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Les mathématiques à la Renaissance
Origine des symboles de l'algèbre
Les principaux symboles utilisés communément en algèbre ont, pour la plupart, été introduits par les mathématiciens de la Renaissance, époque pendant laquelle plusieurs notations alternatives ont été en usage.. 

Les signes de l'addition, de la soustraction et de l'égalité.
Les plus anciens Grecs, les Indiens et Jordanus Nemorarius indiquaient l'addition par une simple juxtaposition. Il faut observer que c'est encore l'usage en arithmétique ou l'on écrit 2 1/2 pour 2 + 1/2 . Les algébristes italiens, quand ils abandonnèrent l'expression de chaque opération par des mots écrits sans abréviation et introduisirent l'algèbre syncopée, indiquèrent généralement plus par sa lettre initiale P ou p, en traçant quelquefois une ligne à travers la lettre pour indiquer qu'il s'agissait d'une contraction ou d'un symbole d'opération et non d'une quantité. Cependant cette ,façon d'opérer n'était pas uniforme : Paciuolo, par exemple, représentait plus parfois par  et d'autre fois par e; Tartaglia employait communément .

La soustraction était indiquée par Diophante au moyen de la lettre  renversée et tronquée. Les mathématiciens indiens la représentaient par un point. Les algébristes italiens, quand ils introduisirent l'algèbre syncopée représentèrent généralement moins par M ou m, en traçant quelquefois une ligne à travers la lettre, mais cette pratique n'était pas uniforme. Paciuolo, par exemple, indiquait quelquefois l'opération par  et d'autres fois par de pour demptus.

En Angleterre et en Allemagne les mathématiciens étaient moins liés par leurs prédécesseurs et par la tradition qu'en Italie, et ils introduisirent dans la notation quelques perfectionnements. Parmi ces modifications, la plus importante fut l'introduction, sinon l'invention, des symboles encore en usage de nos jours, pour l'addition, la soustraction et l'égalité.

Les algébristes allemands et anglais introduisirent le signe + presqu'aussitôt qu'ils firent usage des procédés de l'algorithme, mais ils n'en parlaient que comme d'un signum additorum et l'employèrent seulement pour indiquer l'excès; ils s'en servirent aussi avec une signification spéciale dans les solutions par fa méthode de fausse supposition. Ils introduisirent de la même façon le symbole actuel - qui pour eux était un signum subtractorum. Il est très probable que la barre verticale dans le symbole pour plus fut superposée sur le symbole pour moins afin de les distinguer l'un de l'autre. Il est à noter que Paciuoloet Tartaglia trouvèrent le signe - déjà employé pour représenter indifféremment une division, un rapport ou une proportion. Le signe actuel pour moins était d'un usage général vers l'an 1630 et était alors employé comme symbole d'opération.

Les plus anciens exemples de l'emploi régulier des signes + et -, dont nous ayons connaissance, remontent au XVe siècle. John Widman d'Eger né vers 1460, inscrit à Leipzig en 1480, et probablement exerçant la profession de médecin, écrivit une arithmétique commerciale publiée à Leipzig en 1489 (et imitée d'un ouvrage de Wagner imprimé six ou sept ans auparavant) : dans ce livre ces signes sont employés simplement comme marques signifiant excès ou déficit; l'usage du mot correspondant surplus ou en plus était autrefois général et s'est encore conservé dans le commerce.

Il est à noter que ces signes ne se présentent généralement que dans les questions pratiques du commerce : c'est pourquoi on a supposé qu'ils étaient à  l'origine des marques de magasin, d'entrepôt. Certaines marchandises étaient vendues dans des sortes de caisses en bois appelées lagel, qui, une fois remplies, devaient peser approximativement trois ou quatre centners (1 centner = 50 kg); si l'une de ces caisses pesait un peu moins, si par exemple il manquait à son poids 5 livres pour faire les quatre centners Widman la désignait comme pesant 4c - 5 Ibs ; si au contraire elle dépassait le poids normal de 5 livres, elle était marqué comme pesant 4c + 5 lbs.

Les symboles sont employés comme s'ils étaient familiers à ses lecteurs; et on a quelques raisons de penser que ces marques étaient faites à la craie sur les caisses lorsqu'elles arrivaient dans les magasins. Nous concluons de là que le cas ou la caisse pesait un peu moins que le poids requis était celui qui se présentait le plus généralement, et comme le signe - placé entre deux nombres était un symbole commun pour indiquer une certaine relation entre eux, il semble avoir été pris pour le cas qui se produisait le plus fréquemment, tandis que la barre verticale était originairement une petite marque superposée sur le signe - pour établir une distinction entre les deux cas qui pouvaient se présenter.

On observera que la ligne verticale dans le symbole indiquant l'excédant, imprimé ci-dessus est un peu plus courte que la ligne horizontale. La même chose se remarque chez Stifel et chez tous les anciens écrivains, qui employèrent le symbole : quelques presses continuèrent à les imprimer ainsi sous leurs formes les plus anciennes, jusqu'à la fin du dix-septième siècle. Xylander d'un autre côté, en 1575, fait la barre verticale plus longue que la ligne horizontale et donne au symbole à peu près la forme + .

Une autre hypothèse est que le symbole usité pour plus est dérivé de l'abréviation latine & employée pour et; tandis que celui pour moins provient du trait, qui est souvent employé dans les anciens manuscrits pour indiquer une omission ou qui se place sur un mot écrit en abrégé pour indiquer que certaines lettrés ont été laissées de côté. Cette explication a été souvent présentée a priori, mais elle a trouvé de puissants défenseurs dans les professeurs Zangmeister et Le Paige, qui admettent aussi que l'introduction de ces symboles pour plus et moins peut remonter au XIVe siècle.

Les explications de l'origine de nos symboles pour plus et moins, que nous venons de donner, sont les plus plausibles de toutes celles mises en avant jusqu'ici, mais la question est difficile et on ne peut pas la considérer comme résolue. D'après une autre hypothèse le signe + est une contraction de  la lettre initiale de plus, en vieil allemand, tandis que - est la forme limite de m (pour moins) quand on l'écrit rapidement. De Morgan de son côté a proposé une autre origine : les Indiens indiquaient parfois la soustraction par un point, et ce point peut avoir, pensait-il, été allongé comme un trait de façon à donner le signe pour moins; tandis que l'origine du signe pour plus dérive du premier auquel on a superposé comme il est expliqué ci-dessus, une barre verticale; mais il nous est revenu que récemment il avait abandonné cette théorie, pour ce qui a été appelé « l'explication du magasin ».

Nous pourrions peut-être ajouter ici que jusqu'à la fin du XVIe siècle le signe + reliant deux quantités telles que a et b était également employé dans ce sens, que si a était pris comme réponse à une certaine question, l'une des quantités données se trouvait trop petite de b. C'était là une relation se présentant constamment dans les solutions des questions par la règle de fausse supposition.

Enfin nous répéterons encore que ces signes dans Widman sont seulement des abréviations et non des symboles d'opération, il les considérait comme ayant peu ou pas d'importance et sans nul doute aurait été bien surpris si on lui avait dit que par leur introduction il préparait une révolution dans les procédés de l'algèbre.

L'Algorithmus de Jordanus Nemorarius ne fut pas publié avant 1534, l'ouvrage de Widman était peu connu hors de l'Allemagne, et c'est à Paciuolo qu'il faut attribuer l'introduction de l'usage général de l'algèbre syncopée, c'est-à-dire l'emploi d'abréviations pour certaines quantités algébriques se présentant le plus souvent ou pour certaines opérations, mais en observant néanmoins les règles de la syntaxe.

Viète, Schooten, et d'autres parmi leurs contemporains employaient le signe = écrit entre deux quantités pour indiquer la différence de ces deux quantités; ainsi a = b signifiait pour eux ce que nous représentons aujourd'hui par a - b. D'un autre côté Barrow se servait du signe -: pour le même usage.

Nous ne pouvons dire quand et par qui le symbole courant - fut employé pour la première fois avec la signification actuelle.

Le signe dont ou fait couramment usage aujourd'hui pour représenter l'égalité a été introduit par Robert Recorde en 1557 : Xylander en 1575 se servait de deux lignes parallèles verticales; mais en général jusqu'à l'année 1600, le mot égalité était écrit en toutes lettres et à partir de ce moment jusqu'à Newton, c'est-à-dire jusque vers 1680, il était plus fréquemment représenté par  plutôt que par tout autre symbole. L'un ou l'autre de, ces deux derniers signes était usité comme une contraction des deux premières lettres du mot aequalis.

Le symbole :: pour indiquer une proportion on l'égalité de deux rapports fut introduit par Oughtred en 1631, et l'emploi en fut généralisé par Wallis en 1686. Il n'y a aucune nécessité d'avoir pour représenter l'égalité de deux rapports, un signe différent de celui usité pour indiquer l'égalité de deux autres quantités, et il est préférable de remplacer le signe :: par =.

Les signes de la multiplication et de la division.
Oughtred en 1631 employait le signe × pour indiquer la multiplication : Harriot la même année introduisait dans le même but l'usage du point; Descartes en 1637 se bornait à juxtaposer les facteurs. Nous ne connaissons aucun symbole employé antérieurement. Leibniz en 1686 représentait la multiplication par le signe 

La division était ordinairement indiquée par la méthode arabe, en écrivant les quantités sous la forme d'une fraction avec une ligne séparative, c'est-à-dire de l'une des trois façons a - b, a/b ou . Oughtred en 1631 employait le point pour indiquer soit une division, soit un rapport. Leibniz en 1686 employait le signe .

Le signe : employé pour représenter un rapport se trouve dans les deux dernières pages de l'ouvrage d'Oughtred Canones Sinuum 1657. Nous pensons que le symbole par lequel on désigne quelquefois la division ÷ résulte simplement de la combinaison des symboles - et : pour le rapport; il était employé par Johann Heinrich Rahn à Zurich en 1659, et par John Pell à Londres en 1668. Le symbole  était usité par Barrow et par d'autres auteurs de son temps pour une proportion continue.

Puissances et exposants.
La plus ancienne tentative connue faite pour établir un système de notation symbolique représenter les puissances successives auxquelles on peut élever une certaine quantité appartient à Bombelli qui, en 1572, représentait la quantité inconnue par , son carré par , son cube par  , etc. En 1586, Stevin employait de la même manière ,... etc, et suggéra, bien qu'il n'en fit pas usage, une notation correspondante pour les indices fractionnaires. En 1591, Viète apporta une légère amélioration en représentant les différentes puissances de A par A, A quad, A cub. etc., de telle sorte qu'il pouvait indiquer les puissances de différentes quantités. Harriot en 1631, perfectionna à son tour la notation de Viète en écrivant aa pour a², aaa pour a3, etc., et cette façon d'écrire demeura en usage pendant cinquante ans en concurrence avec la notation par indices. En 1634, P. Herigone, dans son Cursus mathematicus ouvrage publié en cinq volumes à Paris en 1634-1637, écrivait a, a2, a3... pour a, a2, a3...

L'idée d'employer les exposants pour marquer la puissance est due à Descartes, et fut introduite par lui en 1637; mais il ne se servait que d'indices entiers et positifs a1, a² a3, etc. Wallis en 1659 donna la signification des indices négatifs et fractionnaires dans
les expressions telles que a-1, ax2/3, etc ; cette dernière conception avait déjà été présentée par Oresme et peut-être par Stevin. Enfin l'idée d'un indice pouvant prendre toutes les valeurs possibles, tel que n dans l'expression an, est, croyons-nous, due à Newton, et fut introduite par lui à propos du théorème du binôme dans ses lettres à Leibniz écrites en 1676.

Autres symboles.
Le signe > pour est plus grand que et le signe < pour est plus petit que ont été introduits par Harriot en 1631, mais Oughtred avait imaginé simultanément, et dans le même but, les symboles  et; et ces derniers furent fréquemment employés jusqu'au commencement du XVIIIe siècle, en particulier par Barrow. 

Les symboles  (supérieur ou égal) et  (inférieur ou égal) ont été introduits par Pierre Bouguer en 1734.

Le vinculum (surlignement, comme dans ) fut introduit par Viète en 1591 (ou son éditeur  Frans van Schooten in 1646), et les parenthèses furent employées pour la première fois par Girard en 1629. Le symbole  indiquant la racine carré a été introduit par Rudolff en 1526 : Bhaskara et Chuquet avaient déjà employé une notation semblable.

Le symbole  pour l'infini fut employé pour la première fois par Wallis en 1655 dans son Arithmetica Infinitorum; mais ne se rencontre plus de nouveau jusqu'à l'année 1713 où on le trouve dans l'Ars Conjectandi de Jacques Bernoulli. Ce signe avait été employé quelquefois par les Romains pour représenter le nombre 1000 et on a émis cette opinion que c'est de là que vient son usage pour représenter un grand nombre quelconque.

La notation décimale.
L'introduction de la notation décimale pour les fractions est due, semble-t-il à Briggs et peut être mise en rapport avec ses travaux sur les logarithmes. En 1585, Stevin avait employé une notation à peu près semblable, car il écrit un nombre tel que 25,379 sous la forme 25, 3' 7" 9''' ou encore comme il suit 25  3 7 9 ; Neper, en 1617, avait employé la première notation lorsqu'il faisait ses essais pour construire ses réglettes; et Rudolff s'était servi d'une notation à peu près identique. Joost Bürgi employait également les fractions décimales, écrivant 1,414 sous la forme .

Mais les mathématiciens que nous venons de mentionner n'avaient utilisé cette notation que parce qu'elle leur fournissait une façon concise de faire connaître les résultats, ils n'en faisaient pas usage dans les opérations. La même notation se trouve cependant dans les tables publiées par Briggs en 1617 et semblerait avoir été adoptée par lui dans tous ses ouvrages; bien qu'il soit difficile de parler sur ce point avec une certitude absolue, il, ne nous semble pas douteux qu'il employait également cette notation dans la pratique de ses opérations. Dans l'ouvrage posthume de Neper Constructio, publié en 1619, elle est définie et employée d'une façon systématique dans la pratique des calculs, et comme cet ouvrage a été écrit après entente avec Briggs, vers 1615 ou 1616, et a été probablement revu par ce dernier avant sa publication, ceci, nous semble-t-il, vient à l'appui de notre opinion que l'invention en est due à Briggs, qui en aurait fait part à Neper. Dans tous les, cas elle n'a pas été employée sous une forme pratique par Neper en 1617, et si à cette époque il la connaissait, on doit supposer qu'il considérait son emploi en arithmétique courante comme peu avantageux. Avant le XVIe siècle les fractions s'écrivaient communément au moyen de la notation sexagésimale.

Dans l'ouvrage de Neper de 1619 la virgule (ou plutôt le point, préféré par les anglo-saxons) était disposé comme de nos jours, mais Briggs soulignait les chiffres décimaux, et aurait écrit un nombre tel que 25,379 sous la forme de 25379. Des auteurs postérieurs ajoutèrent une autre ligne et écrivirent ainsi 25|379. Ce ne fut que vers le commencement du XVIIIe siècle qu'on employa d'une façon générale la notation usitée de nos jours, et même encore cette notation varie légèrement suivant les pays. La notation décimale devint d'un usage général avec l'introduction du système métrique décimal français.
 
Les termes de la trigonométrie.
La trigonométrie n'emploie qu'un très petit nombre de symboles spéciaux; nous pouvons cependant ajouter a ce paragraphe les quelques lignes qui suivent, contenant tout ce que nous avons pu recueillir sur le sujet. La division sexagésimale des angles nous vient des Babyloniens par l'intermédiaire des Grecs. L'angle usité chez les Babyloniens était l'angle du triangle équilatéral; suivant leur pratique usuelle cet angle était divisé en 60 parties égales ou degrés, un degré était subdivisé en 60 parties égales ou minutes, et ainsi de suite : on a dit que 60 avait été pris comme la base du système afin que le nombre de degrés correspondant à la circonférence d'un cercle fut le même que le nombre de jours de l'année, lequel, d'après les renseignements que l'on possède, était de 360 (tout au moins dans les calendriers).

Le mot sinus fut employé par Regiomontanus et il avait été emprunté aux Arabes : les termes sécante et tangente ont été introduits par Thomas Finck (né au Danemark en 1561 et mort en 1646) dans sa Geometriae Rotundi, Bâle 1583 : le mot cosécante fut (pensons-nous) employé pour la première fois par Rhéticus dans son Opus Palatinum, 1596 : les termes cosinus et cotangente furent employés par E. Gunter dans son Canon Triangulorum, Londres, 1620. Les abréviations sin., tan., sec., furent usités en 1626 par Girard, et celles de cos, et cot, par Oughtred en 1637; mais ces contractions ne devinrent d'un usage général que lorsqu'Euler les eut ré-introduites en 1748. L'idée des fonctions trigonométriques appartient a Jean Bernoulli, et elle fut développée en 1748 par Euler dans son Introductio in Analysin Infinitorum. (WW. Rouse Ball).

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