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Les îles Anglo-Normandes
Histoire et organisation politique
Les îles Anglo-Normandes sont un groupe d'îles situées dans la Manche, à l'Ouest du Cotentin, dont les principales sont Jersey, Guernesey,  Alderney (Aurigny), Serk et Herm (ces trois dernières appartenant au bailliage de Guernesey ). Elles appartiennent à la couronne d'Angleterre, mais elles jouissent d'une grande indépendance, attendu qu'elles ont un gouvernement et un corps législatif particulier, ainsi que des lois et des institutions administratives spéciales. Elles appartiennent à l'Union Européenne au titre de territoire du Royaume-Uni.

Histoire.
Les îles Anglo-Normandes sont connues depuis la conquête romaine de la Gaule, et les monuments mégalithiques, appelés Poquelayes par les insulaires, y abondent. César vint de Coutances à Jersey dont le nom d'Augia fut changé en celui de Caesarea. Au VIe siècle, Childebert enleva les îles à un chef saxon et les donna à l'évêque de Dol, saint Sampson, qui les évangélisa. Son oeuvre fut continuée par son successeur, saint Magloire, lequel fonda un monastère à Sercq (568) et termina sa vie à Jersey où il fut enterré. Prétextat, évêque de Rouen, y fut exilé de 577 à 587. 

Le chef viking, Hastings, dévasta l'archipel en 856. Il fut implicitement englobé dans la concession faite à Rollon et suivit les destinées du duché de Normandie auquel il fut annexé en 933, sous le duc Guillaume. Jersey fut alors divisé en quatre fiefs principaux ou de haubert, eux-mêmes fort subdivisés. Quand Philippe-Auguste se saisit de la Normandie, les îles restèrent au roi Jean qui, prétendirent plus tard les habitants, leur donna une charte. Son authenticité est peu probable. Edouard Ier leur garantit leurs privilèges (1279). Edouard III les confrma en 1341. Une descente française fut tentée en 1343. En 1368, Guernesey fut occupé par des mercenaires espagnols de Charles V, et Du Guesclin assiégea vainement le château de Gorey, chef-lieu de Jersey, qui reçut ensuite le nom de Montorgueil. En 1380, le pape' Pie IX promulgua une bulle lançant l'anathème contre quiconque molesterait les îles (anglo-)normandes. Cette bulle fut enregistrée en Angleterre (1384) et en France (1386) et garantit pour trois siècles une quasi-neutralité. 

En 1460, durant la guerre des Deux Roses, Marguerite d'Anjou s'entendit avec le sénéchal de Normandie pour céder à Maulevrier les îles Anglo-Normandes, en échange d'un secours pour Henri VI. Une descente eut lieu dans l'île de Jersey. Montorgueil fut enlevé par escalade; Maulevrier, nommé gouverneur de l'île, y organisa des états, sur le modèle français, chacune des douze paroisses y déléguait son recteur ou curé (clergé), un connétable (tiers état); la noblesse élisait douze jurés. Mais, dès 1463, Philippe de Carteret, seigneur de Saint-Ouen, qui avait résisté à l'Ouest de l'île, réussit avec l'aide de l'amiral Harliston à reprendre Montorgueil. Jersey fut alors, malgré la charte de 1494 qui restreignit le pouvoir des gouverneurs, tyrannisée jusqu'au règne d'Elisabeth, qui, par crainte d'une attaque française, lui rendit ses Etats, leur laissant l'administration de l'île. 

Des calvinistes français l'avaient gagnée à la Réforme et une discipline religieuse très sévère fut mise en vigueur. L'île de Sercq, où s'étaient installés des corsaires français, fut donnée en fief par la reine à Hélier de Carteret (1563), de la famille duquel la seigneurie passa aux Le Pelley (1738), puis aux Collings (1852). Lors de la révolution d'Angleterre, Guernesey, qui était demeurée calviniste, se déclara pour les parlementaires, tandis que Jersey, où une réaction dans le sens de l'épiscopat anglican avait triomphé en 1619, demeurait fidèle au roi; en 1649, Charles Il y séjourna cinq mois. En 1651, Cromwell envoya une flotte qui bombarda et prit le château de Saint-Pierre-Port, puis Saint-Aubin, Montorgueil et le Fort-Elisabeth (de Saint-Hélier) où sir George Carteret, chef des royalistes, dut se rendre. 

Guillaume d'Orange abolit en 1689 la neutralité de l'archipel. Le 5 janvier 1781, un coup de main tenté de Saint-Malo sur Jersey par le baron de Rullecourt échoua; le fort Régent fut alors construit au-dessus de Saint-Hélier.

Organisation politique. 
Actuellement, les îles Anglo-Normandes forment une entité spéciale directement rattachée à la Couronne. Elle appartiennent au roi ou à la reine d'Angleterre, non pas comme souverains du Royaume-Uni, mais comme ducs de Normandie. En d'autres termes, elles ne sont pas régies par la constitution anglaise, mais par des coutumes séculaires qui, du temps du roi Édouard II, étaient déjà qualifiées d'immémoriales. En 1769, dans des remontrances qui furent écoutées du gouvernement anglais, William Le Marchant exposait en ces termes, d'une grande précision, le régime politique de ces îles : 

« Nous formons un État distinct et séparé de l'Angleterre, quoique sous le même souverain. Nul acte du Parlement n'est considéré ni suivi dans ces îles, quoiqu'elles y soient mentionnées, à moins qu'il ne nous soit transmis avec un ordre du conseil, et même ces actes, ces ordres, quelque respectables qu'ils soient, n'ont point force de loi ici jusqu'à ce qu'ils aient été vérifiés par la cour royale et enregistrés sur nos Records. »
Les îles n'ont pas de représentants au Parlement anglais; elles jouissent de privilèges et d'immunités, reconnus et confirmés à plusieurs reprises par les rois d'Angleterre agissant comme ducs de Normandie, qui leur donnent le moyen de contrôler et, au besoin, de repousser toute loi impériale qui porterait atteinte à leurs franchises traditionnelles. Normalement, le pouvoir législatif est exercé dans les îles Anglo-Normandes par les États de chacune d'elles. Ces lois locales, pour devenir définitives, doivent être confirmées par un ordre de la reine en conseil.

La monnaie est la livre sterling, mais Jersey et Guernesey ont des billets de banque et des pièces de monnaies qui leurs sont propres. L'anglais a supplanté le français comme langue officielle, mais l'ancien dialecte normand parlé dans les îles subsiste aussi marginalement; il dérive de celui du XIIe et du XIIIe siècle; il est plus pur à Sercq.

Le gouvernement de Jersey et celui de Guernesey sont indépendants l'un de l'autre; dans chacun des bailliages, la reine (ou le roi) d'Angleterre est représentée par un lieutenant gouverneur, officier anglais qui commande la garnison, les milices insulaires, siège aux Etats à droite du bailli; il a un droit de veto suspensif. Le bailli, chef civil, est nommé par la reine (ou le roi), parmi les insulaires. 

Le baillage de Jersey.
Les Etats de Jersey, présidés par le bailli, comprennent les 12 jurés justiciers élus à vie par les contribuables, les 12 recteurs anglicans des paroisses nommés par la reine, les 12 connétables (maires) de ces paroisses, élis pour trois ans par les contribuables de chacune; on y a ajouté, depuis 1856, 44 députés élus pour trois ans par les contribuables (3 pour Saint-Hélier, 1 pour chaque autre paroisse). L'île de Jersey se divise en donc paroisses. administrées par leurs assemblées paroissiales que préside le connétable (élu pour trois ans), assisté de centeniers et de vingteniers élus à raison d'un par vingt feux. 

La cour royale de justice est formée des 12 jurés-justiciers présidés par le bailli, assisté du lieutenant-gouverneur. Les affaires criminelles relèvent à Jersey d'un jury de 24 hommes du voisinage; 5 voix suffisent pour l'acquittement.

Le baillage de Guernesey.
Guernesey se divise en dix paroisses. Les « Etats de délibération » se composent de 37 membres : bailli nommé à vie par la reine depuis 1607, de 12 jurés-justiciers, de 8 recteurs de paroisses (les 10 siègent à tour de rôle), du procureur royal, des 6 députés de la ville de Saint-Pierre, de 9 députés des autres paroisses. 

Les jurés-justiciers, qui forment sous la présidence du bailli la cour royale, tribunal civil et criminel sont élus par les Etats d'élection comprenant en tout 224 membres : le bailli, 12 jurés, 10 recteurs, le procureur, 20 connétables, 16 douzeniers du Valle, 68 douzeniers de Saint-Pierre, 96 des huit autres paroisses.

La seigneurie de Sercq, qui relève de Guernesey (de même qu'Aurigny), est partagée entre 40 tenanciers, qui l'administrent dans leur assemblée des « chefs-plaids », présidée par le sénéchal, qui rend la justice au nom du seigneur, sauf appel à la cour de Guernesey. (A.-M. B.).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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