Picard | Lorsqu'on veut déterminer exactement la différence de longitude qu'il y a entre les méridiens de deux lieux éloignés, tels que Paris et Uraniborg, il est nécessaire en cette occasion, que le ciel fournisse à deux observateurs quelque spectacle subit qui leur serve comme de signal, au moment duquel chacun d'eux remarque précisément l'heure du lieu où il est : ce qui se doit entendre ou de l'heure du Soleil, ou bien de celle de quelque étoile fixe dont on serait convenu. On se servait ordinairement pour la découverte des longitudes des éclipses de Lune, se contentant d'en marquer la fin ou le commencement : mais il est si facile de s'y tromper, que souvent des observation faites dans une même ville, ont paru comme si elles avaient été faites sous des méridiens fort différents; cette difficulté à bien déterminer le commencement ou la fin d'une éclipse de Lune, venant de ce que l'ombre de la Terre est investie d'une pénombre, qu'il n'est pas aisé de distinguer de la véritable ombre, à cause que les changements se font par des degrés presque insensibles. | |
| Il est vrai que si au lieu de se contenter de marquer le commencement ou la fin d'une éclipse de Lune, on observe la passage successif de l'ombre par diverses taches de la lune, l'on viendra par ce moyen à quelque sorte de précision, non seulement à cause de la multitude des observations qui se peuvent faire durant une même éclipse, mais encore parce que l'oeil discerne mieux alors l'ombre de la pénombre, les voyant en même temps, que lorsqu'il ne les voit que successivement, et l'une après l'autre. | |
| Mais outre que les éclipses de Lune ne sont pas si fréquentes, il n'y a rien de plus commode et de plus précis pour la découverte des longitudes sur Terre, que les observations du premier satellite [Io] de Jupiter, soit lorsque ce satellite s'éclipse (Eclipses, Occultations, passages) en se plongeant dans l'ombre de Jupiter soit lorsqu'il en sort, et qu'il commence à recouvrer sa clarté, parce que cela se fait à notre égard si subitement, que dans un temps serein, avec une lunette de 14 à 20 pieds, on peut s'assurer de la bonté d'une observation, à peu de secondes près; joint que par le moyen des Tables que M. Cassini a données, on peut facilement prévoir les observations qui sont à faire, et s'y tenir prêt. Nous appellerons immersion, l'entrée ou extinction d'un satellite dans l'ombre de Jupiter, et émersion, sa sortie de l'ombre. On sait que depuis que Jupiter est sorti des rayons du Soleil jusque à son opposition , on peut voir les immersions du premier satellite dans l'ombre, mais non les émersions, parce qu'elles se font derrière le corps de Jupiter; et qu'au contraire, après l'opposition de Jupiter, on peut voir les émersions ou sorties de l'ombre. J'avais, comme j'ai déjà dit, deux grandes lunettes, l'une de 14 pieds et l'autre de 18. M. Cassini en avait aussi une de 18, et nous avions expérimenté ensemble à Paris, observant tous deux une immersion, lui avec sa lunette de 18 pieds qui était excellente, et moi avec la mienne de 14 qu'il n'avait sur moi aucun avantage sensible, quoique sa lunette fut plus longue que la mienne. | |