| Diophante est un mathématicien grec d'Alexandrie, qui vécut à une époque mal déterminée (probablement au IIIe siècle de l'ère chrétienne), en tout cas avant Théon d'Alexandrie qui le cite. D'après une épigramme arithmétique de l'Anthologie grecque, il se serait marié à trente-trois ans, aurait eu, cinq ans après, un fils mort à quarante-deux ans, et auquel il aurait survécu lui-même quatre ans; il serait donc mort à quatre-vingt-quatre ans. Il a laissé un ouvrage intitulé Arithmetika, qui comportait treize livres dont les sept derniers sont perdus, et un livre spécial, des Nombres polygones. Quant à ses Porismes, qu'il cite en trois endroits de ses Arithmétiques, ce devait être, d'après l'opinion qui semble la plus probable, des corollaires ajoutés aux problèmes résolus dans son grand ouvrage, corollaires qui auront été négligés par les copistes. L'oeuvre de Diophante ne nous est en effet parvenue que mutilée, remaniée et interpolée. Connue des Arabes dès le IXe siècle, elle donna naissance à l'algèbre, telle qu'ils la constituèrent; mais aucun écrit arabe n'a apporté quelque lumière sur la partie qui en est perdue. Tous les manuscrits grecs aujourd'hui connus, au nombre d'une vingtaine, dérivent d'un prototype unique et se divisent en deux classes. Le plus ancien manuscrit de la première classe n'est pas antérieur au XIVe siècle ; la seconde dérive d'un exemplaire sur lequel Maxime Planude, au siècle précité, composa un commentaire des deux premiers livres. Avant Maxime Planude, Georges Pachymère (dans son Tétrabiblon) est le seul Byzantin qui se soit occupé de Diophante. Le mathématicien grec fut révélé à la Renaissance par une traduction latine (comprenant le commentaire de Planude) donnée par Xylander (Bâle, 1575) et par l'Algèbre de Bombelli (1572), qui avait emprunté aux manuscrite inédits un très grand nombre de problèmes. Dans les oeuvres de Stevin, on trouve une paraphrase en français des Arithmétiques, due à Albert Girard. Le texte grec fut publié en 1624 par Bachet de Meiziriac avec une nouvelle traduction latine et des commentaires très étendus; ce travail fut réédité en 1670 par Samuel Fermat qui y ajouta les célèbres observations inscrites par son père sur les marges d'un exemplaire du Diophante de Bachet. Il existe enfin deux bonnes traductions allemandes (Schutz, Berlin, 1822, et Wertheim, Leipzig, 1890) et un Diophante anglais de Heath (Cambridge, 1885) où les solutions sont transcrites dans le langage algébrique moderne. Les Arithmétiques sont un recueil en réalité passablement confus de problèmes numériques, qui doivent avoir été, au moins en partie, compilés de sources antérieures remontant jusqu'à l'école de Pythagore. De ces problèmes, les uns sont déterminés (premier degré à plusieurs inconnues et second degré), mais la plupart sont indéterminés (du second degré ou plus), avec la condition que les solutions soient rationnelles. Diophante se contente d'ailleurs d'une solution particulière, souvent obtenue au moyen d'artifices qui ne se prêtent pas à la généralisation; bon nombre de ces problèmes exigeraient, pour être traités complètement suivant les exigences des mathématiques actuelles, des progrès dans la théorie des nombres. Le système des notations se réduit à des abréviations et ne comporte que la représentation d'une seule inconnue, dont les diverses puissances, jusqu'à la sixième, et leurs inverses, ont des symboles spéciaux. Les coefficients sont toujours numériques; l'unité (puissance de l'inconnue) a son abréviation spéciale. Un préambule très succinct explique ces notations et les règles élémentaires du calcul ou plutôt les rappelle à un lecteur qui les connaît déjà. En résumé, l'oeuvre de Diophante n'est nullement originale, mais elle est, à part quelques traces éparses çà et là dans la littérature mathématique des Grecs, le seul document où se trouve conservé un ensemble considérable de recherches dont autrement on eût à peine soupçonné l'existence. De ces recherches, les unes avaient un but immédiatement pratique, que les Arabes ont dégagé par leur algèbre qui ne s'élève d'ailleurs nullement au-dessus du niveau atteint par Diophante; les autres, qui semblent dériver d'un problème déjà abordé par Pythagore - trouver les sommes de deux carrés qui forment elles-mêmes des carrés, - n'ont qu'un intérêt de pure curiosité, tant qu'on ne s'élève pas à des lois générales, ce qui ne fut pas tenté avant Fermat. Les problèmes les plus simples de cet ordre continuèrent encore pendant le Moyen âge à exercer l'ingéniosité des calculateurs, soit chez les Arabes, soit en Occident, à partir de Léonard de Pise (Fibonacci), mais l'ouvrage de Diophante était condamné à être négligé, partant corrompu et mutité, comme il l'a été à une époque où les travaux purement théoriques n'excitaient plus d'intérêt. Dans l'état où il nous est parvenu, il est difficile d'apprécier jusqu'où en réalité les Grecs avaient étendu leurs connaissances dans la théorie des nombres; il est certain qu'en tous cas, si quelques mathématiciens, comme Archimède entre autres, étaient arrivés à des résultats que nous ne pouvons que soupçonner, les connaissances supérieures ne s'étaient pas répandues et Diophante, en particulier, ne paraît nullement les avoir possédées. (P. T.). | |