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Variation, n. f. - Modification que l'on fait subir à un thème, à une phrase musicale, pour les présenter sous un aspect différent. L'origine de la variation se trouve dans les compositions du Moyen âge, où, dès l'époque grégorienne, les mélodies liturgiques; mêmes les jubili des versets vocalisés, se présentent sous des formes différentes, suivant la phrase, le mot, qu'elles revêtent, la fête que l'on célèbre, etc. D'autres musicologues en ont cité dans les pièces polyphoniques du premier âge; en tout cas, les messes de Du Fay, au XVe s., offrent le premier emploi d'une forme « cyclique » qui est un des aspects divers de la variation d'un motif, emprunté à un thème préexistant. (Messe). Au XVIe s., la forme du thème varié, en variations successives formant autant de strophes, est cultivée par les maîtres polyphonistes dans la composition du choral, Claude le Jeune, etc. Les instrumentistes s'emparent de ce principe et l'approprient à la mise en valeur de la virtuosité. La variation instrumentale existait donc au XVIe s. W. Byrd écrivit en 1591, pour la virginale, des suites de variations sur des airs alors répandus en Angleterre. Avant lui, l'organiste espagnol Antonio de Cabezon, maître de chapelle de Charles-Quint, mort, en 1566, avait écrit sous le titre de Diferencias plusieurs suites de variations sur des airs que leur titre désignait, et qui furent publiées comme oeuvres posthumes, en 1578. Avant Cabezon, on trouve des variations dans les livres de luth espagnols, notamment dans celui de Valderrabano, 1547. Une oeuvre de l'Allemand Paul Peurl (1611) offre le plus ancien ou l'un des plus anciens exemples de la suite instrumentale construite sur un seul thème, varié de différentes manières. (Voy. au mot Suite). Dans la seconde moitié du XVIIe s. existent à la fois deux styles de variations : les doubles, ou diminutions, qui, comme leur nom l'indique, brodent le thème mot à mot en l'enveloppant de traits et de notes de passage où les valeurs diminuées se précipitent de strophe en strophe. L'exemple le plus connu serait l'air en mi majeur du 1er livre de pièces de clavecin de Haendel (éd. 1720), surnommé The harmonious blacksmith. Les airs avec seconds couplets en diminution, de Michel Lambert, publiés entre 1661 et 1689, représentent le même genre de variation dans la musique vocale française. Cette forme de variation a été exploitée à la fin du XVIIIe s. par une bande d'auteurs sans talent, Gelinek et autres. Elle jouissait alors de la faveur des amateurs, qui y trouvaient des succès faciles. (Sur la variation de la reprise dans l'air avec da Les chanteurs italiens, aux XVIIe et XVIIIe s.; devenaient, par leurs procédés de variations, les suppléants du compositeur. On jugeait de leur talent d'après la fécondité de leur imagination dans le procédé de la variation. « Parmi les Anciens, dit Tosi en 1723, les meilleurs artistes s'engageaient à faire des changements, tous les soirs, non seulement dans tous les airs pathétiques, mais encore dans quelques-uns des allegros des opéras qu'ils chantaient. Si les chanteurs ne connaissaient pas l'art de varier les airs, on ne pourrait jamais apprécier l'étendue de leur intelligence; c'est par la qualité des variations qu'entre deux chanteurs de premier ordre on reconnaît facilement quel est le meilleur. » (Ornement).
Les variations des grands organistes du XVIIe et du XVIIIe s. dépassent souvent de beaucoup la portée des diminutions. Un véritable travail thématique s'y révèle et dévoile toute la puissance créatrice d'un maître. Exemples : Passacaille de Buxtehude pour grand orgue; Passacaille, de J. S. Bach; Chacone pour violon seul de J. S. Bach, dans sa 4e Sonate (ou mieux Partita); les Chorals variés de J.-S. Bach, pour l'orgue, ou pour les voix et l'orchestre. L'Air avec 30 variations du même est appelé souvent Goldberg-Variations, à cause de son élève Joh. G. Goldberg, pour lequel l'oeuvre fut écrite. C'est une des oeuvres les plus remarquables de Bach et de toute la musique polyphonique instrumentale. Les maîtres de la 2e moitié du XVIIIe s. oublient les exemples des grands contrepointistes et font de la variation instrumentale un genre stéréotypé et adapté avant tout aux facultés d'exécution et de compréhension des amateurs. Au lieu de chercher dans le thème des éléments de diversité, lés clavecinistes et autres ne font plus qu'envelopper ce thème de formules ornementales diverses. On revient au système des doubles. C'est ainsi que Haendel, Haydn, Mozart, entendent la variation et que Pleyel, Eckart, Gelinek et autres la réduisent à des formules banales. Sur la fin du XVIIIe s., rien n'est plus à la mode que les airs variés. Comme variations intéressantes, Wyzewa cite celles de Michel Haydn sur un thème de son ballet' Die hochzeit auf der Alm (1770), et celles de Jos. Haydn sur une Arietta en la (1771), 18 variations, tout à fait différentes, par la liberté avec laquelle est traité le thème, de celles que le même Jos. Haydn écrivit ensuite pour tous les instruments. A l'époque moderne, le grand modèle inimitable est constitué par les Trente-trois variations de Beethoven, pour le piano, sur un thème de Diabelli (op. 120, 1823) dont la richesse mélodique, harmonique et rythmique, laisse l'auditeur « confondu ». Parmi les exemples de la musique contemporaine, le 1er morceau de la Sonate pour piano, op. 63, de d'Indy (1907), est construit en variations : introduction, thema, variations 1, 2, 3, 4, et thema mutatum, c'est-à-dire dans un autre ton. Les variations sont traitées à la grande manière de la refonte et du développement de tous les éléments. Le 3e morceau de cette sonate, qui est sur le modèle « cyclique », reprend et varie de nouveau le thème et le fait reparaître en force avant de conclure par un retour aux premiers dessins de l'ouvrage. Il est d'usage presque immuable, et conforme à la logique, d'exposer le thème au début d'un morceau avec variations, et de l'enrichir graduellement. Quelques exemples d'un plan contraire sont remarquables. On doit citer, pour l'époque classique, les variations sur le choral Christ lag in Todesbanden dans la Cantate (pour Pâques) de J.-S. Bach, où le thème nu sert de conclusion. Plus tard, le poème symphonique Istar, de V. d'Indy où le plan, dicté par le texte littéraire, amène à la fin le thème nu peu à peu dépouillé, dans les variations précédentes, de son riche vêtement musical. Les traités modernes de composition désignent sous le nom de « variation amplificatrice » le travail de « développement » que subissent, par exemple, les thèmes d'une sonate, ce que d'autres nomment élaboration, terme inspiré de l'anglais work out. (Michel Brenet). |
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