| Contrepoint, n. m. - Superposition à une partie essentielle de une ou plusieurs autres parties, à la fois indépendantes et parfaitement unies. Le mot s'est formé au temps où, la notation se composant de signes isolés en forme de points, on traçait l'une au-dessus de l'autre des lignes de points, punctum contra punctum. L'origine du contrepont se confond avec celle de l'harmonie, dans les travaux des déchanteurs français des XII-XIIIe s., Léonin, Pérotin, Robert de Sabilon, qui s'essayaient à dresser l'édifice de plusieurs voix simultanées. L'antithèse entre le contrepoint et l'harmonie, l'écriture horizontale du premier et l'écriture verticale de l'autre, n'a pas l'acuité que l'on a prétendu. Les deux branches de la technique, contrepoint, ou conduite des parties, harmonie, ou enchaînement des accords, se sont de tout temps mélangées. En enseignant à juxtaposer les parties contrepointiques, les théoriciens ont pris soin de leur faire produire des accords et des successions d'accords conformes aux goûts de leur époque; les rencontres fortuites du contrepoint ont favorisé les progrès de l'harmonie. Les différences et les coïncidences des deux procédés apparaissent à l'oeil et au raisonnement, dans la notation; pour analyser les accords qui se produisent dans une composition en contrepoint, on en transforme la disposition graphique, on rend momentanément l'écriture « verticale ». C'est justement ce que faisaient les luthistes du XVIe s., lorsque, pressés par les nécessités du doigté de leur instrument, ils transcrivaient en tablature les oeuvres polyphoniques des maîtres du contrepoint vocal, Josquin Després, Lassus, Palestrina, et autres. Cette époque fut celle où l'art du contrepoint atteignit son plein épanouissement. Les types de contrepoints. Libres de la contrainte des barres de mesure et des symétries de la carrure et du plan, les mélodies se développaient, se superposaient, s'entre-croisaient en lignes souples et variées dont les théoriciens formulent, par l'analyse, les diverses conditions. Les traités anciens et modernes distinguent de nombreuses catégories de contrepoints : Le contrepoint simple, ou de première espèce, ou note contre note, dans lequel les parties se superposent en observant exactement les mêmes valeurs de durée. Le contrepoint de deuxième espèce, où la partie ajoutée se meut vis-à-vis du chant ou de la basse donnés en note de moitié de valeur, soit deux blanches contre une ronde, etc. Le contrepoint de troisième espèce, modelé d'après le même principe, à quatre notes contre une. Le contrepoint de quatrième espèce, à deux notes syncopées contre une, ce qui produit un contrepoint de 2e espèce retardé ou suspendu. Le contrepoint de cinquième espèce, ou contrepoint fleuri, qui admet toutes les combinaisons précédentes et les fusionne librement en vue de la variété et de l'élégance de la composition. Les mêmes « espèces » se traitent à trois, à quatre voix et davantage, sous réserve de la correction des harmonies qui peuvent résulter du mouvement des parties. Le contrepoint double est celui où deux parties peuvent échanger leurs places, et, par le transport de la partie grave à l'aigu, de la partie aiguë au grave, opérer le renversement des intervalles. On a beaucoup discuté sur l'époque à laquelle, est apparu, ce procédé, mais la proposition la plus plausible est celle qui en attribué l'origine au mélange des instruments et des voix et au remplacement des voix absentes par les instruments disponibles, dans les exécutions musicales du Moyen âge. Les contrepoints conditionnels. Le fait du renversement produit de cette manière est admis au XIVe s. par le traité de Guillaume le moine. Les musiciens du XVe et du XVIe s. en tirent des effets variés et d'un raffinement extrême. A sa suite apparaissent peu à peu les contrepoints conditionnels, dans lesquels le compositeur se soumet à quelque obligation spéciale. Les théoriciens italiens du XVIIe et du XVIIIe s. en énumèrent de nombreuses variétés : Le contrepoint alla diritta, où les parties ne peuvent procéder que par degrés conjoints; le contrepoint saltando, son contraire, où l'on ne doit employer que des degrés disjoints. Le contrepoint d'un sol passo, ou ostinato, où le même dessin de peu de notes ou de peu de mesures se répète incessamment au-dessus du thème donné. Le contrepoint punctatus, en groupe de notes pointées. Le contrepoint rétrograde, ou cancrizans ( = à l'écrevisse), où le thème se reprend à reculons. Le procédé du miroir, ou renversement en mouvement contraire, se pratique en notant les parties de manière qu'elles puissent se lire dans les deux sens de la page, ce qui se marque par deux-clefs placées aux deux bouts de la partie notée, ou au commencement, l'une des clefs étant posée la tête en bas. Comme les canons énigmatiques, les contrepoints conditionnels étaient des jeux techniques où brillait l'habileté des maîtres et dont la bizarrerie ne pouvait pas plus nuire que profiter au déploiement de leur génie. La réaction que le style d'opéra produisit, au XVIIe s., contre le style contrepointique, n'empêcha pas celui-ci de s'épanouir au XVIIIe, avec Haendel et Bach, et de rester le fondement solide de la symphonie classique. Après Fux, dont le Gradus ad Parnassum (1715) représente les doctrines du contrepoint dans ce qu'elles ont de plus sévère, les principaux auteurs de traités de contrepoint ont été, en Italie, Paolucci (1765); en Allemagne, A.-B. Marx (1837), Bellermann (1862; 4eéd., 1901), Jadassohn (1886; 3e éd., 1896); en France, Fétis (1825) et Cherubini (1835); en Angleterre, E. Prout (1890). (Michel Brenet). | |