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L'histoire
des mathématiques chinoises est riche et remonte à des millénaires.
Les contacts très anciens des Chinois avec les Grecs, et ceux, plus étroits
et continus avec les Indiens, permettent de penser que l'influence des
mathématiques chinoises sur les Grecs a pu exister, et qu'elle a pu jouer
un rôle notable sur l'évolution des mathématiques
indiennes. Quoi qu'il en soit, Ã partir du XVe
siècle, les influences extérieures, à commencer par celle de l'Occident,
ont joué massivement dans le sens contraire, et les mathématiques chinoises
ont fini par perdre leur caractère propre.
Parmi les plus anciens
ouvrages connus on remarque le Zhoubi Suanjing (周髀算ç») compilé
à l'époque des Royaumes combattants
(475-221 av. JC) qui contient des connaissances sur la géométrie et l'astronomie,
incluant des méthodes pour calculer des distances astronomiques. Il contient
en particulier des méthodes de calcul basées sur la mesure de l'ombre
d'un gnomon (instrument utilisé pour déterminer la hauteur du soleil).
Autre ouvrage, le
Livre
des Mutations
(易ç», YìjÄ«ng), un texte classique. Bien qu'ésotérique, celui-ci
utilise des concepts de numérologie et de symétrie qui influenceront
la pensée mathématique chinoise. On y manipule, avec les trigrammes,
la notion de permutation (Analyse
combinatoire), mais sans la théoriser explicitement; on y trouve aussi
une forme de numération binaire (sur la base du yin
et du yang), mais qui est également très implicite.
Dynastie Han (206
av. JC - 220 ap. JC)
Sous la dynastie Han
(206 av. JC. - 220 ap. JC), les mathématiques ont connu des développements
notables. Les textes et méthodes de cette période ont été étudiés
et commentés par les générations suivantes de mathématiciens chinois.
L'approche pragmatique et appliquée des mathématiques a permis de résoudre
des problèmes concrets tout en développant des concepts théoriques sophistiqués.
A cette époque,
les mathématiciens chinois utilisaient des bâtons de comptage pour représenter
les nombres et effectuer des calculs arithmétiques. Cette méthode a permis
de résoudre des problèmes complexes de manière pratique et efficace.
Les mathématiques
étaient largement utilisées pour optimiser l'irrigation, la distribution
des terres et la planification des cultures. Elles étaient appliquées
à la construction de structures, de canaux et de routes. On recourait
à des calculs complexes pour les échanges commerciaux (poids, mesures
et conversions monétaires).
Les
Neuf chapitres.
Les Neuf Chapitres
sur l'art mathématique (ä¹ç« 算术, JiÇ”zhÄng Suà nshù)
est l'un des textes les plus influents de l'histoire des mathématiques
chinoises. Il a été compilé progressivement entre le IIIe
siècle av. JC et le Ier siècle ap. JC.
Contenu :
• 1 :
Fangtian
(方田, Mesure des champs). - Introduction aux opérations
arithmétiques de base : addition, soustraction, multiplication et division.
Méthodes pour résoudre des problèmes impliquant des opérations arithmétiques
: problèmes de division de terrains, de distribution équitable de ressources,
etc. Calcul des aires de différentes formes géométriques, principalement
pour l'agriculture.
• 2 : Sumi
(粟米, Grain et céréales). - Problèmes d'arithmétique liés
à l'agriculture et au commerce. Calculs de surface et de volume pour des
formes géométriques simples telles que des rectangles, des cercles, des
triangles, des parallélépipèdes, etc. Méthodes pour résoudre des problèmes
pratiques impliquant des mesures de terrain, de construction, de stockage,
etc.
• 3 : Cuihao
(衰耗, Déchets et pertes). - Problèmes de proportions et de
mélanges.
• 4 : Shaoguang
(少广, Petit et grand). - Calculs de volumes et de proportions.
Calculs des volumes des prismes, des cylindres et des pyramides
• 5 : Shangong
(商功, Travaux de construction). - Problèmes d'ingénierie, incluant
les volumes de divers solides.
• 6 : Junshu
(å‡è¾“, Répartition égale). - Distribution équitable de ressources
et de travaux.
• 7 : Ying Buzu
(盈ä¸è¶³, Excès et déficits). - Méthodes pour résoudre les
équations linéaires à une ou plusieurs inconnues. Méthodes pour trouver
des solutions aux problèmes impliquant des équations linéaires, souvent
en utilisant des techniques d'équivalence, d'élimination ou de substitution.
• 8 : Fangcheng
(方程, Équations). - Résolution de systèmes d'équations linéaires.
Des méthodes sophistiquées sont proposées, préfigurant des techniques
modernes telles que celle par élimination de Gauss.
• 9 : Gougu
(勾股, Le théorème de Gougu). - Problèmes de géométrie. Le
théorème de Gougu, qui est l'équivalent du théorème de Pythagore,
y est étudié au travers de ses applications.
Liu
Hui.
Liu Hui (刘徽)
est un mathématicien du IIIe siècle de
l'ère commune. Il est l'auteur d'un commentaire détaillé des Neuf
Chapitres. Il a amélioré et clarifié de nombreuses méthodes présentées
dans les Neuf Chapitres et a proposé des méthodes plus rigoureuses
et précises pour résoudre divers problèmes. Il propose notamment
une approche pour calculer le volume de solides, et on lui doit en outre
une approximation de π. Il utilise pour cela une méthode basée sur les
polygones inscrits et circonscrits. A partir de l'étude d'un polygone
à 172 côtés il aboutit à une approximation de égale
à 3,14159. (Un peu plus tard, Zhu Chongzhi
(429-500) parviendra pour sa part à l'encadrement 3,1415926 <
<3,1415927).
Le
Classique de l'acupuncture et de la moxibustion.
Bien que principalement
médical, le Classique de l'acupuncture et de la moxibustion (é'ˆç¸ç”²ä¹™ç»,
Zhēn
JiÇ” JiÇŽ YÇ JÄ«ng) contient des concepts mathématiques utilisés
pour les diagnostics et le traitement. Il utilise notamment des notions
de symétrie.
Dynasties Sui et Tang
(581-907)
Sous les dynasties Sui
(581-618) et Tang (618-907), les mathématiciens
ont continué à développer des méthodes géométriques avancées pour
résoudre des problèmes pratiques en agriculture, construction et ingénierie.
Les calculs de volumes et de surfaces ont été affinés, avec des applications
concrètes dans la construction de structures et d'infrastructures. Les
méthodes pour résoudre des systèmes d'équations linéaires ont été
perfectionnées. On note aussi pendant cette période l'influence sur les
mathématiques chinoises de concepts philosophiques bouddhistes et taoïstes,qui
intègrent des idées de symétrie, d'harmonie et de proportion. Cette
fusion de philosophie et de mathématiques a enrichi la compréhension
et l'application des concepts mathématiques. Des avancées notables sont
dues des travaux originaux de plusieurs mathématiciens :
Sunzi.
Le Sunzi Suanjing
(å™åç®—ç»), attribué à Sunzi, a été compilé pendant la dynastie
Wei du Nord (386-534). Il inclut des méthodes arithmétiques pratiques,
comme la multiplication et la division, et la méthode de résolution des
restes, qui est un précurseur du théorème chinois des restes. Ce théorème
permet de résoudre des systèmes de congruences linéaires. Il est une
des contributions importantes de Sunzi.
Wang
Xiaotong.
Wang Xiaotong
(王å通) est l'auteur du Jigu Suanjing (Continuation des classiques
mathématiques). Il résout des équations cubiques de la forme x3+px2+qx=N,
marquant une avancée significative dans l'algèbre. Ses travaux
concernent ar ailleurs des solutions pour divers problèmes pratiques
et théoriques.
Li
Chunfen.
Li Chunfeng
(æŽæ·³é£Ž), mathématicien et astronome, est connu pour ses contributions
à la révision des classiques mathématiques. Il a édité et commenté
plusieurs textes mathématiques classiques, et a ainsi contribué Ã
leur
préservation et à leur diffusion. Son travail en astronomie a influencé
les calculs calendaires et les prédictions astronomiques.
Dynasties Song et Yuan
(960-1368)
Les dynasties Song
(960-1279) et Yuan (1271-1368) représentent une
période particulièrement florissante pour les mathématiques en Chine.
Cette époque est marquée par des avancées majeures en algèbre, géométrie
et théorie des nombres, avec des contributions significatives de mathématiciens
célèbres tels que Qin Jiushao, Yang Hui et Zhu Shijie.
Jia
Xian.
Jia Xian (贾宪)
a été actif au XIe siècle et a écrit
sur les développements algébriques et les méthodes de calcul. Il a développé
en particulier des méthodes pour extraire les racines carrées et cubiques,
dont des mathématiciens ultérieurs comme Yang Hui sauront tirer profit.
Qin
Jiushao.
Qin Jiushao (秦ä¹éŸ¶)
est un mathématicien du XIIIe siècle.
Il est l'auteur du Shushu Jiuzhang ( 数书ä¹ç« , Mathématiques
en neuf chapitres) où il formalise l'utilisation théorème chinois
des restes, permettant de résoudre des systèmes de congruences linéaires.
Il a développ aussi des techniques pour résoudre des équations polynomiales
de degré élevé et Qin traite de méthodes pour calculer les aires de
figures complexes et les volumes de solides.
Yang
Hui.
Yang Hui (æ¨è¾‰),
actif lui aussi au XIIIe siècle, se signale
par ses travaux en géométrie et pour la publication de plusieurs ouvrages
mathématiques. On lui doit le triangle de Yang Hui, connu en Occident
sous le nom de triangle de Pascal (un tableau triangulaire qui représente
les coefficients binomiaux). Yang Hui a aussi travaillé sur des arrangements
de nombres en carrés magiques. Il a également utilisé des diagrammes
pour illustrer des problèmes géométriques et arithmétiques, facilitant
la compréhension et l'enseignement des mathématiques.
Zhu
Shijie.
Zhu
Shijie (朱世æ°, ca. 1280-1303) est l'un des plus grands mathématiciens
de la dynastie Yuan. Il est, connu pour son Suanxue Qimeng (ç®—å¦å¯è'™,
Introduction
aux mathématiques) et son Siyuan Yujian (四元玉鉴,
Le
miroir précieux des quatre éléments). Cet ouvrage contient un triangle
de Yang Hui, mais où cette fois les coefficients du binôme sont disposés
jusqu'à la puissance 8. Une méthode
de résolution d'équations (jusqu'au 14e
degré) est également présentée. Elle est équivalente, mais antérieure
de cinq siècles, à celle que proposera
Horner.
Zhu a développé en outre diverses méthodes pour résoudre des systèmes
d'équations polynomiales à plusieurs variables, anticipant des concepts
de l'algèbre moderne. Il s'est aussi intéressé aux carrés magiques
et aux polyèdres, ainsi qu'à des applications pratiques de ces concepts.
Li
Zhi.
Egalement connu
sous le nom de Li Ye, Li Zhi (æŽæ²») a travaillé sur les équations
et les méthodes géométriques. Son Ceyuan Haijing (测圆海镜,
Le miroir de la mer des mesures circulaires) contient des solutions
géométriques pour des problèmes complexes. On y trouve en particulier
une méthode pour résoudre des équations polynomiales en introduisant
des variables inconnues (méthode de Tianyuan), ce qui est une avancée
significative en algèbre. Ses travaux concernent aussi la recherche des
solutions géométriques pour divers problèmes mathématiques et pratiques.
Dynastie Ming (1368-1644)
Sous la dynastie Ming
(1368-1644), les mathématiques chinoises se sont consolidées et standardisées
à défaut d'avoir connu de grandes avancées. Les mathématiciens de cette
époque ont travaillé à compiler et commenter les oeuvres précédentes.
Ils ont aussi commencé à intéger certaines influences étrangères,
notamment via les jésuites, à l'image de Matteo Ricci et Adam Schall
von Bell, qui introduisent les concepts de géométrie euclidienne et d'algèbre
européenne. Xu Guangqi, collaborateur de Ricci, joue un rôle crucial
dans la diffusion des mathématiques occidentales en Chine.
Cheng
Dawei.
Cheng Dawei (程大ä½,
1533-1606) est l'auteur d'un manuel mathématique intitulé Suanfa Tongzong
(算法統宗, Compendium des méthodes de calcul), qui est une
compilation exhaustive des techniques mathématiques chinoises, couvrant
des sujets appartenant aussi bien à l'arithmétique, qu'à l'algèbre
ou à la géométrie. L'ouvrage a été largement utilisé comme manuel
d'enseignement.
Zhu
Zaiyu.
Zhu Zaiyu (æœ±è½½å ‰,
1536-1611), également connu pour ses contributions en musique, a éa appliqué
des principes mathématiques pour améliorer la théorie musicale, notamment
en développant une division précise de l'octave en 12 intervalles égaux.
Zhu a, par ailleurs, utilisé des méthodes numériques pour calculer les
racines carrées et cubiques, anticipant des techniques modernes d'analyse
numérique.
Les
Jésuites et l'influence occidentale.
Les Jésuites ont
dédaigné les avancées des mathématiques chinoises et se sont attachés
à introduire en Chine les seules mathématiques qui valaient à leurs
yeux, celles développées en Occident. Matteo Ricci (利玛窦), un missionnaire
jésuite, a pu ainsi compter sur l'aide de Xu Guangqi (å¾å…‰å¯,
1562-1633), un érudit chinois, pour introduire des concepts mathématiques
occidentaux en Chine. Le Jihe Yuanben, traduction
des Éléments
d'Euclide a introduit la géométrie euclidienne en Chine, et
apporté une nouvelle perspective aux mathématiques chinoises traditionnelles.
Dynastie Qing (1644-1912)
Sous la dynastie Qing
(1644-1912), les mathématiques chinoises ont connu des développements
significatifs marqués par des échanges culturels avec l'Occident et une
renaissance des études mathématiques classiques. Cette période est caractérisée
par des efforts pour lier les mathématiques occidentales et chinoises,
ainsi que par des contributions importantes de plusieurs mathématiciens
éminents.
Mei
Wending.
Mei Wending (梅文鼎,
1633-1721) a travaillé à la fois sur les mathématiques classiques chinoises
et sur l'intégration de concepts occidentaux. Il a édité et commenté
de nombreux textes mathématiques classiques chinois, contribuant à leur
préservation et à leur diffusion. Il a également amélioré les techniques
de calcul et a travaillé sur des méthodes numériques avancées pour
résoudre des problèmes arithmétiques et algébriques. Enfin, il a appliqué
ses connaissances mathématiques à l'astronomie et à la révision des
calendriers.
Dai
Zhen.
Dai Zhen (戴震,
1724-1777) est un érudit polyvalent dont les travaux en mathématiques
ont apporté des contributions importantes à la géométrie et à l'arithmétique.
Il a travaillé sur des méthodes pour calculer les aires et les volumes
de formes géométriques complexes et a également abordé la théorie
des nombres, au travers des questions de congruence et de factorisation.
Li
Shanlan.
Li Shanlan
(æŽå–„å…°, 1811-1882) a accompli des efforts de synthèse entre les mathématiques
chinoises et occidentales. Il a collaboré avec les missionnaires occidentaux
pour traduire des œuvres mathématiques occidentales. Mais il a aussi
travaillé sur les séries infinies et a abordé des concepts de calcul
différentiel, utilisant des idées occidentales dans le cadre mathématique
chinois.
Période moderne (depuis
1900)
Au XXe
siècle et jusqu'à aujourd'hui, les mathématiques chinoises ont connu
une croissance exponentielle, passant d'une période de redressement après
des années de troubles politiques dans la première moitié du XXe
siècle, à une position de leadership mondial.
Fondée en 1949,
l'Académie chinoise des sciences a joué un rôle crucial dans le développement
des mathématiques en Chine en fournissant un environnement propice Ã
la recherche et à l'enseignement. Plusieurs instituts de recherche en
mathématiques ont été créés à travers le pays, offrant des opportunités
de recherche et de collaboration pour les mathématiciens chinois. Ceux-ci
ont contribué à la résolution de problèmes classiques en théorie des
nombres en développant de nouvelles méthodes algébriques et géométriques.
Ils ont apporté des contributions significatives à la géométrie algébrique,
en développant de nouvelles théories et en résolvant des conjectures
célèbres.
Parmi les mathématiciens
chinois qui ont fait des contributions significatives au niveau international,
on relève, par exemple, les noms de Hua Luogeng et de Chen Jingrun.
Hua Luogeng (1910-1985)
est onsidéré comme le père des mathématiques modernes en Chine, il
a apporté des contributions majeures à la théorie des nombres, à l'analyse
fonctionnelle et à la géométrie. Chen Jingrun (1933-1996) est connu
pour sa part pour son travail sur la conjecture de Goldbach. Il a fait
des avancées importantes en théorie des nombres.
Les chercheurs chinois
contemporains se sont également intéressés aux systèmes dynamiques
complexes, étudiant les propriétés de la dynamique non linéaire et
du chaos. Ils ont contribué à développer des techniques d'analyse avancées,
notamment en analyse fonctionnelle et en théorie des opérateurs.
La Chine a mis en
place un système d'éducation en mathématiques de haute qualité, produisant
un grand nombre de diplômés en mathématiques chaque année. Les
étudiants chinois ont remporté de nombreux prix dans des compétitions
mathématiques internationales. Plusieurs mathématiciens chinois ont remporté
la Médaille Fields, l'une des plus hautes distinctions en mathématiques,
démontrant le niveau élevé de recherche mathématique en Chine. |
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