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Le Coran

Le Coran est l'ouvrage dans lequel, selon les Musulmans, se trouvent les paroles transmises par Dieu à Mahomet, le fondateur de l'Islam. Il joue le rôle d'un code à la fois théologique et juridique. 
Le mot arabe El-Qor'ân, dont on a fait le Coran, signifie "la Lecture" ou "la Récitation", l'article arabe placé devant un nom commun lui conférant, dans certains cas, la valeur d'un nom propre. Mais, précisément en raison du rôle capital rempli par le Livre saint, on l'appelle également El-Forqân "la Distinction". Ces deux appellations sont plus caractéristiques que d'autres, dont on fait encore usage, telles que : El--tenzît "la Révélation", Kitâb-allah "le Livre de Dieu" ou plus simplement El-Kitâb "le Livre". Quand il veut citer un passage du Coran, le musulman emploie d'ordinaire la formule suivante : "Dieu, le Très-Haut, a dit".

O. Houdas 
1904 
Le Livre et la foi.
Au temps du calife -Abbasside-Al-Mamoun, de longues et vives controverses agitèrent le monde musulman sur la question de savoir si le Coran avait existé de toute éternité, ou s'il avait été créé en vue seulement de la réforme religieuse prêchée par Mohammed (Mahomet). A première vue, cette discussion semble n'avoir qu'un caractère spéculatif; cependant, en y réfléchissant, on comprend qu'elle ait été d'une importance capitale aux yeux des musulmans.

Admettre que le Coran était éternel, c'était en somme amoindrir la valeur des autres religions révélées qui n'apparaissaient alors que comme provisoires et fatalement condamnées à bref délai, dès les premiers jours de leur apparition. La croyance à la création récente du livre saint marquait au contraire la simple évolution d'une forme religieuse dont les principes fondamentaux étaient déjà fixés d'une manière définitive. Les Motazilites qui s'étaient rangés à cette seconde opinion, n'ont point eu gain de cause, et la doctrine aujourd'hui orthodoxe, est que le Coran a existé de toute éternité, Tout, cependant, porte à croire que, sans s'être prononcé, il est vrai, Mahomet pensait au fond comme les Motazélites.

Un point, en revanche, sur lequel aucun doute ne s'est élevé dans l'esprit d'un seul musulman, c'est que le Coran est la reproduction, sans le moindre changement dans la forme ou dans le fond, de la parole même de Dieu. L'ange Gabriel l'aurait, si l'on ose dire, phonographiée à Mahomet. De cette croyance, il résulte ce fait capital que Dieu voulant faire connaître aux humains les devoirs religieux qu'ils avaient à remplir, a choisi entre toutes les langues, celle de l'arabe du Hedjaz. Et, comme Dieu ne saurait en rien se tromper, on en est arrivé à cette conséquence inéluctable que le Coran est un pur chef-d'oeuvre littéraire dont la morphologie et la syntaxe sont d'une perfection absolue.

On peut bien admettre que Mahomet n'a rien omis des mots que lui transmettait l'ange Gabriel et qu'il n'a rien changé non plus à leur forme; mais les fidèles, qui pendant longtemps ont répété le texte du Coran de vive voix avant que sa mise en écrit ait été faite d'une façon définitive, ont pu avoir quelques défaillances de mémoire. Aussi, malgré le soin qu'on a pris de consulter tous les porteurs de Coran, c'est-à-dire de ceux qui en savaient par coeur des fragments, d'une manière certaine, il est fort possible que le jour de la rédaction du Coran, il s'y soit glissé quelques erreurs ou quelques omissions. Ainsi s'expliquent certaines variantes de lecture bien légères à la vérité, mais qui permettent de croire que çà et là, il se rencontre quelques incorrections grammaticales sans importance, eu égard aux principes généraux de la langue et aux usages particuliers de l'idiome ancien, car maintenant nul n'a le droit d'y trouver à reprendre.

Bien que rédigé dans un style impeccable avec une correction orthographique idéale en quelque sorte, le Coran ne se comprend pas à la simple lecture. Nombre de passages seraient même tout à fait inintelligibles, si de savants commentateurs ne les avaient élucidés à la suite de longues études et de patientes recherches. Tout bon musulman qui veut éviter de trahir la pensée du Livre saint, doit s'en tenir à l'interprétation donnée par les commentateurs que l'opinion publique a désignés comme faisant autorité. Rien ne s'oppose à ce qu'une personne instruite, s'aidant de ses devanciers, fasse un nouveau commentaire du Coran, mais il risque son salut éternel, s'il n'est pas à la hauteur de sa tâche.

Le Coran est la base fondamentale de toutes les sciences musulmanes, en ce sens que c'est par lui seul qu'on est en mesure de discerner ce qui est erreur de ce qui est vérité. Il est donc tout naturel que la connaissance de la langue arabe soit répandue dans le monde musulman, mais elle le serait beaucoup moins, à coup sûr, s'il n'avait été interdit de traduire le Coran dans une langue étrangère, afin que le sens n'en fût pas travesti par des contresens ou tout au moins par des Inexactitudes qui sont à peu près inévitables dans une traduction quelconque. Cette prohibition a eu cette conséquence fort importante d'engager tous les nouveaux convertis à délaisser leur langue maternelle et à faire usage de l'arabe pour leur haute culture intellectuelle. II y a eu là un puissant moyen de cohésion entre les musulmans d'origines différentes, mais peut-être aussi un obstacle à la formation de nationalités véritables dans le monde musulman. Aujourd'hui encore, l'arabe joue le rôle si longtemps dévolu au latin parmi les populations chrétiennes de l'Europe.

La prose du Coran est d'un genre tout particulier; l'harmonie des sons, la cadence des mots rappellent par moment la véritable poésie et pourtant ce n'est même vraiment pas de la prose rythmée. Sans doute le texte est coupé par fragments assez courts qui parfois se succèdent avec une même assonance finale répétée deux ou plusieurs fois, mais ces fragments sont de longueurs trop inégales pour qu'on puisse, en aucun cas, les assimiler à ceux de la prose rythmée.

Ces fragments qui portent en arabe le nom de âïat (signe, miracle) et en français celui de versets ont été répartis dans la rédaction définitive du Coran en groupes formant 114 chapitres ou sourates. Dans cette répartition, faite après coup, au moins pour la plupart des sourates, le nombre des versets varie singulièrement, allant de 3 à 285. Le titre de chacune des sourates a été, en général, emprunté au nom d'une des choses qui y est plus particulièrement mentionnée ou d'un personnage dont il est surtout question. C'est ainsi qu'à côté des sourates : La vache, l'araignée, la lune, etc., on trouve celles de : Joseph, Abraham, Marie, etc. Quelquefois, en outre, c'est un simple monogramme dont la signification exacte est demeurée inconnue; telle la sourate Ya, Sin, nom arabe des deux lettres correspondant à Y, S. Enfin, une même sourate se trouve encore avoir deux titres différents que chacun peut employer à volonté.

Sauf la première sourate qui ne compte que sept versets; les autres chapitres du Coran sont presque tous rangés dans un ordre qui a pour unique base le nombre des versets, les sourates diminuant de longueur à mesure qu'on avance vers la fin. Vers le milieu du Coran, cet ordre souffre quelques légères exceptions. En dehors de cette division en chapitres, il en existe d'autres qui ont un caractère rituel. La principale est celle dont on fait usage pour les offices et qui consiste à partager le Coran en 60 parties qui portent le nom de hizb et qui sont à peu près d'égale longueur. Quand on lit ou qu'on récite le Coran, les intonations de la voix doivent varier, tantôt s'élevant, tantôt s'abaissant suivant des règles bien établies. Ces intonations et les pauses qui les interrompent ont été l'objet d'une notation spéciale. Toutefois, cette lecture est sujette à quelques variantes toutes orthodoxes et l'on admet sept façons également bonnes de lire le Livre saint.

Après le titre du chapitre, toute copie faite avec soin mentionne son lieu d'origine, c'est-à-dire si la sourate a été révélée à la Mecque ou à Médine. Cette indication a son importance, car elle date la sourate d'une façon relative, les révélations faites à Médine étant postérieures à celles qui se sont produites à la Mecque. Quelques sourates, cependant, sont mixtes, en ce sens quelles ont été révélées, partie à la Mecque, partie à Médine; elles sont, du reste, fort peu nombreuses.

Chaque sourate débute par ces mots : "Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux". Une seule fait exception, c'est celle qui porte le titre "l'Immunité" ou "le Repentir", et qui est classée la neuvième. Un bon musulman n'entreprend jamais rien sans prononcer la formule sacramentelle indiquée ci-dessus. II suffirait d'y ajouter le geste pour avoir l'équivalent exact du signe de la croix des chrétiens.

Quant aux matières traitées dans le Coran elles ne sont point classées d'une façon méthodique. Tout y est pêle-mêle, ce qui s'explique en somme par la façon dont la transmission de la parole divine se faisait aux fidèles. Chaque révélation, en général fort courte, avait pour objet de fournir au Prophète une réponse topique aux questions de toute nature qui lui étaient adressées, de confirmer ses décisions déjà prises ou celles qu'il voulait prendre ou encore de justifier sa conduite personnelle ou celle de ses proches. Tout cela était donc subordonné au hasard des circonstances et il est bien naturel qu'il ait été difficile, sinon impossible, de coordonner des sujets de nature aussi dissemblable le jour où l'on s'est décidé à procéder à un classement. L'ordre chronologique n'a été nullement observé puisque les 47 derniers chapitres ont été révélés à la Mecque.

A la Mecque, c'est-à-dire tout au début de la prédication, la révélation a eu un caractère bien différent de celui qu'elle a pris plus tard. Elle est, en effet, presque exclusivement consacrée à la glorification de Dieu, à l'affirmation énergique de son unité, à la proclamation de sa toute-puissance et en même temps à l'annonce d'une vie future où les justes recevront la récompense de leurs vertus, tandis que les méchants subiront la punition de leurs fautes. Toute cette partie du Coran est d'un style élégant et poétique qui procède cependant par phrases courtes et pleines d'énergie, comme il convient quand on veut frapper les esprits ou évaluer leur attention plutôt que les convaincre par des arguments précis ou d'habiles raisonnements.

A Médine, au contraire, la phrase est plus longue et sa forme a perdu quelque peu de son lyrisme. Les idées, plus variées, sont exprimées d'une façon plus concrète. Dans les sourates de Médine, on rencontre parfois des récits bibliques, en général fort écourtés et dans lesquels il est surtout question des difficultés qu'ont rencontrées les prophètes des âges précédents dans l'accomplissement de leurs missions, et en même temps des moyens qu'ils ont employés pour venir à bout des obstacles qui se présentaient sur leur route. A côté de ces passages, qui s'adressent plus spécialement aux Juifs, on trouve l'énoncé des dogmes, l'indication de certaines rites, des sentences morales, des principes de droit ou même des dispositions législatives nettement formulées, des règles à observer dans les rapports sociaux ou dans la vie commune, et enfin quelques traits relatifs à la personnalité du Prophète lui-même.

La différence de style entre les révélations faites à la Mecque et celles faites à Médine, proviennent en grande partie des raisons indiquées ci-dessus. Cependant il est probable que cette différence a eu en même temps une autre cause. Les Arabes ont toujours eu un goût marqué pour la poésie. De tout temps, ils ont manié les vers avec la plus grande facilité et en ont fait un usage immodéré. Ils furent donc surpris que la révélation ne se fit pas en vers, et il avait fallu que Mahomet déployât dans sa prose une virtuosité étonnante pour qu'au début elle produisit quelque effet. Plus tard, cette recherche fut moins nécessaire. D'ailleurs, Mahomet était, dit-on, incapable de faire un vers et quand il lui arrivait d'en citer un, il était bien rare qu'il n'en troublât pas la mesure.

Tous ces sujets si divers, qui figurent dans le Coran, sont à peine effleurés; aucun n'est traité à fond. C'est là pourtant, qu'il a fallu puiser pour en tirer toutes les conséquences morales, dogmatiques, législatives ou sociales. II eût été toujours malaisé et souvent impossible de faire bien des déductions de ce genre, si l'on n'avait eu à sa disposition les renseignements ou explications fournis par Mahomet lui-même et qui sont consignés dans les hadîths (= "les propos du Prophète"). Si ardue cependant qu'ait été la tâche des exégètes pour cette partie de leur travail, ils eurent à procéder à une autre tâche de beaucoup plus délicate.

Quand on se livre à un examen méticuleux du texte du livre saint, afin de pouvoir distinguer ce qui est permis de ce qui est défendu, ou en d'autres termes, ce qui est bien de ce qui est mal, on remarque que certaines choses, déclarées licites dans un verset, sont ailleurs l'objet d'un autre verset qui les déclare illicites. Cette contradiction n'a nullement choqué les musulmans et aucun d'eux n'a songé à les dissimuler ou à en atténuer la portée. On a dit très franchement qu'il y avait des versets abrogeant tandis que d'autres étaient abrogés par les premiers. Puis, au cours du travail auquel on s'était livré dans le but de bien préciser quels étaient les versets appartenant à l'une de ces catégories, on reconnut une nouvelle espèce de versets, les versets douteux au point de vue des conclusions à en tirer cela va sans dire.

On voit par là qu'il ne suffit pas de lire une traduction du Coran, fût-elle rigoureusement exacte, pour être fixé sur tel ou tel point de la doctrine musulmane. On risque, en effet, de se servir d'un verset abrogé ou tout au moins douteux. Les musulmans citent à ce sujet une anecdote typique. Le général Menou avait épousé une musulmane et, arrivé en France, il réussit à la convertir au christianisme en lui lisant la traduction d'un passage du Coran où il est dit que tous ceux, Chrétiens ou Juifs, qui auront cru en un seul Dieu et à la vie future, seront sauvés. La traduction était d'une exactitude rigoureuse, mais le verset était abrogé. Le savant orientaliste, qui avait trouvé cet argument décisif, était, à n'en pas douter, de la meilleure foi du monde.

A côté des choses que le Coran ordonne ou défend de faire d'une façon absolue, il est certaines actions sur lesquelles il s'est exprimé en termes beaucoup moins précis. II est d'ailleurs bien évident qu'on ne saurait obliger un humain à faire tout ce qui est bien pas plus qu'on n'est en droit de l'empêcher, en cas de nécessité, de commettre des actes qui lui seraient interdits en temps normal. Aussi les musulmans, d'après le Coran, ont-ils imaginé de classer toutes les actions des humains sous les quatre rubriques suivantes : licites, illicites, recommandables et répréhensibles. Les deux premières catégories Sont d'ordinaire l'objet d'une mention spéciale dans le livre saint : quant aux autres, on les détermine le plus souvent en ayant recours à l'analogie, procédé qu'il est toujours permis d'appliquer chaque fois qu'un cas non prévu vient à se présenter. En vertu de ce système, on comprend que le Coran fournisse un moyen infaillible de discerner la véritable qualité d'une action quelconque et qu'il réalise ainsi le but principal qu'il m'est proposé d'atteindre à savoir : la distinction du bien et du mal.

Le symbole de la foi et la vie future.
Le symbole de la foi musulmane, tel qu'il a été formulé dans le Coran, est de la plus grande simplicité. Il consiste à dire: "II n'y a pas d'autre divinité que Dieu et Mahomet est l'Envoyé de Dieu". Il suffit donc, pour être musulman, de prononcer en toute sincérité et avec conviction ces paroles sacramentelles. Toute personne qui, in extremis, énonce cette double affirmation, est donc assurée de jouir dans l'autre monde de toutes les prérogatives qu'assure l'islam. Toutefois, la question s'est posée de savoir si celui qui, avant ce moment, a connu l'existence de la religion musulmane et a refusé de l'embrasser, sera lui aussi admis a bénéficier des avantages attachés a cet acte de foi. Ceux qui opinent pour l'affirmative, peuvent invoquer à l'appui de leur opinion, la conversion de Abou-Thaleb, l'oncle du Prophète. Il est juste d'ajouter que cette conversion in extremis n'a rien de bien authentique et qu'elle est fortement contestée.

En dehors d'une conversion a l'article de la mort, le symbole ne suffit pas à lui seul pour conférer la qualité de musulman d'une manière définitive. Il faut, en outre, croire a la vie future avec son cortège de récompenses et de châtiments éternels et accomplir différents rites, entre autres, ceux de la prière et du jeûne annuel dit ramadan. Le symbole ne fait aucune mention de la vie future, parce que ceux qui, les premiers, ont adopté l'Islam étaient imbus de cette croyance inhérente, en quelque sorte, à toutes les religions.

Et, à ce propos, il est à remarquer que l'éternité du châtiment n'existe pas pour le musulman; quelles que soient les fautes qu'il a commises, pourvu que sa foi en un seul Dieu et à la mission de Mahomet n'ait jamais été ébranlée ou, plus exactement, qu'il soit mort avec cette conviction, le musulman est assuré de trouver place au Paradis après un séjour plus ou moins long, dans les tourments de l'Enfer. C'est à cette croyance qu'il faut attribuer l'insistance que mettent les musulmans à faire prononcer, par un moribond, ces quelques mots, qui lui assureront, a une échéance plus ou moins lointaine, l'éternelle béatitude. C'est, continu on voit, le fidèle lui-même qui, sur les sollicitations de ses parents ou de ses amis, s'administre lui-même cette sorte d'extrême onction.

La faveur attachée à la prononciation du symbole, aurait nécessairement fait défaut à tous ceux qui succombent brusquement, sans avoir le temps de la moindre réflexion; aussi a-t-on décidé que ceux qui périssent dans un combat, dans un incendie, dans un naufrage, dans une épidémie foudroyante, dans une quinte de toux, sont considérés comme étant morts munis de leur extrême-onction, si l'on ose s'exprimer ainsi. On appelle celui qui meurt ainsi chahîd, mot arabe que l'on traduit par martyr et qui, en réalité, veut dire ici "qui a témoigné de sa foi", bien qu'en somme, il n'ait pas accompli le rite habituel. La femme qui meurt en couche, jouit également du privilège d'être dispensée de la formule sacramentelle.

Autour du jugement dernier, tous les êtres humains seront ressuscités en corps et en âme. Deux anges, spécialement attachés à la personne de chaque individu, afin d'assister à tous les actes de sa vie et de les noter sur un livret, viendront alors produire, pour celui dont la surveillance leur avait été confiée, la liste intégrale de ses bonnes et de ses mauvaises actions. Chaque action bonne ou mauvaise, sera alors représentée par un poids proportionné à son importance, puis, les poids relatifs aux bonnes actions, seront placés sur l'un des plateaux d'une balance, tandis que l'on mettra, sur l'autre plateau, les poids représentant les mauvaises actions. La pesée qui sera faite, permettra de déterminer, séance tenante, non seulement s'il y a lieu à châtiment ou à récompense, mais encore dans quelle proportion la rétribution devra être faite.

Cette formalité terminée, les bienheureux iront aussitôt occuper dans le Paradis, la place que leurs vertus leur auront assignée et pour tous, sans exception, les félicités seront éternelles. Les réprouvés seront rudement chassés vers l'Enfer où leur supplice sera également proportionné à leurs fautes. Le châtiment sera éternel, mais seulement pour ceux qui ne seront pas morts musulmans. On a déjà dit plus haut que le temps des peines des musulmans serait limité.

Afin que la joie des bons soit sans mélange et que la terreur des méchants n'ait point de bornes, on donnera à tous la preuve qu'aucune nouvelle mort ne viendra mettre un terme au bonheur des uns ou au malheur des autres. Pour cela on amènera, devant tous les êtres assemblés, un bélier qui symbolisera la mort, puis, cet animalsera égorgé aux yeux de tous, de façon que chacun, sachant dorénavant, que la mort n'exista plus, ait la certitude d'être immortel, qu'il soit un des justes ou qui des méchants. Il a été également question d'une troisième catégorie d'êtres, ceux qui ont fait autant de mal que de bien, et qui, n'ayant mérité ni l'Enfer, ni le Paradis, se tiendraient sur une haute muraille séparant le Paradis et l'Enfer; mais, le passage du Coran, sur lequel s'est fondé cette légende, est si peu clair que beaucoup d'exégètes lui donnent un tout autre sens.

Du moment que les corps ressuscitent, il est tout naturel que les récompenses et les châtiments aient un caractère nettement matériel, ce qui, du reste, n'empêche pas de concevoir l'existence pour les âmes de joies ou de peines d'ordre purement spirituel. Le feu était un supplice fatalement indiqué. D'une part, il cause les plus atroces douleurs, et, d'autre part, il devait sembler encore plus insupportable à des gens qui connaissaient déjà les souffrances de la chaleur si pénible du pays qu'ils habitaient.

De leur côté, les bienheureux devaient désirer trouver dans le Paradis, tout ce qu'ils avaient tant de peines à se procurer sur terre : la verdure des arbres, les eaux courantes, ou encore des satisfactions physiques, dont la misère, en ce monde, les avait privés ou que la religion leur avait interdites, à cause des maux qu'elle pouvait faire naître, tel, par exemple, l'usage du vin. Il serait puéril de nier la nature sensuelle de ces jouissances, mais il serait au moins étrange de concevoir que des êtres doués d'un corps, n'aient pas à accomplir toutes les fonctions inhérentes à leur nature, s'ils ne font aucun tort ni aucune violence à leur prochain. Ces besoins sont, en somme, la conséquence inévitable d'un organisme dont Dieu est le seul auteur.

Le fatalisme.
L'islam a cherché à limiter autant que possible la dose de foi religieuse de ses adeptes en évitant de leur imposer des croyances qui auraient été par trop contraires aux exigences de la raison. Son principal souci, semble-t-il, a été d'enlever aux fidèles, les préoccupations que provoque, dans notre intelligence, la recherche des causes de l'existence du monde et des fins pour lesquels ce monde a été créé. Là-dessus, il n'accepte aucune discussion, mais, pour tout le reste, il laisse à l'humain le droit de faire usage de sa raison dans une très large mesure. Loin de multiplier le nombre des mystères, il a cherché à les réduire et, à vrai dire, il n'en reste qu'un à la base de tout son édifice, l'existence d'un Dieu unique, tout puissant et éternel. Il n'a rien divinisé sur terre ni un seul humain, ni une seule chose.

Si la toute-puissance de Dieu est admise au sens strict du mot, l'humain n'est plus en réalité le maître d'aucun bien et n'a plus le droit d'agir selon sa volonté : c'est un véritable esclave et le même vocable arabe abd sert, en effet, à la fois à désigner l'adorateur de la divinité et l'esclave de l'humain. La vie elle-même est considérée comme un simple prêt fait à l'humain et quand celui-ci meurt, il ne fait que restituer le prêt qui lui a été consenti. Dieu a fixé l'échéance de cette dette d'une façon irrévocable; l'humain n'a pas le droit de la devancer, ni le pouvoir de la reculer. Si infimes soient-ils, tous les événements sans exception, sont prévus et décidés par Dieu et nul autre que lui ne saurait en modifier le cours; quant à Dieu, il ne saurait songer un instant au moindre changement. C'est le fatalisme dans toute sa pureté.

Dans la pratique cependant, cette doctrine qui, d'ailleurs n'a pas été acceptée par tous les Musulmans, est loin d'avoir la rigueur qu'on a coutume de lui attribuer. Certes, personne ne nie que Dieu ne soit l'auteur des arrêts du destin, mais on admet très bien qu'il puisse surseoir à leur exécution ou même n'en tenir aucun compte. Or, du moment qu'un changement dans l'ordre prévu des événements peut se produire sous l'influence de certaines circonstances, on se trouve en présence de deux hypothèses : ou ce changement était lui-même prédestiné ou l'humain possède le libre arbitre. Tout cela se présente d'une façon assez confuse dans l'esprit des musulmans et chacun, suivant son tempérament et en raison des circonstances, croit ou non au fatalisme absolu.

La masse des musulmans est partout très fataliste. Cette croyance procure aux fidèles une puissance de résignation à laquelle n'atteignent guère ailleurs que les humains les plus stoïques. La résignation est maintes fois mentionnée et encouragée par le Coran; aussi est-elle devenue une des forces capitales de l'Islam, si tant est qu'on puisse appliquer ce mot de force à ce qui n'est en réalité que de l'inertie. Cette vertu toute passive a été un des grands éléments de succès, au début de l'Islam. A cette époque, où la foi religieuse était dans toute son intensité, elle a permis de porter à son comble l'ardeur belliqueuse. Unis, si elle leur donna alors un mépris souverain de la mort, elle provoque aujourd'hui une sorte d'engourdissement qui enraye le progrès. Utile au moment de la lutte, elle est complètement funeste en temps de paix.

La réforme religieuse.
L'islam a plutôt le caractère d'une réforme que celui d'une nouvelle religion. En effet, le Coran ne méconnaît en aucune façon la valeur ou la légitimité des religions révélées qui ont précédé la prédication de Mahomet. Il paraît considérer le Judaïsme et le Christianisme comme des formes successives de la vraie religion qui se serait améliorée à chaque étape nouvelle ou, plus exactement se serait mise en harmonie avec les progrès réalisés par l'humanité dans la voie de la civilisation.

Cette idée ressortait même nettement du texte de certains versets qui, par la suite, ont pris place, il est vrai, parmi les versets abrogés, tel, par exemple, le verset où il est dit que Sabéens, Juifs et Chrétiens, c'est-à-dire tous ceux qui ont cru à un seul Dieu et à la vie future, pourront être sauvés. En dépit de l'abrogation des versets de ce genre, cette idée de progression est restée si bien ancrée dans l'esprit des musulmans qu'un certain nombre d'entre eux exigent qu'un juif, avant d'embrasser l'Islam, passe préalablement par le Christianisme. Il ne leur sembla pas convenable de laisser ainsi brûler une étape que Dieu lui-même avait marquée.

La théorie des étapes successives avait été utile au début, en ce sens qu'elle ménageait les Chrétiens et les Juifs qui étaient des adversaires beaucoup plus redoutables que les idolâtres. Plus tard, au contraire, lorsque tout danger fut passé, elle risquait de devenir fort dangereuse. Rien n'empêchait quelque nouveau prophète de surgir à un moment donné pour renverser à son tour l'islam en invoquant comme prétexte que les circonstances étaient telles qu'une réforme de la religion s'imposait afin de la mettre à la hauteur du progrès. Le Coran a donc pris grand soin d'affirmer avec énergie que Dieu avait parfait son oeuvre en révélant l'Islam et qu'aucun envoyé du ciel ne viendrait dorénavant transmettre aux humains la parole divine, il déclara en conséquence que Mahomet était le "sceau du Prophète", expression qui sert souvent à le désigner.

L'idée du progrès de la forme religieuse à travers les âges est profondément gravée au fond du coeur de tous les musulmans et c'est elle qui, pour une bonne part, fait qu'ils n'abjurent pas leur foi. A peine pourrait-on citer au début du XXe siècle quelques fils de musulmans qui, volontairement, se sont convertis à une autre religion et dans ce nombre, d'ailleurs infime, on ne trouverait peut-être que des femmes ou de tout jeunes gens. Il semble, du reste, qu'une croyance analogue existe chez ceux qui professent une des grandes religions révélées. De temps à autre, un Juif embrasse la religion catholique ou encore un catholique se convertit au protestantisme, tandis que bien rarement la réciproque vient à se produire. II ne s'agit ici, bien entendu, que de conversion à la fois volontaire et désintéressée. En matière de convictions, semble-t-il, celui qui n'est pas réactionnaire de naissance ne le devient que par intérêt.

Les cinq piliers de la foi.
Le Coran impose au fidèle cinq grandes obligations : la prière, le jeune, l'aumône, le pèlerinage et la guerre sainte. Les trois premières sont strictement individuelles, nul ne pouvant les remplir au nom d'un autre. La quatrième peut être accomplie par un mandataire. Pour être tenu de s'acquitter de ce pèlerinage à la Mecque il faut, du reste, qu'on n'ait à redouter aucun danger certain et en outre qu'on possède la santé et les ressources nécessaires pour entreprendre un tel voyage. Beaucoup de musulmans meurent sans avoir mis à exécution ce pieux devoir et ne seront pas pour cela privés du bonheur éternel.

Quant à la guerre sainte, il faut remarquer tout d'abord qu'elle peut fort bien ne pas survenir durant de longues années et que bien des fidèles n'ont, par conséquent, jamais occasion d'y prendre part. Mais, même si elle a lieu de son vivant, le fidèle n'est pas tenu de se rendre à une mobilisation si un nombre suffisant de ses coreligionnaires s'est dévoué à cette tâche ou encore s'il est très éloigné du pays dans lequel la lutte est engagée.

II convient de constater, dès à présent, que le musulman ne poursuit pas un but directement intéressé lorsqu'il s'acquitte de ces cinq prescriptions. S'il fait la prière, ce n'est ni pour demander son pain quotidien, ni même son salut éternel en termes précis; il se contente de s'écrier que Dieu est unique, qu'il est grand, qu'il possède toutes les vertus, toutes les qualités. Il le loue, le remercie sans jamais rien lui réclamer ni pour le présent, ni pour l'avenir; il craindrait, en faisant une telle demande, de paraître douter de la justice divine. Le jeûne est une manière de manifester sa soumission aux ordres de Dieu et non de mortifier sa chair afin de s'éviter les occasions de pécher. On fait l'aumône en vue d'être agréable à Dieu et à son prochain et non parce qu'elle confère des indulgences spéciales. Le pèlerinage envisagé au point de vue des fidèles, n'est qu'un moyen de resserrer les liens qui les unissent et d'accroître ainsi les forces de la communauté en lui assurant une plus grande cohésion. Enfin la guerre sainte est surtout faite en vue de défendre la religion. L'appât du butin excite sans doute l'ardeur du musulman qui prend les armes, mais cette considération n'entre pour aucune part dans la déclaration de la guerre. Somme toute, on n'a donc qu'un intérêt purement moral en se conformant strictement à toutes ces obligations.

Les autres prescriptions coraniques.
A côté de ces cinq grandes obligations d'ordre purement religieux, le Coran formule de nombreuses prescriptions dont le caractère est plutôt hygiénique ou social. Parmi ces dispositions, il faut citer en première ligne, celles relatives au mariage et à la répudiation. Sans être absolument obligatoire, le mariage est très recommandé. La polygamie est permise à la condition de n'avoir pas à la fois plus de quatre femmes légitimes; le concubinage est autorisé. Sans entrer ici dans les détails, on notera que le sort de la femme a été amélioré par l'Islam. Auparavant, en Arabie, elle était plutôt une chose qu'une personne. L'Islam ne fait aucun mérite du voeu de chasteté; aussi les célibataires, hommes ou femmes, sont-ils fort rares dans le monde musulman où la grave question de la dépopulation semble ne devoir jamais se présenter au moins comme conséquence de l'institution religieuse.

L'esclavage n'a pas été aboli par le Coran : le livre saint s'est contenté de recommander aux maîtres de se montrer très humains envers leurs esclaves et de les affranchir le plus qu'ils pourraient. L'affranchissement d'un esclave est un des moyens de racheter l'omission volontaire ou non de certains devoirs religieux. Avec le jeûne et l'aumône, il constitue une des principales formes d'expiation.

II va sans dire que le Coran interdit et réprouve les crimes, délits ou actes que tout le monde s'accorde à regarder comme illicites. II est donc tout naturel qu'il soit une des bases fondamentales de la législation musulmane, puisqu'il détermine, en principe, ce qui est bien et ce qui est mal ou, si l'on veut, ce qui est juste ou injuste. Toutefois, ce n'est que pour quelques grands crimes ordinaires, tels que meurtres ou vols, qu'il a fait oeuvre législative véritable en fixant les pénalités à infliger comme le ferait un Code proprement dit. Encore convient-il d'ajouter que tout cela n'est pas toujours très précis. En dehors de cela, les droits successoraux sont les seuls qui aient été réglés d'une façon assez minutieuse pour que les législations postérieures n'aient eu, pour ainsi dire, rien à ajouter au texte sacré. Cette précision accidentelle a eu pour effet de donner à la loi musulmane une apparence d'arbitraire qu'elle n'aurait jamais eu si le Coran s'était borné à des indications générales ainsi qu'il le fait le plus souvent. Toutes les théories logiquement élaborées par des jurisconsultes, se sont, de temps à autre, heurtées à des dispositions coraniques qui sont en contradiction avec la déduction rigoureuse des principes et qu'il a été impossible de modifier ou d'enfreindre sous peine de nier la nature divine du livre saint. Dans ces exceptions qui interrompent la série régulière des conséquences logiques tirées d'un principe nettement posé, on est tenté de voir une faute grossière de raisonnement, alors qu'il n'y a qu'une impossibilité absolue de faire rentrer dans le cadre ordinaire de la théorie un fait isolé que Dieu a pu régler d'après des motifs dont la nature est ignorée des humains.

Néanmoins, grâce à ce fait, que le Coran est resté peu explicite sur la plupart des points de détail, la législation musulmane a pu atteindre un assez haut degré de perfection pour supporter la comparaison avec les plus grandes oeuvres législatives. Elle a déjà progressé lentement, il est vrai, à travers les âges, mais nombre d'améliorations sont possibles dans l'avenir. Rien ne s'oppose à ce qu'on remanie les travaux des anciens jurisconsultes pour les mettre en harmonie avec l'évolution légère qu'a déjà subie la société musulmane, évolution qui, fatalement, maintenant et à bref délai sera des plus considérables.

Au cours des dernières années du XIXe siècle, certains États musulmans ont été amenés à introduire de nouvelles règles pour des questions qui cependant paraissaient tranchées d'une façon définitive. Ces changements se sont produits également dans les quatre rites orthodoxes; hanéfite, malekite, chaféite et handbalite; ils n'ont pas été très considérables, cela est vrai, mais le fait seul d'avoir violé si peu que ce soit le respect qui s'attache à la tradition, est l'indice des temps nouveaux qui ne tarderont plus maintenant à parachever cette oeuvre.

En matière canonique, le texte sacré a formulé un Code un peu plus complet qu'en matière civile ou criminelle; aussi, de ce côté, il faudra de longues années avant qu'on puisse espérer la moindre réforme. Cela, du reste, n'offre guère d'inconvénients au point de vue du progrès de la société musulmane. Les pratiques religieuses qui gênent le progrès tombent en désuétude sans que la religion elle-même coure un réel danger; mais que l'on change formellement ces pratiques si peu que ce soit, la religion disparaîtra aussitôt pour faire place à une autre. La célèbre formule : Sint ut sunt, aut non sint, peut s'appliquer aux pratiques de toutes les religions.

Les mêmes versets du Coran prohibent à la fois le vin et les jeux du hasard. Il n'est pas toujours tenu un compte rigoureux de ces deux prohibitions. Cependant, dans les pays musulmans qui ne subissent pas la domination étrangère, l'ivresse est fort rare, et chaque fois qu'elle se manifeste, elle est punie avec sévérité. C'est un vice qui se produit plutôt dans la classe aisée que dans la classe pauvre. Beaucoup de jeunes gens de famille s'adonnent volontiers à l'usage des liqueurs fermentées jusqu'à un âge qui varie entre 25 et 30 ans passé ce moment, ils deviennent d'un rigorisme absolu en matière de religion et rien ne les déciderait, dorénavant, fût-ce pour une seule fois, à tremper leurs lèvres dans la plus inoffensive des liqueurs défendues,

La clientèle des jeux de hasard se recrute d'une façon tout à fait différente. II n'y a guère que dans la classe ouvrière où l'on voie des jeunes gens et parfois des hommes se livrer au jeu, dans l'espoir d'augmenter ainsi le maigre gain que leur procure un labeur quotidien. L'âge mûr, ici encore, calme cette passion ainsi que toutes les autres et, dans l'islam comme ailleurs, c'est parmi les vieux diables qu'on trouve les plus fervents ermites.

A la prohibition des liqueurs fermentées, on peut ajouter d'autres défenses du même genre, telles que l'interdiction de manger de la viande de porc, ou même de la chair d'autres animaux s'ils n'ont pas été tués suivant les rites, c'est-à-dire en tranchant d'un même coup, les deux carotides et en prononçant la formule :

"Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux".
En édictant cette dernière obligation on a voulu éviter qu'un musulman pût manger d'un animal offert en sacrifice à quelque fausse divinité. L'ablution et la lotion, suivant le cas, sont ordonnées en maintes circonstances. Cette habitude aurait pu être étendue à toutes choses, au lieu d'être limitée au corps seulement. Mais l'eau est si rare en Arabie qu'on se serait heurté à une impossibilité absolue si l'un avait exigé le lavage fréquent des vêtements et l'on a même été contraint de tolérer l'ablution sèche où l'on remplace l'eau par le sable fin.

II est à remarquer que le Coran est muet sur la circoncision. Pourtant cette coutume a été universellement adoptée par les musulmans, au point qu'ils considèrent cette opération chirurgicale comme aussi indispensable à un musulman que l'est le baptême pour un catholique. II est permis de s'étonner qu'on attache une telle importance à un acte dont le Livre saint n'a pas jugé à propos de faire la moindre mention. Cela tient sans doute, a-t-on pu dire, à ce que Dieu ne pouvait avouer lui-même qu'il avait commis une légère imprévoyance en façonnant le corps de l'homme...

Une religion en devenir.
Une énumération complète de toutes les matières traitées dans le Coran, ne saurait trouver place dans cette page. En épiloguant un peu sur chacun des mots qui y figurent, on arrive sans peine à en déduire une foule de choses aux quelles on ne songerait sûrement pas à la suite d'une simple lecture. En dépit de leur talent et de leurs efforts, les exégètes les plus autorisés laisseront toujours à glaner dans ce champ des déductions. C'est même par là qu'on peut espérer arriver, sans froisser la conscience religieuse, à de successives modifications dans l'état social ou politique des musulmans.

Quoi qu'il en soit à cet égard, le Coran est plein de passages où, dans les termes les plus ardents, on invite l'humain à pratiquer la vertu et à fuir le vice. A maintes reprises, on lui prescrit le respect de la famille, le piété filiale, l'amour de son prochain, Sans doute, on entend que tous ces bons sentiments doivent s'adresser à des coreligionnaires, mais, s'il en était autrement, l'islam ne serait plus une religion au sens réel du mot.

L'esclavage et la peine du talion [et la condition faite aux femmes] sont les deux seuls points qui heurtent véritablement les valeurs des sociétés modernes. Mahomet a bien pu abolir l'usage barbare qu'avaient autrefois les Arabes, d'enterrer vivantes leurs filles dans les années de disette; mais l'abolition de l'esclavage n'eut sûrement pas été acceptée s'il l'avait décrétée; il a donc préféré réglementer cette coutume d'une façon plus sage qu'elle ne l'était naguère chez les nations civilisées du monde chrétien. Le talion, qui, de nos jours, s'appelle vendetta, n'a pas complètement disparu de l'Europe; il y est libre au lieu d'être réglementé. Il serait peu équitable de reprocher au Coran de n'avoir pas fait, il y a treize cents ans, une réforme que nous n'avons pas encore complètement accomplie.

La partie narrative du Coran consiste en légendes bibliques plus ou moins écourtées ou défigurées; elle n'a pas un véritable caractère religieux. Elle est là surtout, pour bien établir que les obstacles rencontrés par Mahomet dans sa prédication, n'infirment en rien la réalité de sa mission prophétique puisque tous ses prédécesseurs ont été aux prises avec les mêmes difficultés. Tout en répondant ainsi aux objections formulées par les Juifs et les Chrétiens, ces récits avaient, en outre, l'avantage de former une sorte de lien qui rattachait la religion nouvelle à celles du passé.

L'origine divine du Coran lui assure, en toutes matières, une autorité suprême. Pourtant, il ne serait pas exact de croire qu'on est en droit de pratiquer tout ce qu'il indique implicitement ou explicitement. En dehors des versets abrogés et des versets douteux qu'il renferme et dont ni la lettre, ni l'esprit, n'ont à être mis en pratique par le fidèle, il y a certains points qui ont besoin d'être confirmés par des hadîths avant de servir de préceptes canoniques. (O. Houdas, 1904).



En librairie - Farid Esack, Coran, mode d'emploi, Albin Michel, 2004. - Jean-Luc Monneret et Dalil Boubaker, Les grands thèmes du Coran, Dervy, 2003. - Jean-Charles Pichon, L'Islam dans le Coran, Sophon, 2003. Roger Caratini et H. Rhais, Initiation à l'Islam, foi et pratique, L'Archipel, 2003. - R. Blachère, Introduction au Coran, Maisonneuve et Larose, 2002. -  Le Coran, essai de traduction (Jacques Berque), Albin Michel, 2002. - J. Berque, Relire le Coran, Albin Michel, 2000.  - Mourad Faher et Bruno Etienne, Introduction à la lecture du coran, le contexte et l'histoire des versets, Publisud, 1998. - Le Coran, Flammarion (GF), 1993. - André Chouraqui, Le Coran, Robert Laffont, 1990.
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