que dérivée de l'Ismaélisme est parfois rangée à part (certains auteurs refusent même d'y voir une branche de l'Islam : Mahomet n'est pas pour eux le dernier prophète, et le Coran n'est pas le Livre par excellence). Plutôt ésotérique, plus nourrie encore que les autres branches de l'ismaélisme d'idées philosophiques remontant à l'Antiquité classique, la religion druze remonte au calife Al-Hakem Biamrillah, qui vivait au commencement du XIe siècle, et dans lequel les Druzes voient un dieu incarné; aussi leur chef s'appelle-t-il toujours hakem. Ce chef (auj. Walid Joumblatt) réside à Déir-el-Kamar (dans la montagne libanaise du Chouf, au Sud-Est de Beyrouth). Les Druzes ont pris, dit-on, leur nom de Durzi, un des premiers apôtres du calife Hakem, qui conduisit en Syrie ses partisans persécutés en Égypte. Retirés dans les montagnes du Liban, ils se rendirent redoutables, résistèrent longtemps aux attaques des Ottomans, et ne furent soumis au tribut qu'en 1588 par le sultan Amurat III.  Ils ont été fréquemment en guerre avec les Maronites, secte de chrétiens qu'ils ont pour voisins au Nord. 

Autres branches.
Plusieurs autres branches des Ismaïlïa eurent à leur tête de vrais réformateurs, soutenant, par le fer et la parole, les principes de leurs doctrines. Signalons seulement les Haramïa, du nom de Babek Harami, en établissant de nouveaux principes sur la transmigration des âmes, répandirent la terreur jusque dans Bagdad après avoir résisté pendant vingt, ans aux généraux du calife. Plus secondaires sont les branches des Bathinïa, Sebata, Babikïa, Mouamarra, dont quelques-unes ne sont cependant pas encore éteintes, semble-t-il. 

La doctrine ismaélienne (nazirite).
La doctrine des Ismaéliens formulée par Abd Allâh peut se résumer ainsi : Dieu est un être dépourvu de tout attribut; il est inaccessible à la pensée. Il n'a pas créé le monde, mais il a manifesté la Raison universelle qui auparavant se confondait avec lui et en a fait ainsi une sorte de Dieu extérieur et compréhensible à qui les humains doivent adresser leur culte. La Raison universelle, aussitôt manifestée, a créé l'Âme universelle; celle-ci à son tour a créé la matière première et alors l'Espace et le Temps se sont manifestés. L'âme universelle tend à s'élever et à reproduire la Raison universelle; lorsque ce but sera atteint, la Raison universelle rentrera elle-même en Dieu et tout mouvement cessera. Pour que l'âme humaine assure son salut, il faut qu'elle acquière la science que lui a transmise le Prophète, qui est une incarnation de la Raison, afin de concourir à élever l'âme universelle. Comme la vie humaine est très courte, la même incarnation se manifeste dans une série de personnages : ainsi la Raison s'est incarnée successivement chez Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mohammed qu'on appelle nâtiq (parlant). De même l'âme s'est incarnée dans les asâs (base) : Seth, Sem, Ismaël, Aaron, Simon-Pierre et Ali qui ont été en quelque sorte les ministres des nâtiq. A leur suite venaient des imam, des khoddja et des daï; ces derniers étaient chargés de l'initiation.

Les principes de l'initiation.
Les principes d'initiation de l'Ismaélisme sont dus à A'bdallah ben Maïmoun. Quelques-uns se rapprochent de ceux des Soufis et de ceux de certaines confréries religieuses musulmanes. D'abord fixés à sept et gradués suivant l'intelligence des prosélytes, ils furent, plus tard, portés à neuf :

1e Seuls, les imams peuvent pénétrer les mystères de la science religieuse;

2e Les imams sont les seuls représentants de l'autorité divine sur la terre;

3e Le néophyte apprenait la distinction du dogme des Ismaïlïa, de toutes les autres branches des chiites; que le nombre des imams héréditaires est borné à sept ; la connaissance de ces sept imams (on invoquait en faveur de cette doctrine l'importance du nombre septénaire qui joue un si grand rôle dans la nature, dans la personne même de l'humain et dans les rites de la religion). On expliquait aux initiés que toute religion a deux sens : l'un apparent, l'autre secret. Le sens caché, les imams seuls pouvaient le connaître; d'où il s'ensuivait que, pour acquérir la vraie Science, il fallait s'abandonner, corps et âme, à l'imam du temps. On conçoit facilement qu'elle était la puissance de ces chefs de sectes;

4e On faisait connaître que depuis l'origine du monde, la suite des siècles se partage en sept périodes, dont chacune a eu sa religion fondée par un prophète.

Le Chef du siècle était Mohammed, petit fils d'Ali, et c'est en sa personne que se terminent toutes les doctrines des anciens et que commence la science du sens intérieur et mystique de toutes les lois précédentes. Le prosélyte qui admettait la doctrine du 4e degré cessait, par là, d'être musulman puisque, contrairement à la déclaration de Mohammed, il reconnaissait un prophète postérieur à celui des Arabes.

Le 5e degré comprenait le mépris de la tradition, la négation des religions révélées aux prophètes, et l'adoption de la philosophie enseignée par les auteurs ismaïlïa.

Au 6e, on réfutait les ordonnances légales et obligations instituées par les prophètes dans un but politique et pour le repos de la Société; on initiait le néophyte aux doctrines philosophiques anciennes, telles que celles de Platon, Aristote, Pythagore, jugées supérieures à celles des révélateurs.

Au 7e degré, le prosélyte était initié aux principes de la création de toutes choses se résumant, comme, dans le système des Égyptiens, dans le culte du Chtonisme, dans celui des Chinois et des autres nations, aux deux êtres : l'un mâle et fécondant, l'autre femelle et fécond. D'après les Ismaïlïa, la production des substances corporelles n'est pas une véritable création; ce n'est qu'une disposition ou organisation.

Ce système était développé dans le 8e degré. Au 9e, le prosélyte choisissait, parmi les systèmes philosophiques, celui qui lui plaisait davantage : éternité de la matière; intervention d'un ère intellectuel dans la formation des êtres matériels; dualisme des mages ou des mânes; doctrines philosophiques de Platon ou d'Aristote, ou combinaisons d'idées puisées dans ces deux derniers systèmes. L'initié payait à l'imam ou à l'initiateur (daï) une redevance (nadjoua) en rapport avec ses ressources, qui allait grossir le trésor de la secte.

Pour les Ismaéliens le mal n'a pas d'existence propre et le culte extérieur n'a aucune valeur. Entièrement soumis à leur daï, les Ismaéliens lui obéissaient aveuglement. (O. Houdas / O. Depont / X. Coppolani).


En librairie - F. Daftary, Les Ismaéliens, Fayard 2003. - M. Boivin, Les Ismaéliens, Brepols, 1998.. 
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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