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Histoire de la musique
La musique en Grande-Bretagne
jusqu'en 1900
Les habitants primitifs ce la Grande-Bretagne avaient un goût prononcé pour la musique : les Bardes, à la fois poètes et musiciens, étaient honorés par les chefs de tribu, et leurs chants, pleins d'impétuosité ou d'une mélancolie sauvage, avaient la puissance d'exciter et d'apaiser la fureur des combats. Quand les Bretons, fuyant l'invasion des Saxons et des Angles, se retirèrent dans le pays de Galles, ils y instituèrent des fêtes musicales annuelles (Eisteddwood); là on fixait les règles de la poésie et de la musique, et on décernait des récompenses aux plus habiles. La tradition s'en est perpétuée jusqu'à la fin du XIIIe siècle, époque où Édouard 1er soumit les Gallois et fit massacrer les Bardes. Toutefois, l'Eisteddwood fut rétabli au temps de Henri VII, puis encouragé par Henri VIII et Élisabeth, et, jusqu'à nos jours, on a fréquemment vu dans le pays de Galles certains chanteurs, groupés autour d'un joueur de harpe, improviser des vers ou chanter des pennills (stances anciennes).

Les Saxons avaient apporté avec eux d'autres chants, dont le caractère contrastait avec la musique des tribus celtiques : leurs airs nationaux se distinguaient par la simplicité et l'énergie. Après la conversion des Anglo-Saxons au christianisme, le chant grégorien fut adopté dans les églises :les moines ouvrirent des écoles pour l'enseignement de la musique ecclésiastique; mais on les accuse d'avoir fait disparaître toutes les chansons profanes des nouveaux convertis, et il n'en reste, en effet, aucun vestige. Telle était alors l'imperfection du système et de la notation musicale, que les études ne duraient pas moins de dix années. Bède le Vénérable (VIIIe siècle), renommé lui-même comme musicien, cite un certain nombre d'ecclésiastiques et de laïques qui cultivaient avec succès l'art musical. L'orgue se propagea en Angleterre plus tôt qu'en France : car St Dunstan (Xe siècle) établit des orgues dans diverses églises, et, selon la tradition, Winchester ont de bonne heure un instrument à 400 tuyaux, et 70 hommes en faisaient jouer les 26 soufflets. Le roi Alfred le Grand  jouait de la harpe avec talent, et fonda, en 886, une chaire: de musique à l'université d'Oxford.

L'invasion normande fut loin d'étouffer ces premiers développements de l'art. A la bataille d'Hastings, le ménestrel Taillefer entonna, en tête de l'armée de Guillaume le Bâtard, la fameuse chanson de Roland. Des ménestrels furent attachés à la cour des rois normands et à la personne des principaux barons; d'autres chanteurs ambulants firent participer le peuple aux jouissances de la musique et de la poésie; les moines et les ecclésiastiques amenés par les Normands s'appliquèrent à la musique sacrée. Thomas, archevêque d'York, construisait des orgues perdant ses loisirs, et adaptait aux prières de l'Église les airs des ménestrels, taudis que St Anselme, à Cantorbéry, composait des chants et des hymnes. Richard Coeur de Lion figure au nombre des poètes-musiciens : s'il y a lieu de révoquer en doute la tradition d'après laquelle le troubadour Blondel aurait découvert, en chantant des poésies composées avec lui, le lieu de sa captivité en Allemagne après la 3e croisade, nous possédons certainement quelques pièces de sa composition. Au XIIIe siècle, un moine d'Evesham, Walter Odington, écrivit un intéressant traité sur la musique de son temps : on y voit que les notes de la gamme étaient désignées par les sept premières lettres de l'alphabet, que la solmisation se pratiquait en Angleterre d'après la méthode de Gui d'Arezzo, et qu'on y connaissait la portée musicale de cinq lignes, la distinction des longues et des brèves dans le plain-chant, la division des modes en authentiques et plagals, et jusqu'à l'emploi de l'appoggiature. Une partie du même traité est consacrée à la musique mesurée, sur laquelle on n'avait rien écrit depuis Francon de Cologne.

Malgré les attaques des écrivains satiriques, qui accusaient les ménestrels d'oisiveté et d'immoralité, malgré les anathèmes dont l'Église les frappa depuis le XIIIe siècle, malgré les statuts royaux par lesquels on dut réprimer les abus et la licence de la ménétrandie, les ménestrels formèrent, jusqu'à la fin du moyen âge, une corporation puissante. Ils avaient un roi, assisté de quatre grands officiers, tous élus annuellement. Un de leurs priviléges était de se présenter, quand bon leur semblait, devant le souverain du royaume. Une Cour des ménestrels faisait des règlements pour la corporation, et exerçait sur ceux qui en étaient membres certains droits de juridiction. On a conservé, de ce temps des ménestrels, quelques chants ecclésiastiques : mais les airs profanes ont péri; le plus ancien que nous possédions fut écrit à l'occasion de la bataille d'Azincourt en 1415. Jusqu'au XIIe siècle, les instruments de musique dont on se servit en Angleterre, furent la harpe, une sorte de violon à cinq cordes le hautbois, la cornemuse, le flageolet, la flûte, la clarinette, la trompette, le tambour de basque, et la cymbale; les oeuvres de Chaucer mentionnent en outre la viole, la vielles, le psaltérion, le luth et la guitare.

On ne connaît pas l'époque précise où les signes actuels de la notation musicale furent introduits en Angleterre : Thomas de Walsingham  (XVe siècle) mentionne cinq signes usités de son temps, la maxime, la longue, la brève, la semi-brève et la minime, et parle de la noire comme d'une invention toute récente. Le plus ancien spécimen de musique imprimée se trouve dans le Polychronicon de Ralph Higden (Westminster, 1495). Il existe deux recueils de musique anglaise écrite au XVe siècle l'un renferme des airs qui ont pour auteurs W. de Pewark, Sheringham, Turges (musicien de Henri VI), Tutor ou Tudor, Banester, Browne, Richard Davy, Cornyshe (musicien de la chapelle de Henri VII), Phelyppes, Fairfax, compositeurs fort peu connus aujourd'hui; l'autre. conservé à l'école de musique d'Oxford, contient des oeuvres de musique religieuse par Taverner, Avery Burton, Kafar, Hugh Ashton, Th. Ashwell, J. Norman, J. Shephard, Tye, etc. Henri VIII composa quelques pièces sacrées et profanes, qui attestent une certaine instruction dans le contre-point (V. lesAppendices de l'Histoire de Henri VIII par Audin).

La musique d'église était devenue peu à peu très compliquée et d'une exécution difficile. La Réforme du XVIe siècle la ramena à la plus grande simplicité : les compositions à plusieurs parties disparurent momentanément, ainsi que le chant alterné, et l'on fut mime sur le point de supprimer l'orgue. Dans la réforme liturgique opérée sous Édouard VI, les hymnes à la Vierge et aux saints furent supprimées; on traduisit en anglais les psaumes de David, pour les adapter à l'ancien chant grégorien. Marbeck fut le premier qui arrangea le service divin pour l'Église réformée : ses compositions, publiées en 1550, étaient à une seule voix : il en fut de même des psaumes arrangés par Sternhold et Hopkins. Bird, Parson, W. Mundy, Thomas Tallis, Tomkins, Bevia, Milton (le père du poète), complétèrent l'oeuvre de ces musiciens. 

Quant à la musique profane, elle était presque abandonnée, lorsque Bird publia en 1588, avec accompagnement d'épinette, une collection de madrigaux empruntés à l'Italie : le génie anglais se réveilla, et ce genre de musique fut cultivé avec quelque succès par Weelkes, Kirbye, Wilbye, Morley, Dowland et Bennet. Le luth et la viole étaient alors, avec l'épinette, les principaux instruments de la musique de chambre: les pièces écrites pour ces instruments sont en style fugué, sec et lourd, mais très savant. Bird et Farnaby laissèrent la réputation d'exécutants habiles. Aux repas de la reine Élisabeth, I on exécutait de singuliers concerts avec des trompettes, des timbales, des fifres, .des cornets et des tambours. La cour avait l'usage de recruter ses chanteurs et ses instrumentistes au moven de la presse : elle faisait enlever les enfants qui avaient de la voix et des dispositions musicales. C'est encore au règne d'Élisabeth que remonte l'introduction de la musique dans les représentations dramatiques : les violons se faisaient entendre avant le 1er acte, les cornets avant le 2e, les flûtes avant le 3e, les hautbois avant le 4e, les tambours et les flûtes avant le 5e. Il est peu de drames de Shakespeare où l'on ne trouve quelques morceaux de chant. Pour les mascarades et autres divertissements de la cour et de la noblesse, on écrivit des ouverture, des airs et des entr'actes.

La révolution d'Angleterre fut encore plus fatale que la Réforme à l'art musical : les églises furent dépouillées, la musique sacrée interdite, les orgues détruites, les théâtres fermés. Tout au plus toléra-t-on dans les temples une psalmodie syllabique et uniforme. Après la restauration des Stuarts, on rétablit le service de la chapelle royale; une bande de 24 violons fut attachée à la cour de Charles II, à l'imitation de celle de Louis XIV; on fit venir des facteurs d'orgues étrangers; on institua des concerts publics; enfin un Opéra-Italien s'ouvrit à Londres, au théâtre de Hay-Market, et l'on commença seulement alors à se faire quelque idée de l'art du chant. Henry Purcell, Humphrey, Gibbons se placèrent au premier rang des compositeurs de leur temps; bien loin d'eux venaient John Bull (à qui l'on attribue le God save the King), Pierre Phillips, Blow, Michel Wise, Thomas Tudway, Matthew Locke, Lawes, J. Wilson, Holder, Clarke, Criggton, Tucker, Boyce, etc. (B.).

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Dictionnaire Musiques et danses
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