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La plupart des
animaux sont organisés pour exécuter
des mouvements de translation d'un point à un autre. Ces mouvements
de translation constituent la locomotion; on conçoit quelles
diversités profondes on rencontre dans le règne animal quand
on étudie les différents modes de locomotion. Chez les organismes
les plus simples, le mouvement da corps ne se manifeste que par des changements
graduels de forme. L'amibe émet un prolongement qui, se fixant par
son extrémité, attire graduellement le corps vers le point
où il est attaché. A un degré de complexité
supérieure, les cellules se différencient et des organes
destinés spécialement aux mouvements apparaissent. Les plus
simples sont les cils vibratiles, quelquefois recouvrant toute la surface
du corps comme chez les Turbellariées, d'autres fois groupés
systématiquement comme chez les Rotifères.
Chez les Métazoaires, les principaux
organes de la locomotion sont les muscles, organes
composés de fibres charnues contractiles et qui forment ce qu'on
nomme la chair; ils peuvent être associés
ou non à des organes spécialisées (pattes,
nageoires,
ailes, etc.) Ces muscles sont placés entre
les organes de la nutrition et la
peau, s'attachent
par leurs extrémités à des points distincts du corps,
des points d'appui sur des pièces plus ou moins fixes on tout au
moins plus on moins véritables : couche tégumentaire; anneaux
chitineux; squelette cartilagineux ou osseux externe ou interne. Et lorsqu'ils
se raccourcissent ou se contractent sous l'empire de la volonté,
les muscles rapprochent un de leurs points d'attache de l'autre, de manière
à produire un mouvement volontaire. La complication du système
musculaire est en connexion étroite avec le développement
des organes de soutien, tous deux constituant un appareil unique de mouvement
dans lequel le squelette ne joue qu'un rôle passif (Gegenbaur).
L'étude exacte des mouvements du
corps remonte aux travaux de Marey surtout, grâce aux perfectionnements
apportés par ce chercheur de la fin du XIXe
s. aux méthodes graphiques et photographiques, qui ont permis d'avoir
des données précises sur toute la locomotion.
Les appareils enregistreurs de Marey consistaient
en une chaussure exploratrice qui servait à enregistrer la pression
du talon et de la pointe du pied sur le sol, au moyen de deux chambres
à air qu'on faisait communiquer avec un tambour inscripteur; un
explorateur des excursions verticales, un tambour à levier, horizontal,
dont le levier portait une petite masse de plomb : quand le corps s'élevait,
la masse tendait, par son inertie, à résister, et à
peser plus sur le tambour, et le contraire avait lieu quand le corps s'abaisse
brusquement : un tambour enregistreur communiquait avec cet explorateur
et enfin les indications de ces deux instruments s'inscrivaeint sur un
cylindre enregistreur portatif, que le coureur ou marcheur portait à
la main ou sur un odographe, autre appareil enregistreur. Enfin, pour photographier
l'homme dans les différentes attitudes de la course ou de la marche,
etc., Marey a eu recours d'abord à un fusil photographique pouvant
prendre douze images par seconde, puis il s'est servi d'un procédé
différent consistant à prendre, sur une même plaque,
la photographie d'un marcheur ou d'un coureur, à intervalles connus
(50, 70 ou plus par seconde), en simplifiant la photographie pour que celle-ci
ne soit pas confuse, par exemple en habillant le coureur de blanc du côté
opposé à l'objectif et de noir de l'autre côté,
ou, mieux encore, en l'habillant tout en noir et ne photographiant que
des raies blanches tracées sur le bras et la jambe.
En perfectionnant toujours la méthode
chromophotographique, Marey a pu étendre cette étude à
tous les mouvevements des organismes vivants, prendre ainsi les transformations
successives par lesquelles passent : un corpuscule blanc du sang quand
il traverse la paroi d'un vaisseau dans le phénomène de la
diapédèse, une étoile de mer se retournant quand on
l'a mise sur la face dorsale, un oiseau au vol, ou un cheval au galop.
Au nom de Marey, il est juste d'ajouter celui de Muybridge qui a tant fait
pour la chromophotographie. Nous résumerons simplement les données
acquises sur la marche de l'humain.
Le pied pose sur le sol d'abord par le
talon, et c'est par la pointe qu'il le quitte : le temps qui s'écoule
entre le moment ou le talon pose sur le sol et celui où la pointe
le quitte (après le talon) s'appelle une foulée ou un temps
d'appui, et Carlet a bien montré que la pression du pied qui se
pose sur le sol est plus forte (de 20 kg au plus) que celle du pied durant
la station. Marey a constaté que le pas est plus long quand le tronc
s'abaisse plus et pour les jambes longues : pour faire un grand pas, il
faut en effet abaisser le tronc; en même temps l'appui de la pointe
augmente d'intensité; elle presse plus fort sur le sol. Comme l'avait
dit Weber, le pas est d'autant plus long que la vitesse est plus grande
: tous deux croissent et diminuent en même temps. Par contre, la
durée est en raison inverse de la longueur et de la vitesse : aussi
la durée des pas diminue à mesure que s'accroît la
vitesse; mais en aucun cas un pied ne se détache du sol avant que
l'autre s'y soit posé.
En examinant ce qui se passe du côté
des jambes, on constate que la jambe active (celle qui est en avant) se
redresse peu à peu de façon à devenir droite, tandis
que l'autre, étendue en arrière, allongée, touche
le sol par la pointe étendue et pousse le corps en avant, se détache,
oscille en avant en se fléchissant, puis s'allonge de nouveau et
aborde le sol par le talon sur lequel elle tombe. Mais ce mouvement est
uniforme pendant sa durée : il n'a pas le caractère d'une
oscillation de pendule, comme le croyait Weber; ce n'est pas un acte purement
passif; il est d'autant plus actif que la marche est plus rapide, et chacun
peut s'en assurer en se livrant au pas accéléré :
s'il n'y est pas accoutumé, il ressentira une fatigue spéciale
de la cuisse due au travail plus considérable des muscles qui fléchissent
celle-ci sur le bassin. Pendant la course, les phénomènes
sont similaires, avec cette différence qu'il y a un temps durant
lequel le corps ne touche plus le soI, grâce au saut exécuté
sous l'influence d'une poussée plus forte de la jambe d'arrière
qui est aussitôt après tirée avec force en avant pour
recevoir le poids du corps au pas suivant.
En étudiant la locomotion aquatique,
Marey a montré que tous les genres de propulseurs que l'humain croyait
avoir imaginé pour naviguer : voiles, rames, godilles, se trouvent
à un haut degré de perfectionnement dans les organes locomoteurs
des animaux aquatiques, et si l'hélice en tant que mouvement rotatif
ne s'observe pas dans la nature, du moins y trouve-t-on certains mouvements
ondulatoires du corps et de la queue des poissons qui, au point de vue
de leur fonction, ont certaines analogies avec l'action de l'hélice.
(P.
Langlois). |
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